Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2563/2023

ATAS/543/2024 du 28.06.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2563/2023 ATAS/543/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1966, a été engagée par le B______ (ci-après : B______) en qualité de secrétaire juridique à compter du 20 août 2012.

b. Le 18 juillet 2022, l’assurée a résilié son contrat de travail la liant au B______ avec effet au 30 septembre 2022.

c. Par contrat du 19 août 2022, elle a été engagée par l’État de Genève (C______) en qualité d’auxiliaire pour une durée de trois mois à compter du 1er octobre 2022.

B. a. Le 6 janvier 2023, l’assurée a déposé une demande d’indemnités auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse).

b. Par décision du 18 avril 2023, la caisse a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de quinze jours et demi. Elle avait quitté un emploi convenable de longue durée sans s’assurer d’un autre équivalent, en acceptant un emploi dont elle savait que la durée était de courte durée. Le délai de suspension de six mois commençait à courir le jour qui suivait la cessation fautive des rapports de travail qui faisait l’objet de la décision. Dans son cas, le délai de suspension courait donc dès le 1er octobre 2022, jour ouvrable qui suivait la fin des rapports de travail au 31 mars 2023, date de la fin du délai de suspension et seules les indemnités non perçues durant cette période pouvaient faire l’objet d’une pénalité, soit la période allant du 1er octobre 2022 au 31 décembre 2022.

c. L’assurée a formé opposition à cette décision. Lorsqu’elle avait été engagée par l’État de Genève, il lui avait été clairement évoqué qu’il existait une possibilité concrète que son contrat soit poursuivi sous la forme d’un contrat à durée indéterminée. Les fonds nécessaires à la reconduite du contrat n’avaient toutefois pas été débloqués, si bien qu’elle avait été contrainte de s’inscrire à
l’assurance-chômage. Elle n’était pas responsable de cette situation.

Elle a produit un courrier attestant qu’il était prévu que son poste soit poursuivi et que le contrat d’auxiliaire n’avait pas pu être prolongé pour des raisons budgétaires.

d. Par décision sur opposition du 19 juin 2023, la caisse a confirmé sa décision du 18 avril 2023. Les arguments cités dans son opposition ne pouvaient être considérés comme une force majeure pour quitter un emploi convenable, sans s’assurer d’un autre emploi équivalent. L’assurée avait quitté son emploi de durée indéterminée pour accepter un emploi dont elle savait ou aurait dû savoir qu’il était de courte durée.

C. a. Par acte du 14 août 2023, l’assurée a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation et au prononcé d’une sanction de cinq jours.

Elle avait travaillé auprès du service juridique du B______ pendant plus de dix ans. Durant son parcours professionnel, elle avait eu l’opportunité de suivre des cours en droit et avait obtenu le certificat en capacité de droit en juin 2021. À la suite de cette formation, elle avait souhaité poursuivre sa carrière professionnelle dans une autre branche de droit. Elle avait alors décidé de sortir de sa « zone de confort » en postulant à un poste auprès du service juridique de la C______. Ce poste, intitulé « Secrétaire juridique – 9 mois auxiliaire » lui avait permis de décrocher un nouveau défi professionnel. Elle avait signé le contrat en juillet 2022 et commencé à travailler le 1er octobre 2022. Ni ses responsables au moment de l’engagement, ni elle-même ne pouvaient savoir que ce poste n’allait pas être reconduit. Le service avait été très satisfait de ses prestations. Le 22 décembre 2022, le département avait décidé de mettre un terme à son contrat. En prononçant une sanction de quinze jours et demi, l’autorité avait excédé son pouvoir d’appréciation. Elle avait décroché un nouveau contrat de durée déterminée le 24 avril 2023 qui s’était terminé le 30 juin 2023 et reconduit dans un autre service jusqu’au 31 décembre 2023. Sa décision de quitter son emploi au B______ avait été mûrement réfléchie et elle s’était engagée dans sa nouvelle carrière professionnelle dès le premier jour avec beaucoup de persévérance. Chaque nouveau travail comportait un risque, même dans un poste avec un contrat de durée indéterminée.

b. Par réponse du 22 septembre 2023, la caisse a conclu au rejet du recours.

Quand bien même elle avait décidé de sortir de sa « zone de confort » en se dirigeant vers des études de droit, ce qui était tout à son honneur, il n’en demeurait pas moins qu’elle avait démissionné d’un contrat de durée indéterminée pour un contrat de durée déterminée. Or, ce comportement était sanctionné par l’art. 44 al. 1 let. c de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur
l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02). L’annonce du poste au sein du service juridique de la C______ du 28 mars 2022 faisait état d’un contrat à durée déterminée. Il en allait de même du contrat signé en qualité d’auxiliaire. L’attestation de l’employeur et le certificat de travail du 17 janvier 2023 mentionnaient également un contrat à durée déterminée. Enfin, la recourante n’invoquait pas le fait qu’il ne pouvait être exigé d’elle qu’elle conservât son ancien emploi. Son comportement relevait de la faute grave. La caisse avait pris en compte le minimum de la fourchette prévue dans cette hypothèse (31 jours) et l’avait réduit à quinze jours et demi en tenant compte du temps d’attente de trois mois avant son inscription et des recherches d’emploi intensives effectuées durant ce délai.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

 

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de quinze jours et demi pour chômage imputable à une faute.

2.1 En règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage (art. 16 al. 1 LACI).

2.2 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l’assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Cet état de fait vise les comportements des assurés qui violent l'obligation d'éviter le chômage (DTA 2014 p. 145 c. 3.1). Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu’il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI). Est en outre réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui a résilié lui-même un contrat de travail vraisemblablement de longue durée et en a conclu un autre dont il savait ou aurait dû savoir qu’il ne serait que de courte durée, sauf s’il ne pouvait être exigé de lui qu’il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. c OACI).

Le motif de sanction de l'art. 44 al. 1 let. c OACI vise à dissuader un assuré de résilier un contrat stable pour en conclure un autre qui l'est moins, ce qui est, partant, susceptible de causer ultérieurement un dommage à l'assurance. Le rapport de causalité entre le comportement fautif du chômeur (résiliation d'un contrat stable pour en conclure un moins stable) et la survenance du cas d'assurance (chômage à la fin du contrat moins stable) peut être prolongé, en ce sens que la résiliation d’un contrat n’est pas forcément liée au comportement fautif de l’employé, mais peut être due au fait que le poste dudit employé est beaucoup plus précaire que celui qu’il a précédemment quitté. Dans cette situation, la faute résulte du risque que l’assuré a pris en résiliant un contrat stable pour prendre un nouvel emploi plus exposé au chômage et non de la perte ultérieure de cet emploi (cf. Boris RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2e éd., Zurich/Bâle/Genève 2006, p. 445).

D'après la jurisprudence, les circonstances permettant d'admettre que l'on n'eût pu exiger de l'assuré qu'il conservât son ancien emploi doivent être appréciées de manière restrictive (DTA 1989 n. 7 p. 89 consid. 1a ; voir également Gerhard Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, n. 14 ad art. 30 LACI).

2.3 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a résilié son contrat de travail de durée indéterminée la liant au B______ pour conclure un contrat de travail de durée limitée (trois mois) avec l’État de Genève. N’est pas non plus remis en cause le fait que la publication de l’annonce du poste au sein du service juridique de la C______ du 28 mars 2022 faisait état d’un poste de « secrétaire 2 auxiliaire » pour une durée limitée à neuf mois et que le contrat d’engagement prévoyait une durée maximale de trois mois. L’attestation de l’employeur, de même que le certificat de travail du 17 janvier 2023, mentionnent également un contrat à durée déterminée du 1er octobre au 31 décembre 2022.

La recourante fait valoir qu’au moment de son engagement à l’État de Genève, ses responsables et elle-même étaient partis de l’idée que son poste serait reconduit. Cette allégation ne trouve toutefois aucun appui au dossier. Comme exposé
ci-avant, le certificat de travail mentionne uniquement un contrat de durée déterminée et aucun élément n’indique que la reconduction du contrat au terme de son échéance était prévue d’emblée. Comme le relève l’intimée, le fait que, pour des raisons qui lui sont propres, la recourante ait souhaité sortir de sa « zone de conforme » et poursuivre un « nouveau parcours professionnel » ne change rien au fait qu’elle a pris le risque de quitter un travail stable pour un emploi dont elle ne pouvait ignorer le caractère nettement plus précaire. Elle réalise par conséquent le motif de suspension de l'art. 44 al. 1 let. c OACI, le caractère convenable du poste occupé auprès du B______ n'étant du reste pas contesté.

Il y a dès lors lieu d’admettre que la recourante s'est retrouvée sans travail par sa propre faute au sens de l'art. 44 al. 1 let. c OACI, ce qui justifie le principe d'une suspension de son droit à l'indemnité de chômage.

3.             La sanction étant justifiée dans son principe, il reste à en examiner la quotité.

3.1 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute
(art. 30 al. 3 LACI). L’OACI distingue trois catégories de faute – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Selon l’art. 45 al. 4 OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi (let. a) ou qu’il refuse un emploi réputé convenable (let. b). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, Bâle 2014, ad art. 30 LACI n. 114 ss). Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée (d'éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l'appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (par exemple la durée déterminée du poste). Si des circonstances particulières le justifient il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (arrêts du Tribunal fédéral
8C_283/2021 du 25 août 2021 ; 8C_313/2021 du 3 août 2021).

En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit aux prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt du Tribunal fédéral 8C 283/2021 du 25 août 2021). Le barème du SECO prévoit une suspension d'une durée de 31 à 45 jours en cas de résiliation par l’assuré d’un emploi de durée indéterminée au profit d’un emploi précaire ou de courte durée (Bulletin LACI IC D75, ch. 1E).

Un temps d'attente avant l'inscription au chômage et une recherche d'emploi intensive constituent des facteurs atténuant le dommage (Bulletin LACI IC D62). La sanction est réduite (1/6e par mois) selon la durée entre l’annonce et l’acte fautif. L’assuré remplit ces conditions si, immédiatement après la résiliation du CDI, il prend un emploi de courte durée ou précaire en renonçant à demander l’indemnité de chômage (Bulletin LACI IC D75, ch. 1E).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. Il y a abus de celui-ci lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.2 ; 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

3.2 En l’occurrence, l’intimée a estimé que le comportement de la recourante relevait de la faute grave. Elle s’est fondée en cela sur le Bulletin LACI (ch. 1E). On peut se demander si, sur ce point, le bulletin LACI ne serait pas contraire à l’art. 45 al. 4 let. a OACI qui qualifie la faute de grave lorsque l’assuré abandonne son emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi. Or, la recourante ne se trouve pas dans cette situation puisque sa faute réside dans le fait qu’elle a quitté un emploi de durée indéterminée pour un poste à durée limitée. Cette question peut toutefois rester ouverte puisque l’intimée a réduit la suspension à quinze jours et demi, ce qui correspond à la limite inférieure prévue en cas de faute de gravité moyenne (cf. art. 45 al. 2 let. b OACI).

Pour le reste, il n’est pas contesté que la recourante a effectué des recherches intensives dès sa démission du B______ jusqu’à son inscription auprès des autorités de chômage. S’ajoute à cela qu’elle a sollicité des indemnités trois mois après la cessation de son contrat de travail de durée indéterminée. Dans ces conditions, une suspension de quinze jours et demi, qui, conformément au barème du SECO, tient compte d’une réduction d’un sixième par mois sur trois mois (octobre à décembre 2022) ne prête pas le flanc à la critique.

4.             Mal fondé, le recours sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le