Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2822/2021

ATAS/831/2022 du 20.09.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2822/2021 ATAS/831/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 septembre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o HÔTEL B______, ______, COINTRIN, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Michael RUDERMANN

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1984, a déposé, le 8 décembre 2015, par l’entremise de son curateur, une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé), mentionnant que sa dernière activité lucrative exercée avait été celle
de magasinier à plein temps jusqu’en septembre 2011. En incapacité de travail complète depuis lors, il présentait un trouble dépressif récurrent avec épisodes modérés à sévères, des traits de personnalité dyssociale, ainsi qu’une addiction à l’alcool et au cannabis. Il était suivi pour cette dépendance par la Consultation ambulatoire d’addictologie psychiatrique de Grand-Pré (ci-après : CAAP).

b. Dans un rapport du 16 mars 2016, la docteure C______, psychiatre traitante, a posé le diagnostic de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance (F10.22). Son patient bénéficiait d’un suivi psychothérapeutique et d’un traitement antidépresseur. Le suivi auprès du CAAP avait pour objectif de contrôler la consommation d’alcool. Interrogé sur les restrictions physiques, mentales ou psychiques dans l’activité exercée à ce jour, la Dre C______ a répondu qu’elles se manifestaient par une consommation d’alcool pendant les heures de travail, une irritabilité à laquelle s’ajoutaient des difficultés dans la gestion des émotions (colère, frustration), ainsi qu’une opposition au cadre de travail, sans signe de violence physique. La capacité de travail était de 50%.

c. Le 21 décembre 2016, le docteur D______, médecin auprès du service d’addictologie du CAAP, a fait état d’un état stationnaire depuis août 2016, sans changement dans les diagnostics. Il n’y avait aucun traitement en cours et une reprise du travail à 100% était désormais possible.

d. Dans un rapport non daté, reçu le 18 avril 2017 par l’OAI (ci-après : le rapport du 18 avril 2017), le docteur E______, psychiatre-psychothérapeute FMH, a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (F10.24) et de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, utilisation épisodique (dipsomanie) (F10.26). Ces diagnostics étaient déjà présents au début du suivi, soit à partir du 12 mai 2015. En raison des différentes pathologies dont il souffrait, l’assuré présentait une grande difficulté à gérer ses émotions notamment dans les relations interpersonnelles. Dans le cadre de ces dernières et dans des moments de grande anxiété, le patient pouvait se montrer violent physiquement. Cette grande fragilité avait un impact tant sur la vie sociale que professionnelle de ce dernier (incapacité à garder un poste de travail ou une formation). Ses consommations occasionnelles d’alcool et de cannabis avaient un objectif anxiolytique, mais pouvaient s’avérer problématiques. Les différentes pathologies que le patient présentait avaient un effet sur sa motivation et sa capacité à maintenir un effort en continu. Le Dr E______ a précisé qu’il restait à investiguer un état dépressif lié aux fluctuations saisonnières, ainsi qu’un éventuel TDAH (NDR : trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité).

e. Après réception et examen d’autres rapports médicaux relatifs à l’assuré, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé, par avis du 28 novembre 2017, qu’au vu d’évaluations médicales contradictoires quant au caractère primaire ou secondaire des toxicomanies et quant à la capacité de travail de l’assuré, il était nécessaire de programmer une expertise psychiatrique.

f. Le 16 février 2018, l’OAI a invité l’assuré à se rendre au Centre médical de psychothérapie cognitive du docteur F______, afin qu’il se soumette à une expertise psychiatrique.

g. Le 9 novembre 2019, le Dr F______ a rendu ses conclusions. Parmi les trois diagnostics retenus par l’expert, comprenant une « personnalité limite inférieure (avec immaturité) », un trouble de l’usage du THC (NDR : tétrahydrocannabinol) léger, ainsi qu’un trouble de l’usage de l’alcool sévère, seul ce dernier diagnostic, qui relevait d’une dépendance primaire, avait une répercussion sur la capacité
de travail qui, sans la prise de substances, était entière, à tout le moins en théorie. Interrogé sur le point de savoir s’il existait une possibilité d’amélioration de la capacité de travail par des mesures médicales, l’expert a répondu qu’aucune mesure médicale supplémentaire ne pouvait être proposée à l’assuré ; toutes celles qui avaient été proposées avaient été « mises en échec. [L’assuré] n’avait aucune demande et motivation pour toute mesure médicale ».

h. Dans un rapport du 19 novembre 2019, la docteure G______, médecin du SMR, a estimé qu’il n’y avait aucune atteinte à la santé incapacitante au sens de l’assurance-invalidité. Ainsi, l’assuré présentait une capacité de travail entière dans l’activité habituelle de magasinier et dans toute autre activité.

i. Par projet de décision du 21 novembre 2018, confirmé par décision du 9 janvier 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré. Ces décisions n’ont pas été contestées.

B. a. Le 24 octobre 2019, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI.

b. Dans un rapport daté du 23 janvier 2020, le docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de l’assuré, a indiqué que l’histoire de l’assuré était complexe, si bien qu’elle appelait quelques remarques en lien avec l’expertise du Dr F______. Dans son rapport, ce dernier concluait à une grave pathologie de la personnalité (caractérisée par un manque de maturité) qu’il classifiait comme « état-limite inférieure » et estimait aussi que l’assuré, qui présentait une dépendance multiple depuis l’adolescence, ne s’insérerait jamais dans la vie active. Cependant, l’expert ne répondait pas clairement à la question d’une dépendance primaire ou secondaire. Ce manque de clarté était imputable à la méconnaissance de l’anamnèse : depuis l’âge de 8 ans, l’assuré disait avoir subi des actes de violence répétés de la part de son père et de sa belle-mère, vécus comme horrifiants. Ces violences avaient été perpétrées jusqu’à son départ de la maison à 17 ans. Il disait cependant avoir pu compter sur sa mère pour recevoir de l’affection jusqu’à son adolescence. Selon le Dr H______, les violences domestiques avaient un fort impact sur le développement de l’enfant. Dans le cas particulier, elles étaient à l’origine des troubles de la personnalité de l’assuré et de sa souffrance, qu’il avait compensée par de multiples produits. Il s’agissait bien d’une addiction primaire. Actuellement, il recevait un traitement de méthadone et de benzodiazépines afin d’éviter des situations de crise dont la dernière remontait à décembre 2019 (bagarre). Sa capacité de travail était nulle. Sur la base de ces éléments, le Dr H______ a invité l’OAI à reconsidérer sa position « à la lumière de l’arrêt du Tribunal fédéral de juillet 2019 ».

c. Par avis du 1er mai 2020, le docteur I______, médecin du SMR, a relevé qu’il ressortait d’autres rapports versés au dossier à la suite de la nouvelle demande de prestations que l’assuré présentait, en juillet 2019, des crises tonico-cloniques sur probable sevrage des benzodiazépines, entraînant son hospitalisation. Il n’était pas possible de se positionner sur les conséquences des crises convulsives de juillet 2019. Aussi était-il indispensable d’obtenir des informations relatives à ces atteintes.

d. Par pli du 10 août 2020, le Dr H______ a complété son rapport du
23 janvier 2020 en ajoutant que l’assuré souffrait d’un état de stress post-traumatique complexe tel que défini sous le ch. 6B41 de la nouvelle classification internationale des maladies (CIM-11). En conséquence, les troubles de l’assuré étaient très protéiformes et la nature de sa souffrance primaire et non secondaire.

e. Par avis du 24 août 2020, le Dr I______ a estimé à la lecture des documents versés au dossier que l’état psychique de l’assuré ne s’était pas aggravé. Étant donné que le Dr H______ indiquait, entre autres, que la mise sous substitution permettait d’éviter des situations de crise, le Dr I______ était d’avis qu’on pouvait parler d’une amélioration de l’état psychique de l’assuré.
Par conséquent, il convenait de s’en tenir aux précédentes conclusions du SMR et de considérer que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé du ressort de l’assurance-invalidité.

f. Le 26 août 2020, l’OAI a rendu un projet de décision rejetant la demande de prestations de l’assuré.

g. Le 8 septembre 2020, l’assuré a contesté ce projet de décision en faisant valoir que la jurisprudence pertinente avait changé.

h. Dans un rapport du 24 septembre 2020, le Dr H______ a indiqué que l’assuré présentait un état de dissociation d’origine traumatique ainsi qu’une personnalité asociale.

i. Par avis du 1er octobre 2020, le Dr I______ a estimé qu’on ne pouvait pas retenir le diagnostic de personnalité asociale, dès lors qu’il était nécessaire que celui-ci remonte à l’enfance ou à l’adolescence. Or, ce diagnostic n’avait jamais été posé auparavant.

j. Par décision du 8 octobre 2020, l’OAI a maintenu son projet de décision du
26 août 2020.

k. Le 9 novembre 2020, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi de la cause
à l’OAI pour complément d’instruction. À l’appui de ses conclusions, il a fait valoir que c’était à tort que le SMR était parvenu à la conclusion que le dossier médical ne contenait aucun élément attestant d’une aggravation de l’état de santé de l’assuré. Pour étayer ses allégations, il a produit, entre autres, un rapport du 5 novembre 2020 du Dr E______.

Il en ressort que ce psychiatre avait supervisé le suivi dont l’assuré avait bénéficié
auprès de Madame J______, psychologue-psychothérapeute FSP de l’association K______, entre le début de l’année 2015 et la fin 2019. K______ était une association spécialisée dans la prise en charge des auteurs de violences domestiques et urbaines. Durant ces années de suivi, son travail s’était focalisé
sur la problématique de violence présentée par l’assuré. Faisant référence à son précédent rapport du 18 avril 2017 à l’OAI, le Dr E______ relevait que deux pistes restaient à investiguer : celle d’un trouble dépressif saisonnier et celle d’un TDAH, lequel se manifestait, dans la très grande majorité des cas, dès l’enfance et qui, s’il n’était pas détecté ou traité à cette période de la vie, augmentait le risque d’abus de substances chez les personnes qui en étaient atteintes. En conséquence, le Dr E______ estimait qu’il était très important d’investiguer dans quelle mesure l’hypothèse d’un TDAH se vérifiait. Enfin, même si la prise en charge par K______ était restée centrée sur la problématique de la violence, les éléments anamnestiques que le Dr E______ avait en sa possession, relatifs notamment à l’enfance de l’assuré, l’amenaient à penser que les diverses dépendances que l’assuré présentait, tout comme les comportements violents de celui-ci, avaient leur origine dans la répétition de vécus traumatiques depuis l’enfance.

l. Par avis du 30 novembre 2020, la docteure L______, médecin du SMR, a estimé que le rapport médical du 5 novembre 2020 du Dr E______ n’apportait pas d’élément médical objectif nouveau. En effet, l’hypothèse d’un TDAH avait déjà été évoquée dans le précédent rapport de ce médecin, du 18 avril 2017, qui avait été soumis au Dr F______. Dans son expertise, ce dernier n’avait retenu ni le diagnostic de TDAH, ni celui de dépression saisonnière. En revanche, selon le Dr F______, l’assuré présentait une dépendance à l’alcool primaire. Dans ce contexte, l’OAI avait nié la nature incapacitante de cette addiction. La jurisprudence avait cependant été modifiée entretemps. En conséquence, c’était à la lumière de la nouvelle jurisprudence qu’il convenait actuellement d’évaluer l’impact des dépendances de l’assuré, ce que
ni l’expertise du Dr F______, ni les rapports des Drs H______ et E______ ne permettaient de faire. Ainsi, afin d’évaluer les dépendances de l’assuré à la lumière des indicateurs jurisprudentiels de gravité, la réalisation d’une expertise psychiatrique était nécessaire.

m. Par réponse du 2 décembre 2020, l’OAI a conclu au renvoi du dossier pour instruction complémentaire.

n. Par arrêt ATAS/38/2021 du 26 janvier 2021, la chambre de céans a renvoyé la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

C. a. Le 11 mars 2021, l’OAI a informé le conseil de l’assuré qu’il entendait mettre en œuvre une expertise psychiatrique et la confier au docteur M______, psychiatre et psychothérapeute FMH.

b. Le 4 mai 2021, le Dr M______, assisté de Madame N______, psychologue FSP, a rendu son rapport, dans lequel il considérait, en synthèse, qu’il n’y avait pas de diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail ; le trouble anxieux et dépressif mixte depuis 2011 (F41.2), le trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif, et dépendante actuellement non décompensé (F61), ainsi que la dépendance à plusieurs substances (utilisation épisodique pour l’alcool et continue pour le cannabis), étaient sans effet sur la capacité de travail. En conclusion, la capacité de travail était entière, sans baisse de rendement, depuis 2011 dans toute activité, y compris dans celle de chef-cuisinier exercée en dernier lieu en 2011. Celle-ci était adaptée à condition que l’assuré n’ait pas accès à des boissons alcoolisées, ce qui ne serait, par exemple, pas le cas dans une cantine scolaire.

c. Par avis du 12 mai 2021, le Dr I______ a estimé que le SMR n’avait aucune raison de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise du Dr M______. En conclusion, l’état de santé était stationnaire depuis 2011, sans atteinte à la santé durablement incapacitante.

d. Par projet de décision du 18 mai 2021, l’OAI a informé l’assuré, soit pour
lui le service de protection de l’adulte (SPAd), qu’à la suite de l’arrêt de renvoi ATAS/38/2021 du 26 janvier 2021, l’instruction médicale mise en œuvre n’avait pas permis de retenir d’atteinte à la santé invalidante au sens de la loi, de sorte que le droit aux prestations d’assurance-invalidité était refusé.

e. Le 18 juin 2021, l’assuré, représenté par l’ASSUAS, a contesté ce projet, en reprochant à l’OAI de n’avoir pas investigué les points soulevés par le
Dr E______ dans son rapport du 5 novembre 2020. En effet, le Dr M______ n’avait à aucun moment considéré les diagnostics éventuels évoqués par le Dr E______ (état dépressif lié aux fluctuations saisonnières vs TDAH).

f. Par décision du 28 juin 2021, l’OAI a confirmé son projet de décision du
18 mai 2021, motif pris que les éléments invoqués dans le courrier du 18 juin 2021 étaient insuffisants pour s’écarter des conclusions du rapport d’expertise du 4 mai 2021.

D. a. Le 30 août 2021, l’assuré, assisté d’un avocat, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre de céans, concluant, préalablement, à l’audition des
Drs H______ et E______, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire
et, principalement, à ce qu’il soit constaté qu’il avait droit aux prestations de l’assurance-invalidité, en particulier à une rente, sous suite de dépens.

À l’appui de ses conclusions, le recourant a soutenu que c’était à tort que le SMR avait prétendu qu’il n’y avait aucune aggravation de son état de santé. C’était également à tort que l’expertise ordonnée à la suite du renvoi du dossier à l’intimé n’avait pas porté sur le stress post-traumatique évoqué par le Dr H______ et le TDAH mentionné par le Dr E______.

b. Par réponse du 27 septembre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours en soutenant que le rapport d’expertise du Dr M______ remplissait tous les réquisits permettant de lui reconnaître pleine valeur probante. Comme l’instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail du recourant, la mise en œuvre de mesures d’investigation complémentaires s’avérait inutile.

c. Par réplique du 20 octobre 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions et versé à la procédure un rapport du 4 octobre 2021 du Dr E______.

Se basant sur son évaluation du 9 septembre 2021, le Dr E______ retenait, en termes de diagnostics, une perturbation de l’activité et de l’attention (F90.0 selon la CIM-10, TDAH selon le DSM V) et des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’autres substances psychoactives. Il s’opposait au point de vue de l’expert M______ qui retenait que la dépendance du recourant aux toxiques était primaire – car antérieure aux décompensations dépressives et anxieuses présentes depuis 2011 –. Selon lui, un TDAH non diagnostiqué et non traité constituait un facteur de risque de développer des dépendances à des toxiques divers. Les dépendances dont souffrait le recourant étaient donc secondaires à l’affection primaire que représentait le TDAH. Quant au pronostic en termes de capacité de travail, il ne pouvait être clairement évalué qu’une fois que l’intéressé aurait été mis au bénéfice d’un traitement spécifique au TDAH et que ses consommations de toxiques auraient été limitées au maximum.

d. Par courrier du 9 novembre 2021, l’intimé a considéré, sur la base d’un avis
du 8 novembre 2021 de la docteure O______, médecin du SMR, qu’une instruction complémentaire n’était pas nécessaire et qu’il convenait de s’en tenir aux précédentes conclusions du SMR qui continuaient à être d’actualité. En effet, l’expert M______ n’avait pas retenu d’aggravation de l’état psychique du recourant mais avait relevé que ce dernier semblait implicitement se satisfaire d’une situation dans laquelle il était épargné par toutes les vicissitudes de l’existence.

e. Par pli du 26 novembre 2021, le recourant a soutenu que l’avis du SMR du 8 novembre 2021 n’apportait aucun éclairage complémentaire et ne permettait pas de remettre en question l’avis bien motivé du Dr E______ du 4 octobre 2021.

f. Le 2 décembre 2021, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, à l’intimé.

g. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée étaient une décision relative à des prestations prévues par la LAI.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du tire IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAI contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAI).

Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l’état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du rejet de la nouvelle demande de prestations du recourant, singulièrement sur la question de savoir si une aggravation de son état de santé est survenue entre le 9 janvier 2019, date de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente, et le 28 juin 2021, date de la décision litigieuse.

4.              

4.1 Lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits [art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)].

Quand l’administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel – soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques – et s’assurer que la modification du degré d’invalidité rendue vraisemblable par l’assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Si elle constate que les circonstances prévalant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ATF 133 V 108) ne se sont pas modifiées jusqu’au moment de la nouvelle décision, et que le degré d’invalidité n’a donc pas changé, elle rejette la nouvelle demande. Dans le cas contraire, elle est tenue d’examiner s’il y a désormais lieu de reconnaître un taux d’invalidité ouvrant le droit à une prestation ou augmentant celle-ci. En cas de recours, le même devoir d’examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a ; ATF 109 V 114 consid. 2a et b).

4.2 Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important
(ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 559/02 du 31 janvier 2003 consid. 3.2 et les références). La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 4.1).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

4.3 À teneur de l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

La révision procédurale est soumise aux délais prévus par l’art. 67 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA), applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, à savoir un délai relatif de nonante jours dès la découverte du motif de révision et un délai absolu de dix ans qui commence à courir avec la notification de la décision (arrêt du Tribunal fédéral du 3 août 2007, I 528/06 consid. 4.2 et les références).

Selon l’art. 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (reconsidération).

Si la révision procédurale et la reconsidération ont pour point commun de remédier à l’inexactitude initiale d’une décision (« anfängliche tatsächliche Unrichtigkeit » ; cf. KIESER/ RIEMER-KAFKA, Tafeln zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, 5ème éd. 2013, p. 140), la révision est la modification d’une décision correcte au moment où elle a été prise, compte tenu des éléments connus à ce moment, mais qui apparaît ensuite dépassée en raison d’un élément nouveau. En revanche, la reconsidération a pour objet la correction d’une décision qui était déjà erronée, dans la constatation des faits ou dans l’application du droit, au moment où elle a été prise (cf. ATAS/1163/2014 ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar), 4ème éd. 2020, n. 20 ad art. 17 LPGA).

L’administration n’est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées; elle en a simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peut l’y contraindre. Le corollaire en est que les décisions portant sur un refus d’entrer en matière sur une demande de reconsidération ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle en justice (ATF 133 V 50 consid. 4.1; ATF 119 V 475 consid. 1b/cc; ATF 117 V 8 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 8C_866/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.2). Une administration refuse d’entrer en matière sur une demande de reconsidération lorsqu’elle se borne à procéder à un examen sommaire de la requête et répète les motifs invoqués dans la décision initiale (ATF 117 V 8 consid. 2b/aa).

 

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et
art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain
de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

5.2  

5.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en lien avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2.2 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, valable jusqu’à peu, une dépendance comme l’alcoolisme, la pharmacodépendance ou la toxicomanie ne constituait pas en soi une invalidité au sens de la loi. En revanche, elle jouait un rôle dans l’assurance-invalidité lorsqu’elle avait provoqué une atteinte à la santé physique ou mentale qui nuisait à la capacité de gain de l’assuré, ou si elle résultait elle-même d’une atteinte à la santé physique ou mentale qui avait valeur de maladie (ATF 99 V 28 consid. 2; VSI 2002 p. 32 consid. 2a, 1996 p. 319 consid. 2a).

Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2019, le Tribunal fédéral a expliqué que cette jurisprudence partait du principe que l’assuré, souffrant de dépendance, avait provoqué lui-même fautivement cet état et qu’il aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de la consommation de substances et s’en détourner ou à tout le moins entreprendre une thérapie (ATF 145 V 215 consid. 4.2 et la réf.). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances (« Substanzkonsumstörungen »), diagnostiqués en bonne et due forme, ne sauraient se voir dénier d’emblée toute pertinence sous l’angle de l’assurance-invalidité mais doivent être considérés comme d’autres atteintes à la santé psychique pouvant entraîner une invalidité (ATF 145 V 215 précité, consid. 5.3.3 et 6). Dès lors qu’il n’existe pas, en matière de syndromes de dépendance – comme pour la plupart des maladies (ATF 140 V 193 consid. 3.1) – de relation directe entre le diagnostic posé et l’incapacité de travail, respectivement l’invalidité, il est nécessaire de constater médicalement les conséquences de l’atteinte à la santé sur les possibilités de gain dans chaque cas particulier (art. 7 al. 2 LPGA ; ATF 145 V 215 consid. 6.1, renvoyant à l’ATF 143 V 409 consid. 4.2.1).

Dans l’ATF 143 V 409, auquel se réfère l’ATF 145 V 215 précité, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique en cas de troubles psychiques comme suit : la jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d’examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d’une procédure structurée d’administration des preuves à l’aide d’indicateurs (ATF 141 V 281), s’applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris les troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). Et, depuis le revirement jurisprudentiel opéré le 11 juillet 2019, cette même procédure structurée d’administration des preuves s’applique également aux syndromes de dépendance et troubles liés à la consommation de substances, sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre leur caractère primaire ou secondaire (ATF 145 V 215 consid. 7 et 8.1).

Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée si, et le cas échéant dans quelle mesure, un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d’autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d’autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s’applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en lien avec
l’art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (ATF 145 V consid 5.3.1).

5.2.3 La capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n’y a plus lieu de se fonder sur les critères de l’ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique
(ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d’autre part, les potentiels de compensation (ressources).

La question des effets fonctionnels d’un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d’une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu’il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n’est pas le cas, la preuve d’une limitation de la capacité de travail invalidante n’est pas rapportée et l’absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n’est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l’appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n’est pas invalidante, mais peut l’être lorsqu’elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu’ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l’assuré d’y participer est un indice sérieux d’une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble somatoforme douloureux avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (cf. consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s’agit d’accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du
Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l’assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l’atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

5.2.4 Une nouvelle jurisprudence ou un changement de celle-ci s’applique immédiatement et vaut pour tous les cas futurs, ainsi que pour les affaires pendantes devant un tribunal au moment de l’adoption de la nouveauté ou du changement (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2). Sans préjudice de ce qui précède, un changement de jurisprudence ne constitue pas en soi un motif de nouvelle demande ou de révision ; une nouvelle demande doit reposer sur une modification des circonstances. Aussi, le point de savoir si un état de fait inchangé, ayant déjà fait l’objet d’une décision entrée en force, pourrait faire l’objet d’une appréciation différente à l’aune de la nouvelle jurisprudence n’est pas pertinent (ATF 141 V 585 consid. 5.3).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2; ATF 114 V 310 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

6.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi
qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.3.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas
le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

8.              

8.1 En l’occurrence, il convient d’examiner si l’état de santé du recourant s’est péjoré depuis le 9 janvier 2019, date de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ATF 133 V 108). Pour ce faire, il y a lieu de comparer les faits tels qu’ils se présentaient lors de cette décision à ceux qui étaient d’actualité au moment de la décision querellée du 28 juin 2021.

Faisant sien l’avis du 19 novembre 2019 du SMR, consécutif à l’expertise du
9 novembre 2019 du Dr F______ qui retenait une capacité de travail entière, sans la prise de substances, à tout le moins en théorie, l’intimé a refusé toute prestation au recourant en l’absence d’atteinte incapacitante au sens de l’assurance-invalidité.

À la suite du rejet de la nouvelle demande de prestations déposée le 24 octobre 2019 et à la suite de l’arrêt ATAS/38/2021 du 26 janvier 2021, annulant la décision de refus de prestations du 8 octobre 2020 et renvoyant le dossier pour instruction complémentaire, l’intimé a confié une nouvelle expertise psychiatrique au Dr M______, destinée à examiner le cas à la lumière de la jurisprudence du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215).

Dans son rapport d’expertise du 4 mai 2021, ce médecin a retenu en synthèse que faute de limitations fonctionnelles psychiatriques objectivables, le recourant présentait uniquement des diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, à savoir un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) depuis 2011, un trouble
de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante, actuellement non décompensé (F61), ainsi qu’une dépendance à plusieurs substances (F19.2 ; utilisation épisodique pour l’alcool et continue pour le cannabis), de sorte que sa capacité de travail était de 100%, sans baisse de rendement, depuis 2011 jusqu’à la date de l’expertise. Pour parvenir à cette dernière conclusion, le Dr M______ a effectué une analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents. En particulier, s’agissant du traitement, il a objectivé une évolution globalement stationnaire depuis 2011 « jusqu’à présent », sans traitement antidépresseur ni suivi psychiatrique ni hospitalisation récente, en précisant que les comorbidités psychiatriques – soit les trois diagnostics retenus précités – étaient des troubles qui n’entrainaient pas de limitations fonctionnelles significatives psychiatriques selon les activités possibles durant une journée type, chez une personne qui avait pu travailler sans limitations par le passé et qui ne présentait pas de limitations objectivables au quotidien en dehors des tâches administratives complexes.

Concernant l’axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles), l’anamnèse révélait que l’assuré présentait de longue date des comportements durables et stables nettement disharmonieux dans plusieurs secteurs du fonctionnement, ce qui permettait de retenir la présence d’un trouble de la personnalité mixte. Même s’il était présent depuis le début de l’âge adulte, ce trouble, qui n’était actuellement pas décompensé, n’avait pas empêché l’intéressé de travailler sans limitations par le passé et n’avait nécessité ni hospitalisation psychiatrique récente, ni traitement psychotrope, ni suivi psychiatrique dernièrement.

S’agissant du contexte social, il apparaissait, au moment de l’expertise, que le recourant gardait de bonnes capacités et ressources personnelles, car il arrivait à garder de bonnes relations avec ses parents et avec quelques amis selon l’anamnèse, ce qui permettait à l’expert de retenir un isolement social non pas total, mais partiel depuis 2011 jusqu’à la date de l’expertise.

En ce qui concernait l’aspect « cohérence », l’expert objectivait une bonne cohérence entre certaines plaintes subjectives et le constat objectif. Quant au décalage existant entre la fatigue subjective et le constat objectif ou des plaintes de la concentration subjectives, il s’inscrivait dans le contexte d’un trouble de la personnalité mixte avec des bénéfices primaires probablement plus importants que les bénéfices secondaires qui étaient aussi présents (à savoir : déconditionnement après une longue pause professionnelle, nécessité d’avoir du temps pour récupérer après les abus de toxiques, pour regarder la télévision, jouer à des jeux vidéo, etc.). Cela étant, au moment de l’expertise, le recourant gardait de bonnes capacités et ressources personnelles, car il arrivait à gérer son quotidien d’un point de vue psychiatrique en dehors des tâches administratives complexes, à faire des promenades, à avoir des contacts sociaux diminués, mais néanmoins existants, à avoir des activités variées durant la journée type, etc. En conséquence, sous l’angle d’une limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie, il n’y avait pas lieu de retenir de limitations fonctionnelles significatives d’un point de vue psychiatrique dans une journée type, cela depuis 2011 jusqu’à la date de l’expertise. Quant à la question du poids éventuel des souffrances révélées par l’anamnèse dans la perspective du traitement et de
la réadaptation, l’expert était d’avis que le recourant présentait une motivation ambivalente pour une reprise professionnelle dans un contexte de bénéfices secondaires (déconditionnement après une longue pause professionnelle, nécessité d’avoir du temps pour récupérer après les abus de toxiques, difficultés à trouver un emploi, etc.), une motivation nulle pour un suivi psychothérapeutique et pour les psychotropes.

En conclusion, le Dr M______ a estimé que les indices jurisprudentiels de gravité pour des troubles anxieux et dépressifs mixtes dans le contexte d’un trouble de la personnalité et de dépendance à plusieurs substances n’étaient pas remplis depuis 2011 jusqu’à la date de l’expertise.

La chambre de céans constate que le rapport d’expertise du Dr M______ comporte une anamnèse complète et détaillée d’un point de vue médical, familial et personnel, une description du status sur la base de deux entretiens d’expertise, du dossier médical, ainsi que des données subjectives et, enfin, que les conclusions sont cohérentes et motivées à la lumière des indicateurs jurisprudentiels pertinents. Il convient donc d’en reconnaître la valeur probante.

8.2 D’avis contraire, le recourant soutient dans un premier moyen que l’état de santé décrit dans la nouvelle demande de prestations, déposée le 24 octobre 2019 – à savoir le diagnostic F19 (correspondant à des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de drogues multiples et troubles liés à l’utilisation d’autres substances psychoactives), la persistance de problèmes psychiques et d’alcool depuis 2015, ainsi que des atteintes somatiques liées à
de multiples accidents et à une agression en février 2018 – correspondrait manifestement à une péjoration de son état de santé.

La chambre de céans constate cependant que dans les réponses apportées
au questionnaire de l’intimé du 29 octobre 2019 (cf. dossier AI, doc 80), le
Dr H______, médecin traitant du recourant, ne mentionne aucune atteinte d’ordre somatique et invoque uniquement des troubles psychiques (« troubles de la personnalité », ainsi que « personnalité immature secondaire à des violences domestiques ») à l’appui de la capacité de travail nulle qu’il retient. En second lieu, la chambre de céans relève qu’après avoir noté la présence de crises tonico-cloniques sur probable sevrage des benzodiazépines, et requis un complément d’information à ce sujet le 1er mai 2020, le SMR a obtenu
de la part du Dr H______ que le recourant souffrait d’un état de stress post-traumatique complexe, ce que l’expert n’a pas constaté. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l’intimé d’avoir instruit la question d’une éventuelle aggravation de l’état de santé du recourant depuis le 9 janvier 2019 en se focalisant sur les aspects psychiques du cas, ce que le recourant ne critique au demeurant pas.

8.3 Dans un second moyen, le recourant soutient que l’affirmation de l’expert psychiatre M______ (mais aussi F______), selon laquelle il ne présenterait aucun diagnostic invalidant reposerait sur une analyse lacunaire du dossier, « du moins une discussion déficiente », puisque ni le stress post-traumatique diagnostiqué par le Dr H______, ni le TDAH évoqué par le Dr E______ n’avaient été investigués ou discutés, « grief qui avait précisément valu le retour du dossier à l’OAI pour complément d’instruction ».

Il sied de constater, à titre liminaire, qu’il est inexact d’affirmer que ce serait
le fait, pour le Dr F______, de n’avoir pas discuté le TDAH évoqué par le
Dr E______ qui aurait motivé le SMR à requérir un complément d’instruction.
Il ressort au contraire de l’avis du 30 novembre 2020 de ce service – soit pour lui
la Dre L______ – que ce n’est pas l’hypothèse d’un TDAH, dont le Dr F______ fait d’ailleurs mention en relatant le rapport du 18 avril 2017 du Dr E______, mais l’absence d’évaluation des dépendances du recourant
à la lumière des indicateurs jurisprudentiels de gravité qui a amené le SMR à conclure que la réalisation d’une nouvelle expertise psychiatrique était nécessaire.

En second lieu, il est erroné d’alléguer que l’état de stress post-traumatique ne serait pas discuté par le Dr M______. Sous le ch. 8.3 de son rapport, cet expert relève en effet que « l’assuré ne décrit pas de flashbacks, ni d’évitements et [que] dans ce contexte, il existe une discordance entre la clinique constatée au moment de l’expertise, mais aussi dans l’ensemble des rapports des anciens psychiatres traitants et le rapport du médecin traitant qui retient un état de stress post-traumatique » (rapport d’expertise, p. 52, avant-dernier paragraphe).

En outre, la chambre de céans relève qu’en effectuant la synthèse du dossier,
le Dr M______ mentionne et résume les rapports du Dr E______ du 18 avril 2017
et du 5 novembre 2020 (rapport d’expertise, pp. 8 et 13), étant relevé que dans
ce second rapport, le Dr E______ se borne à indiquer qu’un trouble dépressif saisonnier et un TDAH avec ou sans hyperactivité demeurent deux pistes à investiguer, sans qu’il y ait de prise de position claire à ce sujet de la part du
Dr E______, ceci ne s’étant produit qu’après l’expertise du Dr M______, dans un rapport du 4 octobre 2021. Dans ces circonstances, on ne saurait faire grief à l’expert de ne pas s’être prononcé sur une simple « piste à investiguer », étant souligné que l’évaluation médicale approfondie à laquelle celui-ci s’est livré ne l’a précisément pas conduit à retenir un diagnostic de TDAH. En conséquence, son appréciation ne saurait être remise en cause au seul motif qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion divergente à ce sujet. Conformément aux principes exposés ci-dessus (consid. 6.3.4), il ne pourrait en aller différemment que si le Dr E______ faisait état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’évaluation globale et suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert, ce qui n’est pas le cas.

Pour le surplus, la chambre de céans constate à la lecture du rapport du 4 octobre 2021 du Dr E______ que le TDAH serait présent depuis l’enfance. Il ne ressort toutefois pas de ce rapport que le trouble en question (ou l’état psychique en général) aurait connu une aggravation depuis la décision du 9 janvier 2019 ou entre l’expertise du Dr M______ et la décision attaquée. Le Dr E______ le reconnaît du reste à sa façon en indiquant, au point 14 de son rapport, que « ce qui me frappe particulièrement dans l’avis du Dr I______ du 5 mai 2021 [recte : 12 mai 2021], c’est l’insistance avec laquelle il signale qu’il n’y aurait pas eu d’aggravation de l’état de santé. Je peux me douter qu’il s’agit là d’un argument valable et utilisable dans le cadre légal des assurances sociales mais dans le fond, il ne s’agit pas de savoir si l’état [du recourant] s’est aggravé mais plutôt de savoir ce dont il souffre réellement [ ] ».

8.4 Ainsi, pour peu que le TDAH retenu par le Dr E______ ait un impact sur la capacité de travail exigible du recourant, il en est dépourvu dans le cadre du présent litige qui est fixé par l’art. 17 LPGA. En effet, le recourant n’a pas fait valoir, dans le cadre de la seconde demande de prestations, que la décision du
9 janvier 2019, rendue à la suite du rapport d’expertise du Dr F______, était manifestement erronée et, partant, sujette à reconsidération. Or, en dehors de l’hypothèse, non réalisée en l’espèce, dans laquelle le juge confirme une décision de révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de rente initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt une importance notable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_342/2008 du 20 novembre 2008 consid. 5, non publié in ATF 135 I 1; ATF 127 V 469 consid. 2c), la chambre de céans n’est pas autorisée à reconsidérer la décision initiale, seul l’assureur ayant cette faculté (ATF 133 V 50 consid. 4.2.1). Enfin, le recourant n’a pas fait valoir non plus
que des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve auraient été découverts et qu’ils auraient justifié, en conséquence, une révision de la décision du 9 janvier 2019 en application de l’art. 53 al. 1 LPGA. Quoi qu’il en soit, cette dernière thématique est exorbitante du litige, ne serait-ce parce qu’il eût incombé au recourant de former tout d’abord (et en temps utile ; cf. ci-dessus : consid. 4.3) une demande de révision (au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA) de la décision du
9 janvier 2019 auprès de l’OAI (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 37 ad art. 53). Dans ces conditions, la chambre de céans se dispensera, par appréciation anticipée des preuves (ci-dessus : consid. 7.2), de donner suite aux mesures d’instruction complémentaires requises en lien avec le TDAH allégué.

8.5 Compte tenu de ces éléments, le SMR était fondé à considérer, sur la base de l’expertise du Dr M______, que l’état de santé du recourant était stationnaire depuis 2011 (et par voie de conséquence aussi depuis le 9 janvier 2019) et que faute d’atteinte à la santé durablement incapacitante, une incapacité de travail durable du recourant n’était pas donnée, que ce soit dans la dernière activité lucrative exercée ou dans toute autre activité. Dans ces circonstances, la décision attaquée ne prête pas le flanc à la critique en tant qu’elle motive le refus de toute rente d’invalidité et de mesures professionnelles par l’absence d’atteinte à la santé invalidante au sens de la loi.

9.             Partant, le recours doit être rejeté.

10.         Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu en l'espèce de renoncer à la perception d'un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative – E 5 10.03).

*****

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à la perception d’un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le