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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2897/2023

ATAS/266/2024 du 24.04.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2897/2023 ATAS/266/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 avril 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par le syndicat SIT, soit pour lui Laura BISIANI, mandataire

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1970, ressortissant nigérian au bénéfice d’un permis C, s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 16 juin 2022 pour un placement dès le même jour à 100%.

b. Dans un courriel adressé au service juridique de l’OCE le 28 août 2022, il a indiqué avoir été indépendant depuis 2015 au service d’B______. Suite à la décision des autorités genevoises, confirmée par le Tribunal fédéral au mois de juin précédent, il avait été question pour lui, comme pour ses collègues, d’être mis au bénéfice d’un contrat de travail. Lors de son inscription au chômage, le sort des chauffeurs d’B______ était encore largement inconnu et discuté. Il était père de cinq enfants qu’il ne pouvait voir qu’une fois par année en juillet.

c. Il ressort du procès-verbal d’entretien de conseil du 16 septembre 2022 que l’assuré avait fait des démarches en vue d’obtenir un permis de poids lourd et qu’il passait des examens pour obtenir un permis de chauffeur de taxi.

d. Selon le procès-verbal d’entretien du 6 décembre 2022, l’assuré avait réussi son permis de chauffeur de taxi.

e. Le 30 janvier 2023, l’assuré a remis à l’OCE le formulaire pour « Activité indépendante durable ». Il n’avait pas pu reprendre pour le moment une activité indépendante régulière, mais il s’était efforcé de trouver des clients privés, ce qui lui avait permis de réaliser un gain marginal de l’ordre de CHF 800.-, qu’il avait régulièrement déclaré comme gain intermédiaire à la caisse de chômage.

f. Selon le procès-verbal d’entretien de conseil du 17 mars 2023, l’assuré attendait son autorisation « OCTM ». Il avait le projet d’ouvrir une société à responsabilité limitée (ci-après : la société) avec deux autres personnes pour offrir des services de chauffeur-voiturier. Il se demandait si cela était compatible avec son inscription au chômage. Sa conseillère lui demandait de la contacter dès qu’il signerait pour la société afin de pouvoir soumettre sa situation au service juridique. L’assuré lui avait indiqué que s’il trouvait un emploi à 100%, il le prendrait immédiatement.

Sa conseillère lui proposait de choisir entre deux mesures, New Start ou beReady, afin qu’il obtienne une aide soit pour son projet, soit dans le cadre de ses recherches. Il avait refusé de choisir et elle avait opté pour beReady pour renforcer ses chances de trouver un emploi ou rendre plus optimales ses recherches d’emploi.

g. Par courriel du 26 avril 2023, Léman Emploi a informé l’OCE avoir reçu l’assuré le 25 avril 2023. Lors de ce premier entretien, il lui avait annoncé qu’il allait débuter un nouvel emploi le 1er mai en tant que salarié à plein temps pour la société et qu’il ne souhaitait pas suivre la formation beReady.

h. Selon le procès-verbal d’entretien du 27 avril 2023, l’assuré avait informé sa conseillère qu’il ouvrait son entreprise dès le 1er mai et qu’il travaillait actuellement à sa finalisation avec sa fiduciaire.

Sa conseillère avait transmis un avis au service juridique le même jour pour l’élaboration d’une activité indépendante et elle avait édité un extrait du registre du commerce.

Selon ce dernier, la société avait été inscrite le 17 janvier 2023 et avait pour but l’exploitation d’une entreprise comprenant le transport de personnes. Monsieur C______ en était associé-gérant et l’assuré associé.

i. Le 1er juin 2023, le service juridique de l’OCE a posé plusieurs questions à l’assuré concernant son activité pour la société.

j. Le 5 juin 2023, l’assuré a répondu que suite à l’arrêt forcé de l’activité d’B______ par arrêté du Conseil d’État, il s’était inscrit au chômage en juin 2022. Il avait bénéficié des indemnités et effectué les recherches d’emploi usuelles. N’ayant pas trouvé de travail, il avait décidé, avec l’associé-gérant, de fonder la société au début de l’année et l’activité avait débuté en mai 2023. Elle était durable.

Il travaillait à parts égales avec l’associé-gérant pour l’activité de transport de la société et son associé s’occupait de la gestion de la société avec leur fiduciaire. La société était affiliée à la FER CIAM pour le prélèvement des cotisations en rapport avec leur contrat de travail. Étant chauffeurs depuis de nombreuses années, ils disposaient d’un carnet d’adresses de clients et ils travaillaient par ailleurs à partir de la plateforme B______.

k. Selon le procès-verbal d’entretien de conseil du 7 juin 2023, l’assuré avait décidé d’annuler son inscription au 30 juin 2023. Dès juillet, il ne pourrait plus consacrer de temps à la recherche d’emploi et devrait se concentrer sur son entreprise.

l. Par formulaire de demande d’annulation du dossier, signé le 7 juin 2023, l’assuré a indiqué à l’OCE qu’il avait trouvé un nouvel emploi dès le 1er juillet pour la société comme indépendant. Il était en activité (gain intermédiaire) depuis le 1er mai 2023, mais dès le 1er juillet 2023, il ne pourrait plus faire de recherches d’emploi et devrait se concentrer sur son entreprise.

m. Par décision du 13 juin 2023, l’OCE a considéré qu’au vu du dossier, il était manifeste que l’assuré était inapte au placement dès la date de son inscription au registre du commerce, soit le 17 janvier 2023. Vu les engagements pris pour la société et sa volonté de développer celle-ci, il n’avait manifestement plus, depuis cette date, la volonté ni la disponibilité nécessaire pour prendre un emploi salarié auprès d’un employeur tiers.

n. L’assuré a formé opposition à la décision précitée, précisant que pour la période précédant mai 2023, il avait cherché un emploi fixe, à 100% pour une durée indéterminée. Il aurait pris tout emploi qu’il aurait pu trouver, tant que l’activité était adaptée à son état de santé (pas de port de charges trop lourdes, ni rester debout trop longtemps), même à temps partiel, en temporaire et/ou à durée déterminée. Il souhaitait trouver un emploi comme chauffeur professionnel, ayant exercé cette profession avant d’être au chômage, mais il se serait satisfait d’un poste dans n’importe quel autre domaine, ce que prouvaient ses postulations dans des secteurs variés.

Avant de commencer son activité de chauffeur le 1er mai 2023, l’activité d’associé-gérant de la société ne lui prenait que très peu de temps et n’aurait pas été incompatible avec une activité à 100%.

Il avait passé le permis de chauffeur de taxi et payé CHF 4'500.- pour cela, en espérant pouvoir commencer à travailler. Après avoir réussi ses examens, il avait appris qu’il n’obtiendrait pas immédiatement une plaque de taxi lui permettant d’exercer cette activité et que la durée de l’attente pour l’obtenir pourrait être de cinq à six ans.

Selon la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022 (LTVTC - H 1 31), les entreprises de transport étaient soumises à l’autorisation avant de pouvoir exercer leur activité. Cette autorisation n’avait été donnée à la société qu’à la mi-mars.

Concernant la mesure de formation à Léman Emploi qui lui avait été proposée, l’assuré avait informé sa conseillère du fait qu’il avait trouvé un emploi à partir du 1er mai 2023. Elle lui avait répondu qu’elle annulerait la mesure lorsqu’il aurait signé un contrat. Il n’avait signé son contrat que le 4 mai 2023, mais vu qu’il était associé de la société qui allait l’employer, il avait l’assurance qu’il allait débuter à travailler pour celle-ci le 1er mai 2023. Il s’était tout de même rendu à l’entretien du 25 avril 2023 et avait informé l’enseignant qu’il avait déjà fait le même cours auparavant et qu’il avait trouvé un travail à partir du 1er mai 2023.

Concernant l’annulation de son dossier, le 30 juin 2023, il était légitime qu’il soit resté inscrit au chômage en gain intermédiaire. En effet, les prix des courses étant dictés par B______, il restait dans l’incertitude par rapport à la réussite de son projet professionnel. S’il avait trouvé un emploi entre le 1er mai et le 30 juin 2023, il aurait pu interrompre ou diminuer son activité de chauffeur en tout temps pour commencer un autre travail à temps plein ou partiel.

En conséquence, il remplissait toutes les conditions pour être considéré apte au placement pendant la période précédant sa désinscription du chômage. Il avait la volonté de travailler ainsi que la disponibilité suffisante quant au temps à consacrer à un emploi jusqu’au 30 juin 2023, date de sa désinscription du chômage.

Il avait peiné à trouver un emploi salarié malgré de nombreuses recherches et avait pris l’initiative de trouver une solution pour sortir du chômage et consacré beaucoup d’argent à cela, d’abord pour devenir chauffeur de taxi indépendant, puis en créant une entreprise. Il concluait à l’annulation de la décision attaquée et à ce qu’il soit considéré apte au placement jusqu’au 30 juin 2023.

L’assuré a produit :

-          une facture de D______, datée du 1er décembre 2022, à hauteur de CHF 690.- pour des conseils juridiques personnalisés, un contrôle du nom d’entreprise, la formulation du but d’entreprise, la préparation des documents constitutifs, la légalisation de signature en ligne, les conseils et l’inscription auprès des assurances sociales ainsi que les conseils et l’inscription auprès de la TVA ;

-          un contrat de mandat-comptabilité, fiscalité, salaires et charges sociales passé entre la société et la fiduciaire E______ ;

-          une liste des prestations de cette dernière ;

-          plusieurs courriels attestant de ses recherches d’emploi pour diverses activités de janvier à juin 2023.

o. Le 30 juin 2023, le dossier de l’assuré a été annulé par l’OCE.

p. Par décision sur opposition du 27 juillet 2023, l’OCE a estimé que l’assuré n’avait apporté aucun élément nouveau permettant de revoir la décision litigieuse. Il avait consacré beaucoup d’argent provenant de ses économies, d’abord pour devenir chauffeur de taxi indépendant, puis pour constituer sa société, qui avait été inscrite au registre du commerce le 17 janvier 2023, et son projet avait pris forme au début de l’année 2023. Dès le mois de janvier 2023, les contrats nécessaires pour le fonctionnement de son activité de transport avaient été conclus et l’administration de la société organisée, laquelle était durable.

Lorsqu’il avait fait part à sa conseillère le 17 mars 2023 de l’ouverture de sa société, celle-ci existait déjà depuis deux mois et il se demandait si cela n’était incompatible avec son inscription à l’assurance-chômage, ce qui démontrait ainsi de sérieux doutes quant à sa disponibilité à plein temps, telle que requise par cette assurance.

Le 25 avril 2023, l’assuré avait indiqué au prestataire de formation qu’il ne souhaitait pas suivre la mesure à laquelle il était inscrit et avait quitté les locaux de son propre chef une dizaine de minutes après son arrivée, ce qui confirmait son absence de disponibilité pour suivre une mesure du marché du travail.

C’était ainsi à juste titre que l’intimé l’avait déclaré inapte au placement dès le 17 janvier 2023, l’assurance-chômage n’ayant pas pour vocation de soutenir la création et le développement d’une activité indépendante.

B. a. Le 13 septembre 2023, l’assuré a formé recours contre la décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’il avait été apte au placement dès le 17 janvier 2023.

b. La chambre de céans a entendu les parties et l’associé du recourant lors d’une audience du 26 février 2024.

c. Le 4 mars 2024, le recourant a formulé quelques remarques sur le procès-verbal de l’audience, lesquelles n’ont pas été contestées par l’intimé.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur l’aptitude au placement du recourant à compter du 17 janvier 2023.

4.              

4.1 À teneur de l’art. 8 al. 1 let. f LACI, l’assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il est apte au placement.

Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).

L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (arrêt du Tribunal fédéral 8C_443/2014 du 16 juin 2015 consid. 3.1 et les références).

Est notamment réputé inapte au placement l'assuré qui n'a pas l'intention ou qui n'est pas à même d'exercer une activité salariée, parce qu'il a entrepris - ou envisage d'entreprendre - une activité lucrative indépendante, cela pour autant qu'il ne puisse plus être placé comme salarié ou qu'il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un employeur toute la disponibilité normalement exigible. L'aptitude au placement doit par ailleurs être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l'existence d'autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être considéré comme inapte au placement lorsqu'une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi. Peu importe, à cet égard, le motif pour lequel le choix des emplois potentiels est limité (ATF 120 V 385 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_65/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.3).

Un assuré qui exerce une activité indépendante n'est pas d'entrée de cause, inapte au placement. Il faut examiner si l'exercice effectif d'une activité lucrative indépendante est d'une ampleur telle qu'elle exclut d'emblée toute activité salariée parallèle. Pour juger du degré d'engagement dans l'activité indépendante, les investissements consentis, les dispositions prises et les obligations personnelles et juridiques des indépendants qui revendiquent des prestations sont déterminants et doivent ainsi être examinés soigneusement. L'aptitude au placement doit donc être niée lorsque les dispositions que doit prendre l'assuré pour mettre sur pied son activité indépendante entraînent des obligations personnelles et juridiques telles qu'elles excluent d'emblée toute activité salariée parallèle. Autrement dit, seules des activités indépendantes dont l'exercice n'exige ni investissement particulier, ni structure administrative lourde, ni dépenses importantes peuvent être prises en considération à titre de gain intermédiaire. On examinera en particulier les frais de matériel, de location de locaux, de création d'une entreprise, l'inscription au registre du commerce, la durée des contrats conclus, l'engagement de personnel impliquant des frais fixes, la publicité faite etc. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_342/2010 du 13 avril 2011 consid. 3.2 et 3.3).

L'assurance-chômage n'a pas pour but de couvrir les risques inhérents aux risques d'exploitation tels qu'ils se présentent pour l'assuré qui souhaite développer une activité indépendante durable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2009 du 21 novembre 2008, publié in DTA 2009, p. 336).

Selon le Bulletin LACI du Secrétariat d'État à l'économie du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (ci-après : SECO), valable dès le 1er juillet 2021, seules des activités indépendantes à caractère transitoire, temporaires et ne nécessitant que peu d'investissement entrent en ligne de compte comme gain intermédiaire. L'assuré qui exerce une telle activité doit poursuivre intensivement ses recherches en vue de trouver une activité salariée. L'activité indépendante doit avoir été prise en réaction au chômage et dans le seul but de diminuer le dommage. S'il souhaitait depuis longtemps entreprendre une activité indépendante et qu'il profite de son chômage pour se lancer par le biais du gain intermédiaire, l'aptitude au placement doit lui être niée. L'assuré doit pouvoir abandonner l'activité indépendante exercée en gain intermédiaire dans les meilleurs délais pour prendre une activité salariée (Bulletin LACI ch. B235).

On déterminera si l'assuré s'est lancé dans une activité indépendante de façon durable ou simplement pour remplir son devoir de diminuer le dommage à l'aide des critères suivants :

-      étendue des dispositions et des engagements de l'assuré (création d'entreprise, location de locaux à long terme, contrats d'engagement de personnel, investissements, etc.) ;

-      importance des dépenses déduites du revenu brut ;

-      déclarations, intentions et comportement de l'assuré ;

-      intensité de l'activité indépendante ;

-      recherches effectuées en vue de trouver une activité salariée.

Si, après avoir examiné ces critères, la caisse a des doutes quant à l'aptitude au placement de l'assuré, elle transmet le dossier à l'autorité compétente pour décision (Bulletin LACI ch. B236).

Les dispositions et engagements que l'assuré a pris pour exercer son activité indépendante ne doivent pas être trop importants et doivent être facilement résiliables. Ils ne doivent pas empêcher l'assuré de prendre une activité salariée dans les meilleurs délais. Un assuré peut aussi, au nom de son obligation de diminuer le dommage, prospecter les possibilités de travailler comme indépendant (en gain intermédiaire). Mais si ces recherches l'accaparent démesurément au détriment de la recherche d'une activité salariée, l'aptitude au placement lui sera niée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2009 du 5 juin 2009 ; Bulletin LACI ch. B237).

L'appréciation de l'aptitude au placement d'un assuré dont la disponibilité est restreinte dans le temps doit se baser à la fois sur le genre d'activité qu'il convoite et ses chances réelles d'être engagé dans la branche économique où il effectue ses recherches d'emploi. Il peut en effet se présenter des cas dans lesquels certaines entreprises s'efforcent précisément de trouver en priorité des employés disposés à travailler durant une brève période. Plus la demande est forte sur le marché de l'emploi à prendre en considération, plus les exigences relatives à la disponibilité dans le temps sont réduites. Les circonstances locales peuvent également jouer un rôle à cet égard. Dans certaines régions en effet, les possibilités d'être engagé durant une brève période sont assez nombreuses, spécialement en période de haute saison (Boris RUBIN, Assurance-chômage : Droit fédéral, survol des mesures cantonales, procédure, no 3.9.8.9.2, p. 232). Le Tribunal fédéral a ainsi nié l'aptitude au placement d'un assuré qui postulait comme gérant d'établissements publics, mais disposait d'une durée de disponibilité aléatoire avant l'ouverture de son propre établissement, cette incertitude étant de nature à dissuader un employeur potentiel de l’engager dans l’intervalle entre la fin de son dernier emploi et le début de son activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_130/2010 du 20 septembre 2010).

4.2 Le service genevois de police du commerce et de lutte contre le travail au noir a décidé en 2019 que la société B______ devait être qualifiée d'exploitant d'entreprise de transport au sens de la loi cantonale genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur. En tant que tel, la société devait respecter les obligations légales correspondantes, en particulier celles relatives à la protection sociale des chauffeurs et aux conditions de travail en usage dans leur secteur d'activité. Il a été fait interdiction à l'entreprise de poursuivre ses activités, tant que la situation ne serait pas conforme au droit.

La Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision. Elle a en substance considéré que les chauffeurs B______ actifs à Genève étaient liés à cette société par un contrat de travail, de sorte que cette société devait être qualifiée d'entreprise de transport.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de la société B______.

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.              

5.1 Il convient de déterminer en l’espèce si c’est à juste titre que l’intimé a retenu que le recourant n’avait plus la volonté de trouver un travail pour un autre employeur que sa société, après la création de celle-ci le 17 janvier 2023.

5.1.1 Le recourant a affirmé à sa conseillère, lors de leur entretien du 17 mars 2023, qu’il avait le projet d’ouvrir une société pour des services de chauffeur-voiturier, en lui précisant que s’il trouvait un emploi à 100%, il le prendrait immédiatement.

Il a continué à chercher activement un emploi après la création de la société le 17 janvier 2013. Il a créé celle-ci dans le but de sortir du chômage. Il n’avait pas ce projet depuis longtemps, puisqu’il ne l’a conçu qu’après avoir réalisé, après avoir passé les examens de chauffeur de taxi, qu’il devrait attendre une période indéterminée, mais probablement longue, pour pouvoir exercer cette activité.

Après avoir versé les CHF 10'000.- pour la constitution de la société, ce qui est une somme conséquente, on peut se demander si le recourant était prêt à renoncer à son projet de société pour accepter un travail salarié pour un autre employeur.

Il a indiqué à cet égard à la chambre de céans qu’il voulait absolument sortir du chômage et qu’il était prêt à investir dans la société une grosse somme à cette fin. S’il avait trouvé un autre emploi, il aurait pu récupérer cette somme facilement.

Il a précisé à la chambre de céans que s’il avait trouvé un emploi fixe, il l’aurait sans aucun doute préféré à son travail pour sa société, car son but était de sortir du chômage et que créer une société n'était absolument pas ce qu’il voulait faire en priorité. Il l’avait constituée pour sortir du chômage, mais aurait préféré trouver un emploi salarié. Ce n'était pas intéressant d'être employé de sa société, car celle-ci dépendait d’B______, qui pouvait désactiver sa plateforme. Le 99% de leurs clients provenait en effet de celle-ci. Les clients privés ne rapportaient presque rien. De plus, il travaillait deux fois plus qu’avant en étant salarié de la société, à cause des frais et des charges.

Son associé a déclaré que s’il avait trouvé un travail adapté avec un salaire correct, il aurait également renoncé à la société, précisant que travailler pour celle-ci engendrait beaucoup de dépenses, car il fallait cotiser plus et il y avait beaucoup de charges. Il était préférable d’être salarié (d’une autre entreprise), car on était mieux payé et on avait des vacances. En fait, la situation des chauffeurs d’B______ était la même qu’auparavant. Elle n’était pas confortable, car ils avaient beaucoup de frais (d'attente, d'assurance et d'essence). Ils avaient été considérés comme salariés par les décisions de justice, mais cela était détourné par B______ avec sa proposition de créer des sociétés à responsabilité limitée. Beaucoup de chauffeurs l’avaient fait. C’était un système d'exploitation des chauffeurs qui avait été mis en place par B______ au travers des sociétés comme F______ et G______. En cas de problème avec un client, B______ pouvait les sortir de la plateforme.

5.1.2 Au vu des considérations qui précèdent, il apparaît que l’importance des dispositions prises et des engagements du recourant et de son associé ne permet pas de considérer, comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’ils n’avaient plus, dès la création de la société le 17 janvier 2023, la volonté de trouver un emploi pour une autre société que la leur. S’ils avaient trouvé un emploi, ils auraient pu récupérer la somme investie dans la société. À part l’investissement de CHF 10'000.- chacun pour constituer la société et les frais d’une assurance perte de gain maladie, les associés n’ont pas fait d’autres dépenses conséquentes. Ils ont par ailleurs indiqué ne pas avoir la volonté d’engager du personnel, qu’ils travaillaient avec leur téléphone privé et qu’ils n’avaient pas conclu de bail pour des locaux commerciaux.

5.2 Le recourant et son associé ont en outre rendu vraisemblable qu’ils avaient encore, du 17 janvier au 30 avril 2023, la disponibilité nécessaire pour se consacrer pleinement à la recherche d’un emploi.

En effet, ils ont eu recours aux services d’une entreprise, qui a fait pour eux les démarches administratives nécessaires pour créer la société (préparation des documents constitutifs, inscription auprès des assurances sociales ainsi qu’auprès de la TVA et du registre du commerce). Ils ont également eu recours à une fiduciaire pour un certain nombre de démarches administratives. De ce fait, le temps qu’ils ont consacré à la création de leur entreprise était de moins de deux heures hebdomadaires.

De janvier à avril, ils ont organisé l’administration de la société et conclu les contrats nécessaires pour le fonctionnement de leur activité de transport. Ils ont également mis en place une collaboration avec B______ pour utiliser sa plateforme réorganisée conformément aux exigences légales. Ces démarches ne les empêchaient pas de consacrer le temps nécessaire aux recherches d’emploi.

5.3 En revanche, dès le 1er mai 2023, ils n’avaient manifestement plus la disponibilité, ni la volonté de trouver un travail salarié pour un employeur autre que leur société, car ils ont commencé à travailler à plein temps pour celle-ci. Confirme cette conclusion, le fait que le recourant a informé sa conseillère le 27 avril 2023 qu’il ouvrait son entreprise dès le 1er mai et le fait qu’il a refusé de se soumettre à la mesure de formation à laquelle il était inscrit au motif qu’il avait trouvé un emploi dès le 1er mai 2023.

Son aptitude au placement doit ainsi être niée dès le 1er mai 2023.

5.4 Le recourant a fait valoir qu’il était légitime qu’il soit resté inscrit au chômage en gain intermédiaire en entre le 1er mai et le 30 juin 2023, car il restait dans l’incertitude par rapport à la réussite de son projet professionnel.

Cet argument doit être écarté, car l'assurance-chômage n'a pas pour but de couvrir les risques inhérents aux risques d'exploitation tels qu'ils se présentent pour un assuré qui souhaite développer une activité indépendante durable, selon la jurisprudence.

5.5 En conséquence, il y a lieu de retenir que le recourant est resté apte au placement du 17 janvier au 30 avril 2023.

6.             Le recourant obtenant partiellement gain de cause, il a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA et 89H al. 1 LPA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision querellée dans le sens que l’inaptitude au placement du recourant a commencé le 1er mai 2023.

4.        Alloue au recourant, à la charge de l'intimé, une indemnité de CHF 1'500.- pour ses dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le