Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/172/2021

ATAS/853/2022 du 28.09.2022 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/172/2021 ATAS/853/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 septembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Gregory VON GUNTEN

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) a été gérant avec signature individuelle de B______ Sàrl (ci-après : la société), du 28 août 2015 au 15 septembre 2016. Il a requis la radiation de sa fonction de gérant au registre du commerce le 15 septembre 2016 suite à sa démission. La société a été inscrite au registre du commerce le 28 août 2015 et radiée le 19 octobre 2017. Elle avait pour but le courtage, le conseil en qualité d’intermédiaire pour la conclusion de tous contrats dans toutes branches économiques (assurance et finance) ainsi que toutes opérations de services commerciales. Monsieur C______ et Monsieur D______, tous deux domiciliés à Scionzier, en France, en étaient associés sans signature, du 28 août 2015 au 20 juillet 2016 s’agissant de premier, et au 30 septembre 2016 pour le second, lequel est ensuite devenu associé-gérant jusqu’au 31 janvier 2017, puis directeur dès le 17 février 2017 jusqu’au 21 avril 2017. Dès le 31 janvier 2017, Monsieur E______ a été associé-gérant de la société avec signature individuelle.

b. À teneur d’une première publication parue dans la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : la FOSC), du 14 septembre 2017, la société ne semblait plus avoir d’activité et ne disposait apparemment plus d’actifs réalisables. Tous les membres de l’organe supérieur de gestion ou d’administration, les associés et créanciers étaient sommés de communiquer au registre du commerce par écrit dans les trente jours leur intérêt motivé au maintien de l’inscription. Si aucune opposition ne parvenait dans ce délai, la société serait radiée d’office. Sinon, l’office du registre du commerce transmettrait l’affaire au tribunal pour décision.

La même publication a paru dans la FOSC des 15 et 18 septembre 2017.

c. La société a été radiée le 19 octobre 2017 d’office du registre du commerce, personne n’ayant fait valoir un intérêt au maintien de l’inscription.

d. Le 18 octobre 2019, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a demandé à l’intéressé la réparation de son dommage, la société dont il avait été gérant du 28 août 2015 au 15 septembre 2016 ayant été radiée d’office au registre du commerce le 19 septembre 2017, laissant la caisse à découvert de CHF 59'794.85. Il était prié de lui verser dans les 30 jours le montant de CHF 43'615.30, représentant les cotisations paritaires 2015 et 2016 (janvier-août), y compris les frais et les intérêts moratoires. Il s’agissait des sommes dues et exigibles lorsqu’il avait pris ses fonctions et échues au cours de son mandat, dont il était solidairement responsable avec M. D______.

La caisse adressait un décompte à l’intéressé relatif à l’établissement de la somme de CHF 43'615.30.

e. Le 20 novembre 2019, l’intéressé a formé opposition à la décision du 18 octobre 2019 concluant à son annulation.

f. Le 21 février 2020, la caisse a déposé plainte pénale contre l’intéressé pour infraction à l’art. 87 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

g. Le 12 mars 2020, l’intéressé, représenté par un conseil, a fait valoir auprès de la caisse qu’il n’était plus gérant de la société depuis septembre 2016 et qu’il était disposé à trouver une solution à l’amiable. Il avait notamment été question de payer tout ou partie de la part pénale. Il était regrettable qu’il soit traité de la même manière que les autres personnes, alors qu’il avait pris les choses en main pour trouver une solution.

h. Par ordonnance du 25 juin 2020, le Ministère public de Genève a retenu que l’infraction de l’art. 87 LAVS avait été réalisée par l’intéressé au vu des déterminations de celui-ci et des éléments du dossier, mais décidé de ne pas entrer en matière, du fait qu’il avait réparé l’entier du dommage, que les conditions du sursis étaient remplies et que l’intérêt public à la poursuite pénale était de peu d’importance.

i. Par décision sur opposition du 1er décembre 2020, la caisse a rejeté l’opposition du 20 novembre 2019 et maintenu sa décision du 18 octobre 2019 au motif que compte tenu du fait que le Ministère public avait retenu dans son ordonnance du 25 juin 2020 que l’intéressé avait commis une infraction à l’art. 87 LAVS, il était indéniable que sa responsabilité était engagée envers la caisse concernant le dommage de celle-ci.

B. a. Le 18 janvier 2021, l’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice concluant, préalablement, à son audition ainsi qu’à celle de MM. C______ et D______, principalement, à l’annulation de la décision sur opposition du 1er décembre 2020 et à ce qu’il soit constaté que la créance en réparation du dommage était prescrite, et subsidiairement, au renvoi de la cause à la caisse pour établir l’étendue exacte de l’obligation de réparer le dommage.

b. Par réponse du 18 mars 2021, la caisse a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 16 avril 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. La chambre de céans a convoqué les parties à une audience qui a été fixée le 12 janvier 2022.

e. M. C______ a transmis à la chambre de céans un rapport médical établi le 5 janvier 2022 indiquant que son état de santé ne lui permettait pas de comparaître.

f. Le courrier de convocation adressé à M. D______ à la rue F______, Saint-Julien-en-Genevois, est revenu en retour avec la mention que le destinataire était inconnu à cette adresse. Le recourant n’a pas pu transmettre la nouvelle adresse de M. D______ à la chambre.

g. Le recourant a été entendu lors de l’audience du 12 janvier 2022.

h. Il a produit de nouvelles pièces dont un procès-verbal d’une assemblée des associés du 23 mai 2016, dont il ressort qu’il avait donné sa démission ce jour-là.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materia pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société en cause ayant été domiciliée dans le canton de Genève du 28 août 2015 jusqu’au jour de sa radiation, le 19 octobre 2017, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

5.             Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription du CO, entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c’est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d’espèce.

6.             Lors de l’audience de comparution personnelle, le recourant a requis l’appel en cause de MM. C______ et D______. L’intimée ne s’y est pas opposée et a précisé avoir agi contre ces deux derniers en réparation du dommage et que ceux-ci n’avaient pas recouru contre ses décisions.

Il sera renoncé à l’appel en cause de M. C______, qui n’a pas pu comparaître à l’audience à laquelle il était convoqué pour des raisons de santé et qui n’a pas marqué d’intérêt pour la procédure en cours. Il sera également renoncé à appeler en cause M. D______, qui n’a pas pu être localisé.

7.             À teneur de l’art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

8.             À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

8.1  

8.1.1 Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 aLAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

Lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), en corrélation avec l'art. 149 LP, soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 284/02 du 19 février 2003 consid. 7.2).

S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit.

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

8.1.2 Selon l’art. 938a al. 1 CO, en vigueur lors de la décision du 18 octobre 2019, lorsqu’une société n’exerce plus d’activités et n’a plus d’actifs réalisables, le préposé au registre du commerce peut la radier du registre du commerce après une triple sommation publique demeurée sans résultat.

Selon l’art. 155 de l’ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007 (ORC - 221.411), lorsqu’une entité juridique n’exerce plus d’activités et n’a plus d’actifs réalisables, l’office du registre du commerce somme l’organe supérieur de direction ou d’administration de cette dernière de requérir la radiation ou de lui communiquer les motifs d’un maintien de l’inscription dans les trente jours. Il mentionne les dispositions applicables et les conséquences juridiques d’un non-respect de cette obligation.

Selon l’al. 2 de la même disposition, lorsque personne n’a fait valoir d’intérêt au maintien de l’inscription dans les 30 jours à partir de la dernière publication de la sommation, l’office du registre du commerce radie l’entité juridique du registre du commerce (art. 938a al. 1 CO).

8.2  

8.2.1 Le recourant fait valoir que le délai de prescription de deux ans devait être calculé depuis le premier appel aux créanciers publié dans la FOSC le 14 septembre 2017 qui indiquait expressément que, selon le registre du commerce, la société ne disposait plus d’actifs réalisables. À partir de cette date, l’intimée connaissait ou devait connaître l’existence de son dommage et que celui-ci ne pourrait plus être récupéré auprès de la société et qu’il fallait agir à l’encontre des organes de celle-ci.

8.2.2 Selon l’intimée, la publication dans la FOSC n’était pas affirmative sur la prétendue absence d’activité et d’actifs réalisables. À ce moment, il n’était pas possible d’affirmer que la caisse subissait un dommage. La caisse n’avait pu constater définitivement le dommage subi qu’au moment de la radiation de la société, à savoir le 19 octobre 2017. La décision de réparation du dommage du 18 octobre 2019 respectait ainsi l’ancien délai de prescription de deux ans applicable en l’espèce.

8.3 En l’espèce, il ressort du dossier que la caisse n’a pas obtenu d’acte de défaut de biens ou un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP, qui aurait constitué le moment de la connaissance du dommage et le point de départ du délai de prescription, en dehors de la faillite.

Par ailleurs, à teneur de la publication dans la FOSC du 14 septembre 2017 et les deux suivantes, la société « ne semblait » plus avoir d’activité et ne disposait « apparemment » plus d’actifs réalisables. Tous les membres de l’organe supérieur de gestion ou d’administration, les associés et créanciers étaient sommés de communiquer au registre du commerce par écrit dans les 30 jours leur intérêt motivé au maintien de l’inscription. Si aucune opposition ne parvenait dans ce délai, la société serait radiée d’office. Sinon, l’office du registre du commerce transmettrait l’affaire au tribunal pour décision. Il en résulte qu’à cette date, l’intimée n’avait pas encore une connaissance précise de son dommage, qui dépendait notamment du résultat de cette annonce. Ce n’est qu’au moment de la radiation de la société, qu’elle en a eu une connaissance certaine. Le délai de prescription a donc commencé le 19 octobre 2017, date de la radiation de la société. La demande en réparation du 18 octobre 2019 est ainsi intervenue dans les délais de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS. Le délai de prescription a été interrompu et un nouveau délai de même durée a commencé à courir le 20 novembre 2019 (opposition), le 1er décembre 2020 (décision sur opposition) et le 18 janvier 2021 (recours) de sorte que la prescription n'est pas acquise. Le délai de prescription de cinq ans dès la survenance du dommage n’est pas non plus atteint.

9.             Il convient à présent d’examiner si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée.

9.1 À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

S’agissant plus particulièrement du cas d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

9.2 En l’espèce, le recourant revêtant la qualité d’organe formel de la société, il doit répondre du dommage si les autres conditions sont remplies.

10.         Il convient maintenant de déterminer s’il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

10.1 L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé.

La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

Commet une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3).

10.2 En l’espèce, le recourant ne conteste plus dans son recours que la condition de la faute grave est remplie. En sa qualité d’organe formel de l’association, il lui appartenait de veiller au respect des prescriptions légales en matière de versement des cotisations sociales, quand bien même il ne s’occupait pas au quotidien de la gestion de la société. Or, il n’a pas fait le nécessaire pour que les cotisations soient payées dès le 1er septembre 2015. À teneur de ses déclarations, il a accepté le rôle de gérant pour rendre service aux deux associés qui habitaient en France et avaient besoin d'un gérant résidant en Suisse et ne s’est pas occupé de gérer concrètement la société, pour laquelle il travaillait seulement en tant que comptable externe. Son rôle s’apparentait ainsi à celui d’un homme de paille.

Il n’a en outre pas démissionné avant le 23 mai 2016, selon le procès-verbal de l’assemblée du même jour, alors que selon ses propres dires, il n’avait plus du tout de visibilité sur les affaires de la société dès le début de la même année, les deux animateurs de celle-ci ne lui ayant plus transmis les pièces comptables, ni les relevés bancaires, alors que dans ce cas de figure, il devait démissionner sans délai (arrêt du Tribunal fédéral 9C_442/2014 du 24 novembre 2014, consid. 5.3.).

11.         La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité naturelle et adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage.

11.1 La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

11.2 En l’espèce, dès lors que s’il avait correctement exécuté son mandat, le recourant aurait pu influer sur le paiement des cotisations aux assurances sociales, son comportement a favorisé la survenance du préjudice et la condition du lien de causalité est remplie. Celui-ci n’a en outre pas été interrompu en l’espèce par le comportement des autres organes de la société.

12.          

12.1  

12.1.1 Le recourant a fait valoir que le montant calculé par l’intimée était incorrect, car pour l’année 2016, celle-ci s’était contentée d’un calcul au pro rata pour déterminer le montant du dommage qu’elle réclamait au recourant. Ce calcul n’était pas admissible, puisque l’on ne pouvait admettre que les salaires versés par la société étaient identiques de mois en mois, sachant que le chiffre d’affaires de la société était constitué de commissions de courtage et qu’il était usuel en pratique que le salaire des courtiers en assurances comporte une part variable très importante et donc des rémunérations mensuelles qui variaient fortement. De plus, un calcul au pro rata ne tenait pas compte des versements plus importants effectués en fin d’année sous forme de bonus ou de treizième salaire. La cause devait ainsi être renvoyée à l’intimée pour qu’elle établisse précisément le dommage afférant à la période pendant laquelle le recourant était organe de la société. Le recourant relevait également que le fait qu’il avait payé la part pénale dans le cadre de la procédure pénale ne valait pas reconnaissance du calcul établi par l’intimée. Ce paiement était intervenu afin de mettre fin au plus vite aux poursuites pénales.

12.1.2 L’intimée a répondu que le dommage avait été calculé sur la base des créances de cotisations paritaires exigibles et restées impayées par la société. La caisse fixait des acomptes (mensuels ou trimestriels) sur la base des premières annonces des employeurs ainsi que des périodes précédentes, si elle ne recevait pas d’informations complémentaires pendant la période en cause. Par la suite, elle fixait le montant de la créance de manière définitive après réception de l’attestation de salaire qui communiquait (au plus tôt fin janvier de la période subséquente) le montant de la masse salariale effectivement versée. L’employeur avait l’obligation légale d’informer la caisse de toute variation de la masse salariale de plus de 10% afin de pouvoir adapter en conséquence les acomptes. Les caisses de compensation n’avaient aucune obligation d’investiguer les différents modèles de rétribution périodique des salariés des personnes morales (hebdomadaires, mensuelles, par commission etc.). Elle affiliait différentes sortes d’employeurs et il était objectivement impensable de devoir établir, par obligation légale, le montant des salaires versés à un moment précis d’une période donnée.

La caisse n’avait pas d’accès à la comptabilité de ses affiliés et aucun moyen ni l’obligation d’établir les montants des salaires qui avaient été effectivement versés jusqu’à une certaine date de l’année civile.

12.2  

12.2.1 Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, n8016 et 8017).

Pendant l’année, les employeurs doivent verser périodiquement des acomptes de cotisations (art. 35 al. 1 RAVS). Les acomptes de cotisations sont des cotisations fixées provisoirement par la caisse de compensation (n. 2045 DP).

Une fois l’année civile écoulée, la caisse de compensation établit le solde sur la base du décompte de l’employeur (n. 2082 ss ; art. 36 RAVS) (n. 2046 DP).

Pour fixer les acomptes de cotisations, la caisse de compensation se base sur la masse salariale probable (art. 35, al. 1, RAVS) (n. 2048 DP).

La caisse de compensation se fonde sur la dernière masse salariale connue, compte tenu de l’évolution probable des salaires (n. 2049 DP).

Au terme de la période de décompte (voir nos 2075 s.), les employeurs fournissent les indications nécessaires à l’inscription au CI (voir no 2070). Ce faisant, ils indiquent aussi le montant total des salaires versés à leurs salariés tenus de payer des cotisations pendant la période de décompte (art. 36 RAVS) (n. 2068 DP).

La caisse de compensation établit le solde entre les acomptes versés et les cotisations effectivement dues, sur la base du décompte (art. 36, al. 4, RAVS) (n. 2082 DP).

Les cotisations encore dues (cotisations à payer sur la base du décompte) doivent être versées à la caisse de compensation dans les 30 jours à compter de la facturation (art. 36, al. 4, RAVS) (n. 2083 DP).

Une restitution tardive par la caisse de compensation entraîne le paiement d’intérêts rémunératoires (art. 41ter, al. 3, RAVS) (n. 2087 DP).

La responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a).

12.2.2 Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu’il n’existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07).

12.3  

12.3.1 En l’espèce, le dommage a été calculé sur la base des créances de cotisations paritaires exigibles et restées impayées par la société au pro rata du temps pendant lequel le recourant est resté organe de la société en 2016. L’intimée n’avait pas à tenir compte des salaires effectivement payés chaque mois, étant rappelé que l’intimée établit la facture finale de cotisation après réception de l’attestation de salaire qui communique (au plus tôt fin janvier de la période subséquente) le montant de la masse salariale effectivement versée durant l’année de manière globale, sans détail sur les variations mensuelles.

12.3.2 En l’occurrence, le recourant a produit un procès-verbal de l’assemblée des associés établissant qu’il avait démissionné le 23 mai 2016. Il en résulte que l’intimée devra reprendre le calcul du dommage en tenant compte de cette date et non du 15 septembre 2016, pour établir le dommage.

Elle devra également tenir compte des paiements effectués sur le montant du dommage depuis la décision querellée et déduire le montant des cotisations à la LAMat ainsi que des intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ce montant.

13.         Le recours est ainsi partiellement admis. La décision litigieuse du 1er décembre 2020 sera annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour nouveau calcul au sens des considérants et nouvelle décision.

14.         Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité pour ses dépens de CHF 1'500.- lui sera octroyée à la charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA, art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

15.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 1er décembre 2020 et renvoie la cause à l’intimée pour nouveau calcul au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'500.- à la charge de l’intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le