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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2137/2020

ATAS/1108/2022 du 14.12.2022 ( ARBIT )

Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2137/2020 ATAS/1108/2022

ARRET INCIDENT

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 14 décembre 2022

 

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

MOOVE SYMPANY AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

ATUPRI CAISSE-MALADIE

AVENIR ASSURANCE MALADIE

KPT KRANKENKASSE AG

ÖKK KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNGEN AG

VIVAO SYMPANY AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PROGRÈS VERSICHERUNGEN AG

SWICA CENTRES DE SANTE

GALENOS, ASSURANCE MALADIE ET ACCIDENTS

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

INTRAS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

ARCOSANA AG

VIVACARE

COMPACT GRUNDVERSICHERUNGEN AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, sise Römerstrasse 20, SOLEURE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Valentin SCHUMACHER

 

 

demanderesses

 

contre

Monsieur A______, domicilié ______, ChÊne-Bougeries, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

défendeur

 


Vu la demande déposée le 3 juillet 2020 par 25 caisses-maladies, toutes représentées par SANTÉSUISSE, auprès du Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le Tribunal de céans) visant au paiement par le docteur A______ (ci-après : le défendeur) de la somme de CHF 156'574.60, calculée selon l’indice de régression, pour l’année statistiques 2018, au titre de violation du principe du caractère économique des prestations ;

Vu la réponse du défendeur du 21 mai 2021, concluant au rejet de la demande ;

Vu la réplique de SANTÉSUISSE du 24 août 2021, modifiant ses conclusions, en ce sens qu’elle persiste à demander à ce que le défendeur soit condamné pour l’année statistique 2018 à lui restituer le montant de CHF 156'574.65, calculé selon l’indice de régression, mais réclame désormais également le remboursement du montant de CHF 133'553.30, calculé sur la base des prestations non LAMal facturées à l’assurance obligatoire des soins avec la position TARMED 39.3320, du montant d’au moins CHF 5'438.95 en lien avec la pose de contraceptifs intra-utérins, ainsi que des montants en lien avec la pose de stérilets MIRENA ;

Vu la duplique du 25 octobre 2021, selon laquelle le défendeur a notamment rappelé qu'il avait demandé à ce que SANTÉSUISSE produise un certain nombre de documents, dont les accords préalables que lui avaient accordés les demanderesses, étant précisé qu'il transmettait d'ores et déjà au Tribunal de céans ceux concernant la pose d'un stérilet ;

Vu le courrier du 30 août 2022 en annexe duquel le défendeur a produit, sur demande du Tribunal de céans, toutes les autorisations à lui délivrées par les demanderesses pour les traitements dispensés durant l'année statistique 2018 qu'il avait pu rassembler et concluant à ce qu'il soit ordonné à SANTÉSUISSE de produire l'ensemble des autorisations ;

Vu le courrier des demanderesses du 21 septembre 2022 s'opposant à cette conclusion, aux motifs, d'une part, qu'il appartient au défendeur et à lui seul d'apporter la preuve de l'existence des autorisations, et, d'autre part, qu'aucune base de données avec ces informations n'existant, elles auraient le cas échéant à procéder à des recherches disproportionnées ;

Vu les écritures des 4 et 31 octobre et 11 novembre 2022, dans lesquelles les parties persistent dans leur position respective ;

 

Considérant en droit

Que le litige porte au fond sur la question de savoir si la pratique du défendeur pendant l’année statistique 2018 en sa qualité de médecin indépendant est ou non contraire au principe de l’économicité ;

Qu'aux termes de l'art. 1er de l'Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins - OPAS -, figurent à l’annexe 1 les prestations visées par l’art. 33, let. a et c, OAMal, qui ont été examinées par la Commission fédérale des prestations générales et des principes de l’assurance-maladie et dont l’assurance-maladie obligatoire des soins (assurance) :

a.       prend en charge les coûts ;

b.      prend en charge les coûts à certaines conditions ;

c.       ne prend pas en charge les coûts ;

Que dans les cas où le coût des prestations ne sont prises en charge qu'à certaines conditions (let. b), le médecin peut demander une « confirmation de prise en charge » ;

Qu'une pratique non économique constitutive de polypragmasie doit être niée dans le cas où les traitements ont été pour la plupart approuvés de manière spécifique par les assureurs (respectivement par les médecins-conseil de ceux-ci) ; que les approbations ne représentent pas seulement des garanties de remboursement des coûts, mais comprennent également la confirmation du caractère économique du traitement correspondant (arrêts 9C_180/2021 et 9C_570/2015 ; arrêt K 172/97 du 23 avril 1999 consid. 5e, in RAMA 1999 n° K 994 p. 320) ; qu'il ne peut ainsi être retenu que les éléments constitutifs d'une polypragmasie sont réunis si les assureurs ont effectivement accepté de prendre en charge les coûts supplémentaires des traitements en question ; que dès lors, l'existence et l'étendue de garanties de prise en charge constituent des éléments déterminants à la résolution du litige (9C_180/2021 consid. 6.2) ;

Que selon la maxime inquisitoire qui régit la procédure devant le tribunal arbitral des assurances, il appartient au tribunal arbitral d'établir les faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (art. 89 al. 5 LAMal) ; que cette maxime doit être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, autrement dit d'étayer leurs propres thèses en renseignant le juge sur les faits de la cause et en lui indiquant les moyens de preuve disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître ; que si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse ; que cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 9C_180/2021 ; ATF 139 V 176 consid. 5.2) ; que l'obligation de collaborer des parties (art. 13 PA ; ATF 119 V 211 consid. 3b avec renvois) s'étend à tous les faits essentiels pour la décision et comprend également l'obligation de la partie de produire des documents qui se trouvent en ses mains ; qu'elle s'applique en particulier aux faits que l'autorité ne pourrait pas établir sans la collaboration de la partie ou ne pourrait pas le faire avec un effort raisonnable (ATF 124 II 365 consid. 2b avec référence) ; que dans la procédure devant le tribunal arbitral cantonal selon l'art. 89 LAMal, conçue comme une action en justice, l'obligation de collaborer revêt une importance étendue, car les parties sont les mieux à même de contribuer à l'établissement des faits déterminants (K 150/03 consid. 5.1) ;

Qu'en l'espèce, le défendeur affirme avoir sollicité et obtenu des autorisations de la part des demanderesses et conclut à ce qu'il soit ordonné à ces dernières de produire l'ensemble des autorisations accordées ; qu'il fait valoir que dans un arrêt du 24 juin 2022 (9C_180/2021), le Tribunal fédéral a jugé que lorsque le médecin allègue que ses patients se sont vu délivrer par les caisses-maladie des garanties de prise en charge, le tribunal est tenu d'instruire ce point conformément à la maxime inquisitoire ;

Que celles-ci s'y opposent ; qu'elles font valoir qu'aucune obligation de leur part ne peut être déduite du devoir de collaborer des parties (art. 89 al. 5 LAMal) ; qu'en effet, lorsque le défendeur allègue que certains des traitements dispensés ne peuvent être que conformes aux critères d'adéquation et d'économicité dès lors qu'ils ont fait l'objet d'accords donnés par les assureurs, c'est à lui d'apporter la preuve de l'existence de ces prétendus accords ; qu'elles relèvent que dans l'arrêt cité par le défendeur, le Tribunal fédéral a retenu que le médecin n'était pas - ou plus – en possession des garanties, alors qu'en l'espèce, le défendeur n'a jamais prétendu ne pas avoir tous les documents y relatifs ; preuve en est qu'il a déclaré, le 25 octobre 2021, après avoir produit les accords concernant la pose d'un stérilet, qu'il sera ultérieurement en mesure d'en compléter la liste, et le 7 décembre 2021, qu'un délai devrait lui être accordé pour la production de tous les accords, et versé au dossier, le 30 août 2022, « un bordereau complémentaire contenant les accords des assurances qu'il a pu rassembler pour l'année 2018, non produits précédemment » ;

Que le Tribunal de céans ne voit toutefois pas qu'on puisse déduire de ces extraits d'écritures que le défendeur ait alors affirmé qu'il disposait de l'ensemble des accords qui lui avaient été délivrés ; qu'il apparaît au contraire qu'il a tenté de tous les réunir, mais qu'il n'y a finalement pas réussi ; qu'il convient d'ajouter, quoi qu'il en soit, que le considérant 5.1 de l'arrêt du Tribunal fédéral, auquel se réfèrent expressément les demanderesses, considérant selon lequel le médecin avait exposé ne plus être en possession de l'ensemble des documents, se borne à décrire les allégués de ce médecin ;

Qu'en substance, dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a reproché au tribunal arbitral de n'avoir pas instruit plus avant, compte tenu des affirmations du médecin selon lesquelles plusieurs de ses patients s'étaient vu délivrer par les caisses-maladie intimées des garanties de prise en charge durant l'année en question ; qu'il a considéré que le tribunal cantonal ne pouvait se borner à invoquer les règles sur le fardeau de la preuve, celles-ci ne s'appliquant que s'il s'avère impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire, d'établir un état de fait qui correspond à la réalité, au degré de la vraisemblance prépondérante ; qu'il a à cet égard constaté que les caisses-maladie intimées n'avaient jamais prétendu ne pas avoir délivré de garanties de prise en charge ou ne pas être en mesure de les produire ;

Qu'il s'avère qu'en l'espèce non plus les demanderesses n'ont pas nié avoir accordé des autorisations au défendeur ; qu'elles n'ont pas non plus soutenu qu'il ne leur était pas possible de les fournir au Tribunal de céans ; qu'elles se sont bornées à souligner qu'elles auraient à procéder à des recherches "gargantuesques" dans les dossiers de chacun des 1'609 patients du défendeur, si elles devaient être amenées à produire ces accords, ce qui serait totalement disproportionné ;

Qu'il est indéniable qu'il s'agit là d'une tâche importante ; qu'il est vrai que le devoir de collaborer n'existe que dans la mesure où cela est raisonnablement exigible (ATF 9C_180/2021 consid. 4 ; ATF K 150/03 consid. 5.1) ; qu'il convient toutefois de relever que les demanderesses disposent très vraisemblablement des outils informatiques et statistiques nécessaires ; que les recherches à effectuer n'apparaissent ainsi nullement insurmontables ; qu'au demeurant, dans l'arrêt 9C_180/2021 précité, qui mettait en présence pratiquement les mêmes demanderesses, le Tribunal fédéral a implicitement admis que de telles recherches étaient possibles ;

Que force en conclusion est de constater que le défendeur a allégué avoir obtenu pour certains de ses patients des garanties de prise en charge, ce qui n'est pas contesté par les demanderesses ; que dans le cadre du présent litige, il est essentiel pour le Tribunal de céans d'en prendre connaissance ; que le défendeur a transmis au Tribunal de céans celles qu'il a pu rassembler ; qu'il est vraisemblable, au degré de prépondérance requis par la jurisprudence, qu'il soit de bonne volonté, son intérêt étant de les produire toutes ; que les demanderesses n'ont pas prétendu que la tâche était impossible ; qu'il se justifie dès lors de leur ordonner de verser le solde de ces garanties au dossier ;

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant sur incident

1.      Ordonne à SANTÉSUISSE la production de l'ensemble des autorisations accordées par les demanderesses au défendeur pour les traitements dispensés pour l'année statistique 2018.

2.      Lui impartit un délai au 16 janvier 2023 pour ce faire.

3.      Réserve la suite de la procédure.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le