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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3540/2022

ATAS/285/2024 du 25.04.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

RÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3540/2022 ATAS/285/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Marie-Josée COSTA, avocate

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA

intimé

appelé en cause

 

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1983, est titulaire d’un certificat fédéral de capacité (CFC) d’informaticien. Il a été engagé dans un service de maintenance informatique en 2012. A ce titre, il était assuré contre le risque d’accidents par le GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : l’assureur-accidents), auprès duquel il bénéficiait également d’une couverture complémentaire à l’assurance-accidents.

b. Le 23 mai 2017, l’assuré a été renversé par un cycliste alors qu’il empruntait un passage pour piétons. Il a subi une lésion méniscale au genou gauche, traitée par arthroscopie le 4 octobre 2017 par le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

c. Le Dr B______ a indiqué dans un courrier du 6 février 2018 à la Clinique romande de réadaptation (CRR) qu’un séjour lui paraissait approprié, vu l’échec des traitements et la situation stagnante. L’assuré présentait une algoneurodystrophie (ci-après également désignée par algodystrophie, complex regional pain syndrom [CRPS] ou syndrome douloureux régional complexe [SDRC]), confirmée principalement par un œdème de la rotule révélé par une imagerie par résonance magnétique (IRM) en novembre 2017. L’incapacité à exercer l’activité habituelle d’intendance informatique – impliquant de nombreux déplacements avec port de charges – perdurait.

d. Le 24 février 2018, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

e. L’assuré a séjourné à la CRR du 14 février au 13 mars 2018. Dans leur rapport du 22 mars 2018, les médecins ont diagnostiqué un traumatisme du genou gauche et une algodystrophie de stade scintigraphique I à II du genou gauche. Ce diagnostic était cliniquement évocateur selon les critères de Budapest et selon une scintigraphie osseuse réalisée le 2 mars 2018. Un électroneuromyographe (ENMG) n’avait pas mis en évidence d'atteinte des principaux nerfs périphériques, le caractère neuropathique de la douleur relevant du tableau clinique de l'algodystrophie. Sur le plan psychiatrique, aucune pathologie n’était retenue. Les plaintes et limitations fonctionnelles s'expliquaient principalement par les lésions objectives constatées pendant le séjour. Des facteurs contextuels pouvaient influencer négativement les aptitudes fonctionnelles, notamment la kinésiophobie et l’élaboration de scénarios-catastrophes chez un assuré fonctionnant sur un mode « tout ou rien », ce qui compliquait une gestion progressive de la rééducation. Les limitations fonctionnelles provisoires suivantes étaient retenues : éviter la marche prolongée, la marche en terrain irrégulier, les positions accroupie ou agenouillée, les montées et descentes répétées d’escaliers. La situation n’était pas stabilisée. Il était trop tôt pour se prononcer sur la reprise de l’activité habituelle. A priori, le pronostic était plutôt favorable à terme. Selon les médecins, il s’agissait d’une forme assez torpide d'algodystrophie, d'évolution probablement lente. Les réactions au niveau des tissus mous étaient toutefois modérées et il n’y avait pas d'enraidissement, ce qui constituaient des facteurs de bon pronostic. L’incapacité de travail se poursuivrait jusqu’au 14 avril 2018 et serait à réévaluer ensuite. Une reprise thérapeutique, probablement initialement sur des demi-journées, pourrait être envisagée par la suite pour limiter un retrait professionnel trop prolongé.

f. Dans un rapport du 28 mars 2018, le professeur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a confirmé le diagnostic d’algoneurodystrophie.

g. Dans un rapport du 7 septembre 2018, la doctoresse D______, spécialiste FMH en médecine physique, a elle aussi retenu le diagnostic de CRPS sévère du membre inférieur gauche.

Le 5 août 2020, cette spécialiste a également mentionné une allodynie, des douleurs extrêmement invalidantes, avec parfois des discolorations, et une amyotrophie de la cuisse. Elle a confirmé le diagnostic de CRPS de type I avec répercussion sur la capacité de travail.

Le 28 janvier 2021, la Dresse D______ a encore attesté une incapacité de travail totale en raison des douleurs.

h. Le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, a indiqué dans un rapport du 26 octobre 2018 que l’assuré souffrait en outre d’un épisode dépressif réactionnel moyen à sévère (F 32.2) entraînant une incapacité de travail totale. Plus loin, le médecin a toutefois indiqué que l’atteinte thymique influençait la capacité de travail à hauteur de 20 à 30%.

Dans un rapport du 23 décembre 2019, ce psychiatre a confirmé son diagnostic et décrit un grand isolement social.

Le 4 août 2020, il a indiqué ne plus suivre l’assuré depuis le 13 novembre 2019.

i. L’assureur-accidents a adressé l’assuré au docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui, dans son rapport du 13 mars 2019, a relevé que l’assuré décrivait des douleurs s’étendant de manière diffuse au genou, irradiant dans la jambe et la cuisse gauches, ainsi qu’un sommeil perturbé. Il présentait des épisodes spontanés de discolorations fréquentes du genou, avec sensations de chaleur et de froideur et sudation accrue du membre inférieur gauche lors de stress et à la moindre activité. Cette symptomatologie s'étendait à l'hémicorps gauche puis au corps entier, une à plusieurs fois par jour. Le périmètre de marche était limité à 50 à 100 mètres sans cannes, à 20-30 minutes avec deux cannes, et les déplacements supérieurs à 30 minutes nécessitaient l'utilisation d'une chaise roulante. La marche dans les escaliers n’était pas réalisable. La station assise était limitée à 45 minutes et la conduite de sa voiture automatique nécessitait une pause toutes les 30 à 45 minutes. A l’examen, le Dr F______ a constaté qu’il n’y avait pas de trouble trophique du membre inférieur gauche, la coloration, la température cutanée et la sudation étaient physiologiques. Il n'y avait ni tuméfaction, ni épanchement intra-articulaire du genou gauche, mais une hypodysesthésie du genou. Une amyotrophie du membre inférieur gauche était présente. La stabilisation de la situation médicale était attendue à deux ans de l'événement. L'évaluation montrait des discordances entre les constatations objectives et certains troubles subjectifs qui ne pouvaient être expliqués. De plus, il existait vraisemblablement une amplification des symptômes. A cet égard, le Dr F______ mentionnait le comportement de l’assuré lors d’une crise algique durant l'examen – il avait alors présenté des crampes, des tremblements diffus, des sudations et des pleurs nécessitant l’interruption de l'examen pendant plusieurs minutes. Une évaluation multidisciplinaire serait nécessaire lors de la stabilisation médicale.

j. Le docteur G______, médecin à la Clinique de la douleur, a diagnostiqué le 7 octobre 2020 un CRPS de type I persistant entraînant une incapacité de travail.

Il a confirmé le diagnostic en date du 11 février 2021, ajoutant qu’il était difficile de se prononcer sur une reprise du travail. Il a décrit les différents traitements initiés, dont la préparation de l’implantation d’un neurostimulateur médullaire en janvier 2021, qui n’avait en définitive pas abouti en raison des effets secondaires. L’évolution était stationnaire.

k. L’OAI a alors mis sur pied une expertise par le docteur H______, spécialiste FMH en rhumatologie, qui a vu l’assuré le 3 mai 2021.

L’expert a relaté que lorsqu’il lui avait demandé de marcher sans cannes, l’assuré, après un refus initial, avait fait quelques pas en boitant, puis avait mimé un trouble de l'équilibre et s’était retenu au mur.

Le Dr H______ a retenu les diagnostics d’algoneurodystrophie du membre inférieur gauche au décours dans le cadre d'un status après traumatisme du ménisque interne gauche et arthroscopie. L’assuré présentait des lombalgies dans le cadre de discrets troubles statiques du rachis et d'un status après tentative de stimulation médullaire et un excès pondéral. L’algoneurodystrophie entraînait des limitations fonctionnelles non compatibles avec une activité d'informaticien se déplaçant beaucoup. Dans cette activité, la capacité de travail était nulle. En revanche, elle était de 50% dans une activité strictement adaptée, l'algoneurodystrophie s'étant nettement améliorée et l'assuré ne présentant plus qu'une discrète discoloration violacée avec marbrures et un œdème du membre inférieur gauche, alors qu'à la CRR et lors de l'expertise du Dr F______, il présentait une atrophie du membre inférieur gauche. Cet œdème pouvait également être lié à la non-utilisation du membre inférieur gauche. L’incapacité de travail n’était pas supérieure à 50%, car la tolérance à la position assise en cours d'entretien avait été bonne. Par ailleurs, malgré ses douleurs, l'assuré restait capable de conduire. Il avait pu partir à Pâques 2021 dans son chalet sis à une quinzaine de kilomètres de Genève. Il gardait une bonne intégration sociale. Ainsi, il avait des ressources physiques relativement conservées et d'autres ressources mobilisables, car il était bien soutenu par son père qui faisait ses courses. Ses parents l’invitaient à manger tous les week-ends et sa femme de ménage s'occupait de toutes les tâches ménagères. L’expert notait l’existence d'importants motifs d'exclusion (démonstrativité, exagération des symptômes et présence de trois signes de Waddell sur cinq). Il y avait aussi des incohérences entre des douleurs cotées très haut et l’absence de médication, notamment antalgique. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de génuflexions répétées, pas d’utilisation d'escabeau ou d’échelle, pas de franchissements réguliers d'escaliers, pas de marche en terrain irrégulier, pas de position debout de plus de cinq minutes, pas de marche avec cannes plus d'un quart d'heure. L’incapacité de travail avait été totale depuis octobre 2017, puis à nouveau depuis le 1er janvier 2018 dans l'activité habituelle d'informaticien parcourant de longs trajets. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 50% dès le jour de l’examen. L’expert a souligné qu’en principe, une algoneurodystrophie disparait complètement après deux ou trois ans. Au vu de l'importante démonstrativité et de l'importante exagération des symptômes par l'assuré, il était bien possible que les douleurs ne s'améliorent jamais et qu’il ne reprenne pas d’activité professionnelle. Une réévaluation de la capacité de travail devrait tout de même avoir lieu deux ans plus tard, l'évolution habituelle d'une algoneurodystrophie allant vers la guérison.

l. La doctoresse I______, spécialiste FMH en anesthésiologie, a retenu dans un rapport du 15 juillet 2021 que l’assuré présentait des gonalgies chroniques liées à un CRPS de type I et des lombalgies chroniques non déficitaires à la suite de la pose d’un neurostimulateur médullaire. Au plan médicamenteux, au vu de l’inefficacité des antalgiques et de leurs effets indésirables, ce médecin ne proposait pas d’autres traitements. Après plusieurs mois, la gabapentine pourrait à nouveau être prescrite.

m. La Dresse D______ a émis l’avis, dans un rapport du 20 juillet 2021 qu’une capacité de travail de 50% n’était pas compatible avec l’état de l’assuré, qui ne tolérait pas un déplacement de quinze minutes sans avoir besoin de se reposer ensuite durant deux heures.

n. L’assureur-accidents a confié aux docteurs J______, spécialiste FMH en neurologie, K______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, et L______, spécialiste FMH en psychiatrie, le soin de procéder à une expertise. Les experts ont rendu leur rapport le 1er février 2022.

Dans le status clinique, ils ont notamment relevé une différence de périmètre de deux centimètres au niveau de la cuisse et de la jambe en défaveur de la gauche. L'assuré signalait une hypodysesthésie globale du membre inférieur gauche. On notait un certain degré d'acrocyanose du membre inférieur gauche en station debout. Il n'y avait pas actuellement de signe évident d'algodystrophie au niveau du genou gauche. Au plan psychique, les symptomatologies anxieuse et dépressive étaient insuffisantes pour retenir un diagnostic spécifique dans ces groupes de pathologies. Les troubles psychiques avaient « une causalité de vraisemblance probable » avec l'accident, et entraînaient une incapacité de travail de 20% du 6 janvier 2018 (début de l'algodystrophie) au 4 octobre 2019. S’agissant des différents indicateurs en matière de troubles psychiques, il n’y avait pas de trouble psychiatrique sévère ni de trouble psychosomatique, mais un diagnostic de majoration des symptômes. Il n'y avait pas d'organisation pathologique de la personnalité. Il y avait des incohérences cliniques, l’assuré surévaluait l'intensité de son humeur anxieuse et dépressive avec des plaintes subjectives (humeur dépressive d'intensité moyenne à forte, fatigue) qui n’étaient pas retrouvées à l'examen, puisqu’il était euthymique et sans signe objectif de fatigue. Il minimisait son autonomie et ses ressources : il conduisait plusieurs fois par semaine, et il s’était rendu seul en voiture en vacances, rejoignant sa famille dans le chalet familial. Il y avait des incohérences avec les pièces du dossier. Dans la synthèse, les experts ont relevé que l’examen neurologique était caractérisé par des troubles très atypiques, et des discordances et des incohérences ne permettant pas de retenir avec probabilité ou certitude l'existence d'une atteinte neurologique significative. Les signes sympathique réflexe et de dystrophie étaient au mieux modestes. Il n'y avait donc pas d'explication claire aux plaintes persistantes, ou du moins à l’importance de ces plaintes, ainsi qu'à l'incapacité de travail et la gêne dans les activités personnelles. Du point de vue psychique, le tableau clinique était compatible avec un diagnostic de troubles anxieux et dépressifs mixtes (F 41.2), de faible intensité. L'évaluation pluridisciplinaire confirmait le diagnostic de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F 68.0). L’assuré avait des ressources, il était capable de communiquer, de respecter un cadre, de s'adapter, il manquait de flexibilité psychique, il savait s'organiser, était rationnel, psychiquement endurant, et volontaire. Il avait des capacités relationnelles. Il disait ne pas avoir de réseau social personnel ou professionnel. Sur le plan neurologique, l’expert retenait un status après déchirure du ménisque interne du genou gauche et un status après probable algodystrophie secondaire en 2017. Il n’y avait pas d'explication neurologique aux troubles actuels. Du point de vue de la médecine physique, on notait la persistance de séquelles modérées du membre inférieur gauche dans les suites d'un SDRC. Les troubles actuels, de par leur atypie, leur extension et l’absence de réponse aux traitements plus de quatre ans après l'événement accidentel ne trouvaient pas d'explication somatique satisfaisante, et étaient donc en relation de causalité très douteuse avec l'événement accidentel. Les suites de l'accident du 23 mai 2017 étaient stabilisées le 4 octobre 2019. Toute activité exercée en limitant les positions accroupies et à genoux était exigible à temps plein, sans diminution de rendement. La capacité de travail de l'assuré dans l'activité habituelle était totale depuis le 4 octobre 2019. Il n’y avait pas d'atteinte importante et durable objectivable justifiant une indemnité pour atteinte à l'intégrité.

o. Par décision du 15 février 2022, l’assureur-accidents a retenu que la relation de causalité entre les lésions du genou gauche et les troubles anxieux et dépressifs mixtes et l'accident du 23 mai 2017 ne pouvait être admise que jusqu'au 4 octobre 2019. Il renonçait à demander le remboursement des indemnités journalières versées jusqu'au 30 septembre 2021 et des frais médicaux. Il n’y avait pas de droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.

L’assuré s’est opposé à cette décision le 17 mars 2022.

p. Le 6 juin 2022, le docteur M______, médecin au Service médical régional de l’OAI, s’est déterminé sur l’expertise du CEMed, retenant que l'algoneurodystrophie du membre inférieur gauche qui persistait le 3 mai 2021 lors de l'expertise du Dr H______ n’était plus retrouvée en décembre 2021 par le Dr K______. Cette atteinte appartenait au passé, elle avait disparu à une date non précisée entre le 3 mai et le 8 décembre 2021. Le SMR adaptait ses conclusions en retenant une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle depuis l’accident, et, dans une activité adaptée d'informaticien, de 50% dès le 3 mai 2021 et de 100% dès le 8 décembre 2021.

q. Le 24 juin 2022, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui reconnaître le droit à une rente entière du 1er août 2018 au 31 mars 2022, au vu de la pleine capacité de travail recouvrée le 8 décembre 2021.

r. L’assuré a contesté ce projet par courrier du 12 août 2022. Il a reproché à l’OAI de s’être fondé sur le rapport du CEMed plutôt que celui du Dr H______, qui était rhumatologue et dont les conclusions prévalaient sur celles du Dr J______, lequel n’avait pas analysé ses limitations fonctionnelles. La Dresse D______ confirmait que ses douleurs persistaient. Ainsi, c’était à tort que l’OAI retenait que sa capacité de gain était rétablie au 31 mars 2022. L’assuré avait droit à une rente à 50% dès le 1er avril 2022.

s. Par courrier du 15 septembre 2022, l’assureur-accidents a informé l’assuré qu’il avait requis de la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES (ci-après : la caisse) la compensation d’un montant de CHF 40'914.05. Il avait servi des indemnités journalières légales et au titre de l’assurance complémentaire, couvrant au total 90% du gain journalier. La perte de gain du 4 octobre 2017 au 30 septembre 2021 représentait CHF 371'210.90 et les indemnités totales versées s’élevaient à CHF 332'793.95 pour cette période. Pour la période du 1er août 2018 au 30 septembre 2021, les rentes de l’assurance-invalidité s’élevaient à CHF 79'331.- Le montant total versé par les différentes assurances était ainsi de CHF 412'124.95, ce qui révélait une surindemnisation de CHF 40'914.05.

t. Par décision du 2 septembre 2022, l’assureur-accidents a écarté l’opposition de l’assuré.

u. Par décision du 27 septembre 2022, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière du 1er août 2018 au 31 mars 2022, le montant rétroactif des rentes, soit CHF 96'271.-, faisant l’objet d’une déduction de CHF 40'914.05 versés à l’assureur-accidents.

B. a. Par écriture du 27 octobre 2022, l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI. Il conclut, sous suite de dépens, préalablement à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée, principalement à l’annulation de la décision en tant qu’elle limite la rente entière d'invalidité au 31 mars 2022, à l’octroi d’une rente entière d'invalidité au-delà du 31 mars 2022, à ce qu’il soit dit et constaté que l’intimé ne devait pas admettre intégralement la demande de compensation de l’assureur-accidents, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il a droit à CHF 74'359.50 sur le montant rétroactif octroyé par l'assurance-invalidité, à ce que l’intimé soit condamné à lui verser la somme de CHF 21'105.55. Subsidiairement, le recourant conclut au renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise médicale.

Le recourant formule plusieurs critiques à l’encontre de l’expertise, invoquant notamment des motifs de récusation à l’encontre des experts et reprochant à ceux-ci de n’avoir pas discuté les rapports médicaux versés au dossier.

Il argue que, son état de santé n’ayant pas évolué depuis son accident, il n’y a pas de motif de supprimer sa rente.

Il conteste en outre la compensation opérée par la caisse en faveur de l’assureur-accidents, puisque, dans sa demande de compensation, celui-ci n’a pas détaillé le montant réclamé, qui comprend des prestations tant de l’assurance-accidents obligatoire que de l’assurance complémentaire, qui ne correspondent pas à la période d’octroi de la rente d’invalidité. S’agissant des indemnités journalières complémentaires, les conditions générales de l’assureur-accidents (CGA) ne prévoient pas de droit au remboursement et l’assuré n’a pas donné son accord écrit à un remboursement. Il s’est opposé à la décision de l’assureur-accidents du 15 septembre 2022 par courrier du 10 octobre 2022. Au vu des éléments du calcul de l’assureur-accidents, le gain présumable perdu du 1er août 2018 au 30 septembre 2021 est de CHF 297'566.- (CHF 257.41 x 1156 jours). Les prestations de l'assurance-accidents obligatoire s’élèvent pour cette période à CHF 238'043.50 (CHF 205.92 x 1156). Durant ces 1156 jours, le recourant a droit à des rentes d’invalidité de CHF 79'331.-. Les prestations cumulées de l'assurance-invalidité et de l’assurance-accidents s’élèvent donc à CHF 317'374.50 (CHF 79'331.- + CHF 238'043.50). Il en résulte une surindemnisation de CHF 19'808.50 (CHF 317'374.50 - CHF 297'566). C’est ce montant qui aurait dû être remboursé à l’assureur-accidents. Le recourant en tire la conclusion que l’intimé lui doit encore CHF 21'105.55 (CHF 40'914.05 – CHF 19'808.50).

b. Dans sa réponse du 23 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Il soutient qu’il n’est pas nécessaire que tous les rapports médicaux soient cités au dossier. Dans le cas d’espèce, il considère qu’il n’existe pas d’éléments médicaux importants dont les experts n’auraient pas tenu compte. Le Dr H______, dont le recourant ne critique pas l’examen, a relevé une amplification des symptômes, à l’instar du Dr F______. Le recourant se méprend lorsqu’il reproche au SMR d’avoir pris des conclusions distinctes, ce service a simplement considéré qu'il était plus judicieux de tenir compte de la capacité de travail retenue par l'expertise dès la date de l'examen, sans remonter à 2019. Enfin, les dispositions relatives à une révision du droit à la rente ne s'appliquent pas dans le cas d’une première demande de prestations. S’agissant de la compensation, l’intimé renvoie aux déterminations du 20 décembre 2022 de la Caisse.

Celle-ci soutient que la décision du 27 septembre 2022 est sans conséquence sur les droits du recourant, dont les griefs doivent être examinés dans le cadre de la procédure d'opposition à l'encontre de la décision du 15 septembre 2022 de l’assureur-accidents, indépendante de la procédure opposant le recourant à l’OAI. Quant à la portée des CGA de l’assureur-accidents sur le droit au remboursement, elle s’en rapporte à justice.

c. Dans sa réplique du 17 février 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il souligne que, dans la procédure parallèle pendante devant la Cour de céans portant sur le recours interjeté contre la décision de l’assureur-accidents (A/3188/2022), celui-ci a admis que l’expertise du CEMed n’avait pas été élaborée sur la base de l’ensemble du dossier médical, ce qui n’était pas conforme à la jurisprudence. Il revient sur les rapports établis par les différents médecins, soutenant que cette expertise n’en tient pas compte. Il conteste également le rapport du Dr H______. Les limitations fonctionnelles retenues par l’intimé ne sont selon lui pas compatibles avec son état de santé. Il relève qu’en lui accordant une rente jusqu’au 31 mars 2022, l’intimé s’est d’ailleurs écarté des conclusions du Dr H______. Le recourant décrit son isolement et ses limitations dans tous les actes de la vie quotidienne. Quant à la compensation opérée par la caisse, il reproche à cette dernière de n’avoir pas vérifié si la demande de compensation de l’assureur-accidents correspondait à la période de versement des rentes, ce qui n’est pas le cas.

d. L’intimé a persisté dans ses conclusions. Il considère que le SMR, qui conserve une marge d'appréciation quant à l'évaluation de l'effet des limitations fonctionnelles, n’a pas excédé ses prérogatives.

L’intimé soutient par ailleurs que les règles de la révision ne s’appliquent pas à l’octroi d’une rente limitée dans le temps.

Il renvoie pour le surplus à la position de la caisse, qui, s’agissant de la concordance temporelle des prestations, relève que la période de versement de la rente du 1er août 2018 au 30 septembre 2021 est intégralement comprise dans la période du 4 octobre 2017 au 30 septembre 2021 durant laquelle l’assureur-accidents a octroyé des prestations. La compensation du montant réclamé de CHF 40'914.05 ne violerait pas les dispositions réglementaires, ce chiffre ne représentant selon les calculs de la caisse qu’une partie de la surindemnisation. Le sort des prestations de l’assurance-accidents complémentaire reste réservé.

e. Le 5 avril 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

f. Par ordonnance du 8 février 2024, la Cour de céans a appelé en cause l’assureur-accidents et l’a invité à se déterminer sur les conditions du versement direct de CHF 40'914.05 par l’intimé.

g. L’assureur-accidents s’est déterminé le 15 mars 2024. Il a admis que les conditions d’un versement n’étaient pas réalisées, s’agissant des indemnités journalières complémentaires. En revanche, les conclusions du recourant devraient être déclarées irrecevables en tant qu’elles concernent la compensation d’indemnités journalières de l’assurance obligatoire, dès lors que c’est l’assureur-accidents qui est compétent pour les calculs de surindemnisation et qu’il traitera les contestations sur ce point dans sa décision sur opposition.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours a été déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA).

3.1 Le recourant a pris des conclusions portant tant sur le droit à la rente au-delà du 31 mars 2022 que sur le remboursement direct à l’assureur-accidents d’une partie des rentes d’invalidité allouées rétroactivement, contestant partiellement le droit de celui-ci à la compensation. L’objet du litige porte ainsi sur ces deux aspects.

3.2 Selon la jurisprudence, la décision de l'assurance-invalidité sur le paiement direct à une assurance ne concerne que les modalités du versement, de sorte qu'elle ne déploie aucune force de chose décidée en ce qui concerne le bien-fondé et le montant de la créance en restitution de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_287/2014 du 16 juin 2014 consid. 2.2 et les références). Le Tribunal fédéral admet ainsi que le juge n’a pas à statuer sur l’étendue de la compensation dans le cadre de la procédure concernant l’assurance-invalidité Cependant, le principe de la compensation peut être contesté dans le cadre de la procédure de l’assurance-invalidité si l’intéressé conteste que les conditions de l’art. 85bis du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) liées au paiement direct sont remplies (arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2016 du 1er septembre 2016 consid. 5.2). En l’espèce, si le recourant prend des conclusions portant sur l’étendue de la compensation, puisqu’il en conteste la quotité, il invoque précisément dans ce cadre que les conditions réglementaires prévues pour un versement direct ne sont pas réalisées. Partant, ce point peut être tranché dans la présente procédure, étant souligné que l’assureur-accidents a été appelé en cause et a pu exercer son droit d’être entendu.

3.3 Le recours est ainsi recevable.

4.             En ce qui concerne en premier lieu la compensation sollicitée par l’assureur-accidents appelé en cause, il convient de rappeler ce qui suit.

4.1 Selon l'art. 22 LPGA, le droit aux prestations est incessible ; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle (al. 1). Les prestations accordées rétroactivement par l'assureur social peuvent en revanche être cédées à l'employeur ou à une institution d'aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a) ou à l'assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b) (al. 2).  En pratique, la règle de l’art. 22 al. 2 let. b LPGA concerne principalement les assurances privées d’indemnités journalières et, dans une moindre mesure, l’assurance en responsabilité civile (Sylvie PETREMAND in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 36 ad art. 22 LPGA).

4.2 L’art. 85bis RAI prévoit que les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d'assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence de celle-ci. Est cependant réservée la compensation prévue à l’art. 20 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10). Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d’un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard au moment de la décision de l’OAI (al. 1). Sont considérées comme une avance les prestations librement consenties, que l'assuré s'est engagé à rembourser, pour autant qu'il ait convenu par écrit que l'arriéré serait versé au tiers ayant effectué l'avance (let. a), ainsi que les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d'une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b) (al. 2). Les arrérages de rente peuvent être versés à l’organisme ayant consenti une avance jusqu’à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (al. 3).

L'utilisation du formulaire spécial prévu à l'art. 85bis al. 1 RAI est une prescription d'ordre. Ainsi, le tiers qui veut obtenir directement un paiement de prestations rétroactives de l'AI peut établir l'accord du bénéficiaire de celles-ci par un autre moyen que ce formulaire (ATF 136 V 381 consid. 5.2).  

Les avances librement consenties selon l'art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l'éventualité de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n'est pas nécessaire ; il est remplacé par l'exigence d'un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l'on puisse parler d'un droit non équivoque au remboursement à l'égard de l'assurance-invalidité, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d'une disposition légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3). La jurisprudence admet que le consentement écrit de l'assuré pour le versement direct en mains d'un tiers ayant versé des avances peut suffire lorsque les conditions générales d'assurance prévoient un devoir de remboursement de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2019 du 24 octobre 2019 consid. 3.2 et les références citées). Selon les directives concernant les rentes de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale (DR) éditées par l’OFAS, une clause de surassurance découlant d’un contrat ou de la loi ne suffit pas à fonder un droit sans équivoque au remboursement (ch. 10066).

4.2.1 En ce qui concerne la compensation des indemnités versées en vertu de la police d’assurance complémentaire en cas d’accident, la Cour de céans relève ce qui suit.

L’art. 10 let. d des CGA portant sur la couverture collective contre les accidents complémentaire à la LAA de l’appelé en cause est relatif aux prestations de tiers. Il prévoit que, dans la mesure où l'assuré a également droit à des prestations de l'assurance invalidité fédérale ou de toute autre assurance sociale, l’appelé en cause complète ces prestations jusqu'à concurrence de la perte de gain effective de l'assuré. Il paie au maximum l'indemnité journalière convenue. Dès la survenance du sinistre, l’appelé en cause est subrogé, jusqu'à concurrence des prestations convenues, aux droits de l'assuré et de ses survivants contre tout tiers responsable. Lorsque l'indemnité journalière est garantie par plusieurs assurances conclues auprès d'assureurs agréés, la perte de salaire totale est indemnisée une fois seulement. L’appelé en cause n'intervient que dans la proportion existant entre les prestations assurées par lui et le montant total des prestations garanties par tous les assureurs.

La Cour de céans a déjà examiné la portée de cette clause, retenant que si elle vise à éviter une surindemnisation, elle ne prévoit en revanche pas expressément la possibilité pour l'appelé en cause de s'adresser directement aux organes de l'assurance-invalidité et d'exiger le versement de l'arriéré de la rente d'invalidité en compensation de sa créance (ATAS/923/2022 du 17 octobre 2022 consid. 18.3.4.2). Il n’y a pas de motif de revenir sur cette analyse.

Il n’existe pour le surplus aucun accord écrit du recourant au remboursement direct en faveur de l’appelé en cause, celui-ci ayant indiqué par courriel du 21 septembre 2022 à la caisse qu’il n’avait pas requis une « procuration » du recourant pour le remboursement, puisque ce dernier pouvait s’opposer à sa « décision » du 15 septembre précédent.

Partant, la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle admet la demande de compensation de l’appelé en cause portant sur les prestations versées au recourant en qualité d'assurance-complémentaire à l'assurance-accidents.

4.2.2 En ce qui concerne les indemnités journalières versées en application de la LAA, l’art. 22 LPGA ne confère pas un droit au versement direct à l’appelé en cause.

On rappellera que l’art. 70 LPGA règlemente la prise en charge provisoire des cas. Il dispose à son al. 2 let. c que l’assurance-accidents est tenue de prendre en charge provisoirement le cas, pour les prestations dont la prise en charge par l’assurance-accidents ou l’assurance militaire est contestée. Aux termes de l’art. 71 LPGA, l’assureur tenu de prendre provisoirement le cas à sa charge alloue les prestations selon les dispositions régissant son activité. Lorsque le cas est pris en charge par un autre assureur, celui-ci lui rembourse ses avances dans la mesure où elles correspondent aux prestations qu’il aurait dû lui-même allouer.

Une cession au sens de l’art. 22 al. 2 let. b LPGA n’est pas nécessaire dans les situations visées à l’art. 70 LPGA. Lorsque des prestations d’assurances sociales sont accordées, par exemple des indemnités journalières de la LAA, et que d’autres prestations sont ultérieurement octroyées avec un effet rétroactif, par exemple une rente de l’assurance-invalidité, un problème de surindemnisation peut survenir. Dans un tel cas, si le premier assureur intervenu, soit l’assureur-accidents, a versé des prestations qui se révèlent par la suite excéder la limite de surindemnisation de l’art. 69 LPGA, il a un intérêt à recevoir un paiement rétroactif. Un tel cas ne tombe toutefois pas sous le coup de l’art. 70 LPGA. Si le caractère d’avance ou de prise en charge provisoire fait défaut ou qu’un droit au remboursement ne peut pas être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi, une cession selon l’art. 22 al. 2 LPGA n’est pas possible (PETREMAND, op. cit., n. 33-34 ad art. 22 LPGA).

Ainsi, à défaut de caractère d’avance ou de prestations provisoires – étant rappelé que tel n’est pas le cas des indemnités journalières de la LAA, qui se cumulent avec les rentes de l’assurance-invalidité sous réserve de surindemnisation (cf. art. 68 LPGA) – une exception à l’interdiction de la cession au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA ne peut être admise. Un paiement à un tiers fondé uniquement sur la règlementation liée à l’interdiction de la surindemnisation de l’art. 69 LPGA ne peut être opéré. Lorsqu’un assureur demande la compensation, il doit le faire par décision adressée tant à l’assuré qu’à l’organisme appelé à opérer la compensation (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, nn. 64, 66 et 79-80-81 et 88 ad art. 22 LPGA). Or, en l’espèce, le courrier du 15 septembre 2022 de l’appelé en cause n’est pas une décision. Il n’en présente à tout le moins pas les caractéristiques formelles (cf. art. 49 LPGA).

4.3 Malgré ce qui précède, le recourant semble admettre partiellement le remboursement direct à l’appelé en cause des indemnités journalières LAA, en tant que les rentes portent sur la même période et que la limite de surindemnisation est atteinte. On notera à ce sujet que, contrairement à ce que le recourant semble affirmer, une concordance temporelle entre les prestations à compenser n’est pas exigée (ATF 140 V 233 consid. 3.2). En cas de cumul des indemnités journalières fondées sur la LAA et de rentes de l’assurance-invalidité, un calcul sur l’ensemble de la période d’octroi des indemnités journalières doit se faire (calcul global) (ATF 132 V 27 consid. 3.1, arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2016 du 6 octobre 2016 consid. 2).

Ni la caisse ni l’appelé en cause n’ont formellement procédé à ce calcul global, Les pièces versées au dossier de l’intimé ne suffisent en outre pas à établir le montant réclamé au titre d’indemnités journalières de l’assurance complémentaire. L’appelé en cause n’a fourni aucune pièce permettant de distinguer cette créance de celle correspondant aux indemnités journalières de l’assurance obligatoire.

Il n’appartient pas à la Cour de céans de pallier ces lacunes.

Partant, la décision doit être annulée en tant qu’elle prévoit un versement direct à l’appelé en cause, et la cause renvoyée à l’intimé pour nouvelle décision sur ce point au sens des considérants qui précèdent.

5.             Sur le fond, il convient en préambule de rappeler ce qui suit au sujet du droit applicable.

5.1 En vertu de l’art. 28 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (al. 2).

L’art. 29 LAI dispose que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1). Le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 (al. 2).

5.2 La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442). L’art. 28b LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022 dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 dispose les quotités de la rente pour les taux d’invalidité inférieurs à 50%.

La lettre b des dispositions transitoires relatives à cette modification prévoit notamment que pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de ladite modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b de la loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2). Le Message précise que la quotité de la rente est calculée conformément au nouveau système si son taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points de pourcentage (FF 2017 2504). On rappellera ici que l’art. 17 LPGA régissant la révision du droit à la rente en cas de modification du taux d’invalidité s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1).

5.3 Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2).

5.4 En l’espèce, le droit à la rente est né en août 2018.

Partant, l’ancien droit reste applicable, sous réserve d’une modification du degré d’invalidité de cinq points de pourcentage au moins après le 1er janvier 2022 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2), dont la Cour de céans examinera ci-après si elle est survenue.

6.             Le CRPS est une pathologie neurologique, orthopédique et traumatologique et relève d’un trouble organique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_232/2012 du 27 septembre 2012 consid. 5.3.1).

6.1 Le CRPS est un terme générique pour désigner les tableaux cliniques qui touchent les extrémités. Il se développe après un événement dommageable et entraîne chez la personne concernée des douleurs persistantes accompagnées de troubles du système nerveux végétatif, de la sensibilité et de la motricité. Le CRPS I (anciennement appelé syndrome de Sudeck ou dystrophie sympathique réflexe) est une maladie du membre qui survient sans lésion nerveuse définie après un traumatisme relativement mineur sans rapport avec le territoire d'innervation d'un nerf. Elle est divisée en trois stades : I, stade inflammatoire ; II, dystrophie ; III, atrophie (irréversible). Le CRPS II (anciennement appelé causalgie) se caractérise par des douleurs de type brûlures et des troubles du système nerveux sympathique résultant d'une lésion nerveuse périphérique définie. Les signes ou symptômes cliniques d'un CRPS sont des douleurs de type brûlures difficilement localisables (par exemple allodynie ou hyperalgésie), associées à des troubles sensitifs, moteurs et autonomes (entre autres œdèmes, troubles de la température et de la sécrétion sudorale, éventuellement troubles trophiques de la peau, modifications des ongles, augmentation locale de la croissance des poils). L'évolution peut se faire vers une résorption osseuse (déminéralisation), une ankylose ainsi qu'une perte fonctionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_123/2018 du 18 septembre 2018 consid. 4.1.2). Ce sont les critères dits de Budapest qui fondent le diagnostic de CRPS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2020 du 1er mars 2021 consid. 3). Les critères de Budapest sont les suivants : une douleur continue disproportionnée par rapport à l’événement déclenchant ; le patient doit rapporter au moins un symptôme dans trois des quatre catégories suivantes : sensorielle : hyperesthésie et/ou allodynie (a), vasomotrice : asymétrie de la température et/ou changement ou asymétrie de la coloration de la peau (b), sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement ou asymétrie de la sudation (c), motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau). Au moment de l’examen clinique, le patient doit démontrer au moins un signe clinique dans deux des quatre catégories suivantes : sensorielle : hyperalgésie (à la piqûre) et/ou allodynie (au toucher léger et/ou à la pression somatique profonde et/ou à la mobilisation articulaire) (a) ; vasomotrice : asymétrie de température et/ou changement ou asymétrie de coloration de la peau (b) ; sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement/asymétrie au niveau de la sudation (c) ; motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau) (let. d). De plus, aucun autre diagnostic ne doit mieux expliquer les signes et symptômes. Ces critères sont exclusivement cliniques et ne laissent que peu de place aux examens radiologiques (radiographie, scintigraphie, IRM) (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 133/18 - 14/2020 du 27 janvier 2020 consid. 5a/aa et la littérature médicale citée).

7.             En 2015, le Tribunal fédéral a établi une nouvelle procédure pour déterminer la capacité de travail réellement exigible dans les cas de syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées, nécessitant désormais un établissement des faits structuré et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de l’assuré d’autre part. Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant des indicateurs rassemblant les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique, concernant les catégories du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 3.6). Ces indicateurs sont les éléments pertinents pour le diagnostic et les symptômes, le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers, les comorbidités, les diagnostics de la personnalité et les ressources personnelles, le contexte social, le comportement de l’assuré, la limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie, et le poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (ATF 141 V 281 consid. 4.3 et 4.4).

Notre Haute Cour a par la suite étendu cette jurisprudence à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5). Ainsi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, parmi lesquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (arrêt du Tribunal fédéral 9C_115/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4.1).

8.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2).

8.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, ATF 122 V 157 consid. 1c).

8.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

8.4 On précisera encore que l’avis du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de formuler des recommandations sur la suite à donner au dossier sur le plan médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_10/2017 du 27 mars 2017 consid. 5.1). Les rapports des SMR ne peuvent donc que se prononcer sur la question de savoir quelle appréciation doit être suivie (ATF 142 V 58 consid. 5.1).

9.             Il convient d’examiner si les expertises versées au dossier peuvent se voir reconnaître valeur probante.

9.1 S’agissant du rapport du Dr F______, on note en premier lieu qu’il ne contient aucun diagnostic, ni d’ailleurs de conclusions expresses quant à la capacité de travail, bien que ce médecin paraisse implicitement l’exclure à la date de son examen en raison de la non stabilisation de l’état de santé. Ce rapport ne satisfait ainsi pas aux exigences dégagées par la jurisprudence. Par ailleurs, on s’étonne que ce médecin ne se soit pas prononcé sur l’algoneurodystrophie, tout en concluant à une amplification des symptômes, en référence notamment à une crise algique lors de son examen, dont il a décrit les manifestations. Or, celles-ci correspondent aux plaintes du recourant et le Dr F______ dit avoir constaté des sudations. Il paraît difficilement concevable qu’un tel phénomène physiologique puisse être volontairement induit par le recourant, si bien que la notion d’amplification des symptômes peine à convaincre.

Partant, le rapport du Dr F______ n’est guère probant.

9.2 En ce qui concerne l’examen du Dr H______, on relève en premier lieu que celui-ci indique que le recourant aurait mimé un trouble de l’équilibre. Le fait qu’il retienne une simulation, sans aucune explication sur les éléments lui permettant d’exclure la réalité d’un tel trouble, suscite certains doutes quant à l’impartialité de ce médecin. Sur le fond, ce rhumatologue retient une algoneurodystrophie. Il expose cependant que cette atteinte serait au décours, sans expliquer ce qui fonde cette appréciation, et alors même qu’il rapporte une discoloration et un œdème du membre inférieur gauche. Cette pathologie n’avait ainsi pas disparu, à tout le moins pas entièrement, lors de cet examen. Quant à la portée du fait que le recourant ne prend pas de traitement, on ne saurait y voir un facteur d’exclusion de la gravité de l’atteinte, la Dresse I______ ayant exposé que cette situation était due aux effets secondaires mal tolérés de la médication. Par ailleurs, le rapport du Dr H______ ne convainc pas en tant qu’il évoque des ressources importantes – ce point n’étant d’ailleurs pas nécessairement déterminant dans le cas d’une atteinte organique comme l’algoneurodystrophie. Au vu du descriptif des journées du recourant, qui indique passer l’essentiel de son temps assis avec sa tablette et la télévision en arrière-fond, sans vraiment y prêter attention, et qui doit déléguer toutes les tâches ménagères à ses parents ou à sa femme de ménage, on ne peut sérieusement se rallier à cette appréciation. Eu égard à l’absence quasiment totale d’activités sociales, hormis les repas occasionnels chez ses parents, on s’étonne également de lire que le recourant bénéfice d’une bonne intégration sociale. On peut en outre voir une certaine contradiction dans l’incapacité de travail partielle admise en raison des douleurs liées à l’algoneurodystrophie persistant à la date de l’examen et l’importante exagération des douleurs mentionnée. S’agissant du pronostic émis par le rhumatologue, on comprend par ailleurs mal en quoi la démonstrativité et l’exagération des symptômes – qui ne relèvent pas de facteurs médicaux à prendre en compte dans l’appréciation médico-théorique de la capacité de travail – pourraient avoir une influence sur la persistance de douleurs liées à une pathologie objectivée.

Au vu de ces éléments, le rapport du Dr H______ ne suffit pas non plus à trancher la capacité de travail du recourant.

9.3 En ce qui concerne l’expertise du CEMed, la Cour de céans peut renoncer à trancher les griefs de nature formelle que le recourant soulève au sujet de la désignation des experts, au vu de ce qui suit.

Il convient de relever qu’il est avéré que les médecins qui l’ont établie n’ont pas eu accès à l’intégralité du dossier médical du recourant. Il n’est certes pas toujours indispensable qu’un expert dispose de tous les rapports médicaux concernant un expertisé, et on ne saurait non plus exiger qu’il commente chaque élément médical. Cependant, la connaissance des pièces importantes du dossier médical est l’une des exigences dégagées par la jurisprudence pour conférer valeur probante à un rapport médical. Elle est a fortiori incontournable lorsque, comme en l’espèce, les experts émettent des conclusions sur la capacité de travail sur une période remontant à plus de deux ans avant qu’ils n’aient examiné le recourant, et alors même qu’aucun des médecins traitants n’a mentionné une évolution favorable depuis 2019. Ce seul élément est de nature à susciter de très sérieux doutes sur la valeur probante de cette expertise.

Sur le fond, en ce qui concerne les diagnostics, le Dr J______ retient notamment un status après « probable algoneurodystrophie ». On comprend mal pourquoi il semble mettre en doute ce diagnostic, alors qu’il a été posé par plusieurs autres médecins et étayé par l’imagerie. En effet, tant les spécialistes de la CRR que le Prof. C______, le Dr G______ et la Dresse D______ ont retenu cette pathologie. Il convient en outre de souligner que son co-expert, le Dr K______, évoque, lui, sans réserve ce diagnostic, dont il constate des séquelles persistantes. Le rapport du CEMed est sur ce point intrinsèquement contradictoire, alors même que l’expertise tridisciplinaire visait une appréciation consensuelle du cas. On observe en outre que les critères de Budapest ne sont pas formellement analysés dans cette expertise. A ce sujet, le Dr J______ soutient qu’il n’y aurait pas de signes évidents d’algodystrophie, tout en constatant une hypoesthésie, une acrocyanose et une amyotrophie – que le Dr H______ semblait d’ailleurs considérer comme un critère de gravité de la pathologie. Dans ces circonstances, on ne voit pas ce qui lui permet d’écarter ce diagnostic, même si ses manifestations se sont peut-être atténuées. Ainsi, le Dr J______ ne peut être suivi en tant qu’il conclut à l’absence de cause somatique aux troubles, malgré les éléments diagnostiques objectifs en faveur d’une algoneurodystrophie. Le fait que le traitement n’ait pas eu d’effet ne suffit pas non plus à exclure une origine somatique des troubles, les experts ne soutenant pas qu’un traitement conduit dans les règles de l’art permettrait de guérir une algoneurodystrophie. De plus, on rappellera que dans le cas d’espèce, l’évolution de cette atteinte avait été qualifiée de lente par les médecins de la CRR. En ce qui concerne les incohérences plusieurs fois mentionnées, les experts n’exposent guère en quoi elles consisteraient, hormis la différence entre leur appréciation des troubles et celle du recourant. Enfin, comme on l’a vu, ils concluent à une capacité de travail entière dès le 4 octobre 2019, sans aucunement indiquer ce qui leur permet de retenir cette date. Certes, le Dr F______ avait pronostiqué une stabilisation deux ans après l’apparition de l’atteinte dans son rapport de mars 2019. Cela étant, en matière d’assurance-accidents, la date à laquelle une atteinte accidentelle ne déploie plus d’effets ne peut être déterminée d'une manière abstraite et théorique en se référant au délai de guérison habituel d’une lésion, cela ne suffisant pas à établir au degré de la vraisemblance prépondérante l'extinction du lien de causalité en l’absence d'autres éléments objectifs dans le dossier médical (arrêts du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.4 et 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5). On peut appliquer ce principe par analogie en assurance-invalidité, et on ne saurait considérer une atteinte comme guérie par simple référence à sa durée usuelle de décours. En l’espèce, de tels éléments font défaut, les différents symptômes constatés suggérant au contraire que l’algoneurodystrophie n’a pas disparu. Les médecins du CEMed ne pouvaient ainsi se contenter de fixer l’exigibilité d’une reprise professionnelle uniquement en fonction du pronostic du Dr F______. Ce pronostic a du reste été infirmé par le Dr H______, qui admettait une incapacité de travail à tout le moins partielle lors de son examen en mai 2021, soit plus d’une année et demie plus tard. On notera d’ailleurs qu’au vu des traitements tentés par le Dr G______ au début de l’année 2021, il n’y avait pas de stabilisation de l’état de santé selon la définition en matière d’assurance-accidents. Enfin, et surtout, dans la mesure où les experts du CEMed s’écartent des conclusions des autres médecins, en particulier celles du Dr H______, qui sont, elles, fondées sur des observations médicales opérées en temps réel, ils ne pouvaient s’épargner de discuter de manière circonstanciée les motifs expliquant leurs divergences d’appréciation. Or, ils ne se prononcent absolument pas sur les autres rapports médicaux et sur les raisons pour lesquelles ils s’en écartent. Leur rapport n’est ainsi pas motivé à satisfaction de droit.

Au vu de tous ces éléments, on ne saurait reconnaître de valeur probante à cette expertise.

On précisera encore que, dès lors que l’algoneurodystrophie est un trouble de nature organique, les indicateurs développés par la jurisprudence pour apprécier l’incidence de troubles psychiques et de troubles sans étiologie somatique claire ne s’appliquent pas dans le cas d’espèce, si bien qu’il est inutile à ce stade de se pencher de manière détaillée sur le volet psychiatrique de cette expertise. Au demeurant, le recourant n’est plus suivi par un psychiatre depuis novembre 2019, et les médecins traitants qu’il a consultés par la suite n’ont pas rapporté de trouble de la sphère psychique après cette date.

9.4 Le SMR s’est quant à lui écarté des conclusions du CEMed, ce qui tend à suggérer qu’il ne les considérait pas probantes. Comme le souligne à juste titre le recourant, au vu des prérogatives de ce service, il paraît douteux que celui-ci modifie de manière autonome les conclusions des experts. De plus, comme on l’a vu, des séquelles du CRPS persistaient lors de l’examen de décembre 2021, si bien qu’on ne peut suivre le SMR lorsqu’il affirme que cette atteinte avait disparu à cette date.

10.         Au vu des éléments qui précèdent, il n’existe pas d’avis médical probant permettant de trancher le droit aux prestations.

Lorsque le juge constate qu'une expertise est nécessaire, il doit en principe la mettre en œuvre lui-même. Un renvoi à l'administration reste cependant possible, par exemple lorsqu'il est justifié par l'examen d'un point qui n'a pas du tout été investigué (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). En l’espèce, au vu des carences des différents rapports établis, notamment celles formelles de l’expertise du CEMed, à qui l’assureur-accidents n’a pas transmis l’intégralité du dossier du recourant, un renvoi à l’intimé se justifie pour mise en œuvre d’une nouvelle expertise. Celle-ci devra être confiée à un neurologue ou à un rhumatologue disposant de connaissances reconnues en matière de CRPS.

Il lui appartiendra ensuite de rendre une nouvelle décision sur le droit du recourant à une rente d’invalidité au-delà du 31 mars 2022.

Compte tenu de la procédure A/3188/2022 opposant l’assureur-accidents au recourant devant la Cour de céans, qui se conclut également par le renvoi de la cause à cet assureur, pour des motifs identiques à ceux exposés ci-dessus, il serait judicieux que l’intimé et l’assureur-accidents se concertent et désignent le même expert, dans le respect de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022.

11.         Le recours est partiellement admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations d’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de CHF 200.-.

 

***

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 27 septembre 2022 en tant qu’elle met un terme au droit à la rente dès le 1er avril 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Annule également la décision en tant qu’elle prévoit un versement direct à l’appelé en cause.

6.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision sur ce point au sens des considérants.

7.        Condamne l’intimé à verser une indemnité de dépens de CHF 3'000.- au recourant.

8.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le