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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3942/2023

ATAS/306/2024 du 03.05.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3942/2023 ATAS/306/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 mai 2024

Chambre 9

En la cause

A______

représenté par Me Claude BRETTON-CHEVALLIER, avocate

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1959, a collaboré en dernier lieu à 80% au service de la Fondation B______ du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2021, date de la fin des rapports contractuels consécutivement à son licenciement.

b. Dans un courrier du 27 octobre 2022, Groupe Mutuel Assurances GMA SA, assureur perte de gain maladie de l'ancien employeur
(ci-après : Groupe Mutuel), qui versait des indemnités journalières en faveur de l'assuré sur la base d'une incapacité de travail totale depuis le 29 septembre 2021, a, en se référant à un rapport d'expertise établi à sa demande, invité celui-ci à reprendre son activité habituelle à 25% dès le 15 novembre 2022, à 50% dès le 15 décembre 2022 et à 100% dès le 15 janvier 2023. Elle mettrait ainsi un terme à ses prestations au 15 janvier 2023.

c. Le 7 novembre 2022, l'assuré s'est annoncé à l'office cantonal de l'emploi
(ci-après : OCE) pour une disponibilité à 100%. Dans sa demande d'indemnité de chômage, il a indiqué solliciter l'indemnité de chômage à compter du 15 novembre 2022, qu'il était disposé à travailler au taux de 25%, et qu'il avait déposé une demande de rente auprès de l'assurance-invalidité (AI) le [7] avril 2022.

d. Dans un certificat du 24 novembre 2022 adressé à UNIA, caisse de chômage de l'assuré (ci-après : UNIA), la psychiatre-traitante a mentionné que ce dernier était inapte au travail à 100% du 31 octobre au 14 novembre 2022, à 75% du 15 novembre au 14 décembre 2022, et à 50% depuis le 15 décembre 2022.

e. Selon des décomptes reçus par UNIA les 5 et 21 décembre 2022 ainsi que le 27 janvier 2023, Groupe Mutuel a versé en faveur de l'assuré des indemnités journalières à hauteur de CHF 3'055.52 pour la période du 15 au 30 novembre 2022, CHF 2'673.58 pour la période du 1er au 14 décembre 2022, CHF 2'164.27 pour la période du 15 au 31 décembre 2022, et CHF 1'782.35 pour la période du 1er au 14 janvier 2023.

f. Le 6 décembre 2022, UNIA a établi un décompte pour le mois de novembre 2022, faisant état d'un délai-cadre d'indemnisation du 15 novembre 2022 au 30 juin 2024, d'un gain assuré de CHF 8'958.-, et d'un « revenu de remplacement assurance » de CHF 3'055.50. Aucun jour ne donnait droit à une indemnité journalière.

g. Dans un décompte du 22 décembre 2022 relatif au mois de décembre 2022, UNIA a rapporté un « revenu de remplacement assurance » de CHF 2'673.60, une indemnité de chômage brute de CHF 3'830.90 et un paiement net à l'assuré de CHF 3'384.95.

h. Par décompte du 6 février 2023 concernant le mois de janvier 2023, UNIA a fait mention d'un gain assuré de CHF 4'479.-, d'une indemnité de chômage brute de CHF 2'806.70 et d'un paiement net à l'assuré de CHF 2'515.55.

i. Par pli du 10 février 2023, l'assuré a contesté le décompte de janvier 2023 en tant qu'il retenait un gain assuré de CHF 4'479.- au lieu du montant initial de CHF 8'958.-, et requis par voie de conséquence le paiement d'un complément d'indemnités journalières.

j. Par courriel du 14 février 2023 au Groupe Mutuel, Unia a indiqué que, à la suite d'une vérification du dossier de l'assuré, il s'avérait que cet assureur devait indemniser celui-ci à 100% jusqu'au 14 décembre 2022 conformément à son taux d'incapacité jusqu'à cette date. Elle l'invitait par conséquent à effectuer les corrections nécessaires et à lui faire parvenir les nouveaux décomptes pour les mois de novembre et décembre 2022.

k. Par courriel du 16 février 2023, UNIA a répondu à l'assuré que, dans la mesure où il était en incapacité de travail à 75% du 15 novembre au 14 décembre 2022, Groupe Mutuel devait l'indemniser à 100% pour cette période.

l. Le 17 février 2023, UNIA a établi un nouveau décompte afférent au mois de janvier 2023, dans lequel elle a inscrit un gain assuré de CHF 8'958.-, un « revenu de remplacement assurance » de CHF 1'273.-, une indemnité de chômage brute de CHF 5'977.55, et un paiement complémentaire net à l'assuré de CHF 2'848.95 (CHF 5'364.50 - CHF 2'515.55 déjà versés).

m. Le 14 mars 2023, Groupe Mutuel a transmis à UNIA les décomptes d'indemnités journalières pour la période du 1er novembre 2022 au 14 janvier 2023 (dont la teneur est identique à ceux déjà cités).

n. Le 16 mars 2023, UNIA a créé des décomptes, remplaçant ceux qu'elle avait précédemment émis, dans lesquels elle a indiqué qu'aucun jour ne donnait droit à une indemnité de chômage.

o. Par décomptes du 21 mars 2023, UNIA, qui a fixé le délai-cadre d'indemnisation au 15 décembre 2022, a reconnu à l'assuré le droit à une indemnité de chômage nette de CHF 993.20 pour le mois de décembre 2022 sur la base d'un gain assuré de CHF 4'479.-, et de CHF 5'063.10 pour le mois de janvier 2023 compte tenu d'un gain assuré de CHF 6'922.-.

B. a. Par décision du 21 mars 2023, UNIA a exigé de l'assuré la restitution de la somme de CHF 2'693.15, représentant les indemnités de chômage versées indûment de décembre 2022 à janvier 2023 (selon le calcul suivant : CHF 3'384.95 + CHF 5'364.50 - CHF 993.20 - CHF 5'063.10).

b. Par courrier du 27 mars 2023 complété le 4 mai suivant, l'assuré s'est opposé à cette décision, en exposant qu'il n'avait pas été surindemnisé durant la période concernée, dès lors que Groupe Mutuel lui avait alloué des prestations à hauteur de 75% du salaire assuré du 15 novembre au 15 (recte : 14) décembre 2022, ce dont UNIA avait pris en compte. Par ailleurs, s'il devait rembourser le montant de CHF 2'693.15, sur lequel il avait été taxé, il serait pénalisé fiscalement.

c. Par décision du 27 septembre 2023, une rente entière de l'AI a été octroyée à l'assuré pour la période du 1er octobre 2022 au 30 avril 2023. Sur le total du paiement rétroactif de CHF 30'546.-, une compensation externe a été effectuée en faveur de UNIA ainsi que du Groupe Mutuel à hauteur de CHF 16'669.-, respectivement de CHF 13'877.-.

d. Par décision sur opposition du 30 octobre 2023, UNIA a confirmé sa position.

Il était établi et non contesté que l'assuré avait déposé une demande de prestations auprès de l'AI le 7 avril 2022. Elle se devait alors d'avancer les prestations selon la disponibilité à l'emploi de l'assuré dès son inscription au chômage, puisqu'il disposait d'une capacité de travail de plus de 20%.

Dans un premier temps, elle avait pleinement indemnisé l'assuré tout en déduisant les indemnités journalières perçues de l'assurance perte de gain (APG). Ensuite, dans le cadre d'un contrôle interne, les décomptes avaient été corrigés ; compte tenu de l'incapacité de travail de 75% du 15 novembre au 14 décembre 2022 et du fait que l'assuré avait déposé une demande auprès de l'AI, celui-ci n'avait pas droit à l'indemnité de chômage durant cette période et c'était son APG qui devait prendre en charge son cas et verser les indemnités journalières entières.

Dès le 15 décembre 2022, l'assuré se trouvait en incapacité de travail à 50%. Partant, dès cette date, UNIA devait l'indemniser sur la base d'un gain assuré de CHF 4'479.- (50% de CHF 8'958.-).

Pour le mois de janvier 2023, l'assuré devait être indemnisé durant dix jours ouvrables sur la base d'un gain assuré de CHF 4'479.- et durant douze jours sur la base d'un gain assuré de CHF 8'958.-. Conformément au point C178 de la directive LACI IC du Secrétariat d'État à l'économie (SECO), la correction se faisait par un calcul mixte du gain assuré pour tout le mois, à savoir dix jours à CHF 4'479.- et douze jours à CHF 8'958.-, divisé par 22 jours, soit un gain assuré de CHF 6'922.- pour le mois de janvier 2023.

Il en résultait une différence à restituer de CHF 2'693.15 pour la période du 1er décembre 2022 au 31 janvier 2023 (montant initialement versé de CHF 8'749.45 moins celui auquel l'assuré avait droit de CHF 6'056.30).

Sur le plan fiscal, c'était le montant de CHF 3'384.95 au lieu de CHF 993.20 pour décembre 2022 qui avait été déclaré au fisc. La nouvelle attestation à l'attention de l'administration fiscale que l'assuré recevrait en janvier 2024 comporterait toutes les annulations effectuées en 2023 concernant les années 2022 et 2023.

Enfin, le montant de CHF 2'693.15 ne pouvait pas être pris en compte dans le cadre de la compensation des prestations de l'assurance-chômage avec celles de l'AI, car cette somme avait été versée à tort initialement.

C. a. Par acte du 27 novembre 2023, l'assuré, représenté par son avocate, a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice
(ci-après : la chambre des assurances sociales) contre la décision sur opposition précitée, en concluant, sous suite de dépens, à son annulation, à la constatation qu'il ne devait pas restituer le montant de CHF 2'693.15, et à l'octroi des indemnités de chômage à concurrence de 25% pour la période du 15 novembre au 15 décembre 2022.

Il a fait valoir que, pour la période du 15 novembre au 14 décembre 2022, il n'avait reçu des indemnités journalières du Groupe Mutuel qu'à concurrence de 75%, qu'il n'avait pas été surindemnisé, et que, au contraire, il avait subi un découvert de 25% jusqu'au 15 décembre 2022. Par ailleurs, l'intimée ne démontrait pas en quoi il n'aurait pas été de bonne foi. Il lui avait régulièrement adressé les décomptes d'indemnités journalières du Groupe Mutuel. L'intimée ne pouvait donc se prévaloir ni de l'existence de fait nouveau, ni de moyen de preuve nouveau. De plus, il avait deux enfants étudiants à sa charge. La restitution du montant réclamé, déclaré au fisc et sur lequel il avait été taxé, le mettrait dans une situation difficile. L'intimée n'avait pas non expliqué en quoi les décomptes des 22 décembre 2022 et 17 février 2023, entrés en force, seraient manifestement erronés, ni en quoi leur rectification revêtirait une importance notable.

b. Dans sa réponse du 15 décembre 2023, l'intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours.

Elle a exposé que la question de savoir s'il fallait décaler le début du délai-cadre d'indemnisation au 15 décembre 2022 ou le maintenir au 15 novembre 2022 sans aucun versement de prestations jusqu'au 14 décembre 2022 inclus pouvait rester ouverte, car le recourant n'avait pas droit aux indemnités de chômage du 15 novembre au 14 décembre 2022, le report du début du cadre-cadre n'avait aucune incidence sur le nombre maximum d'indemnités journalières et le
délai-cadre d'indemnisation se terminait au 30 juin 2024 lorsqu'il atteindrait l'âge de retraite fixé par la loi.

Elle a rappelé l'avoir informé en date du 16 février 2023 qu'il incombait au Groupe Mutuel de l'indemniser à 100%. Cette obligation légale ne pouvait pas être reportée sur l'assurance-chômage. Partant, il lui appartenait de revendiquer le 25% restant directement auprès du Groupe Mutuel.

À l'appui de sa position, l'intimée s'est référée en particulier à des Audit Letter TCRD édition 2016/1 et édition 2016/2 du SECO.

L'intimée a ajouté que les conditions de la reconsidération étaient réunies, et que l'argument de la bonne foi était examiné uniquement dans le cadre de la demande de remise de l'obligation de restituer.

c. Dans sa réplique du 9 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a souligné que les Audit Letter citées par l'intimée n'avaient pas valeur de directive, et ne pouvaient donc pas constituer une base légale. Aussi ne
pouvaient-elles être prises en compte.

Il a répété que l'intimée était au courant tant du montant que de la date de fin des versements opérés par Groupe Mutuel, dont les obligations ressortaient des dispositions contractuelles conclues avec l'ancien employeur. Le recourant ne pouvait donc pas exiger de cet assureur des indemnités journalières au-delà de 75% pour la période du 15 novembre au 14 décembre 2022.

L'argument de la bonne foi n'était de toute manière pas pertinent, puisque la demande de restitution était infondée.

Pour le surplus, il a repris les griefs déjà développés.

d. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimée pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LACI) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur une demande de restitution d'un montant de CHF 2'693.15 versé par l'intimée au recourant, singulièrement sur le droit de ce dernier à des indemnités de chômage, le cas échéant leur montant, pendant la période du 15 novembre 2022 au 31 janvier 2023, alors qu'il percevait des indemnités perte de gain maladie en raison d'une incapacité de travail partielle, et qu'il avait déposé une demande de prestations auprès de l'AI.

3.             Aux termes de l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, auquel renvoie l'art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2).

4.              

4.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI).

Un assuré est apte au placement lorsqu'il est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration; il doit être en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). S'il existe des doutes sérieux quant à sa capacité de travail, l'autorité cantonale peut ordonner qu'il soit examiné par un médecin-conseil, aux frais de l'assurance (art. 15 al. 3 LACI).

En cas de limitation durable de la capacité de travail, l'art. 15 al. 2 1ère phrase LACI prévoit par ailleurs que le handicapé physique ou mental est réputé apte à être placé lorsque, compte tenu de son infirmité et dans l'hypothèse d'une situation équilibrée sur le marché de l'emploi, un travail convenable pourrait lui être procuré sur ce marché. Le Conseil fédéral est chargé de régler la coordination avec l'assurance-invalidité (art. 15 al. 2 2ème phrase LACI). L'art. 15 al. 3 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02) prévoit ainsi que lorsque, dans l’hypothèse d’une situation équilibrée sur le marché du travail, un handicapé n’est pas manifestement inapte au placement et qu’il s’est annoncé à
l’assurance-invalidité ou à une autre assurance selon l’al. 2, il est réputé apte au placement jusqu’à la décision de l’autre assurance. Cette reconnaissance n’a aucune incidence sur l’appréciation, par les autres assurances, de son aptitude au travail ou à l’exercice d’une activité lucrative.

Dans le même sens, l'art. 70 al. 2 let. b LPGA prévoit l'obligation pour l'assurance-chômage d'avancer les prestations dont la prise en charge par l'assurance-invalidité est contestée.

L'art. 15 al. 2 LACI pose des exigences réduites en ce qui concerne l'un des éléments de l'aptitude au placement, à savoir la capacité de travail. En revanche, le chômeur handicapé doit avoir la volonté d'accepter un travail convenable, ainsi qu'une disponibilité suffisante correspondant au moins à 20% d'un horaire de travail complet (arrêt du Tribunal fédéral 8C_490/2010 du 23 février 2011 consid. 4.1).

Le but des art. 15 al. 3 OACI et 70 al. 2 let. b LPGA est d'éviter qu'une personne atteinte dans sa santé, mais dont l'inaptitude au placement n'est pas manifeste, ne puisse prétendre aucune indemnisation de sa perte de gain tant que sa demande de prestation de l'assurance-invalidité n'est pas tranchée. Afin d'éviter une telle lacune, les dispositions citées prévoient l'obligation pour l'assurance-chômage d'avancer les prestations. L'assurance-chômage est tenue d'avancer la totalité des prestations, sans réduction, même lorsque la personne assurée présente une incapacité de travail partielle attestée médicalement. La personne assurée doit toutefois être disposée à accepter un emploi correspondant à sa capacité de travail résiduelle et rechercher effectivement un tel emploi. Si elle n'est pas disposée à accepter un tel emploi ou s'estime totalement incapable de travailler, elle est inapte au placement et ne peut prétendre l'avance des prestations par
l'assurance-chômage. Il en va ainsi même si une capacité de travail supérieure à celle alléguée par la personne assurée est attestée médicalement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_627/2009 du 8 juin 2010 consid. 4.2).

4.2 L'art. 28 LACI régit l'« indemnité journalière [de chômage] en cas d'incapacité passagère de travail, totale ou partielle ». Il énonce notamment ce qui suit :

Les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d'une maladie (art. 3 LPGA), d'un accident (art. 4 LPGA) ou d'une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière s'ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu'au 30ème jour suivant le début de l'incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre (al. 1). Les indemnités journalières de l'assurance-maladie ou de
l'assurance-accidents qui représentent une compensation de la perte de gain sont déduites de l'indemnité de chômage (al. 2). Les chômeurs qui ont épuisé leur droit selon l'al. 1, sont encore passagèrement frappés d'incapacité restreinte de travail et touchent des indemnités journalières d'une assurance, ont droit, dans la mesure où cette incapacité partielle n'entrave pas leur placement et où ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnité (al. 4) : à la pleine indemnité journalière s'ils sont aptes au travail à raison de 75% au moins (let. a) ; à une indemnité journalière réduite de 50% s'ils le sont à raison de 50% au moins (let. b).

Cette disposition coordonne l'assurance-chômage et les assurances perte de gain pour cause de maladie ou d'accident. Elle repose sur la prémisse que ces assurances-ci ne prenaient autrefois effet qu'au 31ème jour d'incapacité. Aussi le législateur a-t-il voulu combler une lacune en prévoyant, à l'alinéa 1, une prise en charge par l'assurance-chômage durant les trente premiers jours d'incapacité de travail. Cette obligation de prestation est toutefois subsidiaire à l'assurance perte de gain, comme l'exprime l'art. 28 al. 2 LACI, qui est destiné à éviter la surindemnisation (ATF 144 III 136 consid. 4.2). Si l'assuré était déjà en incapacité de travail avant son inscription au chômage, le délai de 30 jours commence à courir à partir du moment où il remplit les conditions de l'art. 8 al. 1 LACI (sauf celle de l'aptitude au placement ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 6 ad art. 28 LACI).

L'alinéa 4 de l'art. 28 LACI règle le concours entre l'assurance-chômage et l'assurance perte de gain après épuisement du droit au sens de l'alinéa 1. Il doit être lu en conjonction avec l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), l'art. 5 al. 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 sur l'assurance-accidents des personnes au chômage (RS 837.171) – abrogée le 1er janvier 2017 – et l'art. 25 al. 3 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202). Toutes ces dispositions fixent la
quote-part des indemnités dues respectivement par l'assurance-chômage et par l'assurance perte de gain maladie ou accident en cas de capacité de travail partielle (ATF 144 III 136 consid. 4.2).

Aux termes de l'art. 73 al. 1 LAMal (intitulé « Coordination avec
l'assurance-chômage »), les chômeurs atteints d’une incapacité de travail (art. 6 LPGA) supérieure à 50% reçoivent des indemnités journalières entières et ceux qui sont atteints d’une incapacité de travail de plus de 25%, mais de 50% au maximum, des demi-indemnités journalières lorsqu’en vertu de leurs conditions d’assurance ou d’arrangements contractuels les assureurs versent, en principe, des prestations pour un même taux d’incapacité de travail.

Il en découle notamment que lorsque la capacité de travail est comprise entre 50% et 74%, l'assurance-chômage et l'assureur-maladie ou accident versent chacun une indemnité journalière de 50%. Ce système de coordination s'applique aussi aux assurances-maladie complémentaires soumises à la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1). En effet, l'art. 100 al. 2 LCA prévoit l'application par analogie de l'art. 73 LAMal pour les preneurs d'assurance et assurés réputés chômeurs au sens de l'art. 10 LACI (ATF 144 III 136 consid. 4.2).

Par « indemnités journalières de l'assurance-maladie » au sens de l'art. 28 al. 2 LACI, il faut entendre aussi bien les indemnités de l'assurance-maladie sociale facultative régie par les art. 67 ss LAMal que celles d'assurances complémentaires soumises à la LCA (ATF 144 III 136 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler la portée de l'art. 28 al. 2 et 4 LACI, dans une affaire où l'assuré avait touché des indemnités de chômage calculées sur un gain assuré réduit de moitié, en raison d'une aptitude au placement restreinte par une maladie. L'assuré avait en outre touché pendant la même période de pleines indemnités journalières fondées sur une assurance collective perte de gain régie par la LCA. Après avoir eu connaissance de ce fait, la caisse de chômage avait réclamé le remboursement des indemnités de chômage ; elle a obtenu gain de cause. L'autorité de céans a relevé que si l'assureur privé - allant ainsi au-delà du régime de coordination légal - allouait de pleines indemnités pour une incapacité de travail de 50%, en se fondant sur ses conditions générales ou sur un engagement pris dans une procédure de conciliation, ces indemnités devaient être déduites de l'assurance-chômage, conformément au principe de subsidiarité découlant des alinéas 2 et 4 de l'art. 28 LACI (ATF 144 III 136 consid. 4.2).

4.3 Dès qu'un assuré s'annonce auprès d'une assurance sociale en revendiquant des prestations pour une incapacité durable de travail, l'indemnisation devra être prise en charge selon les modalités prévues par les art. 15 al. 3 OACI et 70 al. 2 let. b LPGA. Il pourra s'agir alors de prestations versées provisoirement par
l'assurance-chômage, à titre d'avance. Mais lorsque l'assuré s'annonce à une assurance sociale en revendiquant des prestations d'invalidité tout en se trouvant dans une période où il a droit à l'indemnité selon l'art. 28 al. 4 LACI, l'indemnisation au sens de l'art. 28 al. 4 LACI prime (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 24 ad art. 28 LACI ; Ueli Kieser, Die Koordination von Taggeldern der Arbeitslosenversicherung mit Taggeldern anderer Sozialversicherungszweige, in DTA 2012 p. 233). En effet, du moment qu'il est question de la coordination entre l'assurance-chômage et une assurance perte de gain maladie, le caractère passager ou durable de l'incapacité n'importe pas. Une telle question de coordination se pose aussi longtemps que l'indemnité journalière perte de gain est due selon les conditions qui la régissent (ATF 144 III 136 consid. 4.4).

5.              

5.1 En l'espèce, il ressort du décompte du 6 décembre 2022 relatif au mois de novembre 2022 que l'intimée, dans un premier temps, a fixé le délai-cadre d'indemnisation au 15 novembre 2022. Elle a versé au recourant des pleines indemnités de chômage sous déduction des indemnités perte de gain en application de l'art. 28 al. 1 et 2 LACI. Elle a procédé de la même manière pour les mois de décembre 2022 (cf. décompte du 22 décembre 2022) et janvier 2023 (cf. décompte du 17 février 2023).

Après avoir reçu en date du 14 mars 2023 les décomptes de l'APG (déjà au dossier), l'intimée a reconsidéré les décomptes précités, reporté le début du
délai-cadre d'indemnisation au 15 décembre 2022, et recalculé les indemnités de chômage en appliquant cette fois l'art. 28 al. 4 LACI en lien avec l'art. 73 al. 1 LAMal. Elle a considéré que jusqu'à cette dernière date, dans la mesure où le recourant présentait une capacité de travail de 25%, il avait droit uniquement à une pleine indemnité perte de gain, et du 15 décembre 2022 au 14 janvier 2023, période durant laquelle il disposait d'une capacité de travail de 50%, l'indemnité de chômage était réduite de 50%. Les nouveaux calculs aboutissaient à la demande de remboursement du montant de CHF 2'693.15.

Ce raisonnement ne peut pas être suivi. Certes, le recourant a déposé une demande de prestations de l'AI le 7 avril 2022. Or, au moment où il a sollicité des indemnités de chômage à partir du 15 novembre 2022, l'assurance perte de gain maladie (APG) déployait déjà ses effets et lui allouait des indemnités journalières selon la LCA. Dans ces circonstances, les modalités prévues à l'art. 28 LACI priment par rapport à celles des art. 15 al. 3 OACI et 70 al. 2 let. b LPGA (dans ce sens : arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois CDP.2021.402 [INT.2022.420] du 30 août 2022 consid. 4b).

S'il est vrai que la coordination entre l'assurance-chômage et l'APG s'effectue sur la base de l'art. 28 al. 2 et 4 LACI en relation avec l'art. 73 al. 1 LAMal, même en cas de dépôt d'une demande de prestations auprès de l'AI (consid. 3.3 ci-dessus ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2020 du 4 novembre 2020 consid. 6.2 ; cf. Nicolas ROUILLER, in Commentaire romand Loi sur le contrat d'assurance, 2022, n. 125-128 ad art. 100 LCA), cela ne signifie pas qu'il faille faire abstraction de la première phase d'indemnisation de 30 jours d'incapacité selon l'art. 28 al. 1 et 2 LACI.

En effet, l'art. 28 al. 4 LACI régit l'indemnisation de l'assuré en incapacité de travail partielle après les 30 jours d'incapacité indemnisés selon l'art. 28 al. 1 LACI, et qui est au bénéfice d'une assurance facultative perte de gain maladie ou accident (David TERNANDE, Coordination des indemnités de chômage avec les indemnités journalières des autres assureurs sociaux et privés, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 756-757 ; Christoph Häberli /David Husmann, Krankentaggeld, versicherungs- und arbeitsrechtliche Aspekte, 2015, n. 752-753 ; RUBIN, op cit., n. 24 ad art. 28 LACI).

L'ATF 144 III 136 (déjà cité) met précisément en exergue que l'art. 28 al. 4 LACI règle le concours entre l'assurance-chômage et l'assurance perte de gain après épuisement du droit au sens de l'alinéa 1 (consid. 4.2). Si la Haute Cour mentionne que lors de l'aptitude au travail de l'assuré de 50%, l'indemnité journalière de l'assurance-chômage aurait été réduite de 50% selon l'art. 28 al. 4 let. b LACI, laquelle aurait été complétée par la demi-indemnité due par l'assureur-maladie privé, conformément à ses conditions générales d'assurance et à l'art. 73 al. 1 LAMal, par renvoi de l'art. 100 al. 2 LCA, elle se réfère à la période postérieure à la première phase d'indemnisation par l'assurance-chômage (consid. 4.3), étant relevé que le dossier de l'assuré concerné était en cours d'instruction auprès de l'AI.

Il s'ensuit que l'art. 28 al. 4 LACI en corrélation avec l'art. 73 al. 1 LAMal s'applique à la suite de l'épuisement du droit selon l'art. 28 al. 1 LACI.

À titre d'illustrations, dans un arrêt ATAS/667/2022 du 18 juillet 2022, qui concernait une assurée, ayant déposé une demande de prestations auprès de l'AI, et en incapacité de travail partielle (50%) lors de son inscription au chômage, la chambre de céans a confirmé la décision de la caisse de chômage qui avait, durant les 30 premiers jours d'indemnisation, déduit de la pleine indemnité de chômage les indemnités perte de gain maladie perçues simultanément conformément à l'art. 28 al. 1 et 2 LACI, et qui avait dès le 31ème jour d'indemnisation, réduit les prestations en versant une demi-indemnité journalière de chômage en application de l'art. 28 al. 4 LACI (consid. 5.2-5.3).

Dans l'arrêt neuchâtelois précité, la juridiction cantonale a également appliqué l'art. 28 al. 1 et 2 LACI pour la première phase d'indemnisation par l'assurance-chômage, puis l'art. 28 al. 4 LACI, dans le cas d'une assurée ayant déposé une demande de prestations de l'AI et présenté une incapacité de travail de 40% lors de son inscription au chômage (consid. 4.b/aa-4.b/bb).

En tant que l'Audit Letter TCRD édition 2016/2 du SECO prévoit que la caisse de chômage applique directement l'art. 28 al. 4 LACI, sans appliquer préalablement les alinéas 1 et 2, lorsqu'une assurance d'indemnités journalières verse des prestations en raison du problème de santé qui a mené à l'obligation d'avancer les prestations [de chômage] après annonce auprès de l'AI, elle s'écarte de la jurisprudence. C'est donc à tort que l'intimée s'y est référée pour appuyer sa position.

5.2 Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre partiellement le recours, d'annuler la décision sur opposition du 30 octobre 2023, et, afin de ne pas priver les parties de la garantie d’une double instance, de renvoyer la cause à l'intimée pour qu'elle calcule à nouveau le montant des indemnités de chômage auxquelles a droit le recourant jusqu'au 31 janvier 2023, en fixant le début du délai-cadre d'indemnisation au 15 novembre 2022 sans délai d'attente (Thomas Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht Soziale Sicherheit, 2016, n. 441 ; RUBIN, op cit., n. 5 ad art. 28 LACI) – date à compter de laquelle le recourant a fait contrôler son chômage –, en appliquant l’art. 28 al. 1 et 2 LACI durant la première phase d’indemnisation (jusqu’au 14 décembre 2022), puis l’art. 28 al. 4 (et 2) LACI sans tenir compte d’un délai d’attente de cinq jours pour le mois de décembre 2022 comme cela ressort du décompte du 21 mars 2023.

6.             Le recourant, représenté par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]), fixée en l’espèce à CHF 800.-.

7.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 30 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 800.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le