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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/918/2020

ATAS/715/2021 du 30.06.2021 ( LM ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2021, rendu le 08.02.2022, REJETE, 8C_579/2021, 836.463/133
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/918/2020 ATAS/715/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à MONACO, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Luc-Alain BAUMBERGER

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS – SUVA, ASSURANCE MILITAIRE, sise rue Ami-Lullin 12, GENÈVE

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

1.        En sa qualité de membre du corps des instructeurs de l’armée, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1960, a été couvert par l’assurance militaire contre le risque d’accidents et de maladies (ci-après : l’assurance militaire ou AM) de janvier 1990 à juillet 2005. Il est resté assuré au-delà de cette date pour les séquelles de maladies ou accidents survenus durant cette période d’affiliation.

2.        L’assuré a été incapable de travailler du 23 novembre 1998 au 31 mai 2001, période durant laquelle l’AM lui a versé des indemnités journalières. L’assurance-invalidité (AI) lui a également versé des prestations sous forme de rente entière du 1er novembre 1999 au 31 juillet 2000, puis d’une demi-rente, du 1er août 2000 au 31 mai 2001.

3.        À partir du 4 avril 2003, l’assuré a été à nouveau dans l’incapacité totale de travailler et l’AM lui a versé des indemnités journalières à 100% jusqu’à fin juillet 2005, puis à compter du 1er août 2005, une rente d’invalidité de 90%, renouvelée régulièrement depuis (cf. décision du 12 août 2005, puis, en dernier lieu, du 22 octobre 2007).

L’AI a également reconnu à l’assuré le droit à une rente entière à compter du 1er août 2003 (cf. décision du 28 février 2005).

4.        Depuis janvier 2008, l’assuré est domicilié à Monaco.

5.        Le 17 juin 2013, l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidents à l’étranger (ci-après : OAIE) a ouvert une procédure de révision.

En février 2014, l’OAIE a informé l’assuré qu’il entendait le soumettre à une expertise bidisciplinaire, psychiatrique et rhumatologique.

En octobre 2014, l’OAIE a indiqué avoir opté en lieu et place pour une expertise pluridisciplinaire (en médecine interne, psychiatrie, rhumatologie et neurologie). La date à laquelle l’expertise pourrait avoir lieu dépendait des disponibilités des centres.

La Clinique romande de réadaptation (CRR) a été désignée, le 6 novembre 2015, mais s’est désistée, au motif que ses médecins n’avaient pas la compétence suffisante pour comprendre les enjeux dans une autre langue que le français.

Le 25 novembre 2015, l’OAIE a donc émis une nouvelle demande d’expertise, en précisant que l’allemand était nécessaire à la compréhension du dossier.

Le 30 novembre 2015, le mandat a été attribué à B______ AG, situé à Bâle, qui, a informé l’OAIE que l’expertise envisagée pourrait être réalisée en décembre 2016.

L’assuré ayant sollicité que les médecins soient de langue maternelle française et allégué qu’en raison de son état de santé, il ne serait pas en mesure de se présenter en décembre 2016, l’OAIE a annulé l’expertise.

Par courrier du 29 novembre 2016, l’OAIE a avisé l’assuré qu’il mettrait à sa disposition un traducteur.

En décembre 2016, l’assuré a indiqué qu’il serait en Suisse les 21 et 22 février 2017 pour une consultation et pourrait se rendre disponible pour une expertise à ces dates.

L’OAIE lui a rappelé que la langue maternelle des experts ne constituait pas un motif de récusation. L’expertise avait été organisée avec un interprète pour pallier les problèmes linguistiques.

Par courrier du 25 janvier 2017, l’OAIE a informé l’assuré de son intention de suspendre le versement de la rente d’invalidité, motif pris qu’il était soupçonné d’exercer une activité lucrative dont il ne l’avait pas informé.

Par courrier du 6 février 2017, l’assuré a contesté exercer la moindre activité lucrative. Par la suite, il a expliqué être impliqué dans diverses sociétés, au nombre desquelles, notamment : C______ AG, D______ UK (ci-après : D______) et E______ SA.

Au printemps 2017, l’administration fédérale des contributions (AFC) a informé l’OAIE, respectivement l’assurance militaire, qu’elle menait des enquêtes pénales à l’encontre de plusieurs sociétés et personnes physiques. Parmi les personnes physiques visées figurait Monsieur F______, soupçonné de soustraction et d’escroquerie en matière de contributions entre 2010 et 2015, dans la gestion de deux sociétés. Le nom de l’assuré était apparu en lien avec l’une d’elles, E______ SA, dont il aurait acquis les actions en tant qu’homme de paille de Monsieur F______.

Le 22 mars 2017, l’OAIE a mis l’assuré en demeure de se présenter à l’expertise prévue en avril auprès de B______ AG, à Bâle, le prévenant qu’à défaut, le versement de sa rente serait suspendu pour défaut de collaboration.

Le 30 mars 2017, l’assuré, affirmant n’avoir jamais été informé du fait que l’expertise devait se tenir les 24, 25 et 27 avril 2017, a sollicité la traduction en français de l’ensemble des documents y relatifs, tout en affirmant qu’il se présenterait à l’examen, pour lequel il sollicitait l’assistance d’un interprète français-allemand soumis au secret médical. Par ailleurs, il requérait d’ores et déjà la traduction en français du rapport d’expertise.

Par décision incidente du 19 mai 2017, confirmée le 9 juin 2017, l’OAIE a prononcé la suspension du versement de la rente d’invalidité avec effet immédiat. L’OAIE considérait que l’assuré avait travaillé comme directeur d’une société depuis 2010 au moins et avait siégé au conseil d’administration d’une autre depuis février 2000. Cette décision a été communiquée à l’assurance militaire.

Les experts de B______ AG, dans leur rapport du 29 juin 2017, rédigé en allemand, ont conclu à une capacité de travail de l’assuré réduite à 50% dans toute activité.

6.        Par décision incidente du 30 juin 2017, l’assurance militaire a, à son tour, prononcé la suspension du versement de la rente avec effet au 1er août 2017, en retirant l’effet suspensif à un éventuel recours. Pour justifier sa décision, l’AM a notamment reproché à l’assuré un défaut de collaboration : elle a considéré que c’était par sa faute que l’expertise envisagée par l’OAIE depuis 2013 n’avait pu se faire qu’en avril 2017. À cela s’ajoutaient des soupçons portant sur l’exercice d’une activité lucrative non déclarée depuis de nombreuses années. A ce propos, l’assurance militaire se prévalait notamment des doutes émis par l’OAIE. La situation de l’assuré devait être éclaircie, tant sur le plan médical que sur celui de l’exercice éventuel d’une activité lucrative. Or, selon elle, vu les difficultés à obtenir des renseignements probants de la part de l’intéressé, un laps de temps considérable pouvait encore s’écouler jusqu’à la fin de l’instruction de ces points. Dès lors, s’il devait s’avérer que la rente avait été versée à tort, le risque serait grand pour elle de ne pouvoir récupérer les prestations indument allouées.

Le 25 juillet 2017, par accord écrit, l’AM et l’assuré ont convenu de fixer le for judiciaire dans le canton de Genève.

7.        Saisie d’un recours de l’assuré contre cette décision incidente de suspension de rente, la Cour de céans l’a rejeté en date du 7 décembre 2017 (ATAS/1119/2017).

La Cour a estimé qu’en effet, des soupçons d’activité lucrative persistaient et qu’il existait des éléments susceptibles de modifier l’appréciation de la capacité de travail de l’assuré, de sorte que la suspension du versement de la rente se justifiait.

Dans les considérants de son arrêt, la Cour a constaté une violation du droit d’être entendu dont elle a cependant considéré qu’elle avait été réparée.

Du fait de l’implication de l’intéressé dans plusieurs sociétés, la question d’une capacité de travail supérieure à celle prise en considération pour le calcul du degré d’invalidité en 2005 pouvait se poser. Cela paraissait d’autant plus plausible que l’expertise avait conclu à une capacité de travail de 50%. Des investigations supplémentaires s’imposaient. Dès lors, la suspension était justifiée, l’intérêt de l’AM apparaissant prépondérant dès lors que, si un jugement au fond confirmait finalement les soupçons de l’administration, celle-ci pourrait, cas échéant, réclamer jusqu’à cinq ans de prestations versées à tort. Or, de l’aveu même de l’intéressé, la valeur de l’immeuble qu’il possédait en Suisse, après déduction de l’hypothèque, ne permettrait de couvrir que trois ans de prestations versées à tort.

La Cour de céans a ensuite rappelé que l’AM ne pouvait cependant suspendre à titre provisionnel le versement de la rente pour ensuite rester inactive pendant plusieurs mois, voire plusieurs années et laisser l’assuré sans décision matérielle sur son droit à la rente. L’octroi de mesures provisionnelles ne se justifiait que si la procédure principale était menée de manière expéditive et achevée dans un délai adéquat. Or, en l’espèce, il apparaissait que l’AM avait jusqu’alors attendu que l’OAIE procède aux mesures d’instruction nécessaires, si bien que l’on pouvait se demander si elle entreprenait tous les actes nécessaires pour instruire la question de l’activité lucrative. Il ne suffisait pas d’attendre le résultat des investigations de l’OAIE. Il lui appartenait au contraire de faire le nécessaire pour pouvoir notifier rapidement à l’intéressé une décision sur révision, d’autant plus que le rapport d’expertise avait déjà été rendu depuis plusieurs mois déjà.

8.        Le 29 mars 2018, l’assurance militaire a informé l’assuré qu’elle entendait réduire sa rente d’invalidité à 50% dès le 1er août 2017, ce qui représenterait un montant de 5'075.85 CHF/mois.

En effet, il ressortait de l’expertise que l’état de santé de l’assuré s’était notablement amélioré ; la capacité de travail raisonnablement exigible avait été évaluée à 50% dans l’activité exercée initialement.

9.        Le 24 avril 2018, l’assuré a contesté cette position et demandé la suspension de la procédure jusqu’à ce que soit traduite officiellement l’expertise de l’AI. Il a pour le surplus demandé l’octroi d’intérêts moratoires.

10.    Le 2 mai 2018, l’assurance militaire a répondu favorablement à la requête de suspension de l’assuré jusqu’à l’établissement de la décision AI tout en continuant à lui verser la rente mensuelle de CHF 5'075.85. En revanche, elle a refusé le versement d’intérêts moratoires, refus qu’elle a confirmé par décision formelle du 11 décembre 2018, confirmée sur opposition le 13 février 2020. L’assurance militaire estime qu’elle n’a pas à verser des intérêts moratoires sur le montant de CHF 45'682.65 versé le 5 avril 2018, correspondant à la rente due pour la période d’août 2017 à avril 2018.

11.    Par écriture du 12 mars 2020, l’assuré a interjeté recours contre cette décision.

Il conclut à ce que des intérêts moratoires de 5% lui soient versés sur le montant de CHF 45'682.65 payé le 5 avril 2018, ce qui correspond à un montant de CHF 932.80 portant intérêts à 5% depuis le 1er mai 2018, vu la mise en demeure faite par courrier du 24 avril 2018.

12.    Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 18 mai 2020, a conclu au rejet du recours.

13.    Dans sa réplique du 19 juin 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.        a. À teneur de l’art. 105 de la loi fédérale sur l’assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM - RS 833.1), si le recourant est domicilié à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est, en dérogation à l'art. 58 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), celui de son canton d'origine ou du canton dans lequel il a eu son dernier domicile en Suisse, ou encore, par convention entre les parties, celui d'un autre canton.

En l’espèce, le 25 juillet 2017, les parties ont convenu d’une élection de for en faveur des tribunaux de la République et Canton de Genève pour tous leurs éventuels litiges présents et/ou futurs.

La compétence ratione loci de la Cour de céans est ainsi donnée.

b. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 6 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la LAM.

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi également établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAM, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l’assurance militaire, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle en principe aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

À noter que les art. 87 et ss du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) sont applicables par analogie en matière d’assurance militaire pour autant qu’ils ne soient pas en contradiction avec la LAM et ses dispositions d’application (MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung (MVG) vom 19. Juni 1992, 2000, n° 6 ad Art. 44).

3.        Le recours a été interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56 et 60 al. 1 LPGA).

4.        Le litige se limite à la question de savoir si c’est à juste titre que l’assurance militaire refuse à l’assuré des intérêts moratoires sur le montant de CHF 45'682.65 qu’elle lui a versé le 5 avril 2018, qui correspond aux rentes dues pour la période d’août 2017 à avril 2018.

5.        Selon l’art. 26 al. LPGA, des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d’assurances sociales à l’échéance d’un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l’assuré fait valoir ce droit, pour autant qu’il se soit entièrement conformé à l’obligation de collaborer qui lui incombe.

Cependant, en matière d’assurance militaire, l’art. 9 al. 2 LAM déroge à l'art. 26 al. 2 LPGA en ce sens qu’un intérêt n'est dû qu'en cas de comportement dilatoire ou illicite de l'assurance.

Il convient de noter que cet alinéa a été abrogé par l’annexe ch. 7 de la LF du 21 juin 2019, avec effet au 1er janvier 2021 (RO 2020 5137; FF 2018 1597), mais qu’en vertu de l’art. 82a LPGA (disposition transitoire de la modification du 21 juin 2019), les recours pendants à l’entrée en vigueur de la modification du 21 juin 2019 restent régis par l’ancien droit. Tel est le cas en l’espèce.

6.        L’art. 9 al. 2 LAM concrétise la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la LPGA (ATF 117 V 351 consid 2). L'obligation de payer un intérêt de retard n'existe que lorsque l'administration viole grossièrement ses devoirs, car sinon chaque décision erronée en matière de fixation de prestations pourrait donner lieu à des intérêts moratoires, ce que le législateur a précisément voulu éviter. Pour que l’on puisse admettre un comportement illicite, il faut que ce dernier soit la conséquence d’un comportement fautif imputable à celle-ci. L'art. 9 al. 2 LAM s'applique aux décisions de refus de prestations qui violent la loi ainsi qu'aux décisions en matière de prestations rendues au mépris d'éléments de faits essentiels ou fondées sur une instruction manifestement insuffisante (cf. arrêt 8C_775/2011 du 10 septembre 2012 consid. 2; JÜRG MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG], 2000, n° 10 s. ad art. 9 LAM).

Cela étant, le laps de temps entre la naissance du droit aux prestations et leur perception par l'assuré ne suffit pas pour lui reconnaître le droit à des intérêts moratoires (cf. arrêt 8C_914/2015 du 9 mai 2016 consid. 6).

7.        En l’espèce, le recourant invoque la violation de l'art. 9 al. 2 LAM et soutient qu'il a droit à des intérêts moratoires sur les prestations dues depuis le 1er août 2017. En effet, sa rente, suspendue le 1er août 2017, a été rétablie à 50% le 1er avril 2018 et l’arriéré lui a été versé en date du 5 avril 2018.

a. Le recourant invoque en premier lieu la jurisprudence et se réfère à un arrêt 9C_324/2012 consid. 2.2, qui ne lui est en réalité d’aucun secours puisqu’il concerne l’assurance-invalidité, domaine dans lequel c’est l’art. 26 LPGA qui trouve application, article auquel il est expressément dérogé en matière d’assurance militaire. Ce grief tombe dès lors à faux.

b. Le recourant reproche ensuite à l’intimée un comportement dilatoire. Il estime que puisque l’assurance militaire a eu connaissance des résultats de l’expertise du 29 juin 2017 à la fin du mois de juillet 2017, elle aurait pu et dû rendre une décision dès cette date. Il la soupçonne d’avoir attendu le préavis de l’OAIE pour se déterminer, alléguant que si l’AI avait attendu l’année 2020 pour ce faire, l’intimée aurait sans doute fait de même.

Certes, un délai s’est écoulé entre la prise de connaissance des résultats de l’expertise, fin juillet 2017 et le versement des arriérés, début avril 2018. De là à en conclure que l’intimée aurait adopté un comportement délibérément dilatoire, il y a un pas que l’on ne saurait franchir. A cet égard, on se référera d’ailleurs à l’arrêt dont se prévaut le recourant (arrêt 8C_472/2016 du 6 juin 2017).

Dans cet arrêt (consid. 5), la juridiction cantonale avait condamné l'assurance militaire à payer un intérêt moratoire de 5% l'an au motif que le laps de temps qui s'était écoulé entre l'arrêt de renvoi du Tribunal administratif (du 26 octobre 1999) et la décision sur opposition (du 23 octobre 2013) était manifestement excessif et que ce retard était dû, en partie tout au moins, à l'assurance militaire qui aurait pu se contenter de solliciter un complément d'expertise psychiatrique et qui avait trop tardé à mettre en œuvre une expertise psychiatrique.

Dans cet arrêt toutefois, le Tribunal fédéral a rappelé que l’obligation de payer un intérêt de retard n'existait que lorsque l'administration violait grossièrement ses devoirs, méprisant des éléments de faits essentiels ou se fondant sur une instruction manifestement insuffisante. Notre Haute Cour a jugé que même si la durée de la procédure apparaissait exceptionnellement longue (bien plus longue qu’en l’occurrence) et même si la procédure administrative n'avait peut-être pas été menée de manière très méthodique, on ne pouvait pour autant l'attribuer à une volonté délibérément dilatoire de l'assurance ou à des actes illicites de celle-ci. Pour une large part, cette durée s'expliquait par diverses procédures judiciaires intentées par l’assuré durant la période en cause.

Il en va de même dans le cas présent. Non seulement l’intimée n’a pas fait preuve d’une volonté délibérément dilatoire, ni commis d’acte illicite, comme on le verra plus loin, mais en outre, le retard pris dans la mise sur pied de l’expertise incombe au moins partiellement à l’assuré et à son manque de collaboration.

On ne saurait raisonnablement affirmer que l’assurance militaire aurait eu un comportement volontairement dilatoire.

Ainsi que le fait remarquer l’intimée, à titre de comparaison, on notera que l’art. 26 al. 2 LPGA prescrit que des intérêts moratoires sont dus à l’échéance d’un délai de vingt-quatre mois seulement à compter de la naissance du droit, et au plus tôt - à certaines conditions - douze mois à partir du moment où l’assuré fait valoir ce droit.

Or, en l’espèce, la rente a été versée à 50% à compter d’avril 2018, étant rappelé que le versement a été suspendu moins d’une année plus tôt, en juin 2017.

Qui plus est, le législateur a délibérément fait preuve de moins de sévérité à l’égard de l’assurance militaire en s’écartant de l’art. 26 al. 2 LPGA.

Là encore, le grief du recourant doit être écarté.

c. Le recourant reproche également à l’intimée la commission d’actes illicites.

Or, comme le rappelle l’assurance, le bien-fondé de sa décision incidente du 30 juin 2017 de suspendre la rente d’invalidité a été reconnu par la Cour de céans. Son arrêt a établi que la suspension de la rente était une mesure provisionnelle justifiée par les circonstances.

Le recourant allègue que le bien-fondé de la suspension de la rente ne suffit pas à écarter l’hypothèse de l’illicéité du comportement de l’assurance et rappelle à cet égard que la Cour de justice a retenu dans son arrêt une violation du droit d’être entendu et noté une attitude passive de l’assurance militaire, laquelle avait attendu que l’OAIE procède aux mesures d’instruction nécessaires.

Certes, une violation du droit d’être entendu a été relevée, dont il a cependant également été noté qu’elle avait été réparée devant la Cour. Celle-ci a également invité l’assurance à statuer rapidement. Cela ne saurait cependant suffire à conclure que l’assurance aurait commis des « actes illicites » au sens de l’art. 9 al. 2 LAM. A l’instar de l’assurance, la Cour de céans avait constaté qu’il existait suffisamment d’indices pour mener des investigations supplémentaires quant à une éventuelle activité lucrative ou un recouvrement – même partiel – de la capacité de travail. Cette dernière hypothèse s’est d’ailleurs vérifiée au vu des conclusions de l’expertise.

Dans ces circonstances, on ne peut raisonnablement affirmer que l’assurance militaire aurait eu un comportement dilatoire voire illicite au sens de la loi. Ce grief est également écarté.

d. Le fait que l’assurance militaire ait retenu de manière erronée que l’assuré faisait l’objet de poursuites pénales de la part de l’AFC n’est pas déterminant puisqu’à l’instar de l’OAIE et de la SUVA, la Cour de céans a admis qu’à l’époque des faits, les indices pouvant faire penser à une amélioration de la capacité de travail étaient suffisants pour justifier une suspension de rente. Contrairement à ce qu’allègue le recourant, l’intimée ne s’est d’ailleurs jamais prévalue de ce fait pour lui refuser l’octroi d’intérêts moratoires.

e. Enfin, le recourant allègue que l’assurance militaire se serait comportée de manière contraire à la bonne foi. Elle lui aurait fait une fausse promesse dans sa réponse du 28 août 2018 dans la procédure précédente, en se référant à la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’il apparaît au cours de la procédure de révision au sens de l’art. 17 LPGA qu’une rente n’est pas supprimée, celle-ci est versée ultérieurement avec des intérêts pour toute la durée de la suspension provisoire.

Le recourant affirme que c’est en raison de cette « promesse », qu’il aurait renoncé à interjeter recours auprès du Tribunal fédéral.

Le droit à la protection de la bonne foi, déduit directement de l’art. 4 de l’ancienne Constitution, est expressément consacré à l’art. 9 Cst actuel. Il vaut pour l’ensemble de l’activité étatique et exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale.

Selon la jurisprudence rendue sous l’ancien droit, qui est toujours valable (ATF 127 I 36 consid. 3a, 126 II 384 consid 3a), il permet aux citoyens d’exiger que l’autorité respecte ses promesses et qu’elle évite de se contredire (cf. également Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 428).

En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans celles-ci. De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Il s'applique lorsque l'administration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit. Ainsi, l'autorité qui fait une promesse, donne une information ou une assurance, doit satisfaire les expectatives créées, même si la promesse ou l'expectative sont illégales, si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

- il faut que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées,

- qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence,

- que l’administré n’ai pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu,

- qu’il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir un préjudice, et que

- la loi n’ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a ; Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1991, 4ème édition, n° 509 p. 108; Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 2ème édition, Zurich 1993, p. 117ss, plus particulièrement p. 126, ch. 563ss).

Le droit à la protection de la bonne foi suppose un lien de causalité entre le renseignement obtenu et les dispositions prises par l’administré. Un tel lien existe si l’on peut admettre que celui-ci se serait comporté autrement sans le renseignement donné par l’autorité. En revanche, tout lien de causalité doit être nié si l’on peut admettre que même sans le renseignement obtenu, l’administré aurait pris les mêmes dispositions (Béatrice WEBER-Drler, Vertrauenschutz im öffentlichen Recht, Bâle 1983 p. 102 ; même auteur, falsche Auskünfte von Behörden in ZBl 1991 p. 16). En ce qui concerne la preuve du lien de causalité, on ne saurait poser des exigences trop strictes. En effet, à partir du moment où l’administré a demandé des renseignements, il en découle la présomption de fait qu’en cas de réponse négative, celui-ci aurait adopté un autre comportement. Dès lors, la preuve du lien de causalité est considérée comme donnée s’il apparaît vraisemblable, selon l’expérience générale de la vie, que l’administré se serait comporté autrement sans le renseignement obtenu (ATF 121 V 67 consid. 2b, ATFA C 27/01 du 7 mai 2001).

En premier lieu, en l’occurrence, on ne voit pas comment un argument invoqué en cours de procédure par l’intimée concernant la suspension provisoire des prestations pourrait constituer une « promesse » formelle envers l’assuré.

Les conditions pour admettre une protection du droit à la bonne foi ne sont pas réunies. En particulier, l’argument selon lequel le recourant se serait basé sur la promesse du versement d’intérêts moratoires – dont il admet lui-même que leur modicité les rend parfaitement symboliques – pour renoncer à contester la suspension provisoire de sa rente – de plusieurs milliers de francs – auprès du Tribunal fédéral ne convainc pas.

Dès lors, ce grief, comme les précédents, apparaît parfaitement infondé.

8.        Eu égard aux considérations qui précèdent, on ne saurait parler de comportement dilatoire ou illicite de la part de l'intimée. C’est donc à juste titre que les intérêts moratoires ont été refusés dans le cas présent. Le recours est rejeté.  

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le