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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1371/2021

ATAS/341/2023 du 17.05.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1371/2021 ATAS/341/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mai 2023

Chambre 8

 

En la cause

Madame A______

représentée par Maître Florian BAIER, avocat

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1969, originaire de Bulgarie, est arrivée en Suisse en 2007. Elle a été hébergée par un cousin, puis dans des logements mis à disposition par l'Hospice général.

b. Elle a eu deux filles d'un premier mariage, lesquelles ont 34 et 32 ans et ont fondé leurs propres familles en Bulgarie, et deux garçons âgés de 25 et 27 ans d'un second mariage. Ces derniers vivent en Bulgarie à l'instar de leur père dont l'assurée est séparée depuis son arrivée en Suisse en 2007.

c. L'assurée a géré un établissement public (bar-restaurant) dès son arrivée en Suisse jusqu'en 2011, année au cours de laquelle elle a fait faillite.

d. Sans emploi depuis 2011, l’assurée est aidée par l’Hospice général.

B. a. Le 19 septembre 2019, l’assurée a fait parvenir à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) une demande de prestations, dans laquelle elle exposait suivre, depuis avril 2013, un traitement psychiatrique et souffrir d’un syndrome post traumatique consécutif à des violences conjugales, d'un trouble anxieux-dépressif, d'un trouble spécifique de la personnalité et d’un cancer de l’utérus depuis 2018.

b. Par lettre du 8 novembre 2019, la docteure B______, médecin adjointe du service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a indiqué à l’OAI qu’en mars 2018, un carcinome épidermoïde du col utérin avait été diagnostiqué chez l’assurée. Elle avait reçu un traitement sous forme d’hystéroscopie radicale, de radiothérapie et de chimiothérapie en raison de ganglions positifs. Il n’y avait pas de répercussion sur la capacité de travail qui était désormais entière.

c. Dans des rapports des 17 janvier 2019 et 31 janvier 2020, la docteure C______, psychiatre de l’assurée depuis 2014, a attesté que sa patiente souffrait d’un syndrome post traumatique (F43.1) et de troubles dépressifs récurrents, épisode actif moyen (F33.1). Son état s’était amélioré jusqu’au diagnostic de son cancer en 2018. La Dre C______ a indiqué qu’avec un bon encadrement, sa patiente pouvait tenter une reprise de travail à 50% maximum.

d. L’OAI a ordonné une expertise psychiatrique qu’il a confiée au docteur D______. Ce dernier a retenu le diagnostic de trouble dépressif récurrent, en rémission (F33.4), une très légère dysthymie pouvait tout au plus être évoquée (F34.1), d’un éventuel état de stress post-traumatique (non cliniquement significatif) et d'une personnalité avec d’éventuels traits dépendants non décompensés (Z73.1). Aucun de ces diagnostics n’avait de répercussion sur la capacité de travail. L’assurée consultait sa psychiatre une fois par mois et n’était pas sous traitement médicamenteux. L’expert concluait à une pleine capacité de travail sans baisse de rendement, adaptée à ses compétences et sa motivation, depuis 2016 (rapport du 10 décembre 2020).

e. L’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision de refus de prestations le 14 janvier 2021, en se fondant sur les conclusions de l'expertise. La capacité de travail avait été nulle du mois de mars 2018 au mois de juillet 2019 en raison du cancer de l'utérus, puis entière dès le mois d'août 2019. Sur le plan psychiatrique, conformément à l'expertise, la capacité était entière, faute d'atteinte durablement incapacitante.

f. Le 9 février 2021, l’assurée s’est opposée à ce projet avec l’aide d’un avocat et a sollicité l’assistance juridique.

g. Le 23 mars 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision.

C. a. Par acte du 21 avril 2021 complété le 10 août 2021, la recourante a fait recours contre cette décision, en concluant préalablement à la mise en œuvre d'une expertise, ou subsidiairement à l'audition de ses médecins traitants, principalement à l'annulation de la décision du 21 avril 2021 [recte 23 mars 2021], sous suite de frais et dépens. Elle avait consulté deux médecins au sein de l'unité des troubles de l'humeur des HUG (les 21.06.2021, 08.07.2021, 16.07.2021 et 19.07.2021) qui avaient retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, trouble panique (anxiété épisodique paroxystique), état de stress post-traumatique, troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (pièces produites le 10 août 2021).

b. L'assurée a encore produit un avis de sa médecin psychiatre du 15 août 2021 pour contester les conclusions de l'expert à la teneur suivante :

« Patiente d'origine bulgare en Suisse depuis 2007, venue pour échapper à la violence subie à répétition des années durant de la part de son second mari et père de ses deux fils actuellement adultes. À préciser qu'elle fait partie de la communauté rom, des gens de voyage, dans laquelle la violence fait partie du quotidien. Enfant, la patiente fut abusée sexuellement de son beau-père, ses deux filles n'échappent pas non plus car son second mari en a abusé aussi. Après plusieurs tentatives de fuite, elle retournait toujours, car ses deux fils mineurs ont ét[é] pris en otage par leur père. Vont s'en suivre des tentatives de suicide, une défenestration avec fractures multiples. Suite à une dernière agression d’une violence inouïe, elle va subir une intervention chirurgicale pour reconstitution maxillo-faciale. Cette fois, elle sera hébergée par un cousin en Suisse qui va lui offrir un refuge pour un moment. Toutefois, la séparation et l'inquiétude pour ses enfants ainsi que les traumatismes vécus ont été la cause de nouvelles tentatives de suicide et d'une prise en charge de crise au CTB Jonction. J'ai été chargée de poursuivre la prise en charge après le départ de son médecin la Dre E______. Il nous a fallu plusieurs années avant qu'elle n'arrive à gérer ses débordements émotionnels et ses pulsions suicidaires. Une thérapie EMDR a été débutée, mais vite interrompue suite à une dissociation et le besoin de stabilisation avant de l'accompagner à « revisiter » les traumas vécus. Avec le temps et grâce à l'application et la bonne compliance de la part de la patiente, associés au traitement médicamenteux, nous avons été témoin d’une évolution favorable avec projet d'intégration sociale par la suite. À noter que le fait qu'elle a pu établir un contact régulier avec ses enfants a contribué à son équilibre certes fragile mais sans passages à l'acte ni hospitalisations. Madame A______ a commencé avec beaucoup d'enthousiasme des cours de français, faisait du sport et commençait peu à peu à se projeter dans l'avenir. À ce stade-là, nous avons pu imagine[r] une reprise du travail avec toutefois une capacité réduite à 50% ».

c. Par acte du 14 septembre 2021, l'OAI a conclu au rejet du recours et a transmis à la chambre de céans un avis du SMR, selon lequel ces rapports médicaux ne mettaient pas en évidence d'élément objectif nouveau permettant de remettre en question les conclusions de l'expertise. Si une aggravation sur le plan dépressif était survenue, elle est d'intensité légère, et postérieure à la décision.

d. La recourante a répliqué par acte du 8 octobre 2021 en s'appuyant sur un avis complémentaire de sa psychiatre traitante à la teneur suivante :

« La divergence dans les diagnostics retenus provienne du fait que Mme A______ présente un trouble dépressif devenu récurrent avec aggravation épisodique faute d'étayage contenant et rassurant (chez une personnalité de type BDL-dépendante, abandonnique) qui présente également des angoisses massives avec par périodes des crises de panique très handicapantes.

À la base, ces troubles sont la conséquence des traumatismes graves, physiques et psychiques, subis des années durant avec des séquelles toujours présentes sous forme d'un état de stress post-traumatique avec présence des cauchemars et un important trouble du sommeil. La dépendance au cannabis en est une des conséquences également.

Il suffit d'une accumulation de stress pour que les symptômes déjà évoqués s'aggravent et deviennent de plus en plus handicapants.

Donc, c'est dans l'intensité des symptômes selon la période d'évaluation que la réponse à votre question se cache.

En voyant Mme A______ lors d'une unique séance, l'expert n'a pas pu évaluer la variabilité dans le tableau clinique chez cette patiente.

D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous avons entamé une évaluation plus poussée auprès de la Consultation universitaire des troubles d'humeur. Deux médecins psychiatres et un psychologue ont rencontré la patiente à 4 reprises pour effectuer une évaluation complète (avec une batterie de tests et des chiffres à l'appui) ce qui a permis de mettre en évidence et de mesurer la sévérité des symptômes dépressifs. Chez Madame A______, l'épisode dépressif retenu au moment de l'évaluation est celui d'une intensité moyenne (non loin de sévère selon les chiffres), ainsi que les crises de panique caractéristi[qu]es des périodes de crises.

La question de la dépression saisonnière s'est déjà posée dans le passé puisque j'avais prescrit (en novembre 2017) à Mme A______ une lampe de 10 000 LX pour une luminothérapie et la dose du traitement antidépresseur a été augmentée toujours au même moment de l'année. Durant plusieurs années consécutives à la même période (début novembre), les symptômes anxieux et dépressifs s'aggravaient chez cette patiente. Toutefois, il n'y a pas que l'impact saisonnier qui module les variations thymiques chez cette patiente, mais aussi et surtout sa grande fragilité psychique avec une organisation de la personnalité pathologique (État limite - BDL/ dépend) avec des séquelles d'un état de stress post traumatique qui font basculer Mme A______ dans des crises qui peuvent être transitoires ou durer plusieurs mois et d'une intensité parfois très handicapante.

Une nouvelle expertise doit être demandée à mon avis pour tenir compte de l'évaluation complète et du rapport détaillé de la Consultation spécialisée des troubles d'humeur des HUG (qui diverge de l'évaluation du Dr D______, l'expert mandaté par l'AI), mais aussi des éléments plus anciens qui indiquent la présence des variations notables dans le tableau clinique chez cette patiente et qui n'ont malheureusement pas été pris en considération par l'expert psychiatre. Toutefois, après tant d'années de suivi, je reste persuadée que Mme A______ n'a pas la capacité d'exercer une activité lucrative au-delà de 40-50% et encore, je reste très sceptique quant à la possibilité d'honorer un contrat de travail dans la durée malgré la bonne volonté de la patiente ».

D. a. Lors de l'audience de comparution personnelle et d'enquête du 14 décembre 2021, la recourante a indiqué être arrivée en Suisse en 2007, car elle avait dû quitter son deuxième époux qui la violentait en Bulgarie. En Suisse, son cousin l’avait hébergée et l’avait soutenue à son arrivée. Elle avait par la suite été logée dans un appartement grâce à l'Hospice général et avait vécu dans deux autres endroits avant de vivre dans son actuel appartement où elle vivait seule. Elle avait un compagnon depuis son arrivée en Suisse, mais ne vivait pas avec lui. Elle le voyait entre deux et trois fois par semaine, quand elle était en état de communiquer. Elle s'occupait seule de son appartement et donnait également de l'aide à son compagnon lorsqu’elle se sentait bien. Elle aimait beaucoup l'ordre et le ménage. Elle avait pour habitude d'aller à la piscine tous les jours, mais avait arrêté durant la pandémie. Elle n’avait plus d'activité sportive. Elle ne retournait plus en Bulgarie, car elle avait peur. Elle y était allée pour la dernière fois en 2012. Ses deux filles et ses deux fils vivaient en Bulgarie. Elle entretenait des contacts avec eux et leurs familles respectives en Bulgarie par téléphone ou WhatsApp. Ses filles venaient la voir une fois par an. Mis à part son compagnon et son cousin, elle n’avait pas d'amis ni de famille en Suisse. Son cousin l’avait aidée après son arrivée en Suisse à louer un bar-restaurant. Elle avait géré cet établissement jusqu'en 2011 ou 2012. Lorsque la banque avait voulu récupérer le local, elle avait fait faillite. En tant qu'indépendante, elle s’était vu refuser son inscription au chômage et avait été aidée par l'Hospice général. Elle avait recherché un emploi en tant que serveuse, mais n’avait pas trouvé, en raison d’un problème de langue, mais également parce qu’elle ressentait un stress en présence des hommes, résultat de ce qu’elle avait vécu en Bulgarie avec son ex-deuxième époux. Elle n’avait pas pu bénéficier d'un traitement en Bulgarie, à l'exception d'une hospitalisation en urgence à la suite de tentatives de suicide par ingestion de médicaments et défénestration à trois ou quatre reprises. En Suisse, elle avait également fait une tentative de suicide en avalant des médicaments, ce qui l’avait amenée à voir un premier médecin, avec lequel elle avait eu des problèmes de communication. Elle avait rencontré en 2014 la Dre C______, laquelle la suivait encore. Entre 2014 et 2018, année où on lui avait diagnostiqué un cancer, elle avait été suivie par la Dre C______ à raison de deux fois par mois et aussi par téléphone. Elle prenait alors beaucoup de médicaments sur ordonnance de son médecin. En 2018, à la suite du diagnostic, elle avait suivi une chimiothérapie et une radiothérapie et n’avait plus pu prendre son traitement, car elle vomissait beaucoup. Elle avait fait sa première demande de prestations d’invalidité en 2019. La Dre C______, qui avait pu constater que sa patiente perdait régulièrement pied et pensait au suicide, lui avait dit qu’elle devait essayer de demander de l'aide à l'AI. C'était une voie à suivre pour avoir un objectif et continuer à vivre.

b. La psychiatre traitante a en substance confirmé ses rapports écrits. Elle a ajouté que sa patiente avait fait plusieurs tentatives de suicide, la dernière en 2021. Elle avait pris contact le 4 août 2021 avec l’Unité d'accueil, d'observation et de crise (AOC), pour l’hospitalisation de sa patiente, mais cette dernière avait préféré rester à la maison en raison des problèmes avec ses enfants, du stress à cause de l'expertise et du COVID. Pour elle, l’état de stress post-traumatique ne faisait aucun doute. Sa patiente avait beaucoup de ressources, elle était très intelligente, subtile. C'était une chanteuse. Elle avait introduit la Venlafaxine dans le traitement de la patiente à la lecture d’un rapport des HUG qui tenait compte d’une dépression moyenne. Sa patiente n'avait pas bien réagi à ce traitement, avait perdu beaucoup de poids et avait eu des nausées. Elle avait réduit le traitement et délégué le suivi d’une thérapie comportementale de sa patiente à une psychologue, mais cette thérapie n’avait pas pu être immédiatement mise en œuvre en raison du COVID. Elle l’avait été par la suite et était bénéfique. Malgré le traitement, la psychiatre indiquait avoir constaté une aggravation des symptômes et une augmentation des angoisses chez la patiente. Elle avait envisagé un sevrage CBD, préalablement introduit pour calmer l'anxiété et pour lequel la patiente avait développé une dépendance. Elle ne partageait enfin pas l’avis du Dr D______, dans la mesure où celui-ci avait retenu un trouble dépressif en rémission et une dysthymie et évoqué un choc post-traumatique, alors que pour elle, l’état de stress post-traumatique était évident. Elle contestait également le diagnostic d'éventuels traits dépendants non décompensés. La psychiatre traitante a ajouté spontanément ne pas connaître personnellement le Dr D______, mais penser que c'était un bon médecin très cadrant, de sorte que lorsqu'il a reçu sa patiente, son attitude et le cadre qu'il a posé ont fait que sa patiente a montré un côté névrotique et rassurant davantage que désorganisé. D'ailleurs, après l’expertise, sa patiente lui avait dit que tout s'était bien passé et que le Dr D______ avait été adorable avec elle.

c. Par ordonnance du 7 juillet 2022, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise judiciaire et l’a confiée au docteur F______, psychiatre-psychothérapeute FMH.

d. Dans son expertise du 21 novembre 2022, l’expert judiciaire a retenu notamment un trouble anxieux et dépressif mixte, un abus de sédatifs ou hypnotiques et une dépendance au tabac. Ces troubles étaient sans répercussion durable sur la capacité de travail. Il n’y avait pas d’indication pour des mesures de réadaptation.

e. Dans son avis du 1er décembre 2022, le SMR s’est rallié aux conclusions de l’expertise.

f. Par écriture du 12 décembre 2022, l’intimé a maintenu ses conclusions sur la base de l’expertise judiciaire.

g. Par écriture du 13 décembre 2022, la recourante a indiqué ne pas avoir de remarques particulières à former s’agissant de cette expertise.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Est litigieuse en l'occurrence le droit de la recourante à une rente d'invalidité.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.             En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

9.             En l’espèce, la recourante a fait l’objet d’une expertise judiciaire. Dans les constatations objectives, l’expert relève que la recourante se montre coopérante et parle un français qui est suffisant pour des échanges simples. Toutefois, l’expertise a eu lieu à l’aide d’une interprète. L’habillement est correct et l’hygiène personnelle paraît conservée.

Au plan subjectif, il existe un fond de préoccupations soucieuses centrées surtout sur la crainte d’être renvoyée dans son pays d’origine. Ses préoccupations entraînent des insomnies et des cauchemars, ainsi qu'un certain degré d’évitement des figures masculines lui rappelant son ex-compagnon. Lorsque la perspective d’être renvoyée en Bulgarie devient plus tangible, l’anxiété prend parfois un caractère aigu avec tachycardie, poids sur la poitrine et parfois dissociation sous la forme de déréalisation momentanée. Toutefois, l’expert judiciaire ne relève pas de signes objectifs d’anxiété. Il n’est par ailleurs pas en mesure d’apprécier si les craintes de la recourante d’être agressée par son ex-compagnon en cas de retour en Bulgarie sont fondées. Dans l’affirmative, il s’agit plutôt d’une peur légitime que d’une anxiété au sens pathologique. Néanmoins, l’expert admet une part d’anxiété au sens maladif.

La recourante semble par ailleurs sincère dans ses déclarations, de sorte qu’il paraît plausible à l’expert que la recourante ait été exposée aux violences répétées de son ex-compagnon. Elle relate la présence de souvenirs récurrents de violences subies. Il n’y a cependant pas de véritables flashbacks, ni évitement comportemental limité, ni évitement cognitif. L’hypervigilance et l’émoussement émotionnel allégués sont subjectifs et n’atteignent pas le degré objectivable. Les critères diagnostiques pour admettre un état de stress post-traumatique cliniquement significatif ne sont dès lors pas remplis. Il n'est toutefois pas exclu que la recourante ait pu présenter dans le passé les symptômes d’un état de stress post-traumatique et que celui-ci se soit amendé avec le temps.

L’humeur est fluctuante, plus souvent abaissée que normale, avec une vision de soi négative et la survenue récurrente d’idées suicidaires. Il y a également un manque d’appétit et d’attention. Toutefois, objectivement, il n’y a pas de signes de tristesse durable, celle-ci n’apparaissant qu’au moment de l’évocation de soucis concernant ses enfants. Il n’y a pas de fatigabilité visible ou de signes objectifs de baisse de l’énergie. Au niveau de l’habillement et de l’hygiène corporelle, il n’y a aucune négligence et la culpabilité n’atteint pas le seuil de l’irrationnel. Cela étant, l’état thymique ne justifie pas le diagnostic d’épisode dépressif. Tout au plus, les manifestations anxieuses et dépressives correspondent à un trouble anxieux et dépressif mixte, ce qui n’exclut pas que les symptômes dépressifs aient atteint le degré d’un véritable épisode dépressif dans le passé. Par ailleurs, l’absence d’effet thérapeutique des antidépresseurs plaide contre la présence d’un véritable épisode dépressif, de même l’absence de rechute après que la recourante ait arrêté l’antidépresseur depuis plusieurs mois.

Toutefois, la recourante est probablement devenue dépendante du tranquillisant Clorazépam. La présence d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile type borderline est possible, mais non probable.

Les atteintes diagnostiquées n’entraînent pas de diminution de la capacité de travail dans une activité adaptée aux compétences et au niveau de français de la recourante. Dans le pronostic, l’expert relève que des facteurs extra-médicaux, notamment socio-culturels, ont une influence sur la dimension strictement médicale de l’état psychique de l’expertisée. Certes, le passé de la recourante était difficile et probablement traumatique ; elle a dépendu des autres, notamment de sa mère en Bulgarie, de l’aide sociale et du milieu soignant en Suisse. Néanmoins, le tableau clinique actuel est compatible avec un retour dans la vie active à plein temps. Il n’y a pas d’indication de mesures de réadaptation professionnelle.

10.         Cette expertise a été rendue en connaissance du dossier médical, prend en compte les plaintes de la recourante et repose sur un examen clinique approfondi (cinq heures d'entretiens réparties sur sept semaines). Ses conclusions sont motivées et convaincantes. Cela étant, cette expertise remplit assurément les critères jurisprudentiels pour lui reconnaître une pleine valeur probante.

Cela étant, il y a lieu de suivre les conclusions de cette expertise et de constater que la recourante ne présente aucune incapacité de travail.

11.         Le recours sera par conséquent rejeté.

12.         La recourante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, il est renoncé à percevoir un émolument de justice.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument de justice.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le