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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1342/2022

ATAS/1082/2022 du 24.11.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : INDEMNITÉ DE CHÔMAGE;AI(ASSURANCE);PERSONNE ÂGÉE;APTITUDE AU PLACEMENT;SURASSURANCE
Normes : LACI.8.al1.letf; LACI.15.al1; LACI.15.al2; LACI.94.al2; LACI.95.al1; LACI.95.al1bis; OACI.15; OACI.40b; LPGA.25; LPGA.69; LPGA.70.al2.letb
Résumé : La Cour de céans a estimé que l’on ne saurait nier l’aptitude au placement d’un assuré au bénéfice de prestations de chômage à qui l’OAI reconnaît, pour la même période, le droit au versement d’une rente entière d’invalidité au motif qu’il n’est pas exigible, au vu de son âge avancé, qu’il mette à profit sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Elle a retenu en outre qu’il serait discriminatoire de partir du principe qu’aucun employeur n’engagerait un homme de 62 ans, considéré médicalement comme pleinement capable d’exercer une activité adaptée, ce d’autant plus qu’un contrat de travail, sauf disposition expresse, ne prend pas automatiquement fin à l’âge de la retraite. La volonté réelle du recourant de retrouver un emploi étant par ailleurs établie, c’est à tort que l’intimée a nié son aptitude au placement et sollicité la restitution des prestations considérées comme indues. S’agissant de la question de la surindemnisation, la Cour de céans a retenu que dans le cas particulier, la rente d’invalidité, qui d’ordinaire vient compenser une perte de gain due à une incapacité de travail, a été versée dans le même but et en raison du même événement dommageable que l’indemnité de chômage, soit une perte d’emploi. Partant, le dossier est renvoyé à l’intimée pour qu’elle se détermine sur le montant de la surindemnisation.
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1342/2022 ATAS/1082/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 novembre 2022

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, représenté par le SIT-Syndicat interprofessionnel de travailleuses & travailleurs

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE SIT, sise rue des Chaudronniers 16, GENÈVE

 

 

intimée

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1958, a travaillé dans le domaine de la construction, en dernier lieu pour B______ Sàrl, entre 2010 et la fin du mois de décembre 2019.

b. L’assuré a été en incapacité de travail attestée médicalement dès le 20 août 2019, pour cause de maladie (lombalgies, arthrose facettaire et canal lombaire étroit congénital décompensé par l’âge).

c. Il a reçu des indemnités journalières de son assureur perte de gain en cas de maladie jusqu’au 31 juillet 2020, l’assureur ayant mis fin à celles-ci sur avis de son médecin-conseil, le docteur C______, spécialiste en chirurgie orthopédique, lequel estimait que l’assuré pouvait travailler à 100%, dès le mois d’août 2020, dans une activité adaptée et raisonnablement exigible (activité assise, partiellement debout, restreignant les efforts répétés de flexion antérieure du tronc et limitant le port de charge régulier pour des poids de 5kg à 10kg maximum).

B. a. L’assuré a, en parallèle, demandé des prestations à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), le 6 janvier 2020, pour l’atteinte à la santé dont il souffrait depuis le mois d’août 2019. Il souhaitait retrouver un emploi adapté à son état de santé.

b. Dans le cadre de l’instruction de son cas par l’OAI, l’assuré a fait un stage au sein des établissements publics pour l’intégration, entre le 3 août 2020 et le 1er novembre 2020 (mesure d’orientation professionnelle). Durant cette période, il a perçu des indemnités journalières (CHF 14'996.80 bruts, soit CHF 14'040.75 nets).

c. Par décision de l’OAI du 26 août 2021, l’assuré a été informé qu’une rente entière d’invalidité allait lui être octroyée, avec effet rétroactif au 1er août 2020, sous déduction des indemnités journalières qu’il avait reçues de l’OAI du 3 août au 1er novembre 2020. L’assuré disposait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée alors qu’il était incapable de travailler dans son ancienne activité dès le 19 août 2020 (début du délai d’attente). Dans le cadre de la mesure d’orientation professionnelle, le service de réadaptation de l’OAI avait estimé qu’en raison de son âge (62 ans), il n’était pas exigible de l’assuré qu’il reprenne une activité adaptée quand bien même il en était médicalement capable.

C. a. L’assuré a demandé des indemnités de chômage, par formulaire du 16 novembre 2020, adressé à la caisse de chômage SIT (ci-après : la caisse). Il indiquait être à la recherche d’un emploi à plein temps depuis le 6 novembre 2020. Il ne percevait alors ni rente, ni indemnité journalière.

b. Par décision du 15 novembre 2021, la caisse a sollicité de l’assuré la restitution des prestations avancées par elle, soit CHF 36'428.60, respectivement la compensation de CHF 15'251.15 avec la rente octroyée par l’OAI (le solde de CHF 21'177.45 faisant l’objet d’une remise à charge du fonds de l’assurance-chômage), en raison de la communication, le 26 août 2021, de la décision de l’OAI qui fixait « le degré d’invalidité à 100% dès le 1er août 2020 ».

c. Par courrier du 2 décembre 2021, l’assuré a fait opposition à la décision de restitution, au motif que l’OAI ne lui avait accordé une rente qu’en raison de son âge, mais avait par ailleurs reconnu qu’il disposait d’une pleine capacité de travail depuis le 1er août 2020.

d. Le 13 décembre 2021, la caisse s’est adressée au secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) pour lui soumettre ce cas en ces termes : « l’AI a récemment décidé d’une rente à 100% (degré AI à 100%). La caisse a alors demandé la restitution des indemnités avancées à l’AI en respect de la procédure en la matière. L’assuré s’est opposé à cette décision, au motif notamment que l’AI n’a fixé son degré d’invalidité à 100% qu’en raison de son âge proche de l’âge AVS, lui reconnaissant par ailleurs une capacité de travail à 100% dans une activité adaptée. Dans ce cas (aptitude au travail à 100%, mais degré AI à 100% en raison de l’âge avancé), pouvons-nous fixer son aptitude au placement à 100% et déduire la rente AI (bien plus faible que son droit aux indemnités chômage) de ses indemnités comme s’il s’agissait d’une rente anticipée (ce qui semble être le cas de fait puisque la rente AI n’est versée qu’en raison de l’âge avancé) ou devons-nous confirmer notre décision et arrêter d’indemniser au chômage ? ( ) ».

e. Dans un courriel du 5 janvier 2022, le SECO a répondu : « Cas intéressant et généreux de la part de l’AI, mais je serais d’avis qu’il n’a plus droit aux indemnités de chômage. En effet, conformément à l’art. 40b le gain assuré doit être corrigé proportionnellement à sa capacité de gain résiduelle, ce qui signifie que son gain assuré s’élèverait à fr. 0.-. De plus, il n’existe selon moi aucune base légale pour déduire la rente AI. ( ) ».

f. Par décision sur opposition du 15 mars 2022, la caisse a confirmé sa demande de restitution en se fondant sur la prise de position du SECO.

D. a. Par acte du 29 avril 2022, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours tendant à l’annulation de cette décision, sous suite de frais et dépens.

b. Le 18 mai 2022, la caisse a persisté dans sa décision en concluant implicitement au rejet du recours.

c. Pour les besoins de la cause, la chambre de céans a sollicité le dossier de l’assuré auprès de l’OAI. Il en ressort que les médecins ayant traité l’assuré pour des lombalgies et de l’arthrose estimaient que ce dernier ne pouvait pas reprendre son activité habituelle de maçon et qu’il lui serait difficile de retrouver un emploi faute d’autre formation professionnelle et compte tenu de son âge. L’assuré avait quant à lui toujours manifesté son intention de retrouver une activité adaptée à son état de santé. Il ne souhaitait pas prendre une retraite anticipée et était très motivé par une mesure d’orientation professionnelle qui lui avait été proposée par l’OAI, le 10 août 2020. À teneur des conclusions du rapport dressé à la fin de cette mesure, le stage d’orientation avait mis en évidence des rendements en dessous de la norme qui pouvaient s’expliquer par une lenteur permanente dans l’exécution des tâches même très simples (en lien avec les alternances de positions) sans aucune progression au cours de la mesure, par l’alternance des positions fréquentes (toutes les 30 à 40 minutes), des recherches répétées de positions antalgiques, des douleurs dorsales récurrentes, un tonus général moyen à faible et par un manque de polyvalence. Selon le rapport final de mesures d’orientation professionnelle dressé par l’OAI, cet office s’est demandé si l’on pouvait encore exiger de l’assuré qu’il exploite sa capacité de travail sur le marché de l’emploi. À cet égard, l’OAI a indiqué peiner à imaginer qu’un employeur consentisse à engager l’assuré, alors que celui-ci se trouvait à trois ans de l’âge de la retraite ( ) et en a conclu que l’assuré ne pouvait plus exploiter sa capacité résiduelle de travail sur le plan économique, de sorte qu’il en résultait une incapacité de gain totale. Dans sa décision, l’OAI a ainsi expliqué qu’après analyse complète de la situation de l’assuré, son service de réadaptation estimait qu’en raison de son âge, proche de l’âge légal de la retraite, la capacité de travail de l’assuré dans une activité adaptée n’était pas exigible et ce malgré une capacité de travail de 100%. L’assuré ne pouvant plus exploiter sa capacité de travail sur le plan économique, il en résultait une incapacité de gain totale donnant droit à une rente entière d’invalidité.

d. Les parties ont été invitées à consulter le dossier de l’OAI dans un délai au 12 octobre 2022.

e. À l’issue de ce délai et faute d’observations complémentaires des parties, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le recours a été formé contre la décision sur opposition du 15 mars 2022 par laquelle l’intimée a confirmé sa décision du 15 novembre 2021 exigeant la restitution des prestations versées d’un montant CHF 36'428.60, respectivement la compensation de CHF 15'251.15 avec la rente versée par l’OAI, étant précisé que le solde de CHF 21'177.45 ferait l’objet d’une remise à la charge du fonds de l’assurance-chômage.

Le litige porte dès lors sur la question de la restitution des prestations versées par l’intimée, cette dernière ayant considéré que le recourant ne réalisait pas les conditions d'indemnisation faute d’aptitude au placement de sorte qu’une restitution par compensation s’imposait.

Pour statuer sur le bien-fondé de la décision de restitution, il faut au préalable examiner si, comme l’a retenu l’intimée, le recourant a perçu à tort des indemnités de chômage et, pour cela, déterminer si le recourant était apte au placement dès le mois d’août 2020 et avait de ce fait droit à des indemnités de chômage malgré l’allocation rétroactive d’une rente de l’OAI dès le 1er août 2020. Dans cette deuxième hypothèse, se posera également la question de la surindemnisation et de la compensation entre les rentes dues par l’OAI et les indemnités journalières versées par l’intimée.

3.              

3.1 L’art. 94 al. 2 LACI s’applique à la restitution des prestations de chômage indues, laquelle est exposée en ces termes, lorsqu’un assuré bénéficie de prestations d’assurance-chômage, qu’il s’est annoncé à une autre assurance sociale et que celle-ci verse des prestations rétroactivement pour une période durant laquelle les prestations de chômage ont été versées, la restitution des prestations de chômage indues intervient par compensation avec les arriérés de prestations de l’autre assurance (RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, n° 8 ad art. 94 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2017 du 9 octobre 2018, consid. 3.2).

3.2 L’art. 95 al. 1 LACI précise que la demande de restitution est régie par l’art. 25 LPGA, à l’exception des cas relevant des art. 55 et 59cbis, al. 4 non pertinents en l’espèce.

3.3 Avant le 1er juillet 2003, si les caisses de chômage versaient leurs prestations aux assurés durant la procédure de traitement d'une demande de rente d'assurance-invalidité, la jurisprudence voulait que lorsque l'organisme responsable de cette assurance admettait une invalidité totale de l'assuré et devait à ce titre lui fournir avec effet rétroactif les prestations auxquelles il avait droit, celles versées par l'assurance-chômage durant la même période apparaissaient a posteriori comme indûment perçues, faute d'aptitude au placement, et étaient donc sujettes à restitution selon l'art. 95 al. 1 LACI. Le Tribunal fédéral des assurances avait en outre précisé que c'étaient bien les indemnités de chômage versées à tort qui devaient faire l'objet d'une demande de restitution, aucune base légale n'autorisant à limiter la somme à rembourser au montant des prestations allouées pour la même période par l'assurance-invalidité (DTA 1988 n° 5 p. 34, considérant 4c; DTA 1996/1997 n° 43 p. 234 ss.; DTA 1998 n° 15 p. 76 ss.; Tribunal administratif, arrêt PS 95/176 du 22 décembre 1995).

3.4 Lors de la révision de la loi sur l'assurance-chômage du 22 mars 2002, en vigueur depuis le 1er juillet 2003, le législateur a trouvé cette solution problématique, voire choquante, lorsque le remboursement ne pouvait être complètement compensé par la rente AI versée rétroactivement (FF 2001 II 2182). Il a introduit à l'art. 95 LACI un alinéa 1bis qui dispose que l'assuré qui a touché des indemnités de chômage et perçoit ensuite, pour la même période, une rente ou des indemnités journalières de l'assurance-invalidité notamment, est tenu de rembourser les indemnités journalières versées par l'assurance-chômage ; en dérogation de l'art. 25 al. 1 LPGA, la somme à restituer se limite à la somme des prestations versées pour la même période par ces institutions.

3.5 Dans un arrêt 8C_678/2013 du 31 mars 2014, le Tribunal fédéral a jugé qu’il en allait de même des prestations versées par des caisses de chômages, non pas à titre d’avance selon les art. 70 al. 2 LPGA, 15 al. 2 LACI et 15 al. 3 OACI, mais sur la base d’une demande d’un assuré qui aurait omis de s'inscrire auprès de l'assurance-invalidité et qui apprennent par la suite que certaines occupations ne sont durablement pas exigibles ou qu'une incapacité de gain (partielle) résulte de problèmes de santé. Dans ce cas, les caisses ont le droit et l'obligation de revenir, dans le cadre d'une révision procédurale, sur les indemnités de chômage déjà versées, de rectifier rétroactivement le gain assuré et de réclamer le remboursement des indemnités journalières versées à tort dès que l'étendue de l'incapacité de gain est établie (art. 25 LPGA en relation avec l'art. 95 al. 1 et al. 1bis LACI ; ATF 133 V 530 consid. 4 p. 533 avec référence ; cf. aussi ATF 133 V 524 ; arrêt 8C_212/2010 du 31 mai 2010 consid. 6.2).

3.6 Ces dispositions ne s’appliquent ainsi que dans les cas où des prestations ont été versées indûment ou à titre d’avance qui se révèlent indues une fois la décision de l’autre assurance rendue (art. 94, 95 al. 1 et 1bis LACI ; FF 2001 II 2182).

3.7 Aux termes de l'art. 25 LPGA, auquel renvoie les art. 94 et 95 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1).

3.8 Les prestations sont indûment touchées si les conditions d’octroi du droit au chômage ne sont pas réalisées. Ces conditions cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2) sont énumérées à l’art. 8 al. 1 LACI, lettres a à g. Le droit à l'indemnité de chômage suppose en particulier que l'assuré soit apte au placement (let. f).

3.9 Aux termes de l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

3.9.1 Le Tribunal fédéral a récemment rappelé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2022 du 24 août 2022 consid. 4.2) que l'aptitude au placement comprend deux éléments : le premier est la capacité de travail, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne ; le deuxième élément est la disposition à accepter immédiatement un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, laquelle implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1; 125 V 51 consid. 6a). L'aptitude au placement est évaluée de manière prospective d'après l'état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 143 V 168 consid. 2 et les arrêts cités) et n'est pas sujette à fractionnement. Soit l'aptitude au placement est donnée (en particulier la disposition d'accepter un travail au taux d'au moins 20% d'une activité à plein temps ; cf. art. 5 OACI [RS 837.02]), soit elle ne l'est pas (ATF 143 V 168 consid. 2; 136 V 95 consid. 5.1).

3.9.2 Dans un arrêt concernant l’aptitude au placement d’une femme enceinte à la recherche d'un emploi de durée indéterminée, le Tribunal fédéral a considéré qu’on ne pouvait pas uniquement prendre en considération l'intervalle de temps restant jusqu'à la date prévue de l'accouchement, l'aptitude au placement ne pouvant pas être niée de manière générale au motif que la probabilité qu'un employeur engagerait l'assurée 7,5 semaines avant l'accouchement était trop réduite. Le Tribunal fédéral jugeait que, ce faisant, l’on imputerait à tout employeur entrant en ligne de compte une attitude discriminatoire qui, en tant que comportement contraire à la loi, ne peut pas servir de fondement à la décision (ATF 146 V 210 consid. 5.1 et 5.2).

3.10 À teneur de l’art. 15 al. 2 LACI, le handicapé physique ou mental est réputé apte à être placé lorsque, compte tenu de son infirmité et dans l’hypothèse d’une situation équilibrée sur le marché de l’emploi, un travail convenable pourrait lui être procuré sur ce marché. Le Conseil fédéral règle la coordination avec l’assurance-invalidité.

3.11 Pour déterminer l’aptitude au placement des handicapés, les autorités cantonales et les caisses coopèrent avec les organes compétents de l’assurance-invalidité (art. 15 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983, OACI - RS 837.02). Selon l'art. 15 al. 3 première phrase de l'OACI, lorsque, dans l'hypothèse d'une situation équilibrée sur le marché du travail, un handicapé n'est pas manifestement inapte au placement et qu'il s'est annoncé à l'assurance-invalidité ou à une autre assurance selon l'art. 15 al. 2 OACI, il est réputé apte au placement jusqu'à la décision de l'autre assurance. Cette reconnaissance n’a aucune incidence sur l’appréciation, par les autres assurances, de son aptitude au travail ou à l’exercice d’une activité lucrative (art. 15 al. 3 OACI). L'art. 70 al. 2 let. b LPGA prévoit l'obligation pour l'assurance-chômage d'avancer les prestations dont la prise en charge par l'assurance-invalidité est contestée. Le but des art. 15 al. 3 OACI et 70 al. 2 LPGA est d'éviter qu'une personne atteinte dans sa santé, mais dont l'inaptitude au placement n'est pas manifeste, subisse une lacune de couverture de perte de gain avant que la décision de l'assurance-invalidité ne soit rendue. Afin d'éviter une telle lacune, les dispositions précitées instituent une prise en charge provisoire de la perte de gain par l'assurance-chômage. Dans l'hypothèse visée par l'art. 15 al. 3 OACI, la négation de l'aptitude au placement n'est possible que lorsque l'assuré est « manifestement » inapte au placement. Si l'inaptitude au placement ressort clairement des déclarations de l'assuré, de celles des médecins ou d'autres intervenants, l'assuré est inapte au placement. En revanche, lorsque les certificats médicaux sont contradictoires, l'inaptitude au placement ne peut être considérée comme manifeste (RUBIN, op. cit., n° 78 et 88 ss ad art. 15 LACI).

3.11.1 Selon RUBIN (op. cit., n° 66 ad art. 15 LACI), lorsqu'une personne est atteinte d'un trouble ou d'un handicap durable et d'une certaine importance, son aptitude au placement sera examinée non pas sous l'angle des critères de l'art. 15 al. 1 LACI, mais selon ceux de l’al. 2 de cette disposition (aptitude au placement des handicapés). Pour les personnes handicapées, cette condition du droit sera appréciée avec moins de rigueur que pour les autres assurés. D'une part, le critère de la capacité de travail sera examiné en tenant compte du handicap de l'assuré. D'autre part, le marché du travail entrant en considération s'étendra à divers emplois où une certaine complaisance sociale est de mise. L'autorité devra donc traiter différemment les assurés handicapés de ceux qui subissent une restriction à leur capacité de travail pour une autre raison (DTA 2006 p. 141 consid. 4.2 p. 143).

RUBIN signale à cet égard qu'il n'y a pas d'invalidité si l'incapacité de gain découle non d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique, mais d'autres facteurs étrangers à l'invalidité tels qu'un manque de formation, des difficultés à se faire comprendre, une blessure narcissique, un besoin de réparation consécutif à un sentiment de préjudice subi, une dépendance ou des circonstances socioculturelles (ATF 127 V 294). Pour les assurés qui ne sont pas handicapés au sens de l'art. 15 al. 2 LACI, l'évaluation de l'aptitude au placement ne tiendra pas compte des éventuels problèmes de santé. Il sera exigé d'eux que leurs problèmes physiques ou psychiques éventuels n'aient pas pour effet d'empêcher l'exercice de la plupart des activités adaptées à leur formation, à leur expérience et aux recherches effectuées. Cela étant, une fois franchi ce seuil d'aptitude au placement, les assurés pourront se prévaloir de l'art. 16 al. 2 let. c LACI pour refuser tel ou tel emploi ne convenant pas à leur santé.

3.11.2 Certains troubles peuvent être insuffisamment handicapants pour entraîner la reconnaissance d'une invalidité. Ils devront toutefois conduire à l'inaptitude au placement, sous l'angle de l'art. 15 al. 1 LACI, lorsqu'ils auront pour effet de restreindre les possibilités d'embauche dans une mesure assez importante. Les restrictions en cause pourront par exemple influencer la durée pendant laquelle le chômeur peut travailler. On pense ici à certaines dépendances, dans les cas où elles ont pour effet de provoquer des crises, des délires ou un manque d'énergie. On pense également à des troubles du sommeil qui empêcheraient tout travail en journée (arrêt du Tribunal fédéral C 151/05 du 20 juillet 2006), (RUBIN, op. cit. n° 67 ad art. 15 LACI).

3.12 La perception d’une rente AI (même entière) n’exclut pas l’aptitude au placement, pour autant que l’assuré dispose encore d’une certaine capacité de travail et qu’il entende la mettre à profit (RUBIN, op. cit., n° 84 ad art. 15 LACI citant FF 1980 III 549 et 570).

3.13 Lorsque l’assurance amenée à fixer l’étendue de l’invalidité prend sa décision, l’incapacité de travail reconnue justifiera le cas échéant une modification rétroactive du gain assuré (art. 40b OACI ; RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n° 231).

4.              

En l’espèce, l’intimée a initialement versé des prestations à l’assuré sans nier l’aptitude au placement de ce dernier, sur la base de l’art. 70 al. 2 let. b LPGA et 15 al. 1 OACI. À réception de la décision de l’OAI, elle a adressé au recourant une demande de restitution des prestations versées indûment. Elle se fondait sur cette décision pour nier l’aptitude au placement, au motif que cet office avait accepté d’allouer une rente d’invalidité entière au recourant.

Le recourant prétend être pleinement apte au placement conformément à la décision de l’OAI, dans la mesure où ce dernier ne lui a reconnu un droit à une rente qu’en raison de son âge. Selon l’OAI, il n’était pas exigible de lui qu’il mette à profit sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations physiques à deux ans de l’âge de la retraite malgré une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations.

Force est de constater à la lecture du dossier et de la décision de l’OAI que malgré l’allocation d’une pleine rente d’invalidité, cet office a considéré, sur la base des éléments médicaux en sa possession, que le recourant disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations. Il en était de même du point-de-vue de l’assureur perte de gain en cas de maladie qui a cessé de verser des indemnités journalières au recourant dès le 31 juillet 2020, en jugeant que ce dernier avait retrouvé une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.

Lorsque le recourant s'est annoncé à l'assurance-chômage, le 16 novembre 2020, il avait d’ailleurs suivi une mesure d’orientation professionnelle proposée par l’OAI en démontrant sa volonté de retrouver une activité adaptée à son état de santé. Malgré une certaine lenteur mise en évidence lors de ladite mesure, l’OAI a tenu à dire que le recourant avait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, sans exiger du recourant qu’il la mette à profit en raison de son âge proche de la retraite. Tant la volonté du recourant de retrouver un emploi que sa capacité de travail médicalement reconnue par l’OAI sont dès lors établies.

En conséquence, contrairement à ce que prévoit l’art. 40b OACI, l’assurance (en l’occurrence l’assurance-invalidité) amenée à fixer l’étendue de l’invalidité n’a pas reconnu une incapacité de travail, mais a, au contraire, reconnu une pleine capacité de travail.

Ainsi, il ne se justifie pas de modifier rétroactivement le gain assuré (art. 40b OACI a contrario). L’on ne saurait en conséquence suivre l’opinion du SECO selon lequel le gain assuré serait nul au sens de l’art. 40b OACI, cette disposition ne trouvant pas à s’appliquer ici faute d’être en présence d’un chômeur dont l’incapacité de travail même partielle aurait été reconnue par l’assurance-invalidité.

L’on constate par ailleurs que le critère de la disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre d’employeurs potentiels, ne peut pas être remis en cause. Le recourant a entrepris une mesure d’orientation professionnelle dès la perte de son emploi, ce qui confirme sa volonté réelle de retrouver un emploi malgré son âge. Quant à la disponibilité en lien avec le nombre d’employeurs prêts à engager une personne de 62 ans sur le marché du travail, l’on peut se référer au principe retenu par le Tribunal fédéral dans ses arrêts sur les femmes enceintes à la recherche d’emploi. En effet, il serait discriminatoire de partir du principe qu’aucun employeur n’engagerait un homme de 62 ans, considéré médicalement comme pleinement capable d’exercer une activité adaptée. L’on doit envisager qu’un employeur serait prêt à engager un homme de 62 ans à l’instar d’une femme enceinte de plusieurs mois, dans le but de lui offrir un travail dans la durée, respectivement à l’issue d’un congé maternité ou immédiatement s’agissant de l’homme âgé, étant rappelé concernant ce dernier qu’un contrat de travail, sauf disposition exprès, ne prend pas automatiquement fin à l’âge de la retraite.

Sur le plan subjectif enfin, rien ne permet de nier la volonté réelle du recourant de retrouver un travail. Bien au contraire, le recourant a exprimé cette volonté de manière claire, comme en atteste le dossier de l’OAI.

C’est à tort que l’intimée a dénié au recourant son aptitude au placement.

Apte au placement, le recourant n’a pas reçu indûment les indemnités de chômage dont l’intimée sollicite le remboursement.

À l’instar d’un chômeur qui a perdu un emploi à plein temps et qui est à la recherche d’un nouvel emploi à plein temps, le recourant était en droit de percevoir des indemnités de chômage couvrant son gain assuré.

Il ne peut de ce fait pas être tenu de restituer les montants perçus de l’assurance-chômage.

5.             Se pose néanmoins la question de la surindemnisation.

5.1 L’art. 69 LPGA régit la coordination entre les rentes et les indemnités journalières, notamment en matière de chômage (Ghislaine FRESARD-FELLAY/Jean-Maurice FRESARD, in Commentaire de la LPGA, 2018, N 2 et 3 ad art. 68), dans le but d’éviter la surindemnisation.

5.2 Le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à un surindemnisation de l’ayant droit. Ne sont pris en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identique qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable. Il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (art. 69 al. 1 et 2 LPGA).

Cette disposition ne vise pas le cas de concours entre des indemnités journalières de l’assurance-chômage venant compenser une perte de travail et la rente de l’assurance-invalidité venant compenser une perte de gain due à une incapacité de travail, faute d’être des prestations de nature et de but identique et qui seraient allouées à l’assuré en raison du même événement dommageable (art. 69 al. 1 deuxième phrases LPGA et notamment cf. Ghislaine FRESARD-FELLAY/Jean-Maurice FRESARD, op. cit., n°21 ss ad art. 70 LPGA, notamment n°22, troisième tiret).

5.3 Dans le cas particulier, l’indemnité de chômage est venue compenser une perte de travail et la rente d’invalidité - qui d’ordinaire vient compenser une perte de gain due à une incapacité de travail - est également versée dans le but de compenser cette perte de travail, et non une incapacité de travail. L’on peut dès lors considérer que cette rente est servie, à l’instar de l’indemnité de chômage, dans le même but et en raison du même événement dommageable, la perte d’emploi.

Eu égard à ce qui précède, la décision attaquée est infondée en tant qu’elle nie l’aptitude au placement du recourant et exige la restitution des prestations versées par compensation d’un montant de CHF 15'251.15 avec la rente versée par l’OAI.

Le recours doit dès lors être admis et la décision attaquée annulée.

En revanche, le dossier doit être renvoyé à l’intimée pour qu’elle statue sur le montant de la surindemnisation et les prestations dues au recourant dès le 1er septembre 2021, au sens des considérants, étant rappelé que le recourant a sollicité la reprise du versement de ses indemnités.

Il appartiendra en outre à la caisse de procéder à l’examen des autres conditions du droit à l'indemnité.

Le recourant, représenté dans cette procédure et qui obtient gain de cause dans une large mesure, a droit à des dépens qui seront fixé à CHF 1'500.- et mis à la charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 15 mars 2022.

4.        Renvoie le dossier à l’intimée pour qu’elle statue dans le sens des considérants, soit sur le montant de la surindemnisation et sur les prestations dues au recourant dès le 1er septembre 2021.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'500.- au recourant à titre de dépens à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le