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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3147/2021

ATAS/918/2022 du 18.10.2022 ( LAMAL ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3147/2021 ATAS/918/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 octobre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée route ______, ANIÈRES, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yves MABILLARD, avocat

 

recourante

 

contre

SWICA ASSURANCE MALADIE SA, sise Römerstrasse 38, WINTERTHUR

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Depuis le 1er janvier 2011, Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1940, est affiliée, pour l’assurance obligatoire des soins selon la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), auprès de SWICA ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

b. Par courrier du 19 octobre 2020, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, a requis de l’assurance la prise en charge d’une intervention de la paroi abdominale en faveur de l’assurée.

À la demande de l’assurance, le Dr B______ lui a transmis, le 30 octobre 2020 :

-          un bref rapport établi le 2 septembre 2019 par la doctoresse C______, spécialiste FMH en gastroentérologie, à l’issue d’une oesogastroduodenoscopie pratiquée le même jour, préconisant d’adresser l’assurée à la Prof. D______, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, cheffe du service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en vue d’une « reprise de la cicatrice » et d’une libération des adhérences pariétales ;

-          un rapport de consultation rédigé le 10 janvier 2020 par la Prof. D______, dans lequel cette chirurgienne estimait ne pas avoir de traitement chirurgical à proposer pour soulager les douleurs de l’assurée, au vu de la chronicité desdites douleurs, lesquelles persistaient en dépit de multiples tentatives chirurgicales antérieures, mais également du status cicatriciel très important et du risque anesthésique. Déçue, la patiente avait réclamé son dossier médical en vue de discuter la suite de la prise en charge avec son médecin traitant ;

-          un bref courrier daté du 25 août 2020, par lequel la Dresse C______ invitait le Dr E______ à pratiquer une « correction de la paroi abdominale ». N’ayant pas d’assurance privée, l’assurée avait été envoyée à la consultation de chirurgie reconstructrice des HUG, où elle estimait avoir été mal reçue. Elle était toutefois si gênée par ses problèmes digestifs qu’elle se disait prête à payer son intervention. La Dresse C______ précisait lui avoir expliqué que tous les symptômes digestifs ne pourraient pas être réglés par une intervention, notamment le trouble de la vidange gastrique.

c. Invité à se déterminer sur la prise en charge de l’intervention, le médecin-conseil de l’assurance, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne, a répondu, le 5 novembre 2020, que les conditions légales pour une telle prise en charge ne lui paraissaient pas réalisées : selon le rapport de la Dresse C______, tous les symptômes digestifs ne pourraient pas être réglés par l’opération. En outre, l’assurée était sous anticoagulants pour une polycythémie et, même si l’assurée disait avoir été mal reçue aux HUG, l’avis de la Prof. D______ demeurait pertinent. Or, cette spécialiste avait conclu, après que la situation eut été discutée collégialement, qu’une approche chirurgicale n’était actuellement pas indiquée, en raison du risque anesthésique (ASA-3).

d. Dans un courrier adressé au Dr B______ le 5 novembre 2020, l’assurance a refusé la demande de prise en charge des frais d’une opération de la paroi abdominale, au motif qu’une telle intervention n’était pas indiquée, selon son médecin-conseil.

e. À l’issue d’un entretien téléphonique avec le Dr B______, l’assurance a invité la Dresse C______ à développer son point de vue quant à une prise en charge chirurgicale. Dans un bref rapport daté du 9 novembre 2020, la Dresse C______ a répondu que « l’assurée ne présent[ait] aucun problème au niveau du tractus digestif, raison pour laquelle [elle l’avait] adressée au Dr B______. Si le problème pariétal pouvait être réglé pour limiter les changements de pression abdominale, les symptômes digestifs hauts très invalidants pourraient être améliorés ».

f. Après avoir consulté une nouvelle fois son médecin-conseil, lequel a maintenu son point de vue (cf. prise de position du 17 novembre 2020), l’assurance a confirmé au Dr B______, par pli du 20 novembre 2020, qu’elle refusait de prendre en charge l’intervention chirurgicale envisagée.

g. Par courrier du 18 mai 2021, le Dr B______ a invité une nouvelle fois l’assurance à prendre en charge une intervention de « réparation » de la paroi abdominale, en expliquant que, depuis le refus communiqué en novembre 2020, l’assurée se plaignait de plus en plus d’une pesanteur abdominale et d’une gêne pour se nourrir ; elle présentait un ballonnement itératif du haut de l’abdomen, mais également des nausées et des vomissements occasionnels. Le problème de la patiente venait de la distension de sa paroi abdominale antérieure, du relâchement de ses muscles et du « status cicatriciel » local. La patiente était décidée à se faire opérer, même dans l’hypothèse où l’intervention n’était pas prise en charge par l’assurance. Comme le Dr B______ l’avait déjà indiqué par téléphone au médecin-conseil de l’assurance, l’intervention envisagée de réparation de la paroi abdominale était propre à améliorer fortement la symptomatologie.

h. Invité par l’assurance à se déterminer sur la nouvelle demande de prise en charge transmise par le Dr B______, le Dr F______ a répondu, le 25 mai 2021, qu’il maintenait son préavis négatif. En effet, la probabilité que l’intervention améliore la symptomatologie fonctionnelle demeurait limitée, de sorte que les critères prévus par la loi ne lui paraissaient pas remplis. De surcroît, la nouvelle demande n’apportait pas d’élément nouveau par rapport aux précédentes.

i. Également invité à se déterminer sur la nouvelle demande de prise en charge, le docteur G______, médecin-conseil et spécialiste FMH en médecine interne générale, s’est rallié (le même jour) au point de vue du Dr F______.

B. a. Dans une décision formelle adressée à l’assurée le 1er juin 2021, l’assurance a refusé de prendre en charge l’intervention de « réparation » de la paroi abdominale préconisée par le Dr B______. Elle a retenu que, selon le dossier et l’avis de son médecin-conseil, les risques anesthésiques et opératoires étaient trop élevés par rapport au résultat escompté, de sorte que les conditions légales d’une prise en charge par l’assurance-maladie n’étaient pas remplies.

b. Malgré le refus signifié par l’assurance, l’assurée a été opérée, le 11 juin 2021, par le Dr B______, assisté des docteurs H______, spécialiste en chirurgie, membre de la FMH, et I______, spécialiste FMH en anesthésiologie. Selon le compte-rendu opératoire, les chirurgiens ont pratiqué une « levée » de l’ensemble de la fibrose pariétale abdominale, une excision des cicatrices rétractiles au niveau de l’épigastre, une révision de la paroi abdominale, une réparation de la paroi au niveau épigastrique et un « redrapage » cutanéo-graisseux. La lettre de sortie rédigée par le Dr B______ fait état d’une évolution « spectaculaire » sur le plan digestif, l’assurée ayant recouvré un transit intestinal « quasiment parfait » 48 heures après l’opération. Par ailleurs, le Dr B______ précise que, dès le deuxième jour post opératoire, l’assurée ne s’est plus plainte de douleurs, de pesanteurs abdominales hautes, de ballonnements ou de nausées. L’intéressée a pu rentrer à domicile le 25 juin 2021.

c. Le 21 juin 2021, par l’intermédiaire de son assurance de protection juridique, l’assurée a formé opposition contre la décision du 1er juin 2021, concluant à son annulation et à la prise en charge de l’intervention réalisée le 11 juin 2021. Selon elle, les conditions légales dont dépendaient la prise en charge de cette opération étaient remplies : l’intervention était destinée à éliminer l’ensemble des symptômes dont elle avait souffert et devait donc être considérée comme « efficace ». Elle devait également être qualifiée d’« appropriée », puisqu’elle avait été préconisée par le Dr B______ et par l’anesthésiste avec lequel travaillait ce chirurgien. Enfin, le caractère économique de l’intervention n’était ni contesté, ni contestable, dans la mesure où ses multiples pathologies de la paroi abdominale (entraînant des troubles au niveau intra-abdominal) ne pouvaient être traitées de manière conservatrice.

d. Par décision sur opposition du 10 août 2021, l’assurance a rejeté l’opposition. Selon son médecin-conseil, il ressortait clairement du rapport du Dr C______ que l’intervention chirurgicale envisagée était impropre à régler tous les symptômes digestifs. De surcroît, l’assurée prenait des anticoagulants en raison d’une polycythémie et la Prof. D______, qui était une experte dans le domaine, était parvenue à la conclusion qu’une intervention chirurgicale n’était pas indiquée à ce stade, notamment en raison du risque anesthésique et du fait que l’assurée avait déjà subi plusieurs interventions abdominales, dont une en 2013 qui s’était soldée par une complication hémorragique majeure, sans permettre d’obtenir les résultats escomptés. Enfin, le fait que l’opération avait malgré tout été réalisée avec un résultat favorable n’en faisant pas pour autant une prestation à charge de l’assurance obligatoire des soins.

C. a. Par l’entremise d’un conseil, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours le 14 septembre 2021, concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision sur opposition du 10 août 2021 et à ce que l’assurance soit condamnée à prendre en charge le coût de l’intervention chirurgicale du 11 juin 2021 ainsi que les frais en découlant, soit la somme de CHF 46'264.30, avec intérêts à 5% dès le 12 juin 2021 (sous déduction éventuelle de la franchise et de la quote-part).

L’intervention qu’elle avait subie pour réparer sa paroi abdominale n’était pas exclue des traitements à charge de l’assurance-maladie, selon l’annexe 1 de l’ordonnance fédérale topique. Par ailleurs, sous l’angle des critères prescrits par la jurisprudence, l’intervention litigieuse était requise en raison d’un état pathologique : comme l’avait attesté le Dr B______, elle avait souffert avant l’opération de symptômes digestifs chroniques, en raison d’une fibrose pariétale abdominale étendue et d’un diastasis pathologique de la gaine des muscles abdominaux droits (NDR : écart entre les muscles droits de l'abdomen, fréquent lors de la grossesse ou post-partum). Il convenait donc d’admettre que son état pathologique (douleurs dorsales, abdominales et problèmes de transit) était en relation causale avec le diastasis qui lui avait été diagnostiqué. Par ailleurs, l’opération satisfaisait aux critères d’adéquation et d’économicité, puisque le seul traitement en cas de diastasis était chirurgical et qu’il n’existait pas d’autre intervention moins chère du même type. Le rapport bénéfices / risques de l’opération avait été évalué avant celle-ci et les médecins étaient parvenus à la conclusion que les bénéfices l’emportaient sur les risques. Enfin, l’intervention avait permis de supprimer la totalité de ses symptômes digestifs et devait donc être qualifiée d’efficace.

À l’appui de son recours, l’assurée a notamment joint un rapport établi le 6 septembre 2021 par le Dr B______, en réponse à un questionnaire que son mandataire lui avait adressé.

b. Dans sa réponse, l’intimée a conclu au rejet du recours, persistant dans l’argumentation développée dans sa décision sur opposition. S’agissant par ailleurs du rapport du Dr B______ annexé au recours, elle a fait valoir que, selon le médecin-conseil, la question n’était pas des savoir si l’opération avait été couronnée de succès, mais si une garantie de prise en charge des coûts avait été délivrée avant l’opération. Or, tel n’était pas le cas et le succès de l’opération « n’était pas une indication posée pour l’effectuer ».

L’intimée a joint à sa réponse, entre autres, une prise de position rédigée le 5 octobre 2021 par son médecin-conseil, la doctoresse I______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, dans laquelle on pouvait lire : « d’un point de vue médical, l’opération réalisée en juin a été un succès. La question ne concerne toutefois pas le succès de l’opération de ce point de vue ; il s’agit plutôt de savoir si une garantie de prise en charge des coûts avait été délivrée avant l’opération. Visiblement, cela n’était pas le cas. [ ] ».

c. La recourante a répliqué le 25 novembre 2021, persistant elle aussi dans ses conclusions. La question n’était pas de savoir si une garantie avait été donnée avant l’opération, mais si l’intimée avait refusé d’en garantir la prise en charge pour des motifs justifiés. Dans son appréciation de novembre 2020, le médecin-conseil avait refusé la prise en charge pour le motif qu’il jugeait les risques anesthésiques et opératoires trop élevés par rapport au résultat – hypothétique – de l’intervention. Or, le résultat de toute intervention chirurgicale était par définition incertain, de sorte qu’il paraissait injustifié de refuser l’opération sur la base d’un tel argument, qui permettrait de refuser n’importe quelle intervention. S’agissant des risques opératoires prétendument trop élevés, ils étaient contestés par les médecins ayant pratiqué l’intervention, lesquels n’auraient pas manqué de renoncer à l’intervention si les risques avaient véritablement été trop importants par rapport à son âge et à son état de santé. Par la suite, en mai 2021, le médecin-conseil avait justifié le refus de prise en charge par le fait que l’intervention n’était pas susceptible d’améliorer suffisamment sa symptomatologie ; ce faisant, le médecin-conseil avait sous-évalué le bénéfice potentiel de l’intervention, laquelle avait conduit à une évolution spectaculaire (disparition des douleurs, des ballonnements, des pesanteurs abdominales et des vomissements). Enfin, si la Dresse D______ avait indiqué ne pas être convaincue par l’opération envisagée, c’était dans le contexte d’une médiation initiée suite à une dénonciation de la recourante, de sorte que cette déclaration visait à justifier le retard de l’intervention et à « justifier la pratique de ses collègues ».

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAMal.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable.

4.             Est litigieux le droit de la recourante à la prise en charge, par l’intimée (au titre de l’assurance obligatoire des soins), de l’intervention de « réparation de la paroi abdominale » pratiquée par les Drs B______, H______ et I______.

5.             Selon l’art. 24 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 LAMal en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 LAMal (al. 1). Les prestations prises en charge sont rattachées à la date ou à la période de traitement (al. 2).

L’al. 1 de l’art. 34 LAMal dispose que les assureurs ne peuvent pas prendre en charge, au titre de l’assurance obligatoire des soins, d’autres coûts que ceux des prestations prévues aux art. 25 à 33 LAMal.

L’art. 25 LAMal prévoit que l’assurance obligatoire de soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent, entre autres, les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social, ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat d’un médecin ou d’un chiropraticien (al. 2 let. a ch. 1 à 3), de même que les analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le Conseil fédéral, par un chiropraticien (al. 2 let. b).

Conformément à l’art. 32 LAMal, les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 LAMal doivent être efficaces, appropriées et économiques. L’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques (al. 1). L’efficacité, l’adéquation et le caractère économique des prestations sont réexaminés périodiquement (al. 2).

Une prestation est efficace au sens de l'art. 32 al. 1 LAMal, lorsqu'elle est démontrée selon des méthodes scientifiques et que l’on peut objectivement en attendre le résultat thérapeutique visé par le traitement de la maladie (ATF 139 V 135 consid. 4.4.1 et les références citées), à savoir la suppression la plus complète possible de l'atteinte à la santé somatique ou psychique (ATF 130 V 532 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_912/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATF 128 V 165 consid. 5c/aa; RAMA 2000 n° KV 132 p. 281 consid. 2b).

La question du caractère approprié d’une prestation s'apprécie en fonction du bénéfice diagnostique ou thérapeutique dans le cas particulier, en tenant compte des risques qui y sont liés au regard du but thérapeutique (ATF 127 V 146 consid. 5). L'adéquation d'une mesure s'examine sur la base de critères médicaux. L'examen consiste à évaluer, en se fondant sur une analyse prospective de la situation, la somme des effets positifs de la mesure envisagée et de la comparer avec les effets positifs de mesures alternatives ou par rapport à la solution consistant à renoncer à toute mesure ; est appropriée la mesure qui présente, compte tenu des risques existants, le meilleur bilan diagnostique ou thérapeutique. La réponse à cette question se confond normalement avec celle de l'indication médicale ; lorsque l'indication médicale est clairement établie, il convient d'admettre que l'exigence du caractère approprié de la mesure est réalisée (ATF 139 V 135 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_685/2012 du 6 mars 2013 consid. 4.4.2 et les références citées ; ATF 125 V 99 consid. 4a ; RAMA 2000 n° KV 132 p. 282 consid. 2c).

En revanche, on ne saurait de manière générale déduire de la disparition des douleurs postérieurement à l'opération que celle-ci était appropriée. En effet, tant l'efficacité d'une prestation que son caractère adéquat en tant que critères de la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins doivent être appréciés de manière pronostique (ATF 130 V 303 consid. 5.2 et l'arrêt cité). Ces critères doivent également s'appliquer lorsqu'il s'agit de déterminer, sous l'angle de l'efficacité, laquelle de deux mesures médicales entrant alternativement en ligne de compte doit être choisie au regard de la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins (ATF 130 V 304 consid. 6.1).

Quant à l'exigence du caractère économique d’une prestation, elle ressort également de l'art. 56 al. 1 LAMal, selon lequel le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement. Comme le Tribunal fédéral des assurances l'a déjà relevé à propos de l'art. 23 de l'ancienne loi sur l'assurance-maladie (LAMA, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995), dont le contenu était analogue, les caisses sont en droit de refuser la prise en charge de mesures thérapeutiques inutiles ou de mesures qui auraient pu être remplacées par d'autres, moins onéreuses; elles y sont d'ailleurs obligées, dès lors qu'elles sont tenues de veiller au respect du principe de l'économie du traitement (François-Xavier DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement dans l'assurance-maladie sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in: Mélanges pour le 75ème anniversaire du TFA, Berne 1992, p. 537). Ce principe ne concerne pas uniquement les relations entre caisses et fournisseurs de soins. Il est également opposable à l'assuré, qui n'a aucun droit au remboursement d'un traitement non économique (ATF 125 V 98 consid. 2b et la jurisprudence citée).

6.             Selon l'art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ou le sont à certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMal.

D'après l'art. 33 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral détermine également dans quelle mesure l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d'une prestation nouvelle ou controversée, dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont en cours d'évaluation.

Le Département fédéral de l'intérieur (DFI), auquel le Conseil fédéral a délégué à son tour les compétences susmentionnées (art. 33 al. 5 LAMal en relation avec l'art. 33 let. a et c de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 [OAMal - RS 832.102]), a promulgué l'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS - RS 832.112.31).

Conformément à l'art. 1 OPAS, l'annexe 1 de cette ordonnance énumère les prestations visées par l'art. 33 let. a et c OAMal - dispositions reprenant textuellement les règles posées aux al. 1 et 3 de l'art. 33 LAMal - dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique ont été examinés par la Commission fédérale des prestations générales et des principes de l'assurance-maladie (CFPP) et dont l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts, avec ou sans condition, ou ne les prend pas en charge. Cette annexe ne contient pas une énumération exhaustive des prestations (remarques préliminaires à l'annexe 1 de l'OPAS ; ATF 142 V 249 consid. 4.2 p. 251).

D’emblée, on précisera que l’intervention chirurgicale effectuée dans le cas d’espèce (levée d’une fibrose pariétale abdominale, excision de cicatrices rétractiles au niveau de l’épigastre, « redrapage » cutanéo-graisseux et révision de la paroi abdominale, selon le rapport opératoire du Dr B______) n’est pas mentionnée à l'annexe 1 de l'OPAS.

En présence de prestations fournies par un médecin (ou par un chiropraticien), qui n'ont pas été soumises à l'avis de la commission (art. 33 al. 3 LAMal et 33 let. c OAMal), il convient donc d'appliquer la présomption légale que le traitement répond aux exigences de la loi quant à son efficacité, son caractère approprié et économique. En effet, nombre de traitements remplissent ces conditions sans pour autant figurer dans l'annexe 1 à l'OPAS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 9/05 du 12 mai 2005 consid. 4.1).

7.             Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.             Dans sa décision du 1er juin 2021, confirmée sur opposition le 10 août 2021, l’intimée, se ralliant à l’appréciation de son médecin-conseil, a refusé de prendre en charge l’intervention de « réparation » de la paroi abdominale préconisée par le Dr B______, pour le motif qu’elle impliquait des risques anesthésiques et opératoires trop élevés par rapport au résultat escompté, de sorte que les conditions légales d’une prise en charge par l’assurance-maladie n’étaient pas remplies. Dans sa décision sur opposition, l’intimée s’est référée, outre l’appréciation de son médecin-conseil, à l’avis de la Prof. D______ (dont il ressortait que l’assurée, souffrant d’une polycythémie, était traitée par anticoagulants et avait déjà subi une complication opératoire importante en 2013) et au rapport de la Dresse C______ (à teneur duquel « tous les symptômes digestifs ne [pourraient] être réglés par l’intervention chirurgicale envisagée »).

De son côté, la recourante soutient en substance que l’opération pratiquée par le Dr B______ était requise en raison d’un état pathologique (fibrose pariétale abdominale étendue et diastasis pathologique de la gaine des muscles abdominaux droits) et qu’elle satisfait aux critères d’adéquation, d’efficacité et d’économicité prescrits par la loi et la jurisprudence. À l’appui de son recours, elle produit divers documents, dont un rapport établi le 6 septembre 2021 par son chirurgien, le Dr B______, en réponse à un questionnaire de son mandataire.

10.         À titre liminaire, il convient de préciser que l’intimée ne conteste pas que le diastasis – qualifié de « pathologique » par le Dr B______ – ayant justifié l’intervention litigieuse de « réparation de la paroi abdominale », au même titre que la fibrose pariétale étendue diagnostiquée par ce même médecin, correspondent à des troubles physiques ayant valeur de maladie.

Par ailleurs, comme cela a déjà été exposé plus haut, il convient de relever que l'intervention pratiquée par le Dr B______ n'est pas exclue comme traitement à charge des caisses-maladie selon l'annexe 1 de l'OPAS. Aussi convient-il d'examiner si cette intervention répond aux conditions légales pour être prise en charge par l'assurance-maladie obligatoire (art. 32 al. 1 LAMal).

Il ressort des écritures des parties que c’est avant tout le caractère approprié de l’intervention qui est litigieux. Comme exposé précédemment, cette question s’examine sur la base de critères médicaux. L'examen consiste à évaluer, en se fondant sur une analyse prospective de la situation, la somme des effets positifs de la mesure envisagée et de la comparer avec les effets positifs de mesures alternatives ou par rapport à la solution consistant à renoncer à toute mesure. La réponse à cette question se confond normalement avec celle de l'indication médicale (cf. supra consid. 5 et les références citées).

11.          

11.1 Pour déterminer si l’intervention satisfait aux conditions justifiant son éventuelle prise en charge par l’assurance obligatoire des soins, il convient tout d’abord de revenir sur les principaux rapports versés au dossier, lesquels mettent en évidence les éléments suivants.

11.2 Il ressort du rapport établi le 10 janvier 2020 par la Prof. D______, cheffe du service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des HUG, que la recourante, atteinte d’une maladie de Vaquez et sous traitement anticoagulant depuis 2011, présentait divers antécédents chirurgicaux : elle a notamment subi une iléocaecectomie (intervention due à une occlusion intestinale) en 1994, puis une « reprise des adhérences intra-abdominales » en 1999. En 2013, elle a subi une « mini-abdominoplastie supérieure » pour des douleurs abdominales sur ses cicatrices, intervention qui s’est soldée par un hématome postopératoire (évacué aux HUG en urgence) et un choc hémorragique.

Toujours selon le rapport de la Prof. D______, la recourante a consulté, en août 2018, le service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des HUG, parce qu’elle se plaignait de douleurs abdominales dans l’épigastre, en relation avec un « placard cicatriciel » et une adhérence cutanée. Elle a initialement été examinée par le docteur K______ et il a alors été évoqué la possibilité d’effectuer une « excision du placard cicatriciel, [avec] mise en place d’un filet et redrapage cutané », mais « tout en mesurant les risques de ce geste invasif, sans être sûrs de pouvoir soulager cette patiente [ ] ». Au début du mois de janvier 2019, et alors qu’une opération était « quasiment programmée » pour le mois suivant, la recourante a été vue une nouvelle fois par le docteur L______, lequel a proposé une consultation commune avec la Prof. D______, dans la mesure où il n’était pas convaincu de l’indication chirurgicale. À l’occasion de cette consultation, la Prof. D______ a proposé à la patiente de tenter de soulager ses douleurs abdominales au moyen de traitements conservateurs (tels que la physiothérapie ou la fasciathérapie), soulignant que lesdites douleurs avaient déjà motivé une opération en 2013, laquelle s’était soldée par une complication hémorragique majeure, sans produire d’effet bénéfique.

En octobre 2019, la recourante a consulté une nouvelle fois les HUG, suite à un nouveau bilan par sa gastro-entérologue, la Dresse C______. L’assurée a alors été examinée aux HUG par les docteurs K______ et M______ ; la Dresse M______ a proposé d’éventuelles séances de « lipoffiling » en vue de décoller la surface cutanée de la cicatrice pariétale, tout en adressant la recourante pour consultation vers les anesthésistes des HUG. Après s’être entretenus avec la recourante en novembre 2019, les anesthésistes des HUG ont classé le risque anesthésique en catégorie « ASA 3 ». Les médecins des HUG n’étant pas convaincus du caractère adéquat de l’intervention envisagée (lipoffiling répété), celle-ci n’a finalement jamais été agendée, et la recourante, ne parvenant pas à obtenir une date opératoire, a pris contact avec la direction des HUG. Une médiation a alors été entreprise et dans ce contexte, la recourante s’est entretenue le 8 janvier 2020 avec la Prof. D______, ainsi que deux médiatrices. À l’issue de cette médiation, la Prof. D______ a confirmé le refus de son service d’opérer l’assurée, en invoquant le risque anesthésique (ASA-3), mais également le fait que les douleurs déplorées revêtaient un caractère chronique et persistaient en dépit de multiples tentatives chirurgicales antérieures.

11.3 De son côté, la Dresse C______, dans un courrier daté du 25 août 2020, a invité le Dr E______ à pratiquer une correction de la paroi abdominale. N’ayant pas d’assurance privée, la recourante avait été envoyée à la consultation de chirurgie reconstructrice des HUG, où elle estimait avoir été mal reçue. Elle était toutefois si gênée par ses problèmes digestifs qu’elle se disait prête à payer son intervention. La Dresse C______ précisait lui avoir expliqué que tous les symptômes digestifs ne pourraient pas être réglés par une intervention, notamment le trouble de la vidange gastrique.

11.4 Dans son rapport du 19 octobre 2020, le Dr B______ a requis de l’intimée la prise en charge d’une intervention de la paroi abdominale en faveur de la recourante. Le Dr B______ a rappelé que l’intéressée, traitée de longue date par anticoagulants pour une maladie de Vaquez, avait subi diverses opérations dès 1994, année au cours de laquelle elle avait été prise en charge aux HUG pour un « iléus sur sténose » (soit une occlusion intestinale). En 1996, puis en 2013, elle avait subi deux nouvelles interventions, en raison de brides cicatricielles et sous-cutanées de la paroi abdominale. Depuis plusieurs années, la recourante déplorait de fréquentes nausées, avec une sensation de masse lui comprimant l’estomac, ainsi que des ballonnements au niveau de l’épigastre et des douleurs. Elle était fortement gênée lors de la vidange gastrique. L’examen clinique montrait une importante ascension et rétractation de l’ombilic, un (net) diastasis de la paroi abdominale, ainsi que la présence de multiples cicatrices au niveau médian et épigastrique de l’abdomen. Par ailleurs, un scanner de l’abdomen, effectué à la demande du Dr B______ le 23 septembre 2020, avait mis en évidence un diastasis « fortement pathologique » (s’étendant sur plus de 14 cm de haut et 6.5 cm de large), une atrophie significative des muscles grands droits, une atrophie sous-cutanée des tissus au niveau de l’épigastre et une fibrose cicatricielle. Le Dr B______ était d’avis que les multiples pathologies de la paroi abdominale présentées par la recourante ne pouvaient être traitées de manière conservatrice. L’intervention dont la prise en charge était demandée serait effectuée de concert avec un chirurgien viscéral et consisterait à enlever les tissus fibrotiques, à mettre en place un filet au niveau de la paroi abdominale (afin de corriger le diastasis) et à stabiliser les pressions intra-abdominales. De l’avis du Dr B______, cette intervention devait conduire à supprimer l’ensemble des symptômes présentés par la recourante. Enfin, en prévision de l’intervention, il conviendrait de substituer le traitement de Sintrom par un anticoagulant sous-cutané, qui devrait être maintenu pendant plusieurs jours.

11.5 Invité à se déterminer sur la prise en charge de l’intervention, le médecin-conseil de l’assurance, le Dr F______, a répondu, le 5 novembre 2020, que les conditions légales pour une telle prise en charge ne lui paraissaient pas réalisées : selon le rapport de la Dresse C______, tous les symptômes digestifs ne pourraient pas être réglés par l’opération. En outre, l’assurée était sous anticoagulants pour une polycythémie et, même si l’assurée disait avoir été mal reçue aux HUG, l’avis de la Prof. D______ demeurait pertinent. Cette spécialiste avait conclu, après que la situation eut été discutée collégialement, qu’une approche chirurgicale n’était actuellement pas indiquée, en raison du risque anesthésique (ASA-3) ; il ressortait en effet du rapport de la Prof. D______ que l’assurée avait déjà subi plusieurs interventions abdominales, dont une abdominoplastie en 2013, laquelle n’avait pas eu les résultats escomptés sur la douleur et s’était soldée par une complication hémorragique majeure.

11.6 En réponse à une question de l’intimée, qui lui demandait de détailler son point de vue quant à une prise en charge chirurgicale, la Dresse C______ a indiqué, dans un bref rapport daté du 9 novembre 2020 que « l’assurée ne présent[ait] aucun problème au niveau du tractus digestif, raison pour laquelle [elle l’avait] adressée au Dr B______. Si le problème pariétal pouvait être réglé pour limiter les changements de pression abdominale, les symptômes digestifs hauts très invalidants pourraient être améliorés ».

11.7 Par courrier du 18 mai 2021, le Dr B______ a invité une nouvelle fois l’assurance à prendre en charge une intervention de « réparation » de la paroi abdominale, en expliquant que, depuis le refus communiqué en novembre 2020, l’assurée se plaignait de plus en plus d’une pesanteur abdominale et d’une gêne pour se nourrir ; elle présentait un ballonnement itératif du haut de l’abdomen, mais également des nausées et des vomissements occasionnels. Le problème de la patiente venait de la distension de sa paroi abdominale antérieure, du relâchement de ses muscles et du « status cicatriciel » local. La patiente était décidée à se faire opérer, même dans l’hypothèse où l’intervention n’était pas prise en charge par l’assurance. Comme le Dr B______ l’avait déjà indiqué par téléphone au médecin-conseil, l’intervention envisagée de réparation de la paroi abdominale (avec mise en place d’un filet visant à renforcer les muscles droits abdominaux) était propre à améliorer fortement la symptomatologie. Pour le reste, un nouveau scanner de la paroi abdominale (réalisé à sa demande le 5 mai 2021) témoignait d’un status radiologique similaire à ce qui ressortait d’un examen antérieur effectué en septembre 2020, sous réserve d’une légère péjoration de l’atrophie (déjà significative) de la musculature de la paroi abdominale.

11.8 Invité par l’assurance à se déterminer sur la nouvelle demande de prise en charge transmise par le Dr B______, le Dr F______ a répondu, le 25 mai 2021, qu’il maintenait son préavis négatif. En effet, la probabilité que l’intervention améliore la symptomatologie fonctionnelle demeurait limitée, de sorte que les critères prévus par la loi ne lui paraissaient pas remplis. De surcroît, la nouvelle demande n’apportait pas d’élément nouveau par rapport aux précédentes.

Également invité à se déterminer sur la nouvelle demande de prise en charge, le docteur G______, autre médecin-conseil de l’intimée, s’est rallié (le même jour) au point de vue du Dr F______.

11.9 Dans son rapport du 6 septembre 2021, consécutif à l’intervention chirurgicale effectuée le 11 juin 2021 et produit dans le cadre de la procédure de recours, le Dr B______ a exposé que les diagnostics ayant justifié l’opération de juin 2021 étaient une (large) cicatrice rétractile fibreuse pariétale de l’épigastre, une fibrose pariétale abdominale antérieure (étendue), et un diastasis pathologique de la gaine des muscles droits abdominaux. L’assurée lui avait été adressée par la gastro-entérologue traitante en raison de symptômes digestifs chroniques liés à ces diagnostics (troubles du transit intestinal, ballonnements, nausées et vomissements). Ces diagnostics et symptômes découlaient de multiples interventions chirurgicales abdominales et gynécologiques, dont l’assurée avait bénéficié depuis 1994. À la question de savoir si l’intervention avait permis de supprimer l’atteinte de la manière la plus complète possible, le Dr B______ a répondu que, dans les suites immédiates de l’opération, l’assurée ne s’était plus plainte de vomissements, n’avait plus du tout présenté de nausées et avait retrouvé une vie beaucoup plus normale, grâce à la stabilisation de la pression abdominale; ses ballonnements itératifs avaient également complètement disparu, tout comme la rétractation des tissus due aux cicatrices fibreuses, et elle avait recouvré un transit intestinal pratiquement régulier. À la question de savoir si le risque de l’opération paraissait justifié au regard du bénéfice escompté, le Dr B______ a répondu que l’état de santé préopératoire était certes préoccupant du point de vue vasculaire, puisque la patiente était connue pour une maladie de Vaquez et traitée avec une haute dose d’anticoagulants ; les risques anesthésiques existaient et la patiente avait décidé de les accepter, tout comme l’anesthésiste et les chirurgiens. Les risques et bénéfices liés à l’intervention avaient été évalués avant celle-ci et désormais, l’on pouvait affirmer que ces risques s’étaient révélés « bénéfiques sur tous les points ». Enfin, le Dr B______ a indiqué que l’intervention avait été la moins chère possible – puisque si l’intimée avait accepté de la prendre en charge, elle l’aurait fait selon les modalités de « suisse DRG » – et qu’il n’existait pas d’alternative non chirurgicale permettant d’enlever la fibrose de la paroi abdominale, les cicatrices cutanées et les pathologies de la paroi abdominale. Si l’intervention n’avait pas eu lieu, l’assurée n’aurait pas été en danger de mort, mais sa qualité de vie aurait encore été impactée davantage, puisque ses multiples troubles gastro-entérologiques et ses douleurs se seraient très probablement péjorés à l’avenir.

11.10 Dans une brève prise de position rédigée le 5 octobre 2021, la Dresse I______, autre médecin-conseil de l’intimée, a fait valoir que, même si l’opération réalisée en juin 2021 avait été couronnée de succès, la question ne concernait pas tant le succès de l’opération que le point de savoir si une garantie de prise en charge des coûts avait été préalablement délivrée. Or, tel n’avait pas été le cas. À son sens, il y avait lieu de clarifier, du point de vue juridique, si l’assurance obligatoire des soins était tenue de prendre en charge l’opération réalisée. Toutefois, dès lors que selon le dossier, l’indication médicale pour l’intervention était contestée et qu’elle n’avait pas été confirmée par les médecins-conseils malgré des évaluations répétées, il y avait lieu de s’en tenir aux prises de position émises jusqu’alors par les médecins-conseils.

12.          

12.1 Certes, comme l’a relevé le médecin-conseil de l’intimée dans son rapport du 5 novembre 2020, la recourante s’est initialement adressée au service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des HUG, dont la Prof. D______ avait alors estimé qu’il n’y avait « pas actuellement de proposition chirurgicale pour soulager [les] douleurs », en raison d’un risque anesthésique (l’assurée souffrant d’une maladie de Vaquez traitée par anticoagulants) et de la persistance desdites douleurs malgré les opérations pratiquées jusqu’alors, dont l’une s’était soldée par une complication apparemment importante en 2013 (cf. rapport de la Prof. D______ du 10 janvier 2020).

12.2 Toutefois, contrairement à ce qu’ont retenu l’intimée et son médecin-conseil, la chambre de céans considère que l’avis de la Prof. D______ ne suffit pas à établir qu’une intervention de la paroi abdominale – telle que celle réalisée finalement par les Drs E______, H______ et I______ – aurait été médicalement contre-indiquée et donc qu’elle n’eût pas satisfaisait aux conditions d’adéquation, d’efficacité et d’économicité prescrites par la loi, dont la réalisation est présumée lorsque l’on se trouve en présence de prestations fournies par un médecin qui ne figurent pas dans l’annexe 1 à l’OPAS, comme en l’occurrence (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 9/05 du 12 mai 2005 consid. 4.1). C’est le lieu de rappeler que la présomption selon laquelle le traitement fourni par un médecin est a priori à charge de l’assurance obligatoire des soins ne peut être renversée, dans un cas particulier, que lorsqu’il est établi que ce traitement n’est pas efficace, approprié et économique au sens de l’art. 32 LAMal (Guy LONGCHAMP, Conditions et étendue du droit aux prestations de l’assurance-maladie sociale, thèse, 2004, n. 3.2.2.2, p. 367). Tel n’est pas le cas en l’espèce.

En effet, il convient tout d’abord de relever que, même si dans son rapport du 10 janvier 2020, la Prof. D______ avait indiqué ne pas avoir « actuellement » d’intervention chirurgicale à proposer, il ressort également dudit rapport – ce dont l’intimée n’a pas tenu compte – qu’une intervention similaire (« excision du placard cicatriciel [avec] mise en place d’un filet [ ] ») à celle finalement réalisée par l’équipe du Dr E______ avait été non seulement proposée par les médecins des HUG, mais avait été « quasiment programmée » pour le mois de février 2019 (selon les termes employés par la Prof. D______), avant que les Drs D______ et L______ n’opèrent un revirement. Or, il découle du fait que la chirurgie initialement proposée par les HUG dès le mois d’août 2018 ait finalement été abandonnée à l’issue de discussions ultérieures (qui se sont de surcroît étendues sur une longue période) qu’il n’existait pas de contre-indication médicale claire à une prise en charge chirurgicale. En effet, l’on peut raisonnablement considérer qu’en présence d’une contre-indication manifeste, les médecins des HUG auraient exclu d’emblée tout traitement chirurgical.

12.3  

12.3.1 Ensuite, dans la décision sur opposition attaquée, l’intimée n’a pas exposé les motifs pour lesquels elle refusait de tenir compte des divers rapports établis par le Dr B______ (outre la seule affirmation, laconique, à teneur de laquelle « [ ] la déclaration du fournisseur de prestation selon laquelle l’opération a manifestement été un succès n’en fait pas une prestation de l’assurance obligatoire des soins »). Il ressort pourtant de ces documents que, devant le refus de la Prof. D______ de l'opérer, la recourante a été adressée chez ce chirurgien par sa gastro-entérologue, la Dresse C______, afin que celui-ci procède à une « correction de la paroi abdominale ». Les différents rapports établis par le Dr B______, notamment ceux des 19 octobre 2020 et 18 mai 2021, démontrent que ledit chirurgien s’est livré à un examen clinique complet de la recourante, ainsi qu’une analyse exhaustive de ses antécédents chirurgicaux et des examens pratiqués avant lui, notamment aux HUG (c’est d’ailleurs lui qui a transmis à l’intimée, en date du 30 octobre 2020, le rapport de la Prof. D______). En outre, il a complété ses investigations en invitant un radiologue à réaliser un scanner abdominal.

Le premier scanner (effectué le 23 septembre 2020) a mis en évidence un diastasis « fortement pathologique » s’étendant sur plus de 14 cm de haut et 6.5 cm de large, une atrophie « significative » de la paroi abdominale au niveau des muscles grands droits, ainsi qu’une atrophie sous-cutanée des tissus de l’épigastre et une fibrose cicatricielle.

De l’anamnèse et de l’examen clinique réalisé par le Dr B______, il ressort qu’avant l’intervention litigieuse, la recourante présentait d’importantes douleurs et des nausées, déclenchées lors de la palpation de l’abdomen. Une importante ascension de l’ombilic ainsi que de multiples cicatrices ont par ailleurs été observées. Outre ses fréquentes nausées, la recourante se plaignait de ballonnements, de douleurs de l’épigastre et d’une gêne importante lors de la vidange gastrique (cf. rapport du 19 octobre 2020). En mai 2021, le Dr B______ a encore fait état d’une aggravation de la symptomatologie précitée, précisant que depuis novembre 2020, l’assurée souffrait de plus en plus d’une pesanteur abdominale, d’une gêne pour se nourrir, de ballonnements, de nausées et de vomissements occasionnels.

Le Dr B______ est parvenu à la conclusion que les diverses atteintes de la paroi abdominales dont souffrait la recourante ne pouvaient pas être traitées de manière conservatrice et qu’une intervention chirurgicale – consistant à enlever les tissus fibrotiques, à mettre en place un filet au niveau de la paroi abdominale et à stabiliser les pressions intra-abdominales – était nécessaire. Le Dr B______ a précisé que cette chirurgie était propre à supprimer l’ensemble des symptômes présentés par la recourante. En outre, il a indiqué qu’en l’absence d’intervention chirurgicale, les troubles gastro-entérologiques et les douleurs chroniques auraient très vraisemblablement continué à s’aggraver.

L’intervention a finalement été pratiquée avec succès le 11 juin 2021, sans que la recourante ne subisse de complications opératoires.

12.3.2 La chambre de céans n’a aucune raison de s’écarter de l’appréciation exprimée par le Dr E______ dans ses rapports (des 19 octobre 2020, 18 mai et 6 septembre 2021), laquelle revêt valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3) et démontre que l’intervention satisfaisait aux conditions légales relatives au caractère efficace, approprié et économique dudit traitement. En ce qui concerne plus particulièrement le risque opératoire (tel qu’évoqué par la Prof. D______ et par le médecin-conseil de l’intimée) et donc le caractère approprié de l’intervention, en lien avec la maladie de Vaquez, force est de constater qu’il avait été évalué, de façon soigneuse, préalablement à la chirurgie, par les Drs E______, H______ et I______, lesquels sont parvenus à la conclusion qu’en dépit de ce risque, l’opération était médicalement indiquée.

Il ne ressort pas des rapports versés au dossier – en particulier de ceux établis par les médecins-conseils de l’intimée et par la Prof. D______ – que l’indication médicale retenue par le Dr E______ et son équipe aurait été entachée d’une quelconque erreur, ce qui n’est du reste pas allégué par l’intimée. Au sujet des très brefs rapports – de quelques lignes – établis successivement par les médecins-conseils de l’intimée les 5 novembre 2020, 25 mai et 5 octobre 2021, on relèvera qu’ils se limitent essentiellement à renvoyer à l’avis de la Prof. D______, ce qui ne suffit pas à établir que l’intervention pratiquée par les Drs E______, H______ et I______ aurait été médicalement inappropriée (cf. supra consid. 12.2). De surcroît, à teneur du rapport du Dr B______ du 18 mai 2021, les symptômes présentés par la recourante se sont péjorés depuis le mois de novembre 2020, soit postérieurement à sa prise en charge par le service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des HUG. On peut en déduire qu’au moment où le Dr B______ et son équipe ont décidé d’opérer la recourante, la question du caractère approprié de l’intervention ne se posait plus dans les mêmes termes qu’à l’époque où la Prof. D______ avait rédigé son rapport, en janvier 2020.

Par ailleurs, le médecin-conseil de l’intimée ne peut être suivi lorsqu’il infère des rapports de la Dresse C______ que les bénéfices escomptés de l’opération présentaient un caractère largement hypothétique : de toute évidence, la Dresse C______ était d’avis qu’une intervention chirurgicale était propre à améliorer significativement les symptômes digestifs présentés par la recourante, puisque c’est elle-même qui avait décidé d’adresser l’intéressée chez le Dr B______, en invitant ce dernier à effectuer une « correction de la paroi abdominale ». Si cette gastro-entérologue avait certes indiqué que tous les symptômes digestifs ne pourraient pas être réglés par une intervention (notamment le trouble de la vidange gastrique), cela ne signifie pas pour autant qu’une amélioration de la majeure partie des symptômes ne pouvait pas être attendue. En outre, dans son rapport du 19 octobre 2020, le Dr B______ avait clairement indiqué que l’intervention à venir permettrait de supprimer l’ensemble des symptômes présentés par la recourante, sans exprimer le moindre doute quant à l’efficacité (ou au caractère approprié) de la chirurgie proposée. Enfin, contrairement à ce que fait valoir le médecin-conseil de l’intimée dans un bref avis médical produit à l’appui de la réponse, la question centrale n’est pas de savoir si une garantie de paiement a été délivrée avant l’opération, mais si le motif pour lequel l’intimée a refusé sa prise en charge (à savoir que l’intervention n’aurait prétendument pas satisfait aux conditions de l’art. 32 al. 1 LAMal, faute de caractère approprié) était fondé.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans constate que le caractère approprié et efficace de l’intervention est établi.

12.4 Pour le reste, l’intervention se révèle également conforme au principe d'économicité – ce qui n’est d’ailleurs pas discuté par l’intimée dans ses écritures –, en l’absence d'autres possibilités de traitement moins onéreuses et dont l’efficacité eût été comparable. Sur ce point, on soulignera une fois encore que, dans ses rapports des 19 octobre 2020 et 6 septembre 2021, le Dr B______ avait expressément écarté tout traitement conservateur.

12.5 En conclusion, la chambre de céans retient qu'une indication médicale était bel et bien réalisée pour l'opération pratiquée par le Dr E______ et que ce traitement satisfaisait aux critères prescrits par l’art. 32 LAMal, l’argumentation de l’intimée et les avis émis par ses médecins-conseils (essentiellement sur la base du rapport de la Prof. D______) ne permettant pas de renverser la présomption relative au caractère approprié, efficace et économique dudit traitement (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 9/05 précité consid. 4.1 ; cf. également ATAS/754/2006 du 4 septembre 2006 consid. 10 et ATAS/936/2008 du 27 août 2008 consid. 8).

Partant, la recourante a droit à la prise en charge par l’intimée des coûts afférents à l’intervention litigieuse.

13.         Dans son mémoire, la recourante indique que les factures que l'intimée a refusé de prendre en charge correspondent à un montant total de CHF 46'264.30.-.

Toutefois, la chambre de céans n'est pas en mesure de vérifier si ce décompte est exact et quel montant l'intimée devra en définitive prendre en charge, dès lors qu’il faudra tenir compte, notamment, d'un éventuel solde de franchise pour l’année 2021 ainsi que de la participation aux coûts au sens de l'art. 64 LAMal.

À cela s’ajoute qu’aussi bien dans sa décision sur opposition que dans sa réponse, l'intimée ne s'est prononcée que sur le principe du remboursement de l’intervention effectuée en juin 2021, sans se déterminer sur le montant potentiellement dû à ce titre (partant à tort du postulat que les conditions prescrites par l’art. 32 al.1 LAMal n’étaient pas remplies).

Or, c’est le lieu de rappeler que, dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF  134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

En l’occurrence, la chambre de céans n’a pas à déterminer le montant exact dû par l’intimée en relation avec l’intervention du 11 juin 2021, question qui excède l’objet du litige et qui, de surcroît, n’a fait l’objet d’aucune détermination de l’intimée et ne paraît pas en l’état d’être jugée. En pareilles circonstances, les conditions d’une éventuelle extension de l’objet du litige ne sont pas réalisées non plus (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1 et les références). La recourante en est manifestement consciente, puisqu’elle conclut, à titre subsidiaire, à ce que le dossier soit renvoyé à l'intimée afin que celle-ci détermine le montant qui doit lui être remboursé « en application des dispositions de la LAMal ».

C’est dès lors à l'intimée qu’il appartiendra de déterminer la somme due à la recourante en remboursement des coûts afférents à l’intervention, après déduction d’éventuels montants à charge de l’assurée au titre de la franchise ainsi que de la participation aux coûts au sens de l'art. 64 LAMal. Le dossier sera donc renvoyé à l'intimée pour qu’elle statue sur le montant dû à la recourante, dans le sens qui précède.

14.          

14.1 Enfin, la recourante conclut à ce que le montant correspondant aux frais afférents à l’intervention du 11 juin 2021 porte intérêts à 5% dès le lendemain de celle-ci, soit dès le 12 juin 2021.

14.2 Selon l’art. 26 al. 2 LPGA des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d’assurances sociales à l’échéance d’un délai de vingt-quatre mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l’assuré a fait valoir ce droit, pour autant qu’il se soit entièrement conformé à l’obligation de collaborer qui lui incombe. Le taux de l’intérêt moratoire est de 5% par an (art. 7 al. 1 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 – OPGA ; RS 830.11).

L'intérêt moratoire est calculé par mois sur les prestations dont le droit est échu jusqu'à la fin du mois précédent. Il est dû dès le premier jour du mois durant lequel le droit à l'intérêt moratoire a pris naissance et jusqu'à la fin du mois durant lequel l'ordre de paiement est donné (art. 7 al. 2 OPGA).

Le point de départ du délai de vingt-quatre mois correspond au moment de la naissance du droit. Pour chaque prestation, il faut consulter la loi spéciale applicable pour déterminer à quel moment naît le droit à cette prestation (Sylvie PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurance sociales, 2018, n. 36 ad art. 26 LPGA). En matière d'assurance-maladie, c'est la date du traitement qui est déterminante pour fixer l'obligation éventuelle de prester de l'assureur (ATF 126 V 319 consid. 4a).

Le délai de vingt-quatre mois à compter de la naissance du droit équivaut à une prescription minimale. Ainsi, lorsque des prestations sont versées plus de douze mois après que l’assuré a fait valoir son droit, des intérêts moratoires ne sont pas dus si en même temps, un délai d’au moins vingt-quatre mois ne s’est pas écoulé depuis la naissance du droit (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd. 2015, n. 49 ad art. 26 LPGA).

14.3 En l’occurrence, le droit à la prise en charge des frais médicaux relatifs à l’intervention est né le 11 juin 2021 et la recourante a fait valoir pour la première fois son droit aux prestations avant l'échéance du délai légal de vingt-quatre mois, lequel équivaut à une prescription minimale, comme cela vient d’être exposé. La recourante ne pourrait ainsi prétendre à un intérêt moratoire de 5% l’an qu’à partir du 1er juin 2023, premier jour du mois au cours duquel le délai de vingt-quatre mois à compter de la naissance du droit aura expiré. Dans la mesure toutefois où ce délai de vingt-quatre mois n’est pas encore échu à ce stade, la recourante ne peut valablement prétendre, comme elle le requiert, à des intérêts moratoires dès le 12 juin 2021.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition du 10 août 2021, annulée. Il sera dit que la recourante a droit à la prise en charge par l'intimée des coûts inhérents à l’intervention chirurgicale effectuée en juin 2021 par les Drs E______, H______ et I______. Le dossier sera renvoyé à l’intimée pour qu’elle statue sur le montant dû à ce titre à la recourante, dans le sens des considérants.

16.         La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l'intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

17.         La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 10 août 2021.

3.        Dit que la recourante a droit à la prise en charge par l’intimée des coûts inhérents à l’intervention chirurgicale effectuée en juin 2021 par les Drs E______, H______ et I______.

4.        Renvoie le dossier à l’intimée pour calcul et paiement des prestations dues à la recourante, sous déduction de toutes imputations légitimes (notamment une éventuelle franchise et participation aux coûts), et éventuelle nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le