Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/817/2022

ATAS/545/2024 du 28.06.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/817/2022 ATAS/545/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______
représenté par Me Yves MABILLARD, avocat

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré), ressortissant suisse né en 1968 et domicilié à B______, France, a travaillé comme instructeur de vol selon des horaires irréguliers pour un club d’aéronautique.

À ce titre, il était assuré contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après la SUVA).

L’assuré travaillait en parallèle en qualité de pilote sur simulateur de vol pour la société C______ à 35%, ainsi qu’en tant qu’agent de trafic aérien pour la société D______.

b. Le 20 juin 2017, l’avion que l’assuré pilotait en qualité d’instructeur s’est écrasé dans un col.

Cet accident a entraîné une paraplégie AISA de niveau L3, un traumatisme cranio-cérébral, des fractures C1 et C2 de type Hangman, des brûlures aux 2ème et 3ème degrés des membres inférieurs et au 2ème degré des membres supérieurs, une fracture du plateau vertébral supérieur de L1 type A1, traitée conservativement, une fracture en H du sacrum avec syndrome de la queue de cheval sur dislocation spino-pelvienne, une fracture du sternum et des 9ème et 10èmes côtes à droite, une lésion du nerf fibulaire et tibial droit et axonotmèse des racines L5 et S1 à gauche et une neuropathie des racines S1 et S2 avec dénervation des muscles piriformes.

Une ostéosynthèse spino-pelvienne L4-pelvis avec fusion postérieure L4-pelvis, décompression et sacroplastie S2-S3 a été pratiquée le 22 juin 2017.

c. La SUVA a pris en charge les suites de l’accident.

d. Le docteur E______, médecin au Service de neuro-rééducation des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a attesté une contre-indication médicale à l'utilisation des transports publics. L’assuré devait emprunter des transports motorisés accompagnés non médicalisés entre son domicile et les lieux de rééducation (physiothérapie, consultations) à partir du 22 décembre 2017.

e. Le 7 janvier 2019, l’assuré a repris son activité à 35% pour C______.

f. Lors d’un entretien du 16 mai 2019 avec la SUVA, l’assurance-invalidité, l’assuré et l’employeur, ce dernier a exposé que l’assuré accomplissait son travail comme avant l’accident. Le seul problème était qu’il n’atteignait pas son taux d’activité. L’assuré a exposé qu’il avait tenté de planifier au mieux ses traitements afin de pouvoir assumer ses impératifs professionnels. Cependant, certaines séances de physiothérapie étaient très astreignantes et il lui était déconseillé d'enchaîner physiothérapie et travail.

g. Dans un rapport du 27 août 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a indiqué que le programme intensif de réhabilitation se poursuivait. Le pronostic était favorable, mais il fallait encore du temps.

h. Questionné par la SUVA sur l’aptitude à la conduite de l’assuré et le besoin de continuer à recourir à des taxis pour se rendre chez ses prestataires de soin, le Dr F______ a répondu, le 25 août 2020, que l’assuré était apte à conduire, mais que les soins restaient conséquents et le fatiguaient encore beaucoup.

i. Par courrier du 2 septembre 2020, la SUVA a attiré l’attention de l’assuré sur le fait que les frais de déplacement en taxi pour se rendre aux rendez-vous médicaux et de physiothérapie couvraient uniquement le trajet jusqu’à l’endroit le plus proche où les soins appropriés pouvaient être dispensés. Considérant que les déplacements en taxi n’étaient plus médicalement justifiés, elle ne les prendrait en charge que jusqu’au 31 août 2020.

L’assuré lui a répondu le 14 septembre 2020, en invoquant une très grande fatigue et des douleurs ; après les soins, il s’endormait régulièrement et envisageait mal la conduite dans les embouteillages et le trafic matinaux ; il craignait de s’endormir au volant. Les bus ne desservaient pas fréquemment son domicile et prolongeaient énormément le temps de trajet. Se rendre aux consultations et thérapies avec sa voiture impliquait une grande perte de temps pour trouver un emplacement pour se garer.

Suite à ce courrier, la SUVA a accepté de prolonger la prise en charge des frais de déplacements jusqu'au 30 septembre 2020, date au-delà de laquelle, leur nécessité devrait être justifiée par le Dr F______.

j. Dès octobre 2020, le Dr F______ a régulièrement attesté de la nécessité pour l’assuré de se rendre en taxi à ses thérapies en raison de son importante fatigue chronique.

k. Par courrier du 9 avril 2021, la SUVA s’est étonnée que les frais réclamés en mars se soient élevés à CHF 3'152.00, soit un montant bien plus élevé que les frais ordinairement remboursés (de CHF 1'500.- à CHF 2'000.- par mois). La SUVA a annoncé transmis à l’assuré la liste d’entreprises sociales de transport en indiquant à l’assuré que s’il utilisait un taxi, les frais supplémentaires qui en résulteraient seraient à sa charge dès le 15 avril 2021.

Par courriel du 19 mai 2021, l’assuré lui a répondu qu’il avait contacté différentes entreprises de transport, mais que certaines ne desservaient pas la France, d’autres avaient des tarifs similaires aux taxis. Il appellerait cependant les entreprises suggérées. Quant à l’augmentation des frais, elle s’expliquait par l’augmentation des consultations et l’éloignement des lieux de soins (physiothérapie à La Praille deux fois par semaine, physiothérapie pelvienne aux Grangettes une fois par semaine, physiothérapie medical training therapy [MTT] à La Colline une fois par semaine, acupuncture à Meyrin deux fois par semaine, homéopathie à Rive une fois par mois et psychothérapie à la place Sturm une fois par semaine). Il s’efforçait de programmer les soins dans les mêmes lieux et aux mêmes jours.

Par courriel du 24 mai 2021, l’assuré a encore précisé que huit des quinze entreprises de transport contactées lui avaient répondu : trois ne faisaient pas du tout de transport transfrontalier ; les moins chères facturaient de CHF 55.- à CHF 62.- par trajet entre B______ et Genève, et de CHF 40.- à CHF 45.-, voire CHF 50.- à CHF 55.- par trajet en ville. Il était de plus difficile de calculer l'impact en cas d'annulation et de changement d’horaire. Il avait changé d’acupuncteur pour consulter un médecin moins excentré afin de diminuer les coûts.

Par courriel du 28 mai 2021, la SUVA a répondu à l’assuré qu’elle prendrait en charge ses déplacements en taxi jusqu’à la fin du mois. Dès le 1er juin 2021, la situation serait revue.

l. Questionné par la SUVA, le Dr F______ lui a répondu, le 19 juillet 2021, que les trajets en taxi restaient nécessaires, en raison d’une fatigue chronique assez marquée, de tensions psychologiques et d’un état anxio-dépressif de l’assuré.

Le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a admis le 27 juillet 2021 que les éléments avancés par le Dr F______ justifiaient les trajets en transports privés. Il lui paraissait souhaitable, pour diminuer les frais, que les soins soient réalisés à un seul endroit, par exemple aux HUG.

Par courriel du 28 juillet 2021, la SUVA a admis la nécessité des déplacements en transport privé, tout en maintenant que sa prise en charge devait se limiter au prix d’une course par une entreprise sociale de transport. Elle recherchait une solution pour la couverture des frais de déplacement dès le 1er juin 2021 avec l’assurance complémentaire en cas d’accident.

Les deux entreprises de transport contactées à la même date par la SUVA ont mentionné des tarifs de CHF 48.- par trajet pour l’une, de CHF 53.- à CHF 58.- par trajet pour l’autre.

m. Par courriel du 30 septembre 2021 à la SUVA, l’assurance complémentaire en cas d’accident a refusé de participer à la prise en charge des frais de transport.

n. Par décision du 1er octobre 2021, la SUVA, se référant aux tarifs communiqués par les entreprises de transport, a plafonné le remboursement des déplacements à CHF 50.- par trajet à compter du 1er juin 2021, soit un forfait de CHF 100.- par jour au plus.

o. Par courriel du 10 octobre 2021, l’assuré a exposé à la SUVA qu’il s’était organisé de sorte à pouvoir suivre trois à quatre soins par demi-journée, la plupart du temps, précisément afin d’éviter les trajets transfrontaliers. Il n’était pas toujours possible de les programmer à la suite les uns des autres, si bien qu’il lui arrivait de devoir regagner son domicile entre deux soins. Il demandait si, dans ces circonstances, la SUVA maintenait un plafond de CHF 100.- par jour. Il l’invitait en outre à lui communiquer les noms des entreprises pratiquant les tarifs annoncés, afin qu’il les contacte. Enfin, il s’enquérait de ce qu’il adviendrait des coûts des courses commandées en cas d’annulation des soins.

Le 12 octobre 2021, la SUVA lui a répondu qu’en dérogation partielle avec les accords sectoriels conclus entre l’Union européenne et la Suisse, elle avait accepté la prise en charge des frais de déplacement afin de permettre le traitement médical en Suisse, notamment pour tenir compte de la gravité des lésions. Cela étant, l’assuré devait en principe recourir au médecin ou au thérapeute le plus proche, les frais résultant d’un lieu de traitement plus éloigné étant à sa charge. La SUVA avait accepté que les soins principaux soient administrés aux HUG et à la Praille pour tenir compte de la rééducation spécifique de l’assuré, mais elle aurait pu exiger que les autres thérapies (par exemple l’acupuncture, l’homéopathie et la psychologie) aient lieu en France, ce qui aurait impliqué la prise en charge par l’institution française, soit la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). La SUVA a confirmé qu’elle ne prendrait désormais plus en charge qu’un forfait journalier de CHF 100.-. Elle a pour le surplus communiqué à l’assuré les noms des entreprises contactées.

p. Le 8 novembre 2021, l’assuré s’est formellement opposé à la décision du 1er octobre 2021 en reprochant à la SUVA de l’avoir rendue avec effet rétroactif. Il a produit un courriel d’une des entreprises citées par la SUVA, annonçant des tarifs de CHF 50.- à CHF 55.-, et de CHF 41.- à CHF 45.- à l’intérieur du canton. Il a répété qu’il s’efforçait de combiner deux soins par jour et a fait valoir que le montant de CHF 100.- par jour n’était pas réaliste. Il demandait à la SUVA de prendre en charge les frais effectifs engagés jusqu’au 31 octobre 2021, de lui allouer dès le 1er novembre 2021 un forfait tenant compte de la combinaison des soins ou un complément de CHF 40.- par jour pour les déplacements à l’intérieur du canton.

q. Par décision du 10 février 2022, la SUVA a écarté l’opposition. Elle a relevé que le Centre Hospitalier Alpes Léman (CHAL) et l’Hôpital Intercommunal Sud-Léman Valserine à St-Julien-en-Genevois, offrant des soins variés, se situaient respectivement à 14 km et 5 km du domicile de l’assuré. Partant, les traitements tels que la physiothérapie, l'acupuncture, l'homéopathie ou encore le suivi psychologique pouvaient être effectués en France. Le Dr G______ avait en outre souligné qu’il serait souhaitable que tous les soins aient lieu au sein du même établissement. L’assuré avait été rendu attentif en septembre 2020 déjà à la nécessité de réduire le dommage. Il savait que si les risques justifiant le recours à des taxis disparaissaient, la SUVA ne prendrait plus en charge les transports dans la même mesure, de même que si une autre solution permettait de réduire le dommage, tel le regroupement des soins. Cette solution était déjà envisageable en septembre.

B. a. Par écriture du 14 mars 2022, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de dépens, à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge l’intégralité de ses frais de déplacement jusqu’à la stabilisation de son état de santé, subsidiairement à ce qu’elle soit condamnée à prendre en charge l’intégralité de ses frais de déplacement jusqu’au 31 octobre 2021 et à hauteur de CHF 140.- par jour au moins dès le 1er novembre 2021.

Le recourant relève que les HUG ne prodiguent pas l’intégralité des soins nécessaires.

Quant au CHAL, établissement suggéré par l’intimée, il se trouve à 22 km de son domicile, alors que les HUG sont à 8 km.

Qui plus est, ni le CHAL, ni l’Hôpital de Saint-Julien-en-Genevois n’acceptent de patients ambulatoires. De plus, ils n’offrent de consultations ni en médecine naturelle, ni en acupuncture, ni en fasciathérapie, ni en physiothérapie pelvienne, ni en laser sur les greffes de peaux.

Le recourant fait valoir qu’il est suivi depuis cinq ans par ses fournisseurs de soin actuels, qui connaissent bien son dossier. Un transfert ne permettrait pas un suivi efficace et mettrait en péril ses progrès.

Renseignements pris auprès de la société de transport contactée par la SUVA, le coût d’un aller simple de son domicile à l’un des cabinets de soins s’élève à CHF 50.-. Or, il n’a jamais un seul soin par jour, si bien que le forfait proposé ne n’est pas suffisant : lorsqu’il a deux traitements par jour, il encourt un coût supplémentaire de CHF 41.- ou CHF 45.- par transfert dans Genève. Les transferts en taxi sur le territoire genevois coûtent moins cher qu’avec les entreprises de transport sociales.

Enfin, le recourant conteste le caractère rétroactif de la décision et souligne ses efforts pour diminuer le dommage.

b. Dans sa réponse du 21 juin 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Elle allègue que le Centre hospitalier Annecy Genevois, site de Saint-Julien en Genevois, se trouve à 5.2 km et neuf minutes en voiture d'B______ et qu’il offre des soins de rééducation et de psychiatrie. À St-Julien en Genevois, il existe également plusieurs psychologues ou thérapeutes EMDR, un fasciathérapeute, de même que des acupuncteurs. Elle en tire la conclusion que les soins ne pouvant être dispensés aux HUG pourraient l’être en France, à moins de dix minutes en voiture du domicile du recourant.

c. Dans sa réplique du 3 octobre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il invoque le libre choix du médecin et allègue que tous ceux qu’il a consultés lui ont été recommandés par les HUG - ce qui facilite la collaboration avec cet hôpital – et qu’il a noué avec eux des liens de confiance permettant d’améliorer son état de santé. Le choix de ces médecins répond aux impératifs d’économie de traitement.

Il répète que le traitement au CHAL n’est pas possible. Quant au Centre hospitalier Annecy Genevois, il ne prend pas en charge de patients en ambulatoire.

Le recourant ajoute qu’il a cherché à se faire soigner à la Clinique Pierre de Soleil, sise à Vétraz Monthoux, distante de treize km de son domicile. Cette clinique lui a cependant indiqué qu’elle ne dispose pas de spécialistes pour la rééducation pelvienne, la psychothérapie, la thérapie EMDR, la fasciathérapie et l’acupuncture.

Le recourant a produit, notamment :

-          un courriel du 8 août 2022 du Centre hospitalier Annecy genevois du 8 août 2022, mentionnant la fusion de cet établissement avec l’hôpital de Saint-Julien, précisant que seuls les patients qui y sont hospitalisés sont pris en charge ;

-          un courriel du 30 août 2022 du CHAL, indiquant ne pas disposer de structures de soins de suite et de réadaptation ;

-          un courriel du 22 septembre 2022 de la Clinique Pierre de Soleil, indiquant ne pas disposer de médecin spécialiste pour le suivi du recourant et ne proposer ni rééducation pelvienne, ni psychothérapie, ni thérapie EMDR, ni fasciathérapie.

d. Par écriture du 9 janvier 2023, l’intimée a allégué qu’elle ne « pouvait se douter » que le Centre hospitalier Annecy Genevois ne prenait pas en charge des patients en ambulatoire. Selon elle, plusieurs autres traitements pourraient être réalisés à Saint-Julien en Genevois, ce qui réduirait les trajets et éliminerait le besoin de taxi, le recourant pouvant utiliser son véhicule privé. Suivre un traitement à Saint-Julien ne compromettrait pas son efficacité. Ainsi, le montant forfaitaire de CHF 100.- par jour devrait suffire à couvrir les frais de transport du recourant.

e. La Cour de céans a entendu les parties le 2 février 2023.

Le recourant a décrit son programme de soins, incluant deux fois par semaine de la physiothérapie physique à la Tour, une fois par semaine de la physiothérapie pelvienne à la Tour, une fois par semaine de la fasciathérapie à la Colline, une fois par mois de la médecine naturelle à Rive et une fois par mois un traitement laser sur les greffes de peau aux HUG, en sus d’autres rendez-vous médicaux chez les spécialistes.

Il dispose d’une carte pour personne à mobilité réduite, ses médecins préconisant qu’il ne reste pas debout trop longtemps. Sa mère n'a pas le permis de conduire et il ne peut solliciter autant ses collègues et amis.

Le recourant souligne qu’avant la pandémie de coronavirus, il voyait également une psychothérapeute et un acupuncteur. La première ne pouvait cependant le suivre pour son stress post-traumatique et il a renoncé à consulter le second.

Ses médecins le suivent depuis des années, si bien qu’il n’a pas envie d’en changer.

Certaines spécialités ne se trouvent pas près de son domicile. La fasciathérapeute la plus proche est à Annecy, par exemple.

S’il n’a pas eu recours à une entreprise de transport, c’est parce qu’il faut alors donner un planning un mois à l'avance, ce qui est impossible en raison de ses fréquents changements d'horaires au travail ; qui plus est, certains trajets sont plus chers qu'en taxi.

Depuis l’octroi du forfait par l’intimée, il s’acquitte de la différence, ce qui représente environ CHF 8'700.- sur un an et demi. Il essaye d'utiliser plus souvent son véhicule privé, principalement pour aller à l’hôpital de la Tour et au travail.

Il fait remarquer que l’intimée n’a pas contacté les différents spécialistes proches de son domicile pour s'assurer de leurs disponibilités.

f. À la demande des parties, la Cour de céans, par ordonnance du 21 juin 2023, a suspendu l’instruction de la cause, reprise par ordonnance du 31 octobre 2023 sur requête du recourant.

g. Dans ses déterminations du 21 novembre 2023, l’intimée a invoqué l’obligation de diminuer le dommage du recourant.

Selon les indications de son service en charge des frais de traitement, les frais de déplacement se calculent de la frontière jusqu’au rendez-vous médical en Suisse, et les frais de transport en France jusqu’à la frontière devraient être transmis à l’organisme de liaison compétent français, soit la CPAM. L’intimée en tire la conclusion que le montant forfaitaire ne couvre pas les trajets d’B______ à la frontière et que c’est à tort qu’elle les a remboursés. Le chauffeur de taxi régulièrement sollicité par le recourant facture le trajet d’B______ à la frontière entre CHF 20.- et CHF 30.- ou jusqu’à CHF 15.- en fonction de la douane empruntée.

S’agissant des trajets à Genève, l’intimée fait valoir que le recourant aurait pu emprunter les transports publics, en utilisant son téléphone comme réveil pour pallier au risque de s’endormir.

Au vu de ces éléments, le montant forfaitaire de CHF 100.- par jour est largement suffisant pour couvrir les frais de déplacement.

h. Par écriture du 17 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il estime avoir respecté son obligation de diminuer le dommage en tentant de regrouper les soins, de rappeler aux chauffeurs les changements de tarifs et en choisissant les trajets les moins dispendieux.

Quant à l’argument selon lequel les frais de déplacement ne se calculeraient que de la frontière jusqu'au rendez-vous médical en Suisse, le recourant fait valoir qu’il s’agit seulement d'une pratique interne de l’intimée. C’est la première fois qu’elle le renvoie à agir auprès de la CPAM pour les frais de transport de son domicile français à la frontière suisse. D’ailleurs, cet organisme n’intervient que pour les assurés de nationalité française domiciliés en France. De plus, les coûts afférents au trajet sur le territoire français sont dérisoires.

Le recourant conteste les montants prétendument communiqués à l’intimée par son chauffeur de taxi.

Quant aux transports publics, il rappelle que la possibilité d’y recourir a été écartée pour raisons médicales.

Les quittances adressées par le recourant à l’intimée démontrent que le forfait de CHF 100.- par jour est largement insuffisant. Il pourrait l’être dès le 1er janvier 2023, dès lors que son état de santé s’améliorerait et que le nombre de soins et leur fréquence diminueraient.

Le recourant produit un document établi par ses soins recensant les frais de déplacement et les remboursements de la SUVA depuis juin 2021, ainsi qu’un courriel du 6 décembre 2023 de la CPAM, refusant de prendre en charge les dépenses de transport non couvertes par l’intimée.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit du recourant au remboursement de ses frais de transport.

5.             Le recourant étant domicilié en France, il convient de rappeler ce qui suit.

5.1 Selon l’art. 1a al. 1 let. a LAA, les travailleurs occupés en Suisse ont assurés à titre obligatoire conformément à la LAA.

5.2 Conformément à l’art. 8 de l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681), les parties règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment l’égalité de traitement (let. a), la détermination de la législation applicable (let. b), ou encore le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes (let. d).

Aux termes de l'art. 1 par. 1 de l'annexe II à l'ALCP, en relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1).

5.3 Pour être couvert par le champ d'application personnel du règlement n° 883/2004 défini à son art. 2 par. 1, il faut, d'une part, que soit réalisée la condition de la nationalité, respectivement du statut d'apatride ou de réfugié avec résidence dans l'un des États membres de l'Union européenne [UE] ou en Suisse, ou du statut familial (membres de la famille) et, d'autre part, que la cause présente une situation transfrontalière, soit un élément d’extranéité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2017 du 20 septembre 2017 consid. 4). Un tel lien transfrontalier est donné en cas d'exercice d'un droit propre à la libre circulation sur le territoire d'un Etat membre (ATF 143 V 81 consid. 8.3.3.2).

En l’espèce, il y a lieu de reconnaître un lien transfrontalier dès lors que le recourant a exercé son droit à la libre circulation en s’établissant en France, si bien que l’ALCP et ses règlements d’application énumérés à l’art. 115a LAA sont applicables dans la présente cause.

5.4 L’art. 11 du règlement (CE) n° 883/2004 consacre le principe de la législation unique applicable aux personnes tombant dans le champ d’application dudit règlement (par. 1). La personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre (par. 3 let. a).

Aux termes de l’art. 17 du règlement (CE) n° 883/2004, la personne assurée ou les membres de sa famille qui résident dans un Etat membre autre que l’Etat membre compétent bénéficient dans l’Etat membre de résidence des prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de résidence, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’ils étaient assurés en vertu de cette législation. Selon l’art. 36 par. 2 dudit règlement, la personne qui a été victime d’un accident du travail ou qui a contracté une maladie professionnelle, et qui réside ou séjourne dans un État membre autre que l’État membre compétent, bénéficie des prestations en nature particulières du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de résidence ou de séjour conformément à la législation qu’elle applique, comme si elle était assurée en vertu de cette législation. L’art. 18 par. 1 prévoit qu’à moins que le par. 2 n’en dispose autrement, la personne assurée et les membres de sa famille visés à l’art. 17 peuvent également bénéficier des prestations en nature lors de leur séjour dans l’État membre compétent. Les prestations en nature sont servies par l’institution compétente et à sa charge, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme si les personnes concernées résidaient dans cet État membre. Lorsque les prestations en nature sont fournies dans le pays de résidence par l’organisme compétent conformément à sa législation, le droit aux prestations en nature dans cet état est attesté par un document délivré par l’institution compétente (en l’espèce l’intimée) à la demande de la personne assurée ou de l’institution du lieu de résidence (cf. art. 24 et 33 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement [CE] n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]) (cf. arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud  2022 / 385 du 23 juin 2022 consid. 2b).

5.5 La législation suisse est ainsi applicable dans le cas d’espèce, comme le prévoit le droit international, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties.

6.             L’assuré peut choisir librement son médecin, son dentiste, son chiropraticien, sa pharmacie et l’hôpital ou l’établissement de cure dans lequel il veut se faire soigner (art. 10 al. 2 LAA). L’art. 16 OLAA prévoit que lorsque l’assuré veut changer de médecin, de dentiste, de chiropraticien ou d’hôpital, il doit en informer immédiatement l’assureur.

L’art. 48 al. 1 LAA dispose que l'assureur peut prendre les mesures qu'exige le traitement approprié de l'assuré en tenant compte équitablement des intérêts de celui-ci et de ses proches.

7.             L’art. 13 LAA dispose que les frais de voyage, de transport et de sauvetage sont remboursés, dans la mesure où ils sont nécessaires (al. 1). Le Conseil fédéral peut limiter le remboursement des frais à l’étranger (al. 2).

Aux termes de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), les frais nécessaires de sauvetage et de dégagement, ainsi que les frais médicalement nécessaires de voyage et de transport sont remboursés. D’autres frais de voyage et de transport sont remboursés lorsque les liens familiaux le justifient (al. 1). Si de tels frais sont occasionnés à l’étranger, ils sont remboursés jusqu’à concurrence du cinquième du montant maximum du gain annuel assuré (al. 2).

7.1 Les frais de transport sont nécessaires lorsqu’ils sont causés par l’accident. Tel est par exemple le cas d’une consultation d’un médecin, d’un rendez-vous à l’hôpital ou d’un traitement physiothérapeutique (Martina FILIPPO in Commentaire bâlois, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 16 ad art. 13 LAA).

7.2 Les frais de transport constituent des prestations en nature au sens de l’art. 14 LPGA, qui sont généralement directement emboursées par l’assureur-accidents au fournisseur de prestations (Marc HÜRZELER / Claudia CADERAS, in HÜRZELER / KIESER [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozial-versicherungsrecht, UVG, 2018, n. 29 ad art. 13 LAA).

De manière générale, ces frais couvrent les coûts des transports publics en deuxième classe. Lorsque les circonstances le justifient, il y a lieu d’indemniser le recours à une voiture privée et les frais de parking. Des frais de taxi ou d’une entreprise de transport peuvent également être pris en charge s’ils sont médicalement nécessaires (Kaspar GEHRING in KVG/UVG Kommentar, 2018, n. 4 ad art. 13 LAA). Les coûts de l’utilisation d’un véhicule privé ou d’un taxi d’une entreprise sociale sont aussi pris en charge lorsque les transports publics ne peuvent être empruntés. Tel est notamment le cas lorsqu’une capacité de travail ne peut être mise en valeur (Martina FILIPPO, ibidem, n. 19 ad art. 13 LAA). En cas d’utilisation d’un service régulier de taxi, l’assureur rembourse les trajets selon les tarifs d’une entreprise sociale. Les temps d’attente du chauffeur doivent être indemnisés lorsque les coûts sont inférieurs à ceux qui découleraient de la commande d’un deuxième véhicule pour le trajet de retour (FILIPPO, Sozialversicherungsrechtliche Leistungen für Fahrdienste in HAVE 2023 p. 26).

Les frais nécessaires sont en principe remboursés sans limite (Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd., 2016, n. 205), à tout le moins sur le territoire suisse (GEHRING, ibidem, n. 6 ad art. 13 LAA).

7.3 L'obligation de diminuer le dommage est un principe général des assurances sociales (ATF 129 V 460 consid. 4.2). Ainsi doit-on pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu'il prenne toutes les mesures qu'un homme raisonnable prendrait dans la même situation s'il devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance. Au moment d'examiner les exigences qui peuvent être posées à un assuré au titre de son obligation de réduire le dommage, l'administration ne doit pas se laisser guider uniquement par l'intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l'assurance, mais doit également tenir compte de manière appropriée du droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l'intérêt qui doit l'emporter dans un cas particulier ne peut être tranchée une fois pour toutes. Cela étant, plus la mise à contribution de l'assureur est importante, plus les exigences posées à l'obligation de réduire le dommage devront être sévères (ATF 138 I 205 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2017 du 2 juin 2015 consid. 2.3).

La question de la justification d’un transport auprès d’un fournisseur de soins plus éloigné aux fins de traitement s’apprécie en fonction de l’obligation de diminuer le dommage (Marc HÜRZELER / Claudia CADERAS, in HÜRZELER / KIESER [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n. 17 ad art. 13 LAA). Eu égard à l’obligation de réduire le dommage, un refus de prise en charge de frais de voyage est admissible s’agissant d’un assuré suivant le traitement médicalement nécessaire en un endroit éloigné de son domicile, alors que les infrastructures médicales offrant une prise en charge tout aussi appropriée existent à proximité (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 164/21 - 61/2022 du 2 juin 2022 consid. 5b). En effet, le droit fondamental de l’assuré de choisir son fournisseur de soins selon l’art. 10 al. 2 LAA est distinct du droit au remboursement des frais de voyage au sens de l’art. 13 LAA. Partant, les déplacements pour se rendre au cabinet d’un praticien éloigné ne sont pas médicalement nécessaires si un traitement approprié peut être dispensé près du domicile de l’assuré. Dans une telle hypothèse, l’assuré reste libre de consulter un médecin éloigné de chez lui, mais il ne peut prétendre que les déplacements étaient médicalement nécessaires (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 58/18 - 50/2019 du 9 avril 2019 consid. 4b).

7.4 La Commission ad hoc sinistres LAA, dans laquelle plusieurs assureurs-accidents – dont l’intimée –, sont représentés, a été créée afin que les divers organismes appliquent la loi de façon uniforme. Elle émet dans ce but des recommandations. Ces recommandations ne sont ni des ordonnances administratives, ni des directives de l'autorité de surveillance aux organes d'exécution de la loi. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit. Même si elles ne sont pas dépourvues d'importance sous l'angle de l'égalité de traitement des assurés, elles ne lient pas le juge (ATF 139 V 457 consid. 4.2).

7.4.1 Dans ce cadre, cette Commission a établi la recommandation 1/94, relative aux frais de sauvetage, de dégagement, de voyage et de transport notamment, révisée pour la dernière fois le 16 novembre 2018. Selon son chiffre 1.2, les frais de voyage et de transport sont remboursés s'ils sont nécessaires pendant la période de guérison. La notion de nécessité est définie comme suit au chiffre 2.1 : sont nécessaires au sens des dispositions de la loi et de l'ordonnance les dépenses appropriées et raisonnables pour les actes de sauvetage et de dégagement, les frais de voyage jusque chez le médecin ou à l'hôpital le plus proche qui est en mesure de traiter le problème médical, ainsi que l'utilisation du moyen de transport adapté à la gravité de la blessure subie. Aux termes du chiffre 4.2, le principe qui prévaut est celui de consulter le médecin ou thérapeute le plus proche qui est en mesure de traiter le problème médical. C’est pourquoi l'assureur ne prend à sa charge que les frais de voyage ou de transport qui auraient été occasionnés par la consultation du médecin ou thérapeute le plus proche. La personne accidentée doit prendre en charge elle-même les frais occasionnés par le choix d’un lieu de traitement plus éloigné. Conformément à l’accord sectoriel conclu entre l’UE et la Suisse, le traitement d’une personne assurée domiciliée dans un pays de l’UE peut avoir lieu en Suisse ou dans son pays de résidence. Si une personne assurée domiciliée dans un pays de l’UE souhaite suivre un traitement en Suisse, les frais de voyage et de transport ne sont alors pris en charge que si les examens médicaux s’avéraient insuffisants dans le pays de domicile. Les frais et coûts liés au transport dans le cadre des prestations médicales dispensées dans le pays de l’UE sont fixés par le tarif social de l’assurance-accidents légale du pays de l’UE. Selon le chiffre 5.3, en cas de recours à un service de taxi régulier, l’assureur prend seulement à sa charge le tarif qui aurait été occasionné par l’utilisation d’un taxi d’une entreprise sociale.

7.4.2 Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de la légalité de la recommandation 1/94 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_248/2015 du 21 septembre 2015 consid. 4).

8.             L'art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l'égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations. Le Conseil fédéral peut prévoir la perception d'émoluments et en fixer le tarif pour les consultations qui nécessitent des recherches coûteuses (al. 2). Si un assureur constate qu'un assuré ou ses proches ont droit à des prestations d'autres assurances sociales, il les en informe sans retard (al. 3).

8.1 Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 139 V 524 consid. 2.2). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1 et les références).  

8.2 L'art. 27 LPGA est étroitement lié au principe constitutionnel d'après lequel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir conformément au principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution [Cst. – RS 101]). Un renseignement erroné ou l'omission de renseigner l'assuré en violation de l'art. 27 LPGA peuvent, dans certaines circonstances, justifier l'octroi d'un avantage contraire à la loi, en vertu du droit constitutionnel à la protection de la bonne foi ancré à l'art. 9 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_627/2009 du 8 juin 2010 consid. 5.2). En effet, selon la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée. Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la troisième condition citée devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 du 11 novembre 2022 consid 3.2.3).  

8.3 La jurisprudence a déduit de la protection de la bonne foi qu’une assurance qui continue à rembourser sans réserve un traitement par opiacés pendant une certaine période, après que l’assuré a été invité par l’assurance-invalidité à s’en sevrer, crée chez celui-ci une confiance légitime sur sa prise en charge, même si le traitement ne répond plus aux critères d’efficacité, d’économicité et du caractère approprié. Il y a en outre lieu d’accorder à l’assuré le temps nécessaire à s’adapter au changement de pratique, désormais mise en conformité avec le droit, de l'assurance-maladie (ATF 143 V 95 consid. 3.7)

Dans un arrêt portant sur la prise en charge des frais de transports d’un assuré qui poursuivait son traitement chez son physiothérapeute malgré son déménagement à plus de 100 km, que l’assureur-accidents n’avait pas rendu attentif au fait que les coûts de transports ne seraient alors plus pris en charge, les juges zurichois ont condamné ce dernier à indemniser les frais de transport. Ils ont considéré que l’assuré ne pouvait anticiper que l’assureur-accidents, qui continuait à rembourser le traitement dans ce centre, ne lui rembourserait plus les frais de transports en découlant. Il y avait ainsi lieu d’admettre que si l’assureur-accidents l’avait avisé de la nécessité de changer de lieu de traitement, il s’y serait conformé. Les conditions de la protection de la bonne foi étant remplies, il y avait lieu de rembourser les frais de transport (arrêt du tribunal des assurances sociales du canton de Zurich du 30 mars 2022 UV.2021.00149 consid. 6.2).

9.             Dans le cas d’espèce, on relève en préambule que la nécessité de transports privés a été médicalement attestée par le Dr F______, et le médecin d'arrondissement de l'intimée ne l'a pas remise en cause.

9.1 En premier lieu, en ce qui concerne la portée temporelle de la décision sujette à opposition, qui prend effet le 1er juin 2021 alors que l'intimée l'a rendue le 1er octobre 2021, force est de constater qu'un tel effet rétroactif n'est pas compatible avec les exigences de protection la bonne foi. Il est vrai que l'intimée avait évoqué le principe de la prise en charge des frais nécessaires jusqu'au lieu le plus proche dans son courrier du 2 septembre 2020. Elle n'y a cependant pas précisé qu'elle entendait alors que le recourant change de thérapeutes et de médecins pour recourir à des praticiens en France voisine, mais a mis l’accent dans cette communication sur la condition de la nécessité médicale de transports privés pour donner droit à leur remboursement. On ne peut ainsi inférer de ce courrier qu’un plafonnement des frais serait mis en œuvre si cette nécessité médicale perdurait, comme l’a attesté le Dr F______. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intimée dans sa décision, elle n’a pas suggéré le regroupement des soins dans ce courrier. Un tel regroupement – outre le fait qu'il n'est pas possible aux HUG, contrairement à ce que suggérait le Dr G______ – ne permettrait du reste pas nécessairement de réduire les coûts de transport dans une mesure significative, puisqu'il n'est pas toujours possible de programmer des soins l’un après l’autre. Dans ses correspondances ultérieures avec le recourant et jusqu'à son courriel du 12 octobre 2021, l'intimée n'a jamais mentionné d'obligation de recourir à des fournisseurs de soins plus proches d'B______. En effet, elle s'est contentée de faire valoir que son remboursement reposait sur les bases tarifaires des entreprises de transport dans son courriel du 9 avril 2021, et n’a pas donné d’indication sur les mesures concrètement exigibles du recourant dans son courriel du 28 mai 2021. Dans son courriel du 28 juillet 2021, l’intimée s’est bornée à répéter que seuls les prix des courses tels que pratiqués par les entreprises de transport pouvaient être remboursés, et son contenu laissait penser qu’elle cherchait avant tout à obtenir une participation de l’assureur complémentaire. Dans ces circonstances, le recourant ne pouvait anticiper que l'intimée limiterait son remboursement à un forfait fixe, indépendamment du nombre de trajets nécessaires, et qu’il devait prendre des mesures idoines. Conformément aux principes rappelés ci-dessus en matière de protection de la bonne foi, notamment sur la nécessité d'accorder un délai d'adaptation aux assurés en cas de changement dans la prise en charge, et par analogie avec la jurisprudence zurichoise citée, on ne saurait admettre l'effet rétroactif de la décision.

Il y a lieu sur ce point de s’en tenir aux conclusions du recourant (cf. art. 61 let. d LPGA) quant à la durée du délai d’adaptation requis, et d’admettre que l'intimée doit rembourser l'intégralité des frais de transport jusqu'au 31 octobre 2021.

9.2 Pour la période courant dès le 1er novembre 2021, s’agissant du montant versé pour les transports, la Cour de céans observe que le plafonnement à un forfait de CHF 100.- par jour de soins n'est pas conforme au droit, aucune limite n'étant prévue au remboursement des transports nécessaires en Suisse, et l'intimée ne faisant pas valoir que la proportion des coûts correspondant aux trajets parcourus en France dépasserait le plafond prévu à l'art. 20 OLAA. Ce montant de CHF 100.- paraît en outre clairement insuffisant, puisqu'il suffit juste à couvrir deux trajets de l'entreprise de transport la moins chère démarchée par l'intimée. Or, le recourant doit souvent suivre plusieurs traitements par jour – ce que l'intimée ne conteste pas – et ce, notamment afin d'assumer ses horaires de travail, ce qui s'inscrit également dans son obligation de diminuer le dommage. Dans un tel cas, il a besoin au minimum d'un transfert entre les lieux de soins, et les coûts de transport lors de journées comprenant deux soins, thérapies ou consultations excèdent ainsi le forfait.

L'intimée semble soutenir dans son écriture du 21 novembre 2023 que les trajets parcourus en France ne seraient pas inclus dans ce forfait, mais pris en charge par la CPAM pour les assurés français domiciliés en France. Outre que cette allégation ne semble pas nécessairement conforme à la réglementation internationale applicable en cas d'accident et rappelée ci-dessus, elle tombe à faux dès lors que le recourant n'est pas français, mais suisse, et qu'il est établi que la CPAM – qu'il aurait en toute hypothèse appartenu à l'intimée de solliciter – n'a remboursé aucun frais de transport dans son cas.

S'agissant de l'incidence de l'obligation de diminuer le dommage sur le montant des transports à rembourser – notamment sous l’angle du recours à des lieux de soins plus proches de son domicile –, il convient d’abord de souligner que le recourant a toujours parfaitement collaboré avec l’intimée et a eu une attitude irréprochable dans le cadre de sa prise en charge, notamment dans ses communications et demandes. Il a en en effet scrupuleusement veillé à ce que les frais facturés correspondent bien aux prestations dont il a bénéficié. On peut par exemple citer son courriel du 23 janvier 2018 à l'intimée, dans lequel il lui annonçait qu'une facture d'un centre de physiothérapie, qu’il s’était contenté de visiter pour évaluer l'adéquation des traitements qui y étaient proposés, lui paraissait discutable, ou son courriel du 14 mai 2019 annonçant que le centre de physiothérapie avait écourté ses séances et qu’il n’y avait pas lieu de régler la facture dans son intégralité, ou encore son courriel du 1er octobre 2018 annonçant la facturation d’honoraires à double. S’agissant en particulier du choix des fournisseurs de soins, il n'est pas inutile de souligner ici que le recourant a communiqué à l'intimée le 29 décembre 2017 les centres de physiothérapie entrant en considération et qu’il lui a demandé son avis à ce sujet. Il s'est également conformé aux instructions de l'intimée en matière de facturation des courses de taxi, comme cela ressort notamment de son courriel du 1er mai 2018. Il a aussi pris soin de solliciter son accord préalable sur des frais de transport non usuels, comme par exemple lors de la consultation planifiée au Centre hospitalier universitaire vaudois en juillet 2020. S'agissant des prestataires de transport, le recourant a exposé dans un courriel du 29 décembre 2017 à l’intimée que le transporteur qu'elle lui avait proposé ne convenait pas pour des raisons d’horaires, de sorte qu’il attendait ses instructions pour le choix de l'entreprise de transport. Par la suite, il a entrepris des démarches afin de limiter les coûts de transports, comme cela ressort d'une note d’entretien téléphonique du 9 janvier 2018, lors duquel il a communiqué à l’intimée que le nouveau transporteur qu’il avait contacté était en réalité plus onéreux que le taxi, si bien qu'il lui avait préféré cette option. On doit également citer le fait que le recourant a immédiatement changé d'acupuncteur à réception de la première communication de l'intimée sur l’augmentation des frais de transport, afin de réduire les montants facturés à ce titre. Le recourant indique en outre avoir veillé à regrouper les soins dans la mesure du possible, afin d'éviter des trajets supplémentaires à la charge de l'intimée. Il s’est ainsi déjà largement conformé à son obligation de réduire le dommage. On notera dans ce cadre que dès lors que la nécessité médicale des transports en voiture est établie, il est exclu d’exiger du recourant, comme le fait l'intimée dans sa dernière écriture, qu'il emprunte les transports publics sur le territoire genevois.

L’intimée soutient que le suivi médical dont a besoin le recourant pourrait être réalisé en des lieux plus proches de son domicile, ce qui réduirait les coûts de transport. S’agissant des consultations chez le Dr F______, on ne saurait exiger du recourant à ce stade du traitement qu’il change de médecin, au vu de la pondération entre son intérêt à poursuivre un suivi de longue date chez un médecin qui connaît son dossier, avec lequel il a tissé des liens de confiance, et celui de l’intimée à épargner les coûts de transport, relativement modestes, découlant de ces consultations. De plus, l’intimée a admis dans son courriel du 12 octobre 2021 que les traitements liés à la rééducation spécialisée devaient continuer à être réalisés à Genève. Il n’existe pas de motif de revenir sur cette appréciation.

S’agissant des autres traitements, il est certes conforme au droit de prendre en charge uniquement les frais de transport correspondant aux trajets nécessaires pour se rendre chez le fournisseur de soins apte à prodiguer le traitement le plus proche. Cependant, l’intimée n’a pas vérifié si l’intégralité des traitements suivis était effectivement disponible plus près d’B______. Les établissements hospitaliers qu’elle a suggérés – sans s’enquérir au préalable des prestations offertes par ceux-ci – n'acceptent pas de patients ambulatoires. Les démarches entreprises par le recourant auprès de ces hôpitaux et d’une autre clinique, et son allégation non contestée par l’intimée sur le traitement de fasciathérapie uniquement possible à Annecy, semblent en réalité suggérer que toutes les thérapies nécessaires ne sont pas réalisables plus près de son domicile. S’agissant en particulier des traitements d'homéopathie, acupuncture et psychologie, réalisables en France selon l’avis exprimé par l’intimée dans son courriel d’octobre 2021 et sa décision sur opposition, force est de constater que la SUVA n’a pas vérifié si les praticiens qu’elle évoquait acceptaient de nouveaux patients. Or, il lui appartenait, eu égard à ses obligations en matière d’instruction (cf. art. 43 LPGA), de déterminer s’il était concrètement exigible du recourant, au vu des possibilités de traitement et des disponibilités des fournisseurs de soins, qu’il poursuive les soins et thérapies à proximité d’B______. Dans ces conditions, elle ne pouvait se contenter d’indemniser forfaitairement les frais de transport en justifiant implicitement sa position par la possibilité – non vérifiée – de se soumettre à des traitements plus proches.

Il y a ainsi lieu de renvoyer la cause à l’intimée, à charge pour elle d’examiner concrètement quels traitements étaient réalisables à proximité du domicile du recourant dès le 1er novembre 2021, en s’assurant également de la disponibilité dès cette date des praticiens entrant en considération, avant de statuer une nouvelle fois sur les coûts de transport en fonction des résultats de ses investigations. Si les mesures d’instruction révèlent que certains traitements devaient être poursuivis à Genève, il sera admissible, au vu de la doctrine et de la recommandation 1/94, de ne rembourser que les coûts correspondant aux tarifs pratiqués par les entreprises de transport sociales, lesquels devront toutefois couvrir tous les trajets nécessaires. S’il est possible au recourant de se rendre en voiture à des lieux de traitements à proximité de son domicile, l’intimée devra l’indemniser pour les frais d’utilisation de son véhicule.

10.         Le recours est partiellement admis en ce sens.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixé à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimée du 10 février 2022.

4.        Dit que l’intimée doit rembourser intégralement les frais de transport du recourant jusqu’au 31 octobre 2021.

5.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision s’agissant du droit aux frais de transport dès le 1er novembre 2021 au sens des considérants.

6.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 3'000.-.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le