Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/700/2024 du 17.09.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4317/2023 ATAS/700/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 17 septembre 2024 Chambre 10 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1984, de nationalité française, a travaillé en dernier lieu pour l’entreprise B______ à Genève, à partir du 28 septembre 2020. Elle a été licenciée le 21 septembre 2021 pour le 31 janvier 2022.
b. Selon la base de données Calvin de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM), l’assurée est mariée, mère de deux enfants, et le seul domicile enregistré est situé à la rue C______, D______ (France). L’assurée a obtenu un livret G, les 8 décembre 2005 (valable jusqu’au
7 décembre 2010), 19 juin 2007 (valable jusqu’au 22 mai 2012) et
19 novembre 2020 (valable jusqu’au 27 septembre 2025). Un « séjour professionnel » a été enregistré du 8 décembre 2005 au 1er septembre 2006, du 23 mai 2007 au 8 juillet 2008 et du 28 septembre 2020 au 31 janvier 2022.
c. Le 8 décembre 2022, l’assurée s'est inscrite auprès de l'office régional de placement (ci-après : l’ORP) du canton de Vaud, déclarant être domiciliée au chemin E______, F______.
d. Par courrier du 2 mai 2023, l’ORP du canton de Vaud a indiqué à l’assurée qu’elle devait, compte tenu de son déménagement le jour même à Genève, à la rue G______, 1213 Petit-Lancy, s’annoncer auprès de l’ORP de Genève dans un délai de 7 jours à compter du déménagement.
e. Le 9 mai 2023, l’intéressée s’est inscrite auprès de l’ORP de Genève, indiquant que son adresse se trouvait chez Monsieur H______, à la rue G______.
f. Interrogée par le service juridique de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) sur son déménagement et sa situation entre les 1er et 9 mai 2023, l’assurée lui a notamment transmis, par courriel du 16 juin 2023, un formulaire de l’OCPM signé le 1er mai 2023 et établi au nom de H______, indiquant qu’elle était hébergée, contre paiement, à la rue G______, dans un appartement de
5 pièces.
g. En date du 22 août 2023, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), a soumis le dossier de l’assurée au service juridique de l’OCE afin de déterminer si le droit à l'indemnité pouvait être reconnu, dès lors qu'elle avait un doute quant à la domiciliation de l’intéressée en Suisse. Selon les informations publiées sur le site Calvin, la dernière adresse de l’assurée était à D______, à l’adresse également mentionnée sur ses dernières fiches de salaire et dans la lettre de résiliation de son ancien employeur. En outre, à l’adresse donnée au
Petit-Lancy, vivaient Monsieur I______ et son épouse, Madame J______, et non H______, père de I______. Les décomptes d’indemnité des mois de mai et juin 2023, envoyés à la rue G______, lui avaient été retournés avec la mention que la destinataire était partie, respectivement qu’elle était introuvable à ladite adresse. Les documents transmis par l’ORP de Vaud faisaient état d’une adresse à F______ depuis le 1er octobre 2022 et de la validité d’un permis B jusqu’au 20 mai 2028, alors que le site Calvin indiquait un permis G valable jusqu’au 27 septembre 2025.
La caisse a notamment communiqué les pièces suivantes :
- la lettre de licenciement de l’assurée du 21 septembre 2021, faisant état d’une adresse à D______ ;
- une attestation d'établissement du 25 octobre 2022 de la commune de F______, indiquant que la résidence principale de l’assurée, divorcée, était au chemin E______ à F______ depuis le 1er octobre 2022, en provenance de la France ;
- une déclaration de résidence du 5 décembre 2022 délivrée par le service la population du canton de Vaud, mentionnant que l’assurée avait déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour, en cours de traitement, et que son adresse était au chemin E______ à F______ chez
Monsieur K______ ;
- la confirmation de l’ORP du canton de Vaud avec l’adresse de F______ ;
- une attestation du 24 mai 2023 de l’OCPM indiquant que l’assurée avait, dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour, annoncé pour adresse celle de H______, à la rue G______ ;
- une copie des deux enveloppes envoyées à l’assurée et retournées à la caisse les 13 et 18 juillet 2023, avec les mentions « Parti », respectivement « Le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».
h. Le 22 août 2023, la caisse a informé l’assurée qu’elle avait soumis son dossier au service juridique de l’OCE et que son droit aux indemnités était en l’état suspendu.
i. Le 1er septembre 2023, l’assurée a écrit à la caisse qu’elle avait dû déménager pour des raisons personnelles et qu’elle avait établi sa résidence chez son frère dans le canton de Fribourg, à la rue L______, M______.
j. Dans un courriel du 4 septembre 2023, un enquêteur de l’OCPM a indiqué à l’OCE que l’assurée lui avait déclaré, lors d’une conversation téléphonique, qu’elle ne résidait plus à la rue G______, qu’elle était hébergée depuis le
15 août 2023 à M______ chez son frère, Monsieur N______. Elle avait quitté le canton de Vaud suite à sa séparation de son ami et ses centres d'intérêts étaient dans la région genevoise, raison pour laquelle elle y avait pris une chambre. Elle était divorcée depuis décembre 2022 et ses enfants étaient restés vivre avec leur père en France à la rue C______ à D______. L’OCPM avait obtenu la confirmation de la part de la logeuse, J______, que l’assurée avait été hébergée chez elle du 1er mai au 15 août 2023 pour un loyer de CHF 850.-. L’assurée allait prendre contact avec la caisse pour que son droit au chômage puisse être transféré à la caisse cantonale de Fribourg. L’OCPM allait inscrire la mention « sans domicile connu » dans sa base de données, jusqu’à ce que l’assurée fasse les démarches nécessaires concernant son changement de domiciliation.
k. Le 14 septembre 2023, l’OCE a demandé à l’assurée de répondre à certaines questions et de transmettre divers documents, dont le contrat de bail et/ou l’acte de vente de son logement en France, des explications sur sa présence à Genève et/ou en France depuis le 1er mai 2023, les relevés détaillés de ses appels téléphoniques depuis le mois de mai 2023, des informations quant à son éventuelle séparation de son mari et la scolarité de ses enfants. Il a notamment relevé que la base de données de l’OCPM indiquait qu’elle était mariée et mère de famille, et que le domicile de son frère n’était pas à Fribourg, mais à O______, en France voisine.
l. Le 18 septembre 2023, l’assurée a répondu qu’elle était divorcée et que son frère était bien domicilié à M______. Elle avait quitté le logement de celui-ci le
15 septembre 2023, car elle avait obtenu une opportunité professionnelle à l'étranger. Elle prévoyait de quitter le territoire suisse le 18 septembre 2023.
Elle a par ailleurs transmis une copie des documents suivants :
- un formulaire de l’OCPM « sortie sous-locataire », signé le 5 septembre 2023 au nom de H______, confirmant qu’elle ne résidait plus au
Petit-Lancy et que son adresse de destination était chez N______ à la rue L______, à M______ ;
- une promesse unilatérale de contrat de travail du 12 septembre 2023 de l’entreprise P______ affirmant son intention de l’engager dès le 25 septembre 2023 à Casablanca (Maroc) ;
- une attestation d’un office notarial français, aux termes de laquelle elle était divorcée depuis le 29 juillet 2020 de Monsieur Q______ ;
- un permis de séjour de son frère, ainsi que de son contrat de bail à M______ et une attestation du contrôle des habitants.
m. Par courriel du 20 septembre 2023, l’OCE a constaté que la majorité des informations et des documents demandés n'avaient pas été fournis par l’assurée, notamment ses relevés téléphoniques détaillés, les informations sur sa domiciliation depuis le 1er mai 2023 et en particulier concernant la situation de ses enfants et leur scolarité en France.
n. Par courriel du 27 septembre 2023, l’assurée a exposé qu'elle avait fourni des informations détaillées sur sa présence à Genève du 1er mai au 18 août 2023, que les documents produits attestaient clairement de sa présence à Genève pendant ladite période et qu’elle logeait alors à la rue G______. Ses enfants étaient de nationalité française et résidaient en France où ils étaient scolarisés, conformément aux lois françaises, étant précisé que leur père était français et vivait également en France. Les informations quant à leur scolarité n’étaient pas directement liées à sa situation de chômage en Suisse. S’agissant de sa ligne téléphonique, un ami lui avait prêté temporairement un téléphone, car elle n’avait pas les moyens de prendre un abonnement.
B. a. Par décision du 29 septembre 2023, l’OCE a considéré, sur la base des déclarations et des pièces fournies par l’assurée, que les centres d'intérêts de cette dernière se trouvaient à D______, auprès de ses deux enfants, et non à Genève. Le logement sis rue G______ n'avait jamais été sa résidence principale, en particulier depuis le 1er mai 2023. L’intéressée n’avait pas transmis ses relevés téléphoniques détaillés à partir de cette date, alors qu’elle aurait pu facilement les demander à l’ami qui lui avait prêté son téléphone. Enfin, que l’intéressée n'ait résidé que quelques mois auprès d'amis à Genève, avant de déménager à Fribourg puis à Casablanca, renforçait l’absence d’intention claire de continuer à résider de manière pérenne dans le canton, respectivement en Suisse. L’OCPM n'avait pas été en mesure d'actualiser son adresse, son statut étant indiqué comme ayant quitté le territoire suisse. Partant, l’assurée ne remplissait pas la condition de la domiciliation depuis son inscription à l’OCE, de sorte qu’elle n’avait pas droit à l'indemnité depuis le premier jour contrôlé, soit le 1er mai 2023.
b. Le 19 octobre 2023, l’assurée a formé opposition à l’encontre de cette décision. Elle avait résidé à Genève du 1er mai au 15 août 2023, comme attesté par son permis de séjour L approuvé par l’OCPM. Elle était venue à Genève seule, ses enfants vivant en France, et souhaitait y construire sa vie. Elle avait toutefois été confrontée à des difficultés financières en raison notamment du coût de la vie et des loyers élevés, alors que ses ressources étaient limitées. Elle avait déménagé à l’étranger pour des motifs professionnels.
c. Par décision sur opposition du 27 novembre 2023, l’OCE a confirmé sa décision du 29 septembre 2023. L’assurée avait confirmé que ses enfants vivaient en France et n’avait pas démontré que le centre de ses intérêts se trouvaient dans le canton dès le 1er mai 2023. En outre, elle avait déclaré ne pas être parvenue à s’établir à Genève, ce qui démontrait également que le centre de ses intérêts ne s’y trouvait pas durant la brève période pendant laquelle elle y avait séjourné.
C. a. Par acte expédié le 18 décembre 2023, l’assurée a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. En substance, elle a contesté que le centre de ses intérêts ne se trouvaient pas à Genève durant la période litigieuse, rappelant que sa logeuse avait confirmé que l’adresse au
Petit-Lancy était alors sa résidence principale.
Elle a notamment produit la confirmation de la sortie de locataire/sous-locataire au 5 septembre 2023 de M______.
b. Dans sa réponse du 29 janvier 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, en l’absence de nouvel élément lui permettant de revoir la décision attaquée.
c. Invitée à se déterminer sur l’écriture de l’intimé et à consulter les pièces produites, la recourante ne s’est pas manifestée.
d. Le 27 mai 2024, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait décidé d’ordonner des enquêtes et une comparution personnelle, et que l’audience était fixée au 11 juin 2024 à 13h30.
e. Le 11 juin 2024, la recourante et les témoins ne se sont pas présentés à l’audience. Le procès-verbal de comparution personnelle des parties, adressé le jour même par pli recommandé à la recourante, n’a pas été réclamé.
f. Le 17 juin 2024, la chambre de céans a convoqué les parties et les témoins à une nouvelle audience le 2 juillet 2024, à laquelle la recourante ne s’est pas présentée, sans avoir été excusée, étant précisé que ladite convocation, adressée en recommandé, n’a pas été retirée.
I______ a déclaré qu’il ne connaissait pas personnellement la recourante, qui avait été une colocataire de son épouse, de laquelle il était séparé. Il avait quitté le logement à la rue G______ au mois de février-mars 2023. Le locataire principal de cet appartement était son père, lequel avait signé, à sa demande, l’attestation du logeur du 1er mai 2023 et le formulaire de sortie du sous-locataire du 5 septembre 2023. L’appartement en question était un 5 pièces, comprenant
3 chambres à coucher. Son épouse et lui avaient commencé à sous-louer des chambres à la fin de leur relation. Par la suite, sa femme avait hébergé d’autres personnes. Compte tenu du fait qu’elle était d’origine brésilienne et pas très à l’aise avec les tâches administratives, il avait continué à se charger de la gestion de l’appartement, notamment du paiement du loyer et de la remise des formulaires à son père. À son souvenir, il avait demandé à une autre reprise à son père de signer les documents concernant une sous-location.
J______ a déclaré avoir rencontré la recourante par l’intermédiaire d’une collègue de travail qui lui avait demandé si elle pourrait l’héberger quelques mois, de manière temporaire, ce qu’elle avait accepté pour des raisons financières. La recourante lui avait indiqué qu’elle était dans une situation difficile, car elle s’était séparée de son copain chez qui elle vivait. Elle ne se souvenait pas du nombre d’enfants de la recourante, ni de leur âge, mais savait qu’ils étaient « petits ». Elle pensait qu’ils vivaient en France avec leurs grands-parents. Elle n’avait aucune information concernant le père des enfants et n’avait discuté avec la recourante qu’une seule fois de sa situation, avant qu’elle emménage. Elle avait des horaires très irréguliers et ne voyait donc pas fréquemment la recourante, qu’elle croisait plutôt, parfois l’après-midi, sans pouvoir préciser à quelle fréquence ni combien de fois par semaine. La recourante avait sa propre chambre et les parties communes étaient partagées entre elles et leur troisième colocataire. Ils ne prenaient jamais de repas en commun et le ménage était assuré par une femme de ménage qui venait tous les 15 jours. La chambre sous-louée était meublée et l’intéressée était venue avec ses habits uniquement. À son souvenir, le loyer s’élevait à CHF 700.-. Il était payé en cash et la recourante laissait l’argent dans une enveloppe qu’elle glissait sous sa porte si elles ne se voyaient pas. Elle n’avait jamais signé de reçu pour les loyers encaissés. La recourante lui avait indiqué qu’elle resterait chez elle une courte période, soit pour environ deux à trois mois.
g. Les convocations et procès-verbaux d’audience envoyés au Maroc ont été retournés par la Poste à la chambre de céans à la fin du mois d’août 2024.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du
25 juin 1982 (LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 27 novembre 2023, par laquelle l’intimé a nié le droit de la recourante à l’indemnité de chômage dès le
1er mai 2023, au motif qu’elle n’était pas domiciliée à Genève.
3. Conformément à l'art. 8 al. 1 let. c LACI, l'assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est, entre autres conditions, domicilié en Suisse.
L’art. 12 LACI, intitulé « étrangers habitant en Suisse », dispose qu’en dérogation à l’art. 13 LPGA, les étrangers sans permis d’établissement sont réputés domiciliés en Suisse aussi longtemps qu’ils y habitent, s’ils sont au bénéfice soit d’une autorisation de séjour leur permettant d’exercer une activité lucrative soit d’un permis de saisonnier.
3.1 Le droit à l’indemnité de chômage suppose la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a ; 115 V 448 consid. 1). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références). La résidence en Suisse au sens de la LACI ne présuppose pas un séjour effectif ininterrompu sur le territoire suisse. La résidence habituelle en Suisse est suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2012 consid. 2.2).
L’exigence de la résidence effective en Suisse instaure une corrélation entre le lieu où les recherches d’emploi sont effectuées et celui où les conseils des professionnels du placement sont donnés ; elle favorise l’efficacité du placement ainsi que le contrôle du chômage et de l’aptitude au placement (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 9 ad art. 8 LACI).
Les conditions de la résidence habituelle en Suisse et de l'autorisation de travailler doivent être remplies durant toute la période d'indemnisation (Boris RUBIN,
op. cit., n. 4 ad art. 12 LACI ; Bulletin LACI IC, B135).
3.2 Pour déterminer le lieu de résidence, l’autorité doit se fonder sur une multitude d’indices et non sur un seul en particulier, même s’il est important
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2015 du 27 octobre 2015 consid. 5.2 et Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 123,
p. 26).
Les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile, propres à faire naître une présomption de fait à cet égard ; il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit que d'indices et la présomption que ceux‑ci créent peut être renversée par des preuves contraires (ATF 125 III 100 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_443/2014 du 2 février 2015 consid. 3.4 et les références).
Pour pouvoir localiser le centre des intérêts personnels, il faut notamment chercher à savoir où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles. Les critères objectifs, tels que le lieu du logement et des activités professionnelles, doivent se voir reconnaître davantage de poids que les critères subjectifs, difficilement vérifiables (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 10 et 11 ad art. 8 LACI).
Un séjour éphémère ou de pur hasard en Suisse, de même que l'occupation, dans ce pays, d'un pied-à-terre une à deux fois par semaine, ne suffisent pas à démontrer que la résidence est en Suisse. Par contre, un séjour prolongé permanent et ininterrompu n'est pas indispensable. Mais dans ce cas, un lien étroit avec le marché du travail suisse est exigé (arrêt 8C_270/2007du 7 décembre 2007 consid. 2.2 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 8 LACI).
Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu’un assuré, même s'il logeait une partie de la semaine en Suisse, comme il l'affirmait, résidait tout de même la plupart du temps en France, où il avait loué successivement plusieurs appartements à partir de l'année 2000. Il avait vécu sans interruption en France voisine avec ses trois enfants, dont il avait la garde et sur lesquels il exerçait l'autorité parentale. Les trois enfants y étaient régulièrement scolarisés. Par ailleurs, il bénéficiait en France de diverses prestations sociales (revenu minimum d'insertion, allocation de soutien familial, aide au logement), ce qui supposait nécessairement une résidence dans ce pays. Il disposait certes d'un pied-à-terre à Genève dans lequel toutefois, en raison de ses dimensions modestes, il ne pouvait visiblement pas accueillir sa famille. À un contrôleur de la CAF qui s'était interrogé en juillet 2002 sur la résidence effective de l'intéressé, celui-ci avait déclaré qu'il conservait une adresse en Suisse pour bénéficier de la qualité de résident sur territoire helvétique (déclaration relatée par la CAF dans sa télécopie du 23 octobre 2008). Il signifiait par-là clairement que ce seul intérêt justifiait le maintien d'un point d'attache en Suisse. Au regard de l'ensemble des circonstances, il ne faisait pas de doute, selon le Tribunal fédéral, que le centre de ses intérêts personnels se trouvait en France. Par conséquent, l’assuré concerné n'avait pas droit aux prestations de l'assurance‑chômage en application de la législation interne suisse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2010 du 20 juin 2011 consid. 3.3).
3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ;
125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
Par ailleurs, la procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références).
Le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATF 125 V 351 consid. 3a).
C’est à l’assuré de rendre vraisemblable qu’il réside en Suisse, en collaborant à l’établissement des faits dans la mesure où cela est exigible (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n°124, p. 26).
Selon la jurisprudence, un document qui fait état d'un renseignement recueilli oralement ou par téléphone ne constitue un moyen de preuve recevable et fiable que s'il porte sur des éléments d’importance secondaire, tels que des indices ou des points accessoires. Si les renseignements portent sur des aspects essentiels de l'état de fait, ils doivent faire l'objet d'une demande écrite (ATF 117 V 282
consid. 4c).
4. En l’espèce, l’intimé a nié le droit de la recourante à l'indemnité de chômage dès le 1er mai 2023, au motif que la condition relative au domicile à Genève n’était pas remplie.
La recourante conteste cette appréciation et fait valoir qu’elle a quitté le canton de Vaud le 1er mai 2023 pour s’installer à Genève, où se trouvait le centre de ses intérêts, jusqu’à son départ pour le canton de Fribourg.
4.1 La chambre de céans relève tout d’abord des contradictions dans les déclarations successives de la recourante, qui a d’abord mentionné que la date de son départ de Genève était le 18 août 2023 (courriel du 27 septembre 2023), puis le 15 août 2023 (opposition du 19 octobre 2023).
Elle constate ensuite que le séjour allégué de l’intéressée à Genève a été au maximum de trois mois et demi, soit du 1er mai au 15, voire 18, août 2023. Un séjour de si courte durée ne permet pas de retenir l’existence d’une résidence à Genève. À cet égard, il sera encore constaté que selon les informations de la base de données Calvin de l’OCPM, un permis L n’a jamais été octroyé à l’intéressée, contrairement à ce que cette dernière allègue dans son écriture de recours.
De plus, la présence effective et continue de la recourante à Genève dans l’appartement de J______ est douteuse, dès lors que celle-ci ne l’a croisée qu’à quelques reprises. Des horaires irréguliers ne sauraient expliquer l’absence de rencontres plus fréquentes. En outre, les deux courriers envoyés à la recourante à la rue G______ ont été retournés à l’intimé les 13 et 18 juillet 2023, la recourante étant introuvable à ladite adresse. La chambre de céans rappellera encore que les enfants de l’intéressée sont restés vivre en France voisine, et qu’il paraît donc peu probable que la recourante ait préféré vivre loin d’eux à Genève. Il ressort de l’attestation de divorce que son ex-mari demeurait au 29 juillet 2020 dans la région parisienne, à Drancy, où la recourante avait d’ailleurs travaillé de 2009 à 2018 selon les pièces du dossier. Il ne semble pas vraisemblable que son ex-mari ait quitté Drancy, où il a vécu au minimum une dizaine d’années avec la recourante et où il est resté suite à leur divorce, pour venir s’installer à D______ dans l’appartement laissé vacant par son ex-femme, partie sans ses enfants s’installer dans le canton de Vaud chez son compagnon, puis à Genève chez une inconnue. Faute d’avoir produit le moindre document démontrant qu’elle avait effectivement quitté l’appartement de D______, comme une attestation de son bailleur, un état des lieux de sortie ou une reprise de bail, les dires de la recourante paraissent improbables.
Enfin, la recourante n’a pas démontré que le centre de ses intérêts personnels était à Genève et qu’elle avait l’intention de s’établir dans le canton. Au contraire, comme déjà relevé, ses enfants, dont on ignore l’âge mais qui sont encore scolarisés, ont continué à habiter dans l’appartement de D______. L’intéressée a été hébergée par une personne qu’elle ne connaissait pas et qui lui avait été présentée par une connaissance commune, ce qui permet de penser qu’elle n’a pas de proches dans le canton. En outre, selon le témoignage de sa logeuse, la recourante lui avait indiqué vouloir être hébergée de manière provisoire, pour une durée de deux à trois mois, ce qui parle en défaveur d’une intention de s’établir dans le canton. À cet égard, il sera encore observé que la recourante, qui a emménagé au Petit-Lancy avec des vêtements pour toutes affaires personnelles, n’a pas démontré, ni même allégué, avoir cherché un autre logement à Genève dans lequel elle aurait pu s’installer de façon plus pérenne et recevoir ses enfants.
Enfin, la chambre de céans relèvera que l’intéressée a manqué à son devoir de collaboration à l’établissement des faits, en ne fournissant pas toutes les pièces demandées par l’intimé et en ne répondant pas aux convocations de la chambre de céans.
4.2 Eu égard à tout ce qui précède, la décision litigieuse, aux termes de laquelle la recourante ne remplissait pas la condition relative au domicile à compter du
1er mai 2023, n’apparaît pas critiquable.
5. Par conséquent, le recours est rejeté.
La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le