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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/663/2022

ATAS/1070/2022 du 01.12.2022 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/663/2022 ATAS/1070/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à QUINTAL, France

recourante

 

contre

PROGRÈS ASSURANCES SA, sise Zürichstrasse 130, DÜBENDORF, représentée par HELSANA ASSURANCES SA

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______, née en 1966 (ci-après : l’assurée), de nationalité française, exerce une activité lucrative à Genève, où elle est au bénéfice du statut de frontalière. Elle a travaillé en dernier lieu pour la société B______ SA, basée à Satigny.

b. Depuis le 1er juin 2015, elle est assurée auprès de PROGRÈS ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance) pour l’assurance obligatoire des soins. Cette affiliation résulte d’un contrat de famille incluant également sa fille, C______, née le ______ 1998.

c. Malgré plusieurs sommations, l’assurée ne s’est pas acquittée des primes d’assurance relatives aux mois de juin à décembre 2015, puis de juillet 2016 à novembre 2018.

d. Le 3 novembre 2016, l’assurance a rendu une décision réclamant à l’assurée la somme de CHF 996.95 correspondant aux primes de juillet et août 2016 (CHF 864.-), assorties d’intérêts (CHF 12.95) et de frais (CHF 120.-).

e. Par décision du 6 février 2017, l’assurance a également réclamé à l’assurée le paiement des primes relatives à la période de juin à décembre 2015 et aux mois de septembre et octobre 2016 (CHF 3’888.-), ainsi que les intérêts (CHF 107.85) et frais (CHF 120.-), soit un total de CHF 4'115.85, ramené à CHF 2'970.85 par une compensation intervenue le 3 août 2016 à hauteur de CHF 1'145.-.

f. Par décision du 4 avril 2019, l’assurance a réclamé à l’assurée l’intégralité des primes dues pour son propre compte et celui de sa fille, entre juin 2015 et novembre 2018 (soit CHF 17'593.70), ainsi que les intérêts (CHF 413.80), frais de rappel (CHF 1'580.-) et frais de contentieux (CHF 160.-), soit un montant total de CHF 19'747.50.

g. L’assurée s’est opposée à cette décision en contestant devoir des primes pour sa fille, dont elle a fait remarquer qu’elle n’était plus à sa charge depuis ses 18 ans : dès sa majorité, elle était partie pour l’Australie ; elle était revenue un an plus tard en France, où elle était salariée.

Pour le surplus, l’assurée alléguait avoir demandé à plusieurs reprises à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) d’être rattachée à la France. Elle indiquait avoir été licenciée par son employeur suisse le 20 mars 2019, être depuis lors sans emploi et ne pouvoir régler l’intégralité de la somme réclamée. Elle soulignait enfin n’avoir jamais bénéficié des prestations de l’assurance obligatoire des soins.

h. Par courrier du 6 mai 2019, l’assurance lui a répondu que sa fille figurait encore dans le contrat d’assurance familial, aucune séparation n’ayant été demandée. Un arrangement de paiement était envisageable, pour autant que toutes les primes et factures de prestations soient payées. Un décompte détaillé était joint, faisant état d’une créance totale de CHF 23'385.- à la date de l’envoi.

i. Après échanges de courriers entre les parties, l’assurance a rendu une nouvelle décision en date du 15 juillet 2020.

Elle a partiellement admis l’opposition de l’assurée, renonçant à requérir de celle-ci le paiement des primes relatives à sa fille pour la période postérieure à sa majorité, correspondant à un montant de CHF 7'769.70.

Pour le surplus, la décision du 4 avril 2019 était maintenue : restaient dus : La créance de base, à hauteur de CHF 10'115.60 (correspondant au total des primes encore dues pour la période du 1er juin 2015 au 30 novembre 2018), les intérêts et CHF 1'500.- de frais de rappel.

Enfin, l’assureur indiquait qu’en vertu de l’autorité de la chose jugée, il n’entrait pas en matière sur les créances ayant fait l’objet des décisions des 3 novembre 2016 et 6 février 2017 entrées en force et portant sur un total de CHF 3'847.- (primes, frais de rappel, frais administratifs et intérêts).

B. a. Le 14 août 2020, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal judiciaire d’Annecy en concluant à l’annulation des créances relatives à sa fille C______, à une réévaluation de sa dette en prenant en compte le fait qu’elle n’avait rien coûté à l’assureur depuis son affiliation et, enfin, au rapatriement de son dossier auprès de la COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE (CMU).

b. Par pli du 17 février 2022, l’assurance a informé la Cour de céans du fait que l’assurée avait cru bon de saisir le Tribunal judiciaire d’Annecy, auquel elle ne reconnaissait aucune compétence pour juger du cas. L’assurance a transmis à la Cour de céans le recours de l’assurée comme objet de sa compétence.

c. Le 28 février 2022, la Cour de céans a informé l’assurée de l’enregistrement de son recours du 14 août 2020.

d. Par mémoire du 24 mars 2022 adressé à la Cour de céans, l’intimée a répondu au recours, en concluant à son rejet.

Elle rappelle avoir renoncé, au stade de la procédure d’opposition déjà, à réclamer les primes concernant la fille de la recourante pour la période postérieure à son accès à la majorité, sous réserve de celles relatives aux mois d’août, septembre et octobre 2016, inclues dans ses décisions des 3 novembre 2016 et 6 février 2017 entrées en force. Elle indique avoir en outre procédé au correctif des intérêts dus, d’une part, avoir réduit les frais de rappel et de contentieux du fait que certains d’entre eux avaient déjà été intégrés dans ses décisions précédentes, d’autre part. La créance de CHF 10'115.60, plus intérêts et CHF 1'500.- de frais de rappel est donc selon elle justifiée.

Concernant le grief relatif à l’obligation d’assurance en Suisse, l’intimée rappelle que la recourante s’est volontairement affiliée en signant l’offre d’assurance du 1er octobre 2015. En outre, la CPAM a rejeté, par pli du 25 juin 2015 (pièce 2 intimée), la demande de l’assurée de s’affilier au régime général français de la sécurité sociale, au motif qu’elle n’avait pas fait valoir son droit d’option dans les trois mois ayant suivi sa prise d’emploi en Suisse. L’assurée est ainsi restée affiliée obligatoirement en Suisse et redevable des primes, indépendamment du fait qu’aucune prestation d’assurance n’a jamais été sollicitée.

e. Par courrier du 12 avril 2022, la recourante a demandé la remise de l’obligation de payer la somme réclamée ou un arrangement de paiement, vu sa situation financière précaire et le fait qu’elle n’a jamais sollicité de prestations de la part de l’intimée.

f. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties qui s’est tenue le 5 mai 2022, la recourante a indiqué que le Tribunal judiciaire d’Annecy s’était déclaré incompétent.

Pour le surplus elle a déclaré ne pas avoir de motifs de contestation à faire valoir, sous réserve des primes réclamées pour sa fille, s’agissant desquelles elle a sollicité des éclaircissements. L’intimée lui a confirmé avoir renoncé aux primes de C______ après sa majorité.

 

EN DROIT

 

1.             Au vu des éléments d'extranéité du litige, il convient en préambule de rappeler que les relations entre la Suisse et l'Union européenne sont régies par l'accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP 0.142.112.681) et le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n°988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1).

L'art. 2 du règlement n°883/2004 circonscrit son champ d'application personnel aux ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants. Selon l'art. 11 par. 3 let. a, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est, sous réserve des art. 12 à 16, soumise à la législation de cet État membre. Cette disposition fait du lieu de travail le critère principal de rattachement et consacre le principe de la lex loci laboris. L'État d'emploi est alors seul compétent en vertu du principe de l'unicité de la législation applicable prévu à l'art. 11 par. 1 dudit règlement, selon lequel les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre (ATF 142 V 192 consid. 3.1).

En l’espèce, la recourante, bien que domiciliée en France, a travaillé en Suisse, durant toute la période litigieuse, de sorte que le droit suisse trouve application, soit, notamment, la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), ainsi que la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10)

1.1 À cet égard, selon l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours. L’al. 2 précise que, si l’assuré est domicilié à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de son dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de son dernier employeur suisse.

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la LAMal - RS 832.10.

En l’espèce, la recourante, domiciliée en France, a travaillé en dernier lieu en Suisse, à Genève, pour une société dont le siège social se situe dans le même canton. Par ailleurs, la contestation porte sur une question relative à la LAMal. La Cour de céans est par conséquent compétente ratione loci et materiae pour juger du cas d’espèce.

2.             Bien qu’interjeté dans les formes et délais prévus par la loi (art. 56 à 61 LPGA; art. 36 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 [LaLAMal - J 3 05]; art. 89B de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours l’a été auprès d’une juridiction incompétente à raison du lieu, soit le Tribunal judiciaire d’Annecy (pôle social), en France.

Cela étant, le Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1) est applicable, conformément à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681). Or, selon son art. 81, les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d’un Etat membre, dans un délai déterminé auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction de cet Etat membre sont recevables s’ils sont introduits dans le même délai auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction correspondante d’un autre Etat membre. Dans ce cas, l’autorité, l’institution ou la juridiction ainsi saisie transmet sans délai ces demandes, déclarations ou recours à l’autorité, à l’institution ou à la juridiction compétente du premier Etat membre, soit directement, soit par l’intermédiaire des autorités compétentes des Etats membres concernés. La date à laquelle ces demandes, déclarations ou recours ont été introduits auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction du second Etat membre est considérée comme la date d’introduction auprès de l’autorité, de l’institution ou de la juridiction compétente pour en connaître.

Partant, le recours, porté à la connaissance de la Cour de céans par l’intimée, est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la créance de l’intimée à l’encontre de la recourante, tant sur son principe que sa quotité.

4.             Selon l'art. 3 al. 1 LAMal, toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile en Suisse. En vertu de l'art. 3 al. 3 let. a LAMal, le Conseil fédéral peut étendre l'obligation de s'assurer à des personnes qui n'ont pas de domicile en Suisse, en particulier celles qui exercent une activité en Suisse ou y séjournent habituellement au sens de l'art. 13 al. 2 LPGA.

Faisant usage de cette compétence, le Conseil fédéral a édicté, notamment, l'art. 1 al. 2 let. d de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), aux termes duquel sont tenues de s'assurer les personnes qui résident dans un État membre de l'Union européenne et qui sont soumises à l'assurance suisse en vertu de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et de son annexe II, mentionnés à l'art. 95a let. a LAMal.

4.1 Selon l'art. 2 al. 6 OAMal, sont exceptées de l'obligation de s'assurer, sur requête, les personnes qui résident dans un État membre de l'Union européenne, pour autant qu'elles puissent être exceptées de l'obligation de s'assurer en vertu de l'Accord sur la libre circulation des personnes et de son annexe II et qu'elles prouvent qu'elles bénéficient dans l'État de résidence et lors d'un séjour dans un autre État membre de l'Union européenne et en Suisse d'une couverture en cas de maladie.

Le frontalier n'entendant pas être soumis au régime de l'assurance-maladie obligatoire suisse présente une demande d'exemption, en temps utile, à l'autorité désignée par le canton (art. 6a al. 3 phr. 2 LAMal), soit, dans le canton de Genève, au SAM selon l’art. 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05). Cette demande doit comporter l'exercice du droit d'option et fournir la preuve de la couverture contre le risque « maladie » dans l'État de résidence et lors d'un séjour dans un autre État membre de l'Union européenne et en Suisse. Dans les relations franco-suisses, la demande doit être présentée au moyen d'un formulaire ad hoc, qui doit être obligatoirement visé par la CPAM du lieu de résidence.

4.2 En l’espèce, la recourante a travaillé à Genève, au bénéfice d’un permis de frontalier, au plus tard dès le 21 juillet 2014, date de l’émission dudit permis (pièce 1 intimée) et ce, durant toute la période litigieuse. Comme cela ressort du courrier de la CPAM de Haute-Savoie du 25 juin 2015 (pièce 2 intimée), la recourante n’a pas exercé son droit d’option en faveur d’une affiliation au régime français. Elle ne soutient d’ailleurs pas le contraire. C’est ainsi à juste titre qu’elle a été affiliée obligatoirement en Suisse, conformément à l'art. 1 al. 2 let. d OAMal et qu’elle doit payer les primes d’assurances consécutives à son affiliation.

5.             L’affiliation de la fille de la recourante découle du contrat familial signé par sa mère (cf. pièce 1). Il sied de rappeler que le paiement des primes de l'enfant incombe aux parents qui pourvoient à son entretien, conformément à l'art. 276 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.46/01 du 5 mars 2002 consid. 2). En leur qualité de représentants légaux (art. 304 CC), les parents sont tenus selon la loi d'assurer leurs enfants pour les soins en cas de maladie (art. 3 al. 1 LAMal), en concluant, à leur nom et pour leur compte, un contrat d'assurance avec l'assureur de leur choix.

Sont débiteurs à l'égard de l'assureur non seulement l'enfant mineur, en sa qualité de preneur d'assurance, mais également les parents, à titre solidaire, dès lors que les cotisations d'assurance et les participations aux coûts relèvent des besoins courants de la famille au sens de l'art. 166 CC (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.132/01 du 18 février 2002 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2007 du 25 avril 2008 consid. 3.2). La responsabilité solidaire des parents prend fin de plein droit à la majorité de l'enfant concerné. Les assureurs n'en demeurent pas moins libres de poursuivre l'enfant pour les coûts échus avant sa majorité, la solidarité parentale ne libérant pas l'enfant de sa propre responsabilité à l'égard de l'assureur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2007 précité consid. 3.2).

5.1 La fille de la recourante a atteint sa majorité le 15 juillet 2016, de sorte que, dès le mois d’août 2016, sa mère n’était plus solidairement responsable du paiement des primes, ce que l’intimée a d’ailleurs admis sans regimber dans sa décision du 15 juillet 2020. L’intimée persiste cependant à solliciter de la recourante le paiement des primes de C______ jusqu’au mois d’octobre 2016, soit trois mois supplémentaires, dans la mesure où lesdites primes ont fait l’objet de ses décisions des 3 novembre 2016 et 6 février 2017, entrées en force faute d’opposition.

La Cour de céans ne peut que suivre l’argumentaire de l’intimée à cet égard. Bien qu’au demeurant erronées, les décisions des 3 novembre 2016 et 6 février 2017, jouissent de la force de chose décidée, de sorte que seule la voie d’une reconsidération au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA permettrait de les remettre en question. L’application de cette disposition requiert la réalisation d’une double condition, soit une erreur manifeste dans la décision initiale, ainsi que le fait que sa rectification revête une importance notable. Or, les primes de la fille majeure de la recourante relatives aux mois d’août, septembre et octobre 2016 correspondent à un montant total de CHF 291.60 (cf. pièce 35 intimée) sur une période de temps restreinte, trois mois, de sorte que la seconde condition ne peut être considérée comme réalisée (Margit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, LPGA, n. 83 ad art. 53 LPGA et références jurisprudentielles citées).

L’intimée est ainsi fondée à exiger de la recourante le paiement des primes relatives à sa fille jusqu’au 31 octobre 2016. La décision doit être confirmée sur ce point.

6.             Concernant la quotité de la créance, il convient de distinguer les différents postes retenus par l’intimée, soit les arriérés de primes de juin 2015 à novembre 2018, (CHF 10’115.60), les intérêts et les frais administratifs (CHF 1'500.-).

La recourante admet ne pas avoir payé les primes dues. Lors de sa comparution personnelle, elle a précisé ne pas contester les créances. En réalité, sa contestation a pour objectif de solliciter la remise de l’obligation de payer ou un arrangement de paiement. Cela étant, en vertu de la maxime d’office, il appartient à la Cour de céans d’examiner les diverses créances que fait valoir l’intimée.

6.1 Le financement de l'assurance-maladie sociale repose sur les assurés et les pouvoirs publics. Il dépend donc étroitement de l'exécution de leurs obligations pécuniaires par les assurés. Ces derniers sont ainsi légalement tenus de s'acquitter du paiement des primes (cf. art. 61 LAMal) et des participations aux coûts (cf. art. 64 LAMal). Respectivement, les assureurs ne sont pas libres de recouvrer ou non les arriérés de primes et participation aux coûts. Au contraire, et au regard des principes de mutualité et d'égalité de traitement prévalant dans le domaine de l'assurance-maladie sociale (art. 13 al. 2 let. a LAMal), ils sont tenus de faire valoir leurs prétentions découlant des obligations financières des assurés par la voie de l'exécution forcée selon la LP (art. 105b OAMal). Par ailleurs, aucune disposition légale n'oblige une assurance à proposer un arrangement de paiement (arrêt K 18/03, K 19/03, K 20/03 du 16 mai 2013 consid. 3.2).

Ainsi, quand bien même la recourante se trouve dans une situation précaire et n’a par ailleurs jamais sollicité de prestations de la part de l’intimée, celle-ci est non seulement fondée à recouvrer le montant des primes échues, mais elle a même l’obligation de le faire. Le montant de l’arriéré de primes au 30 novembre 2018 ne prêtant pour le surplus pas flanc à la critique (cf. pièce 35 intimée), la créance principale à hauteur de CHF 10'115.60 est bien due par la recourante et la décision est sur ce point fondée.

6.2 L'art. 26 al. 1 LPGA (1ère phrase) prévoit que les créances de cotisations échues sont soumises à la perception d'intérêts moratoires et les créances échues en restitution de cotisations indûment versées sont soumises au versement d'intérêts rémunératoires. L’art. 105a OAMal prescrit que le taux des intérêts moratoires pour les primes échues selon l’art. 26 al. 1 LPGA s’élève à 5 % par année. Il sied de rappeler que les primes doivent être payées à l'avance et en principe tous les mois (art. 90 OAMal).

En l’espèce, la décision sur opposition entreprise prévoit un intérêt de 5 % à faire valoir sur la créance principale de CHF 10'115.60. Elle stipule que l’intérêt est calculé séparément depuis l’échéance de chaque prime impayée. Ce procédé est parfaitement conforme à la loi.

6.3 Selon la jurisprudence, l’assureur peut émettre des règles autonomes quant aux frais de sommation perçus en cas de demeure de l’assuré, pour autant que ces coûts aient été causés par l’assuré et que le dédommagement soit approprié (ATF 125 V 276 consid. 2c/bb). En d’autres termes, l’assurance doit s’en tenir au principe d’équivalence, qui exige qu’un émolument ne soit pas en disproportion manifeste par rapport au paiement en souffrance et reste dans des limites raisonnables (arrêt du Tribunal fédéral 9C_874/2015 du 4 février 2016 consid. 4.1 et les références). Les frais administratifs ne doivent pas être une source de revenus supplémentaires pour l’assurance mais uniquement couvrir ses coûts (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR, Band XIV, 3ème éd. 2016, n. 1349).

Dans le cadre de l’appréciation du principe d’équivalence, le Tribunal fédéral a considéré que des frais de CHF 160.- prélevés pour des factures impayées d’un montant total de l’ordre de CHF 2'130.- environ restaient proportionnés, bien qu’il s’agissait d’un cas limite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 112/05 du 2 février 2006 consid. 4.3). Il a retenu que des frais s’élevant à CHF 300.- pour des retards de paiements à hauteur de CHF 4'346.70 restaient également dans les limites acceptables au vu des circonstances (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 76/03 du 9 août 2005 consid. 3). Il n’a pas non plus remis en cause des frais de rappel de CHF 20.- pour une facture de CHF 62.50 (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 24/06 du 3 juillet 2005). S’agissant de frais de rappel de CHF 480.- pour des factures de CHF 1'025.25, de CHF 280.- pour des frais de CHF 735.60, de CHF 280.- pour des factures de CHF 549.95, notre Haute Cour a considéré que les frais de rappel n’étaient plus dans une proportion raisonnable par rapport aux paiements de primes en retard, puisqu’ils représentaient de 40 à 50 % des primes impayées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_873/2015 du 4 février 2016 consid. 4.2.1).

Les conditions d’assurance de l’intimée relatives à l’assurance obligatoire des soins (BASIS), dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2004, prévoient en leur chiffre 5.5 que les frais résultant du retard dans l’acquittement des primes et participations aux coûts, tels que les frais de rappel et les frais d’encaissement, vont à la charge de la personne assurée.

La décision entreprise prévoit des « frais de rappel » à hauteur de CHF 1'500.-. Il n’est pas évident de déterminer précisément à quoi ces frais font référence, dans la mesure où, au terme d’un raisonnement peu clair, l’intimée semble indiquer qu’ils ne comprennent pas les frais de rappel et les frais administratifs relatifs aux décisions des 3 novembre 2016 et 6 février 2017, soit au total CHF 240.-, « puisque le devoir de l’assurée de les payer a autorité de la chose jugée » (décision du 15 juillet 2020, p. 7).

Pourtant, la créance de base objet de la présente procédure, soit CHF 10'115.60 correspond bien au total des primes impayées au 30 novembre 2018, y compris celles résultant des deux décisions précédentes, en force.

Dès lors, il appert que la totalité des frais administratifs relatifs à la totalité de la créance principale s’élève à CHF 1'740.- (CHF 1'500.- + CHF 240.-). Dans le cadre de l’examen du principe d’équivalence, c’est donc ce montant qu’il convient de mettre en balance avec celui de l’arriéré de primes. Sous cet angle, au vu de la jurisprudence, les frais administratifs apparaissent disproportionnés. D’autant plus que si l’intimée produit bien une liste conséquente de rappels et sommations (pièce 37 intimée), l’essentiel porte sur des prétentions comprenant également les primes relatives à la fille de la recourante, auxquelles l’intimée, dans sa décision du 15 juillet 2020, a renoncé.

Au vu de ces éléments, les frais administratifs totaux (y compris les frais de rappel), relatifs aux primes d’assurance de juin 2015 à novembre 2018 sont ramenés à CHF 500.-.

7.             Le recours est ainsi partiellement admis en ce sens que les frais administratifs et frais de rappels relatifs aux primes impayées durant la période de juin 2015 à novembre 2018 sont ramenés à CHF 500.-. Pour le surplus, la décision sur opposition de l’intimée du 15 juillet 2020 est confirmée.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA et art. 89H de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement en ce sens que le montant des frais de rappel est réduit à CHF 500.-.

3.        Confirme la décision du 15 juillet 2020 pour le surplus.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le