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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/656/2021

ATAS/621/2024 du 14.08.2024 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.09.2024, 8C_509/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/656/2021 ATAS/621/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 août 2024

8ème Chambre

 

En la cause

A______

représentée par Me Philippe NORDMANN, avocat

 

recourante

 

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES SA, ZÜRICH

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le 11 janvier 1970, mariée et mère de trois enfants, était engagée auprès de B______ en qualité de secrétaire‑comptable. À ce titre, elle a été assurée contre le risque d’accidents auprès d'ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance-accidents ou l’intimée).

b. En date du 20 novembre 2015, elle a subi un accident. Selon la déclaration d’accident du 23 novembre 2015 de l’employeur, elle avait chuté sur une table laquelle s’était brisée et avait fait tomber sur l’assurée le téléviseur plasma posé sur cette table. Elle avait subi des lésions à la tête (visage, nez et dents cassées), aux genoux et au dos, tout en perdant connaissance.

c. L’accident a provoqué une incapacité totale de travailler jusqu’au 17 janvier 2016, et à 50% jusqu’au 30 avril 2017.

d. Les suites de l’accident ont été prises en charge par l’assurance-accidents.

e. Dans son rapport du 26 novembre 2015, la docteure C______, spécialiste en médecine interne, a indiqué que l’assurée était tombée en avant avec réception d’une télévision sur la tête et perte de connaissance, choc sur les genoux et réception sur le menton avec plaie et dents cassées. Cette médecin a constaté un ralentissement psychomoteur sans latéralisation, une dyspraxie corps/objet, Romberg, erreurs systématiques doigts/nez à droite, tuméfaction de la pyramide nasale, dents ébréchées, plaie de 2 cm du menton, et une discrète tuméfaction des rotules. Le scanner cérébral et facial était sans particularité hormis une fracture de l’aile du nez. La Dre C______ a posé les diagnostics de plaie du menton et commotion cérébrale.

f. Selon la fiche documentaire pour première consultation après un traumatisme d’accélération cranio-cervical du 7 décembre 2015 de l’Hôpital de La Tour, il y a eu une perte de connaissance de quelques minutes avec des trous de mémoire pour la période pendant l’accident. Les céphalées et vertiges s'étaient déclarés immédiatement. L’assurée souffrait de troubles attentionnels, d’erreurs aux doigts/nez, de dyspraxies corps/objet, et d’un ralentissement psychomoteur.

g. Selon le rapport du 14 décembre 2015 de la docteure D______, neurologue FMH, l’assurée présentait un léger ralentissement psychomoteur, des troubles de concentration et une difficulté à entrer dans la consigne (il faut souvent la répéter deux fois). Dans son rapport du 12 janvier 2016, cette médecin a constaté un syndrome douloureux post-traumatique et un trouble mnésique d’attention. L’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) cérébrale était normale.

h. Selon le rapport du 3 février 2016 du docteur E______, ophtalmologue FMH, l’assurée avait reçu un coup sur l’œil droit, lequel était fatigué. Il présentait une baisse d’acuité visuelle suite à une décompensation de l’hypermétropie. Les lésions n’étaient pas uniquement dues à l’accident, mais les constatations concordaient avec la description de cet évènement par l’assurée. Celle-ci avait besoin de nouvelles lunettes. Le 15 mars 2016, cet ophtalmologue a relevé que l'hypermétropie était préexistante, mais n’avait jamais eu besoin d’être corrigée auparavant. Ainsi, l’accident avait causé une décompensation de l’hypermétropie.

i. Dans son rapport du 16 février 2016, la Dre C______ a diagnostiqué un syndrome post-traumatique douloureux avec troubles de ralentissement psychomoteur, mnésiques et exécutifs, une lenteur psychomotrice, une difficulté de fixation et des troubles visuels.

j. Le 17 mars 2016, la docteure F______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué que l’assurée présentait des cervico-dorsalgies côté droit d’origine post-traumatique avec contractures musculaires importantes.

k. Le 31 mars 2016, la Dre D______ a diagnostiqué un syndrome de trouble de stress post-traumatique et un syndrome douloureux vestibulaire. Le traitement consistait en physiothérapie et somnifères. Un suivi chez le psychologue était recommandé. Le 1er avril 2016, la praticienne a informé la Dre C______ qu’elle retrouvait à l’examen neurologique une lenteur psychomotrice légère et des troubles attentionnels. Elle a conclu à un syndrome post-traumatique douloureux (céphalées et cervicalgies) associé à des troubles de la lignée syndrome subjectif post-traumatique avec un ralentissement psychomoteur, des troubles mnésiques et exécutifs.

l. Dans son rapport du 25 avril 2016, la Dre C______ a attesté la persistance de symptômes de la lignée du syndrome de souffrance post-traumatique avec troubles neuropsychologiques, sommeil et dysfonctionnement vestibulaire léger. Il y avait une prise en charge neurologique et psychiatrique avec traitement antidépresseur.

m. Dans un rapport du 1er juin 2016, la Dre F______ a attesté une diminution nette des cervicalgies et des troubles du sommeil. L’assurée arrivait aussi à utiliser son bras droit. Par contre, elle présentait un syndrome post-traumatique avec troubles du sommeil et troubles anxieux.

n. Dans son rapport du 28 juin 2016, la docteure G______, généraliste FMH, a déclaré suivre l’assurée depuis le 10 mars 2016. Celle-ci présentait un syndrome de stress post-traumatique, des tensions musculaires et une douleur abdominale. Le traitement consistait en médecine manuelle et thérapie EMDR.

o. Par rapport du 18 août 2016, la Dre F______ a attesté les diagnostics, en rapport de causalité naturelle à 100% avec l'accident, de cervico-dorsalgie droite post-traumatique avec contracture musculaire importante sur dysfonction vertébrale, de céphalées post-traumatiques avec un syndrome vertigineux et de cervicobrachialgie droite non déficitaire. L’incapacité de travail était en rapport avec la cervico-dorsalgie droite importante et les céphalées post-traumatiques.

p. Le docteur H______, spécialiste FMH endocrinologue et diabétologue, a attesté le 24 août 2016 un syndrome post-traumatique avec anxiété, troubles du sommeil et de la concentration, crises d’angoisse, dyspnées et vomissements.

q. Le docteur I______, spécialiste FMH psychiatre-psychothérapeute, a certifié le 10 novembre 2016 un état de stress post-traumatique avec angoisses de mort, état de panique, ralentissement et troubles mnésiques.

r. Lors d’une rencontre en date du 5 décembre 2016 entre le Case Manager de l’assurance-accidents et l’assurée, celle-ci a précisé les circonstances de l’accident. Elle avait poussé une table, sur laquelle se trouvait un écran plasma d’une cinquantaine de kilos. Lorsque cette table s’est effondrée, l’écran lui était tombé sur la tête.

s. En mars 2017, l’assurée a été soumise à une expertise pluridisciplinaire par les docteurs J______, spécialiste FMH en neurologie, et K______, spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie. Dans le cadre de cette expertise, elle a également été soumise à un examen neuropsychologique. Dans leur rapport du 31 mai 2017, les experts ont posé les diagnostics de status après trauma facial avec possible discret traumatisme cranio-cérébral (ci-après: TCC) et plaintes persistantes sans substrat somatique notamment post-traumatique clairement objectivable, au niveau neurologique. Au niveau psychique, ils ont retenu un épisode dépressif léger sans syndrome somatique apparu dans les suites de l’accident. Sur le plan neuropsychologique, l’examen n’était pas probant. Ces diagnostics n’étaient pas dans une relation de causalité avec l’accident. Partant, il n’y avait pas une diminution permanente de la capacité de travail dans sa profession de secrétaire-comptable en rapport avec l’accident. La capacité de travail était entière depuis mi-2016.

t. Une IRM de la colonne cervicale effectuée le 22 mars 2017 n’a pas mis en évidence une lésion post-traumatique, ni trouble statique, ni hernie discale ou lésion dégénérative, ni conflit disco- ou ostéo-radiculaire.

u. Le 19 juillet 2017, le Dr E______ a attesté une fatigue visuelle post-accident. Le traitement consistait en adaptation des lunettes.

v. Le 5 septembre 2017, l’assurance-accidents a informé l’assurée qu’elle avait l’intention de mettre fin au traitement médical sur le plan neurologique dès le 1er juillet 2016 et qu'elle refusait de prendre en charge le traitement psychothérapeutique. Par ailleurs, l'assurée n’avait plus droit aux indemnités journalières dès le 1er juillet 2016, raison pour laquelle l'assurance-accidents lui réclamerait le remboursement des paiements indus de CHF 31'286.-.

w. Le docteur L______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, a examiné la recourante à sa consultation de neuro-réhabilitation, à la demande du mandataire de celle-ci. Dans son rapport du 11 décembre 2017, il a considéré que l’assurée avait subi une commotion cérébrale. Le syndrome post-commotionnel et les déficits sensitivomoteurs focaux (membre supérieur droit) indiquaient la présence de lésions axonales diffuses et une probable contusion fronto-pariétale gauche. Il était également très probable qu’elle ait subi un traumatisme du rachis cervical, compte tenu des cervicalgies immédiates après le traumatisme, du mécanisme traumatique et des contractures musculaires cervicales relevées dans son parcours médical. L’accident avait entraîné des déficits neuropsychologiques comme le montraient les bilans neuropsychologiques, notamment au O______. Il était vrai que les experts avaient considéré que cet examen n’était pas probant en raison d’un défaut d’effort maximal pour répondre aux tests et d’un manque de cohérence entre les différents scores. Toutefois, les déficits neuropsychologiques ne pouvaient être sans autre « effacés » sur la base des fluctuations dans les tests et de l’atteinte de valeurs seuils aux tests recherchant un manque d’effort ou de collaboration. Le Dr L______ a recommandé un suivi chez un neuropsychologue avec une expérience de patients victimes d’un trouble cranio-cérébral, ainsi qu’un traitement antidépresseur. Selon ce médecin, l’accident subi en 2015 était la seule cause des troubles typiques d’un syndrome post-commotionnel. Quant au pronostic, il a expliqué que, lorsque le syndrome post-commotionnel durait plus de six mois, on s’attendait à ce qu’il perdure à long terme. L’assurée présentait enfin clairement des signes de surmenage, laissant craindre la survenue d’un épuisement, à court ou moyen terme. Il fallait dès lors adapter ses perspectives professionnelles, son organisation et son fonctionnement social/privé, avant d’espérer une récupération complète.

B. a. Par courrier du 12 décembre 2017, l’assurée, représentée par son conseil, s‘est opposée au projet de décision de l’assurance-accidents.

b. Le 1er février 2018, Monsieur M______, psychologue spécialiste en psychothérapie, a attesté que l’assurée n’avait pas recouvré la totalité de ses facultés après l’accident. Elle présentait un état de stress post-traumatique avec état dissociatif intermittent et attaques de panique. Elle décrivait également des réveils nocturnes où elle se voyait dédoublée en train de s’observer dormir, ce qui était très angoissant. Les troubles cognitifs étaient cliniquement présents. Il avait pu observer par ailleurs, le 29 mars 2017, une dissociation grave en séance.

c. Dans leur rapport du 13 février 2018, les experts du O______ ont confirmé leur sentiment d'une majoration des symptômes. Par ailleurs, l'accident ne constituait pas un évènement exceptionnellement menaçant ou catastrophique. Ils ont également nié la présence d'un syndrome post-commotionnel, en considérant qu'il n'y avait pas d'altération significative dans le fonctionnement social et professionnel ni une baisse significative comparativement au niveau du fonctionnement antérieur. Au vu de l'importance des troubles, de l'atypie de certaines plaintes et de la persistance de troubles apparemment majeurs, ils ont également confirmé l'absence de relation de causalité des troubles neuropsychologiques avec l'accident.

d. Par décision du 21 février 2018, l’assurance-accidents a confirmé son projet de décision.

C. a. Le 12 mars 2018, le Dr L______ a déclaré que le traumatisme subi par l’assurée ne paraissait de prime abord pas des plus dramatiques quant au mécanisme du traumatisme. Toutefois, il l’était quant aux répercussions et au vécu, dans la mesure où elle l’avait vécu comme une expérience de type « mort imminente ». En effet, durant son coma, elle avait vécu une expérience de dépersonnalisation, en se voyant elle-même depuis dessus. Cette vision revenait régulièrement dans ses cauchemars. Elle n’avait dès lors pas pu retourner sans problème sur son lieu de travail, ni n’avait connu de résolution de ses troubles anxieux, cauchemars et autres répercussions du syndrome de stress post-traumatique. Elle avait en effet systématiquement évité le lieu de l’accident, puis avait donné sa démission pour chercher un autre lieu de travail. Ce médecin n’avait enfin relevé aucun élément suggérant une majoration des symptômes lors de son examen ou dans son dossier médical. Au contraire, le tableau clinique était tout à fait cohérent depuis le début de son parcours et dans tous les domaines (professionnel, familial et médical). Une fluctuation des performances, dans le cadre d’un syndrome post-commotionnel, était habituelle et pouvait être influencée in casu par le fait que la langue maternelle de l’assurée n’était pas le français et par les altérations émotionnelles. Elle rencontrait aussi d’importantes difficultés dans les activités professionnelles et ménagères, ainsi que dans sa vie familiale et sociale en raison des troubles mnésiques, des difficultés à gérer des tâches multiples, à aider ses enfants dans leurs devoirs, à sortir en soirée, etc. Rien n’indiquait non plus qu’elle essayait de tirer un bénéfice secondaire en majorant des symptômes. Les arguments des experts pour invalider l’ensemble des résultats neuropsychologiques reposaient enfin sur des éléments hypothétiques et légers, en comparaison de l’ensemble du dossier médical. Quant au syndrome post-commotionnel, il était médicalement établi sur la base des critères diagnostiques en vigueur. L'assurée avait voulu reprendre un travail à 100% comprenant moins de responsabilité, d’effort de concentration ou réflexif que son poste précédent. Néanmoins, elle y rencontrait des limitations (manque d’endurance, déficit d’attention, de concentration, davantage d’erreurs, difficultés à gérer plusieurs tâches simultanément, intolérance à travailler dans un lieu avec trop de stimuli, difficultés à gérer le stress, etc.).

b. Le 22 mars 2018, l’assurée s’est opposée à la décision du 21 février 2018 en concluant implicitement à la prise en charge des traitements neurologiques et psychiatriques, ainsi qu’au versement des indemnités journalières jusqu’au
30 avril 2017, étant précisé qu’elle avait repris une activité lucrative en mai 2017. Il subsistait néanmoins une certaine incapacité de travail, malgré la reprise d’une activité à 100%, dès lors qu’elle avait dû prendre un travail moins stressant et moins bien rémunéré. Alors qu’elle réalisait auparavant un salaire de CHF 6'000.-, son salaire était actuellement de CHF 5'000.-, ce qui représentait une perte de gain de 17%.

c. Le 16 avril 2018, la docteure N______, spécialiste en psychologie clinique et psychothérapeute FSP, a attesté qu’une prise en charge psychologique était encore nécessaire, voire indispensable. Toutefois, l’évolution était favorable après quelques séances. Cette médecin suivait l’assurée depuis le 6 mars 2018.

d. Par courrier du 4 octobre 2018, l’assurée a informé l’assurance-accidents que sa nouvelle activité professionnelle comportait un grand risque pour sa santé. En effet, elle était toujours angoissée et au bord des larmes avec une grande exigence envers elle-même. De ce fait, elle faisait beaucoup d’heures supplémentaires. Sur le plan personnel, il y avait une modification grave de la personnalité avec une disparition presque totale des relations avec ses amis et la nécessité d’une aide constante de son mari et de ses trois enfants.

e. Le 13 novembre 2018, la Dre G______ a attesté que l’assurée présentait un changement de personnalité avec un syndrome de stress post-traumatique persistant et une fatigue.

f. Le 25 novembre 2020, l’assurée a demandé à l’assurance-accidents de lui donner une garantie pour la couverture d’une paire de lunettes avec verres progressifs, selon l’offre du 21 novembre 2020 de VISILAB au montant de CHF 1'552.-.

g. Par décision du 26 janvier 2021, l’assurance-accidents a rejeté l'opposition de l'assurée.

D. a. En date du 22 février 2021, l’assurée a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision. Aucune valeur probante ne pouvait être attribuée à l’expertise du O______. Les séquelles de l’accident étaient nombreuses sur le plan somatique et psychique. Sans l’accident, elle aurait par ailleurs poursuivi l’activité précédente. En raison de la nécessité de changer d'activité, elle avait subi une perte de gain, son emploi actuel étant moins bien rémunéré. Partant, elle avait droit aux indemnités journalières au-delà du 1er juillet 2016.

b. Dans sa réponse du 23 mars 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours sur la base de l’expertise. Quant au trouble oculaire, elle envisageait de mettre en place une expertise, afin de déterminer dans quelle mesure ces troubles étaient en rapport avec l’accident.

c. À la demande des parties, la cause a été suspendue, par ordonnance du 28 mai 2021.

d. Le 3 février 2022, la recourante a fait l’objet d’une expertise ophtalmologique par le docteur P______, spécialiste FMH en ophtalmologie. Selon son rapport du 3 février 2022, la recourante présentait une hypermétropie bilatérale et une presbytie, ainsi qu’un status post contusion oculaire œil droit avec opacité cristallinienne (cataracte) débutante et limitation concomitante du champ visuel. L'expert a considéré comme tout à fait vraisemblable la causalité naturelle entre l’accident et les opacités du cristallin à droite, étant précisé qu’il n’y avait pas de modification de la structure du cristallin à gauche, côté qui n’avait pas subi de choc. Il s’écoulait généralement plusieurs années après un traumatisme oculaire avant que le cristallin ne développe progressivement des opacités. Des facteurs étrangers à l’accident jouaient un rôle dans la panoplie des plaintes ressenties par l’assurée. L’accident avait possiblement accéléré la décompensation de l’hypermétropie déjà présente et de la presbytie débutante à l’époque. Le choc et la perte de connaissance avaient pu décompenser l’accommodation résiduelle. Cependant, l'aggravation de la décompensation de l’hypermétropie ne se manifestait que de manière transitoire. Le statu quo sine avait vraisemblablement été atteint deux ou trois ans après l’accident avec la progression naturelle de la presbytie vers les 48 ans. L’accident avait entraîné la nécessité de changer plus fréquemment de lunettes pour tenir compte de la décompensation de l’hypermétropie et de l’augmentation concomitante de la presbytie. En raison de la cataracte traumatique débutante, une adaptation régulière des valeurs de correction des lunettes était à prévoir. La lésion du cristallin à droite consécutive à l’accident et les troubles de vision de cet œil avaient entraîné une limitation concentrique du champ visuel justifiant une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 12%.

e. Dans son rapport du 11 août 2022, la docteure Q______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie de la Clinique R______, a considéré que la recourante avait besoin de 15 minutes de pause toutes les 60 minutes à cause d’une exophorie de près. La cataracte provoquait un éblouissement lors de la conduite de nuit, ce qui devait dès lors être évité. Le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité était de 25%. Il y avait toutefois un risque d’aggravation. Au vu du besoin de repos, il y avait une diminution de rendement de 25%. Concernant l’œil gauche, les séquelles de l’accident pouvaient induire au maximum une fatigue de cet œil.

f. Par écriture du 15 septembre 2022, la recourante a conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité de 25% et d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%, sous suite de dépens. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision.

g. Dans son rapport du 3 novembre 2022, le Dr P______ s’est déterminé sur la liste des questions posées par la recourante suite à l’expertise. Il était correct de proposer une augmentation du temps de pause pour tenir compte de la fatigabilité accrue liée à la difficulté visuelle actuelle. Ce besoin réduisait quelque peu le rendement. Toutefois, la mesure de la perte de rendement ne pouvait être corrélée à la réduction du temps de travail. L’efficacité pouvait tout à fait être de 100% pour une période donnée, suite à laquelle une pause permettrait de poursuivre ultérieurement la tâche à accomplir. Quant à l’atteinte à l’intégrité, les tabelles prévoyaient une indemnité de 5% pour un éblouissement et une photophobie dans les cas graves. Partant, toute manifestation d’un éblouissement ne donnait pas droit à une indemnité. Le cas devait être considéré comme grave, lorsque le port de lunettes foncées était indispensable de jour. Une opération de la cataracte serait nécessaire lorsque la gêne visuelle deviendrait véritablement perturbante au quotidien, indépendamment de la valeur actuelle de la correction de la presbytie. Rien n’indiquait par ailleurs que l’œil gauche soit directement impacté par l’accident survenu à l’œil droit. Enfin, ce médecin a précisé que quatre mois s’étaient déroulés entre les deux évaluations cliniques au niveau ophtalmologique et qu’il n’était pas inconcevable que la situation clinique ait pu se péjorer durant ce temps.

h. Par écriture du 15 novembre 2022, l’intimée a persisté dans ses conclusions. S’agissant des troubles oculaires, elle a estimé que, dans la mesure où la recourante devait encore être examinée en février 2023, elle n’était pas en mesure de statuer à ce sujet. Elle proposait dès lors d’exclure les atteintes ophtalmologiques de l’objet du litige.

i. Par écriture du 8 février 2023, la recourante a considéré que de nouveaux examens des yeux n’étaient pas nécessaires et qu’il fallait trancher entre les deux expertises dans le dossier. Conformément à l’avis de la Clinique R______, elle subissait une diminution de la capacité de gain de 25%. Partant, elle a conclu à l’octroi d’une rente de ce pourcentage, ainsi que d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%.

j. Par écriture du 6 mars 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions sur la base de l’expertise pluridisciplinaire. Concernant les troubles oculaires, le Dr P______ avait constaté que l’état de santé définitif n’était pas encore atteint. Par ailleurs, dans la mesure où la recourante ne présentait pas d’incapacité de travail, elle n’avait pas droit à une indemnité journalière. Quant à l’indemnité pour l’atteinte à l’intégrité pour les troubles oculaires, l’intimée a persisté à considérer qu’il était nécessaire de réévaluer l’état de santé de la recourante, afin de trancher définitivement cette question.

k. Par écriture du 15 mars 2023, la recourante a relevé que, selon l’expertise de la Clinique R______, elle présentait une invalidité de 25% et une atteinte à l’intégrité du même pourcentage, avec un risque de dégradation. Cela étant, elle ne voyait pas pourquoi il fallait attendre pour statuer sur les prestations en rapport avec les troubles oculaires.

l. Entendue en date du 9 mai 2023 par la chambre de céans, la recourante a déclaré ce qui suit :

« Je travaille actuellement dans le montage de montres. J'ai donc complétement changé d'activité par rapport à ce que je faisais avant mon accident. En effet, je n'étais plus capable de faire du travail administratif et faisais beaucoup d'erreurs.

Je travaille à 100%.

Je ne dois pas porter en permanence de lunettes de soleil.

Mon travail est très difficile, car il s'agit d'assembler de toutes petites pièces. C'est très fatigant pour les yeux qui, à la longue, brûlent et m'obligent à utiliser une loupe. De ce fait, je dois aussi prendre une pause de 15 minutes toutes les heures, ce que mon employeur accepte.

Sur question de l'intimée, je précise que j'ai dû changer de travail à cause des problèmes cognitifs et non pas à cause des problèmes oculaires.

J'ai l'impression que l'état de mes yeux s'aggrave, mais les médecins l'ont déjà prédit et cela ne dépend pas seulement du travail exigeant pour les yeux que je dois faire ».

m. Par écriture du 17 mai 2023, la recourante a conclu à l'octroi d'une rente de 50% et d'une indemnité pour perte à l'intégrité de 25%.

n. Par ordonnance du 17 août 2023, la chambre de céans a ordonné une expertise neurologique avec un volet neuropsychologique et l'a confiée à la docteure S______, spécialiste FMH en neurologie.

o. Dans son rapport du 9 février 2024, la Dre G______ a indiqué avoir été contactée par téléphone par l'experte judiciaire. Lors de cet entretien, celle-ci ne lui avait laissé aucune place pour parler, s'était montrée logorrhéique et nerveuse et avait adopté un ton péremptoire comme si elle voulait convaincre la praticienne traitante de la justesse de son point de vue. La Dre G______ pouvait comprendre que la recourante ait été déstabilisée et effrayée par le parti pris que l'experte semblait avoir.

p. Dans son rapport d'expertise du 5 avril 2024, comprenant un bilan neuropsychologique de Monsieur T______, neuropsychologue, l'experte a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de status après TCC léger avec syndrome post-commotionnel et d'hypermétropie à droite, décompensée par une atteinte traumatique de l'œil droit lors de l'accident, responsable d'une cataracte de cet œil. Ces diagnostics étaient dans un rapport de causalité avec l'accident. Les diagnostics suivants étaient sans répercussion sur la capacité de travail : status après fracture du nez et de dents, hypoacousie appareillée et rhino-conjonctivite allergique aux pollens, ainsi que troubles mictionnels et de la défécation dans le cadre d'une ménopause. Seules des céphalées diminuaient la capacité de travail. Leur importance était cependant difficile à déterminer. Il était possible qu'il y ait une diminution d'au maximum 30% de la capacité de travail en tant que secrétaire comptable, secondaire aux céphalées.

q. Dans son rapport du 24 mai 2024, le Dr L______ s'est déterminé sur l'expertise judiciaire. Il a contesté que les troubles sphinctériens soient en rapport avec la ménopause, comme indiqué par l'experte. Le fait que ces troubles répondaient à un traitement neuromodulateur de Betmiga parlait pour une origine neurologique centrale plutôt qu'un dysfonctionnement hormonal. L'apparition d'une vessie et d'intestins neurogènes lors de l'accident était un signe d’une atteinte du système nerveux central, de sorte qu'il n'y avait aucun doute quant à la présence d'une lésion cérébrale. Ces troubles étaient ainsi dus au TCC. À cela s'ajoutaient les autres signes cliniques de lésions cérébrales présents après l'accident. L'absence de lésions cérébrales sur les images radiologiques signifiait uniquement qu'elles étaient trop petites. Il était incohérent d'admettre des lésions axonales diffuses initiales, d'une part, et leur disparition par la suite, d'autre part, dès lors que de telles lésions laissaient des cicatrices impactant le fonctionnement cérébral. Ce médecin a également contesté que le traumatisme ait été trop léger pour provoquer des dégâts cérébraux. Il ne fallait pas non plus confondre TCC léger avec conséquences légères. La recourante souffrait d'un syndrome post-commotionnel. Un tel syndrome ne disparaissait pas après trois mois, comme retenu par les experts. Quant à la variabilité des performances cognitives, elle correspondait au tableau typique de personnes présentant un syndrome post-commotionnel. Il était erroné d'interpréter comme un comportement d'exagération et d'incohérence le fait que la recourante s'était montrée anxieuse, débordée et plaintive durant les tests, alors qu'elle paraissait plus calme et souriante en dehors de ceux-ci. Selon le Dr L______, la capacité de travail était au maximum entre 37,5% et 40% dans une activité adaptée.

r. Dans sa détermination du 20 juin 2024, la recourante a dénié à l'expertise judiciaire toute valeur probante. Aussi bien celle de l'experte neurologue que celle du neuropsychologue étaient faussées par leur déroulement.

s. L'intimée a persisté dans ses conclusions dans sa détermination du 28 mai 2024, sur la base de l'expertise judiciaire.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

3.             Se pose en premier lieu la question de l'objet du litige.

3.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

La procédure juridictionnelle administrative peut toutefois être étendue pour des motifs d'économie de procédure à une question en état d'être jugée qui excède l’objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins. Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l’objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes: la question (excédant l’objet de la contestation) doit être en état d'être jugée; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l’objet initial du litige; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l’objet de la contestation ne doit pas avoir fait l’objet d'une décision passée en force de chose jugée (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1 et les références).

3.2 En l'espèce, la décision querellée ne porte pas sur l'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité en raison des atteintes à l'œil droit consécutives à l'accident. Cette décision a uniquement trait à l'octroi d'indemnités journalières ou d'une rente d'invalidité à partir du 1er juillet 2016 suite à l'accident du 20 novembre 2015.

Il n'y a pas non plus lieu d'étendre l'objet du litige, dans la mesure où l'intimée n'y a pas consenti dans le cadre de la présente procédure et n'a pas pris position sur cette question.

Partant, seul est litigieux le droit aux indemnités journalières et/ou à une rente dès le 1er juillet 2016.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2 L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1 ; 142 V 435 consid. 1). Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

4.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type «coup du lapin», de traumatisme analogue ou de TCC sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L'absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de 72 heures après l'accident assuré permet en principe d'exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d'admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d'autres symptômes apparaissant parfois après un période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l'absence de substrat objectivable; il n'est pas nécessaire que ces derniers symptômes - qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d'un traumatisme de type « coup du lapin » - apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l'accident assuré (SVR 2007 UV n. 23 p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

4.4 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 129 V 177 consid. 3.2 et la référence).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).

Lorsque des symptômes consécutifs à un accident ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 134 V 109 consid. 2.1 ; 117 V 359 consid. 6 ; 117 V 369 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2023 du 19 février 2024 consid. 3.2).

En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 140 V 356 consid. 3.2 ; 134 V 109 consid. 2.1 ; 115 V 133 consid. 6c/aa ; 115 V 403 consid. 5c/aa).

En cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'examen se fait en revanche sur la base de critères particuliers n'opérant pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan (ATF 134 V 109 consid. 10.3 ; 117 V 359 consid. 6a) ; toutefois, lorsque les troubles psychiques constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé aux traumatismes en cause, il y a lieu de se fonder sur les critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident, c'est-à-dire en excluant les aspects psychiques (ATF 134 V 109 consid. 9.5 ; 127 V 102 consid. 5b/bb). 

Le Tribunal fédéral a toutefois précisé qu'en cas de TCC, un certain degré de sévérité de l'atteinte sous forme d'une contusio cerebri est nécessaire pour justifier l'application de la jurisprudence en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC. En revanche, en présence d'un TCC léger (commotio cerebri), l'examen d'un lien de causalité adéquate s'effectue en application de la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.2.3 et les références ; sur la distinction médicale entre une commotio cerebri et une contusio cerebri, cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_44/2017 du 19 avril 2017 consid. 4.1).

Selon la pratique du coup du lapin, l’examen de ces critères doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l'état de santé de l'assuré ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du coup du lapin – dont les composantes psychologique et physique ne sont pas facilement différenciées – (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et consid 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2017 consid. 4.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insgesamt » une amélioration sensible de l'état de santé de l'assuré (RUMO-JUNGO / HOLZER, Bundesgestz über die Unfallversicherung [UVG] 2012 ad art. 6 p. 60).

Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre les plaintes et un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit organique objectivable, il y a lieu d'abord d'opérer une classification des accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement; les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; 115 V 133 consid. 6). Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 117 V 359 consid. 6a). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_890/2012 du 15 novembre 2013 consid. 5.2 et les références).

Lorsque l'accident est insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles peut, en règle générale, être d'emblée niée, sans même qu'il soit nécessaire de trancher le point de savoir si l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin », d'une lésion analogue à une telle atteinte ou d'un TCC
(ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; 117 V 359 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 428/2006 du 30 octobre 2008 consid. 4.2). Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d'une incapacité de travail et de gain. Il faut alors que les conséquences immédiates de l'accident soient susceptibles d'avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d'accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêts du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.2 ; U 369/01 du 4 mars 2002 consid. 2c).

Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité adéquate entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; par analogie 115 V 403 consid. 5b).

Sont réputés accidents de gravité moyenne, les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour admettre le caractère adéquat du lien de causalité entre un tel accident et des atteintes à la santé sans preuve de déficit organique consécutives à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un TCC, il faut que soient réunis certains critères objectifs, désormais formulés de la manière suivante (ATF 134 V 109 consid. 10.2):

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions ;

- l’administration prolongée d’un traitement médical spécifique et pénible ;

- l’intensité des douleurs ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes;

- et, enfin, l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré.

En cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'examen se fait sur la base de ces critères sans opérer de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan (ATF 134 V 109 consid. 10.3 ; 117 V 359 consid. 6a).  

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références).

Nonobstant ce qui précède, même en présence d'un traumatisme de type «coup du lapin» à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un TCC - si les symptômes (non psychiques) du tableau clinique sont réellement à l'arrière-plan par rapport à l'importance des symptômes psychiques, ou si ces troubles psychiques apparaissent très tôt de manière prédominante, soit dans un délai maximum de six mois, ou si l'accident n'a fait que renforcer des troubles psychiques qui étaient déjà présents avant cet événement, ou encore lorsque les troubles psychiques constituent plutôt une atteinte à la santé indépendante et non seulement l'un des éléments du tableau clinique type (ATF 123 V 98 consid. 2) - il convient d'appliquer, dans les cas d'accidents de gravité moyenne, les critères objectifs tels que définis à l'ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et à l'ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques, soit :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques;

- la durée anormalement longue du traitement médical;

- les douleurs physiques persistantes;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;

- le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.

5.              

5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.2.1 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2. et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.2.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.2.3 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39

6.             Aux termes de l'art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1).

Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident et s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2).

7.              

7.1 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA dans sa teneur valable jusqu'au 31 décembre 2016). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

7.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

8.             En octobre 2023, la recourante a été soumise à une expertise neurologique judiciaire par la Dre S______, laquelle comprend le bilan neuropsychologique par M. T______.

8.1 Dans leur rapport d’expertise du 5 avril 2024, les experts émettent les diagnostics de TCC léger avec syndrome post-commotionnel et syndrome post-traumatique, ainsi que de contusion de l'œil droit avec décompensation d'une hypermétrie et développement d'une cataracte post-traumatique plusieurs années après le traumatisme. Le lien de causalité de ces diagnostics avec l'accident est certain.

Les plaintes actuelles n'ont pas de substrat organique objectivable. Un TCC léger isolé n'entraîne pas de lésions axonales suffisantes provoquant des atteintes neurologiques ou cognitives significatives au-delà de quelques jours à quelques semaines. Une contusion fronto-pariétale, telle qu'évoquée par le Dr L______, serait visible sur l'IRM. Or, ce n'est pas le cas.

Les répercussions fonctionnelles semblent homogènes dans les domaines professionnels, familiaux et les loisirs. Ce qui a poussé la recourante à changer d'activité sont les comportements d'évitement secondaires au syndrome de stress post-traumatique.

Dans les limitations fonctionnelles, l'experte mentionne des céphalées qui diminuent la capacité de travail, la lecture et les autres loisirs. La fatigue visuelle consécutive à l'atteinte ophtalmologique nécessite en outre des pauses régulières dans l'activité professionnelle.

Quant à la capacité de travail, au niveau neurologique et neuropsychologique, il est possible qu'elle soit légèrement diminuée, au maximum de 30%, dans l'activité de secrétaire comptable à cause des céphalées, dont l'importance est toutefois difficile à déterminer. La recourante n'a toutefois jamais consulté un spécialiste de céphalées ni n'a reçu une médication spécifique pour ces douleurs. En l'absence d'une prise en charge de cette atteinte, il est à supposer que son impact est plutôt modeste sur la vie de la recourante.

Les répercussions d'un TCC léger limitent en principe la capacité de travail pendant trois mois au maximum.

8.2 Le bilan neuropsychologique montre des déficits sévères à très sévères dans toutes les tâches proposées. Ces déficits extrêmes et l'attitude de la recourante qui paraît très anxieuse et débordée pendant les tests, contrastent avec son attitude durant l'entretien anamnestique où elle se montre souriante et passablement détendue, sensible à l'humour, organisée dans ses propos et capable de conserver le focus attentionnel. Cela signifie qu'il n'y a pas d'atteinte uniforme dans toutes les situations. Il y a une incohérence aussi entre la sévérité des déficits observés et le fait que l'imagerie cérébrale n'ait jamais mis en évidence de lésions. Les performances de la recourante dans les tests correspondent à celles pouvant être observées chez une personne souffrant d'une encéphalopathie cérébrale diffuse d'intensité moyenne, comme par exemple la maladie d'Alzheimer. L'intensité des déficits dans les tests est également étonnante chez une personne au bénéfice d'un bachelor. Le ralentissement constaté aux tâches informatisées d'attention n'est pas non compatible avec la conduite automobile, alors que la recourante conduit régulièrement sa voiture. Enfin, le questionnaire de validation des symptômes correspond à 96% à une majoration des plaintes. Celles-ci sont donc largement exagérées, voire sans fondement.

En comparaison avec le bilan neuropsychologique de 2017, les déficits observés en 2024 sont en apparence encore plus intenses et généraux. Il en va de même des signes de majoration de symptômes et des incohérences.

Aucun diagnostic neuropsychologique ne peut être retenu sur la base des tests et la capacité de travail est complète de ce point de vue dans toute activité.

9.              

9.1 L'expertise judiciaire a été établie en pleine connaissance du dossier médical, prend en considération les plaintes de la recourante, repose sur un examen clinique et un bilan neuropsychologique. Elle contient également des conclusions motivées et convaincantes. Partant, cette expertise remplit en principe tous les critères pour lui reconnaître une pleine valeur probante.

9.2 La recourante dénie toutefois à l'expertise une valeur probante. Elle reproche à l'experte judiciaire d'avoir d'emblée adopté un ton inquisitoire et agressif, et prétend que le déroulement de l'expertise a été perturbé par des appels téléphoniques privés fréquents. L'experte a par ailleurs fait à plusieurs reprises des grimaces envers elle et l'interprète, ce qui a accentué l'impression de mépris et de manque de respect. Il est en outre inadmissible que l'experte conteste longuement le fait que la recourante a reçu un écran plasma sur le visage et il n'est pas compréhensible que l'experte veuille comprendre le déroulement exact de l'accident, alors que ce traumatisme a provoqué notamment des fractures nasales et dentaires, ainsi qu'un traumatisme cérébral avec perte de connaissance. Il y a également eu des problèmes de traduction dans le sens que les explications de la recourante ont été constamment interrompues par un « tir croisé » de l'experte et de l'interprète qui ne laissaient presque jamais la recourante terminer ses explications. Cela a contribué à la déstabiliser, ce qui est admis par l'experte. À cela s'ajoute que l'experte était agressive, voire violente, lors de l'examen physique, et qu’elle s'est moquée de la recourante.

Quant au bilan neuropsychologique, le neuropsychologue était certes plus empathique, mais il a aussi déstabilisé la recourante, en particulier dans un test où il n'a pas admis que les consignes aient été mal comprises, comme elle l'a fait valoir, et en omettant de lui expliquer en quoi sa réponse était fausse. Or, ce test nécessite que la personne expertisée reçoive un feedback. L'expert neuropsychologue indique également, contrairement à la réalité, qu'il n'y a pas de signes physiologiques de fatigue ni plaintes dans ce sens, alors qu'elle avait demandé en vain des pauses en raison de sa fatigue et sa déconcentration. Au demeurant, seul le début du bilan neuropsychologique a été enregistré, ce qui constitue une lacune grave.

Selon la recourante, l'attitude agressive de l'experte a été confirmée par la Dre G______.

Quant au Dr L______, il met en doute les diagnostics retenus sur le plan neurologique.

9.3

9.3.1 Le fait que l'experte s'enquière du déroulement précis de l'accident doit être considéré comme faisant partie de sa mission. Il lui appartient en effet d'apprécier si cet évènement était propre à provoquer les atteintes constatées, respectivement alléguées. L'expert doit en particulier évaluer la force de l'impact et se fonder sur le déroulement de l'événement accidentel pour l'examen du lien de la causalité entre l'accident et les atteintes alléguées. Au demeurant, il n'est pas compréhensible de prime abord qu'un écran plasma posé sur une table tombe sur le visage de la personne qui est debout devant cette table lorsque celle-ci s'écroule, même s'il ne peut être contesté que la recourante ait reçu cet écran sur le visage au vu des lésions au nez et aux dents. La chambre de céans ne voit par conséquent pas un indice de partialité dans le fait que l'experte ait posé des questions sur le déroulement précis de l'accident.

Quant aux problèmes de traduction, la recourante ne démontre pas que certaines de ses explications auraient été mal comprises et n'auraient pas été consignées par l'experte. De surcroît, il sied de relever que l'expertise au O______ s'est déroulé sans interprète, tout comme l'audition de la recourante par la chambre de céans, ce qui montre que la recourante parle et comprend en fait suffisamment bien le français. Elle était ainsi en mesure de se rendre compte des éventuelles erreurs de traduction et de les corriger le cas échant. Cela étant, les difficultés de traduction ne peuvent en l'occurrence pas être considérées comme un élément faisant obstacle à la reconnaissance de la valeur probante de l'expertise.

Dans les entretiens enregistrés, la chambre de céans ne constate pas non plus une attitude agressive de l'experte, si ce n'est une certaine impatience lorsque la réponse se fait attendre.

Le Dr L______ critique l'expertise judiciaire sur le fond quant aux diagnostics retenus. Toutefois, dans la mesures où des limitations cognitives n'ont pu être mises en évidence, l'éventuel syndrome post-commotionnel, toujours présent selon ce médecin, n'a pas de répercussion sur la capacité de travail. L'affirmation de ce dernier, selon laquelle la capacité de travail est au maximum entre 37,5% et 40% dans une activité adaptée, est en outre en contradiction avec réalité, dès lors que la recourante travaille à 100%. Enfin, le Dr L______ n'est pas un spécialiste en neurologie, mais uniquement en médecine physique et réadaptation, même s'il effectue des consultations en neuro-habilitation. Partant, son avis n'est pas propre à mettre en doute les conclusions des experts judiciaires.

9.3.2 Quoi qu'il en soit, dans la mesure où la recourante se plaint principalement de troubles cognitifs, c'est essentiellement le bilan neuropsychologique qui est déterminant.

Il ne peut être considéré que cet examen n'est pas valable du fait du déroulement d'un test pour lequel l'expert neuropsychologue n'aurait pas appliqué les consignes et ainsi déstabilisé la recourante. En effet, celle-ci a effectué de nombreux tests qui ont tous montré des déficits sévères à très sévères. Même si la recourante était éventuellement déstabilisée par le déroulement de l'un de ces tests, par la faute du neuropsychologue, il ne peut être admis qu'elle l'ait été pour tous les tests. Cela n'explique pas non plus pourquoi, selon le questionnaire de validation des symptômes, 96% des plaintes semblent être majorés. Enfin, ce bilan confirme dans les grandes lignes le précédent, effectué en 2017 dans le cadre de l'expertise du O______, en particulier en ce qui concerne la majoration des symptômes.

S'agissant du grief formel selon lequel l'examen neuropsychologique n'a pas été enregistré dans sa totalité, il est vrai que l'art. 44 al. 6 LPGA prescrit que les entretiens entre l’assuré et l’expert doivent faire l’objet d’enregistrements sonores, sauf avis contraire de l'assuré. Toutefois, cette disposition ne s'applique qu'aux assureurs et non aux autorités judiciaires (ATAS/206/2022 du 9 mars 2022 consid. 7.2).

Au demeurant, il paraît difficile d'enregistrer un examen neuropsychologique, dans la mesure où la personne examinée effectue pendant une large partie de l'examen des tests écrits sans le concours du neuropsychologue.

Le bilan neuropsychologique judiciaire doit dès lors être considéré comme pleinement probant.

10.          

10.1 Au vu de ce bilan, il n'est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la recourante souffre de troubles cognitifs.

Quant aux céphalées diagnostiquées par l'experte neurologue, elles ne diminuent pas la capacité de travail dans l'activité actuelle, la recourante travaillant à 100%. Au demeurant, selon cette experte, il est seulement possible qu'elles restreignent la capacité de travail d'au maximum de 30% comme secrétaire comptable. Conformément aux règles d'appréciation des preuves, cela ne permet pas de retenir une capacité de travail réduite dans l'activité habituelle. De surcroît, le diagnostic de céphalées repose uniquement sur les dires de la recourante. Or, celle-ci n'a jamais consulté un médecin spécialiste de ces douleurs ni ne prend des médicaments pour les diminuer. Dans ces circonstances, la réalité de céphalées impactant la capacité de travail n'est pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

11.         En tout état de cause, même en admettant l'existence de troubles cognitifs, le lien de causalité adéquate entre ces troubles et l'accident devrait être nié. En effet, comme exposé ci-dessus, dans une situation où les symptômes consécutifs à un accident ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d'appliquer les critères élaborés par le Tribunal fédéral. Or, selon ces critères, une causalité adéquate ne peut être admise.

En premier lieu, l'accident doit être qualifié de léger, tout au plus à la limite de l'accident moyen, étant rappelé qu'il n'est pas tenu compte des conséquences de l'accident dans cette appréciation. Il n'y avait pas de circonstances concomitantes particulièrement dramatiques et l’accident n'était pas particulièrement impressionnant, s'agissant de l'écroulement d'une table et de la chute d'un écran de plasma sur le visage. Cela est aussi admis par les experts du O______ dans leur rapport du 13 février 2018 et par le Dr L______ dans son rapport du 12 mars 2018. Les lésions ne sont objectivement pas particulièrement graves ni d'une nature particulière. La recourante n'a pas non plus subi un traitement spécifique et pénible ni souffert d'intenses douleurs. Des erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ne sont pas rapportées ni des difficultés apparues au cours de la guérison ou des complications importantes. Enfin, la recourante est restée totalement incapable de travailler pendant moins de deux mois, puis à 50% pendant plus d'une année. Cela étant, seule une incapacité de travail à 50% pendant moins de six mois a été reconnue par les experts du O______. Quant à l'expertise judiciaire, elle est encore plus sévère puisqu’elle retient que l'incapacité de travail n'est en principe que de trois mois au total après un TCC léger. Le critère d'une longue incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré ne peut ainsi pas non plus être retenu.

12.         En conséquence, le recours sera rejeté et la cause renvoyée à l'intimée pour statuer sur l'indemnité pour atteinte à l'intégrité en ce qui concerne l'œil droit.

13.         L'intimée ne peut prétendre à une indemnité à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario). Quoi qu'il en soit, elle n'est pas représentée par un avocat.

14.         La procédure est gratuite.

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renvoie la cause à l'intimée pour statuer sur le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le