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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4089/2020

ATAS/1170/2021 du 16.11.2021 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4089/2020 ATAS/1170/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 novembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1981, de nationalité guinéenne, est arrivé en Suisse en 2001. Il réside officiellement à Genève depuis le 17 septembre 2008. L’assuré a suivi sa scolarité obligatoire en Guinée et y a exercé la profession de chauffeur durant trois ans. Il n’a pas fait convertir son permis de conduire guinéen en Suisse. Il n’a pas de formation professionnelle. Depuis son arrivée en Suisse, l’assuré a occupé divers emplois temporaires dans des restaurants et des établissements médico-sociaux (ci-après : EMS). Dès le 23 juillet 2017, il a été employé par une agence de placement à un taux de 88 %.

b. Le 20 juin 2019, l’assuré a été renversé par une voiture. Il a perdu connaissance sur les lieux de l’accident et a été emmené en ambulance aux hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) où il a été hospitalisé 26 jours. Les médecins des HUG ont posé le diagnostic d’une fracture Schatzker V du plateau tibial droit, associée à une fracture de la tête de la fibula, ainsi que d’une plaie profonde prétibiale droite au niveau de la diaphyse moyenne. Le diagnostic secondaire impliquait une subluxation de la dent 22, une fracture peu déplacée de la paroi médiale de l’orbite droit, lame papyracée et lame perpendiculaire de l’ethmoïde ainsi qu’une mycose interdigitale du pied droit.

c. Les 21 juin 2019 et 8 juillet 2019, il a subi des interventions chirurgicales.

d. L’assurée a bénéficié d’indemnités journalières de l’assurance-accidents (ci-après : SUVA). La SUVA a refusé de prendre en charge les lésions dentaires qu’elle jugeait sans lien avec l’accident (décision sur opposition de la SUVA du 27 février 2020).

e. L’employeur de l’assuré l’a licencié avec effet au 25 mars 2020.

B.       Le 7 mai 2020, l’assuré a déposé une demande auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI). Il indiquait être en incapacité de travail depuis le 20 juin 2019 et recevoir des indemnités de l’assurance-accidents SUVA. Sa langue maternelle était le français. Il avait appris la profession de chauffeur de poids lourds. Entre 2009 et 2019, il avait travaillé en tant qu’aide-cuisinier dans divers EMS et restaurants à Genève. Il indiquait que son médecin était le docteur H______, chirurgien orthopédique aux HUG, et qu’il faisait de la physiothérapie depuis juillet 2019.

C.      L’OAI a obtenu le dossier de la SUVA duquel il ressort les éléments médicaux suivants.

a. En date du 8 juin 2020, l’assuré a consulté le docteur B______, orthopédiste interrogé par la SUVA, qui lui a proposé un séjour à la Clinique romande de réadaptation à Sion (ci-après : CRR). L’assurée a séjourné dans ladite clinique du 28 juillet au 25 août 2020. À teneur de l’avis de sortie du 25 août 2020, le docteur C______ a attesté d’une incapacité de travail complète dans la profession habituelle probablement pour une longue durée. L’assuré avait des difficultés pour plier la jambe droite, les déplacements dans les escaliers étaient de ce fait difficiles et non sécuritaires ; les flexions au sol n’étaient pas réalisées. Les performances démontrées par l’assuré étaient exploitables sur des durées limitées dans des activités peu contraignantes en position debout. La situation médicale de l’assuré n’était pas stabilisée et il était difficile de se prononcer sur l’aspect professionnel. La mobilisation du genou droit était limitée à la flexion et à la contrainte de charges et d’efforts. L’assuré semblait très affecté par son souci de santé, ses problèmes financiers, personnels et concernant le renouvellement de son permis de séjour. Il était illettré. En conclusion, les médecins de la CRR ont indiqué qu’il était prématuré, compte tenu de leurs observations et des divers tests réalisés au sein des ateliers, de se prononcer sur l’aspect professionnel, que l’état de l’assuré n’était pas encore stabilisé et que ce dernier devrait reprendre contact avec son chirurgien à la suite du séjour à la CRR. Une fois son état stabilisé, l’assuré allait avoir besoin d’un soutien quant à sa réorientation professionnelle, les projets vers lesquels il voulait s’orienter n’étant pas directement réalisables faute de permis de conduire.

b. Le service de réadaptation en neurologie de la CRR a reçu l’assuré pour un examen neuropsychologique en août 2020. L’assuré avait alors indiqué avoir fait des cauchemars plusieurs mois après son accident et avoir un sentiment de peur des voitures. Il ne relevait pas de difficultés de mémoire, de concentration ou de langage. Le moral était décrit comme très bas en raison de la séparation avec la mère de sa fille, expulsée de Suisse, de ses difficultés financières et des incertitudes concernant son avenir professionnel. Le service de réadaptation de l’appareil locomoteur a, pour sa part, indiqué que la situation était pratiquement stabilisée du point de vue médical. Le pronostic de réinsertion dans l’ancienne activité était défavorable, mais dans une activité adaptée et en respectant les limitations fonctionnelles, la réinsertion était en principe favorable (rapport du 14 septembre 2020).

c. Le Dr D______ a décrit une évolution lentement favorable dans un rapport du 23 septembre 2020. La capacité de travail était nulle dans l’activité antérieure mais entière dans une activité adaptée aux limitations de l’assuré, avec une aptitude à la réadaptation dès le 16 septembre 2020.

d. Le 24 septembre 2020, la doctoresse E______ a constaté que l’assuré souffrait de douleurs chroniques et d’une limitation fonctionnelle du genou droit. Elle préconisait un traitement de physiothérapie au long cours. Sur le plan psychologique, elle constatait que l’assuré souffrait de diverses pathologies et elle préconisait un suivi psychothérapeutique. En outre, une investigation complémentaire à la consultation spécialisée de médecine tropicale des HUG était nécessaire.

e. Le 12 novembre 2020, le docteur F______ des HUG a attesté que l’assuré était dans l’incapacité totale de reprendre son travail d’aide-cuisinier ou tout autre travail nécessitant une station verticale et le port de charges, pour une durée indéterminée.

f. Le Dr B______ a retenu, dans son rapport final du 23 novembre 2020, comme diagnostic principal en lien avec l’accident, un traumatisme du genou, une fracture du plateau tibial de type Schatzker 4 et une fracture plurifragmentaire métaphyso-épiphysaire de la fibula proximale déplacée et fracture arrachement du pôle inférieur de la patella droite. Ce médecin a posé comme diagnostic secondaire un traumatisme crânien probablement léger avec perte de connaissance de quinze à vingt minutes (amnésie post-traumatique inférieur à une heure), une fracture peu déplacée de la paroi médiale de l’orbite droite, lame papyracée et lame perpendiculaire de l’ethmoïde avec comblement partiel de quelques cellules ethmoïdales droites sur le scanner cérébral du 20 juin 2019. L’incapacité de travail dans la profession d’aide-cuisinier était de 100 % dès le 28 juillet 2019, et probablement pour une longue durée, mais la capacité était entière dans une activité adaptée depuis le mois de novembre 2020.

g. Monsieur G______, psychothérapeute, a indiqué avoir vu l’assuré à trois reprises entre le mois de décembre 2019 et le mois d’avril 2020. Ce dernier présentait des ruminations, une altération du sommeil, des flashs en lien avec l’accident et il était en isolement social. Le psychothérapeute avait proposé une prise en charge sur le long terme mais l’assuré n’était pas en mesure de prendre en charge financièrement les séances.

D.      a. L’OAI a retenu dans un projet de décision du 24 septembre 2020 une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle jusqu’au 20 juin 2020, mais une pleine capacité dans une activité adaptée dès cette date.

b. L’assuré s’est opposé à cette décision.

c. Le 3 novembre 2020, l’OAI a rejeté la demande de l’assuré en retenant un taux d’invalidité de 0 %.

E.       a. Par acte du 3 décembre 2020, complété le 29 janvier 2021, l’assuré a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision du 3 novembre 2020, à l’octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 20 juin 2019 et, subsidiairement, à l’octroi d’une demi-rente dès le 3 novembre 2019 et des mesures de réadaptation. Il a sollicité l’audition du Dr B______ et de la Dresse E______.

b. Par écriture du 1er mars 2021 à laquelle était joint l’avis du service médical de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) du 8 février 2021, l’OAI a conclu à l’octroi au recourant d’une rente entière d’invalidité limitée dans le temps, du mois de novembre 2020 (ouverture du droit six mois après la demande) au mois de février 2021 (trois mois après le recouvrement de la pleine capacité de travail) et a maintenu sa décision pour le surplus.

L’intimé a indiqué à titre liminaire que dans son avis du 8 février 2021, le SMR avait modifié ses conclusions dans le sens où le recourant avait recouvrer une pleine capacité de travail dans une activité adaptée le 23 novembre 2020, date de l’examen final de la SUVA et non dès le mois de juin 2020 comme indiqué dans la décision litigieuse, ainsi la décision devait être réformée dans le sens où une rente entière limitée dans le temps devait être allouée au recourant du mois de novembre 2020 au mois de février 2021.

Quant au reproche du recourant sur l’absence d’instruction de l’OAI au profit du seul dossier de l’assurance-accidents, l’intimé répondait qu’il s’était fondé sur le dossier de l’assurance-accidents conformément à la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_6917/2008 du 1er octobre 2008).

Selon le Dr B______ et la CRR, l’assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle mais pouvait exercer à 100 % une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (pas de port de charges au-delà de 15 kg, pas de marche prolongée ni de marche en terrain irrégulier, pas d’activité contraignante pour les genoux) dès le 23 novembre 2020. Le degré d’invalidité de l’assuré étant de 0 %, des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas envisageables. Compte tenu d’une capacité de travail entière et des limitations fonctionnelles retenues, il convenait d’admettre qu’un nombre significatif d’activités adaptées aux limitations du recourant était accessible sans aucune formation particulière. Enfin, quant à l’abattement sur le salaire statistique, l’intimé rappelait que selon la jurisprudence une réduction dépendait de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier et résultait d’une évaluation dans les limites du pouvoir d’appréciation. L’abattement de 10 % retenu était conforme au droit et aucun élément déterminant justifiait une réduction supplémentaire. La nationalité étrangère du recourant et la catégorie d’autorisation de séjour dont il disposait ne constituaient pas systématiquement des motifs de réduction. Un assuré qui bénéficiait d’une expérience salariée en Suisse de plusieurs années ne pouvait en général pas prétendre à une déduction en raison de son statut d’étranger. Il était en outre tenu compte des éventuels facteurs de réduction du salaire dus au niveau de la qualification professionnelle et au manque de connaissances linguistiques dans l’application des tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS).

c. Par acte du 22 mars 2021, le recourant a répliqué que le salaire sans invalidité retenu ne correspondait pas à sa situation personnelle. Il avait touché par le passé un salaire nettement inférieur au salaire habituel dans la branche pour des raisons étrangères à l’invalidité (formation professionnelle insuffisante ou absente, connaissances insuffisantes d’une langue nationale, limitation des possibilités d’emploi en raison du statut de l’étranger). Le recourant avait eu divers petits emplois temporaires de manière très irrégulière impliquant pour lui un revenu nettement inférieur au salaire habituel dans sa branche. Il était illettré et n’avait pas de formation professionnelle. Il faisait désormais l’objet d’une procédure de renvoi en Guinée. Il était donc indéniable que ces éléments limitaient ses possibilités d’emploi en Suisse. Il convenait d’appliquer le principe du parallélisme des revenus en prenant en compte sa situation personnelle et retenir un revenu sans invalidité de CHF 68'003.-. Il faisait grief à l’OAI de ne pas avoir ordonné d’expertise psychiatrique alors qu’il existait des indices que l’atteinte psychiatrique pouvait influer sur sa capacité de travail. Il a sollicité la mise en œuvre d’une telle expertise et des mesures de réadaptation.

d. Le 14 avril 2021, l’OAI a rappelé que le salaire sans invalidité avait été déterminé sur la base des données communiquées par l’employeur du recourant à la SUVA. Pour un taux d’activité de 88 %, le recourant gagnait un salaire de CHF 40'883.-, soit l’équivalent de CHF 46'458.- à plein temps. Même si l’on retenait le revenu sans invalidité allégué par le recourant, la perte de gain n’ouvrait pas de droit à des prestations. Le tableau était dominé par une problématique de nature essentiellement physique ; aucun élément du dossier ne faisait état de l’existence de troubles psychiques de nature à influencer la capacité de travail, raison pour laquelle l’intimé n’avait pas fait d’expertise. Les éléments au dossier ne faisaient pas état d’atteinte psychiatrique durable et notable. Le recourant n’avait pas de suivi psychiatrique ni de traitement psychotrope. Il n’y avait donc pas lieu de faire une expertise psychiatrique.

e. Le 7 mai 2021, le recourant a indiqué ne pas avoir d’observations à ajouter et a persisté dans ses conclusions.

f. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté selon les formes et dans le délai prescrit par la loi, le recours est recevable.

2.        2.1. À teneur de l’art. 8 al. 1 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1), applicable par le biais de l’art. 1 al. 1 de la loi du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (LAI ; RS 831.20), est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Selon l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente s’il est invalide à 40 % au moins. La rente est échelonnée comme suit selon le taux de l’invalidité : un taux d’invalidité de 40 % au moins donne droit à un quart de rente ; lorsque l’invalidité atteint 50 % au moins, l’assuré a droit à une demi-rente ; lorsqu’elle atteint 60 % au moins, l’assuré a droit à un trois-quarts de rente et lorsque le taux d’invalidité est de 70 % au moins, il a droit à une rente entière.

Selon l’art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine ne soit à craindre.

2.2. En principe, il n’est pas admissible de déterminer le degré d’invalidité sur la base de la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de la personne assurée, car cela reviendrait à déduire de manière abstraite le degré d’invalidité de l’incapacité de travail, sans tenir compte de l’incidence économique de l’atteinte à la santé (ATF 114 V 310 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2013 du 9 août 2013 consid. 4.2). Il découle par conséquent de la notion d’invalidité que ce n’est pas l’atteinte à la santé en soi qui est assurée ; ce sont bien plutôt les conséquences économiques de celle-ci, c’est-à-dire une incapacité de gain qui sera probablement permanente ou du moins de longue durée (RFJ 2009 p. 320).

Toutefois, pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste alors à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 5.2.1 et références citées).

2.3. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de faits allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; cf. également ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Enfin, l’autorité amenée à statuer peut légitimement renoncer à accomplir des actes complémentaires d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son avis (ATF 134 I 140 consid. 5.3).

3.        Est litigieux en l’espèce le droit du recourant à des prestations de l’assurance-invalidité sur la base de la demande de prestations du 14 avril 2020, soit dès le 20 juin 2019 selon les conclusions prises par le recourant.

La date à laquelle la demande de prestations est déposée (art. 29 al. 1 LPGA et art. 67 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI ; 831.201]) détermine le début du versement de la rente de l’assurance-invalidité mais non pas la naissance du droit qui peut fort bien être antérieure (cf. ATF 132 V 159 consid. 4.4.2 et les références).

Aux termes de l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré.

Partant, dès lors que le recourant a déposé sa demande de prestations le 7 mai 2020, le versement d’une éventuelle rente de l’assurance-invalidité ne peut intervenir en tout état de cause que six mois plus tard, soit à compter du mois de novembre 2020 (art. 29 al. 1 et al. 3 LAI). Les conclusions du recourant tendant au versement d’une rente d’invalidité du 20 juin 2019 au 31 octobre 2020 sont dès lors mal fondées.

4.        En concluant dans sa réponse à l’octroi d’une rente entière d’invalidité pour les mois de novembre 2020 à février 2021, l’intimé a implicitement conclu à l’admission partielle du recours.

L’OAI a fait courir le droit à la rente jusqu’à la fin du mois de février 2021, en rappelant que, selon le SMR, l’état de santé du recourant lui permettait d’exercer une activité adaptée à ses limitations dès le 23 novembre 2020 (conformément au rapport final du Dr B______).

L’OAI a ainsi pris en compte le délai de trois mois conformément à l’art. 88a RAI (cf. également arrêts du Tribunal fédéral 8C_36/2019 du 30 avril 2019 consid. 5 ; 8C_94/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1 et 8C_670/2011 du 10 février 2012 consid. 5.1).

Au vu de l’avis du SMR qui concorde avec l’avis du Dr B______ quant à l’incapacité totale du recourant de travailler, même dans une activité adaptée, jusqu’au mois de novembre 2020, c’est à juste titre que l’intimé a pris en compte une invalidité totale jusqu’au mois de novembre 2020.

Cela étant dans la mesure où le recourant n’a fait sa demande qu’en mai 2020, il ne pouvait pas prétendre à des prestations avant le mois de novembre 2020 compte tenu du délai légal d’attente de six mois (consid. 3 supra).

5.        5.1 Pour la période ultérieure, l’OAI a nié l’invalidité du recourant faute d’éléments médicaux allant dans ce sens.

En effet, les documents médicaux au dossier n’établissent pas que le recourant serait incapable de travailler dans une activité adaptée à partir du mois de novembre 2020.

Au contraire, les avis médicaux convergent vers une reprise possible d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant. Le Dr D______ a jugé que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée aux limitations de l’assuré, avec une aptitude à la réadaptation dès le 16 septembre 2020. Le Dr B______ a retenu que la capacité était entière dans une activité adaptée en novembre 2020.

Quant à l’aspect psychique, seule l’existence d’une atteinte à la santé psychique équivalant à une maladie revêt une importance décisive lors de l’évaluation médicale de cette capacité de travail. En l’occurrence, le recourant n’est pas suivi par un psychiatre et aucun diagnostic n’a été posé par un psychiatre quant à une atteinte invalidante. Le fait que l’assuré avait des ruminations, des difficultés à dormir, des flashs back de l’accident et des craintes quant au renouvellement de son permis de séjour notamment, ne sont pas des éléments suffisants pour retenir une atteinte psychique avec répercussions sur la capacité de travail. Au degré de vraisemblance prépondérante, les craintes du recourant ne sont pas pour autant à l’origine de l’incapacité de travail mais semblent en résulter ; l’atteinte somatique étant la cause principale invoquée par le recourant et les médecins.

Par une appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans constate que l’expertise sollicitée et les auditions des Dr B______ et de la Dresse E______ ne permettraient pas de parvenir à d’autres conclusions, de sorte qu’il n’y sera pas procédé. En effet, le Dr B______ s’est prononcé sans ambiguïté par écrit en faveur d’une capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles connues dès le mois de novembre 2020. L’audition de la Dresse E______ n’est pas pertinente pour statuer sur l’atteinte relevant de son expertise, cette dernière étant spécialisée en médecine interne générale et non psychiatre.

5.2 Le recours est donc mal fondé sur ce point.

Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être reproché à l’OAI d’avoir retenu une invalidité complète jusqu’au 23 novembre 2020 seulement, ouvrant le droit à une rente entière limitée dans le temps (trois mois après la fin de l’incapacité).

6.        Au vu de la capacité de travail de 100 % qui a été retenue dès le mois de novembre  2020, le revenu d’invalide a été fixé à CHF 68'336.- sur la base des statistiques ESS 2018, TA1 tirage_skill_levell, hommes, total, niveau de compétence 1.

La chambre de céans ne voit aucune raison de s’écarter de ce montant pour ce qui est du revenu d’invalide au demeurant non contesté par le recourant.

L’OAI a ensuite estimé qu’il se justifiait de procéder à un abattement de 10 % sur le salaire statistique pris en considération pour tenir compte d’éventuels facteurs susceptibles d’influencer négativement le revenu exigible avec invalidité.

Le recourant conteste le montant de l’abattement (10 %), en estimant qu’il aurait fallu prendre en compte un abattement de 25 % pour tenir compte de sa situation personnelle.

Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) et résulte d’une évaluation dans les limites du pouvoir d’appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative. La déduction, qui doit être effectuée globalement, résulte d’une évaluation et doit être brièvement motivée par l’administration. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l’administration (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 ss. et 6 p. 81).

L’OAI a retenu une réduction de 10 % pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du fait que seule une activité légère était possible. Il a jugé en revanche que les autres facteurs ne justifiaient pas de réduction supplémentaire. L’âge de l’assuré, soit 40 ans, son permis de séjour, ses années de service et son taux d’occupation ne permettaient pas une réduction supplémentaire.

Le recours au niveau de compétence 1 de la table ESS TA1 tirage_skill_levell prend en compte des emplois ne nécessitant pas de formation ou de connaissances préalables, ce qui ne justifie pas d’abattement au titre de l’absence de formation du recourant. La réduction de 10 % tient compte des limitations fonctionnelles de l’assuré dans une activité adaptée et du fait que seule une activité légère peut être envisagée. L’âge du recourant n’est pas un frein à la réinsertion. Le parcours du recourant montre en outre qu’il a su occuper durant de nombreuses années des emplois malgré qu’il n’avait pas de formation ni ne maîtrisait parfaitement le français. Le fait que le recourant ait besoin d’un permis de conduire pour travailler comme chauffeur est un obstacle momentané dans la mesure où il sait conduire et a déjà entrepris de s’entraîner notamment pour passer l’examen, au travers d’une association venant en aide aux personnes ayant des difficultés à lire et écrire. Tant le cours de conduite que celui pour apprendre à lire et écrire sont pris en charge par Caritas. Cet obstacle momentané ne saurait justifier un abattement sur le salaire retenu. Un abattement de 10 % retenu par l’intimé avec la marge d’appréciation lui revenant paraît ainsi justifié.

7.        Le recourant conteste également le montant retenu à titre de revenu annuel brut sans invalidité (CHF 46'458.-) et souhaite que l’on prenne en compte le revenu du tableau TA de l’ESS 2018 (CHF 68'336.-).

Dans cette hypothèse toutefois, la comparaison des revenus de valide (CHF 68'336.-) et d’invalide (CHF 61'503.-) laisserait apparaître une perte de gain de CHF 6'833.- correspondant à un degré d’invalidité de 10 %.

Une perte de gain inférieure à 40 % ne donne pas droit à une rente de l’assurance-invalidité. Il en va de même s’agissant des mesures de réadaptation qui n’entrent pas en ligne de compte avec une invalidité inférieure à 20 %.

La décision attaquée n’est pas critiquable sur ce point.

Dans la mesure des conclusions prises par l’OAI en faveur d’une admission partielle du recours, la décision sera annulée et réformée dans le sens que le recourant a droit à une rente limitée dans le temps, du mois de novembre 2020 au mois de février 2021.

8.        Le recourant, qui obtient très partiellement gain de cause, a droit à des dépens qui seront fixé à CHF 1'000.-.

9.        Un émolument de CHF 100.- sera mis à la charge de l’intimé (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 3 novembre 2020.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité entière du mois de novembre 2020 au mois de février 2021 inclus.

5.        Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'000.- à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 100.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le