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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3209/2017

ATAS/1119/2017 du 07.12.2017 ( LM ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3209/2017 ATAS/1119/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 décembre 2017

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A_____, domicilié à MONACO, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michel SCHMIDT

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, ASSURANCE MILITAIRE, rue Ami-Lullin 12, GenÈve

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

1.        En sa qualité de membre du corps des instructeurs de l’armée, Monsieur A_____ (ci-après : l’assuré), né le _____ 1960, a été couvert par l’assurance-militaire contre les accidents et les maladies (ci-après : l’assurance-militaire) de janvier 1990 à juillet 2005. Au-delà, il est resté assuré pour les séquelles de maladies ou accidents survenus durant cette période d’affiliation.

2.        En raison de troubles psychiques, l’assuré a été incapable de travailler du 23 novembre 1998 au 31 mai 2001.

Des indemnités journalières lui ont été versées par l’assurance-militaire dès le 23 novembre 1998, à 100% jusqu’au 31 juillet 2000, puis à 50% jusqu’au 31 mai 2001.

En outre, une rente entière lui a été versée par l’assurance-invalidité du 1er  novembre 1999 au 31 juillet 2000, puis une demi-rente, du 1er août 2000 au 31 mai 2001.

3.        En raison de son activité auprès de B_____ SA, une société notamment active dans le domaine de l’organisation de manifestations sportives, dont il était administrateur avec signature individuelle, l’assuré a été libéré de ses engagements militaires du 1er juin au 30 septembre 2001, pour remplir sa fonction de président du comité d’organisation des journées sportives internationales du cheval du CSI-A/CAI de C_____.

4.        À compter de janvier 2002, l’assuré a été incapable de travailler à de nombreuses reprises, en raison d’atteintes diverses, notamment des voies respiratoires, de l’appareil digestif ou encore des genoux.

5.        À partir du 4 avril 2003, date à compter de laquelle l’assuré a été dans l’incapacité totale de travailler pour cause d’atteintes diverses (hypertonie artérielle, atteinte rénale inconnue, hypercholestérolémie, épuisement, effets secondaires médicamenteux divers), l’assurance-militaire lui a versé des indemnités journalières à 100%.

6.        Le 14 août 2004, l’assuré s’est à nouveau annoncé à l’office de l’assurance-invalidité compétent qui, sur la base d’un rapport rédigé le 9 février 2005 par le docteur D_____, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie qui concluait à une neurasthénie de type fibromyalgie et à un trouble de somatisation totalement invalidants, lui a reconnu, en date du 28 février 2005, le droit à une rente entière dès le 1er août 2003.

7.        En raison de son état de santé, l’assuré a été mis à la retraite anticipée le 31 juillet 2005.

8.        Par décision du 12 août 2005, l’assurance militaire a remplacé, dès le 1er août 2005, le versement des indemnités journalières par celui d’une rente d’invalidité de 90%, octroyée notamment à cause d’un burn-out et renouvelée régulièrement depuis, en dernier lieu par décision du 22 octobre 2007 et ce, pour une durée indéterminée. Le montant mensuel de cette rente s’élevait à CHF 10'127.75 (CHF 10'849.65 – CHF 721.90 en raison d’une surindemnisation).

9.        Depuis le 1er janvier 2008, l’assuré est domicilié à Monaco.

10.    Le 17 juin 2013, l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidents à l’étranger (ci-après : OAIE) a ouvert une procédure de révision.

11.    Après avoir rassemblé toutes les pièces médicales établies depuis le 23 avril 2008, l’OAIE a informé l’assuré, le 2 février 2014, qu’il entendait le soumettre à une expertise bidisciplinaire, psychiatrique et rhumatologique, qui serait réalisée à Bâle. La date de l’expertise dépendant des disponibilités des médecins concernés, un certain temps pouvait s’écouler jusqu’à ce que cette mesure soit mise sur pied.

En annexe à ce courrier figurait la liste de questions que l’office précité envisageait de poser aux médecins.

12.    À la demande de l’assuré, l’OAIE lui a adressé la liste des questions traduites en français.

13.    Lors d’un entretien téléphonique qui s’est tenu le 20 mars 2014, le docteur  E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin traitant de l’assuré, a informé l’OAIE que l’état de santé de son patient l’empêchait de prendre part à une expertise, une thérapie pour une hernie inopérable devant être suivie.

14.    Dans une note datée du 9 avril 2014, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin conseil de l’OAIE, a considéré que, dans la mesure où l’assuré pouvait se rendre à Genève depuis le sud de la France, sa capacité de voyager était établie.

15.    Par courrier du 1er octobre 2014, l’OAIE a informé l’assuré qu’il avait annulé le mandat d’expertise bidisciplinaire, son médecin-conseil considérant, au vu des pièces médicales rassemblées, qu’une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, psychiatrie, rhumatologie et neurologie) était nécessaire. Cela étant, dans la mesure où la date de l’expertise dépendait des disponibilités des centres, un certain temps pouvait s’écouler jusqu’à ce que cette mesure soit mise sur pied.

En annexe figurait la liste des questions envisagées.

16.    Par courrier du 28 novembre 2014, l’assuré, sous la plume de son conseil, a informé l’OAIE qu’il ne s’opposait aucunement à l’expertise envisagée. Il sollicitait la liste des experts afin qu’il puisse formuler d’éventuelles remarques.

17.    Le 3 décembre 2014, l’OAIE lui a répondu que l’attribution d’un mandat d’expertise comportant au moins trois disciplines devait revenir à un centre d’expertises médicales lié à l’office fédéral par une convention, choisi au hasard. La transmission de l’identité des experts pouvait donc prendre du temps.

18.    Le 3 novembre 2015, l’OAIE a, une nouvelle fois, transmis à l’assuré la liste des questions qu’il entendait poser aux experts, en rappelant que la désignation des experts pouvait prendre du temps.

19.    La Clinique romande de réadaptation (CRR) a été désignée, le 6 novembre 2015, par l’organisme chargé d’attribuer les mandats d’expertise au hasard.

20.    Par courrier du 16 novembre 2015, la CRR a toutefois informé l’OAIE qu’elle n’était pas en mesure de pratiquer l’expertise demandée, ses médecins n’ayant pas la compétence suffisante pour comprendre les enjeux dans une autre langue que le français ; une traduction des pièces n’était pas envisageable, car elle coûterait à elle seule plusieurs milliers de francs.

21.    Le 25 novembre 2015, l’OAIE a donc émis une nouvelle demande d’expertise, en précisant que l’allemand était nécessaire à la compréhension du dossier.

22.    Le 30 novembre 2015, le mandat a été attribué à Medaffairs AG, situé à Bâle.

23.    Le 24 octobre 2016, ce centre a informé l’OAIE que l’expertise envisagée pourrait être réalisée les 14, 15 et 19 décembre 2016 et lui a transmis, en date du 1er novembre 2016, un courrier destiné à l’assuré, mentionnant les dates précitées et lui transmettant divers documents, dont, notamment, un formulaire de demande d’interprète, que l’assuré devait renvoyer dûment remplis avant le 18 novembre 2016. Il était précisé qu’en l’absence de réponse dans le délai imparti, l’expertise serait annulée.

24.    Le 4 novembre 2016, l’OAIE a transmis au conseil de l’assuré le courrier précité, par recommandé.

25.    Par courrier du 18 novembre 2016, l’assuré, sous la plume de son conseil, a accusé réception du mandat d’expertise précité et sollicité que les médecins soient de langue maternelle française et que la langue de la procédure soit le français, sa langue maternelle. Il ajoutait qu’en raison de son mauvais état de santé, il n’était pas en mesure de se présenter à la convocation du 14 décembre 2016.

26.    Le 28 novembre 2011, l’OAIE a annulé l’expertise.

27.    Par courrier du 29 novembre 2016, l’OAIE a, à nouveau, transmis au conseil de l’assuré la liste des questions envisagées, en lui impartissant un délai de 10 jours pour se déterminer. Il avait tenu compte des problèmes linguistiques et avait mis à disposition un traducteur. L’OAIE ajoutait qu’à l’avenir, l’assuré devrait produire un certificat médical pour justifier toute incapacité de se déplacer pour l’expertise.

28.    Le 19 décembre 2016, le conseil de l’assuré a informé l’OAIE que son mandant serait en Suisse les 21 et 22 février pour une consultation et qu’il pourrait être disponible pour une expertise à ces dates.

29.    Par courrier du 18 janvier 2017, l’OAIE a rappelé à l’assuré que la langue maternelle des experts ne constituait pas un motif de récusation. Le droit d’être entendu ne comprenait pas la question de la langue maternelle des experts. L’expertise avait été organisée avec un interprète pour pallier les problèmes linguistiques. Par conséquent, l’office ne pouvait répondre favorablement à la requête visant à la réalisation de l’expertise en français.

30.    Par courrier du 25 janvier 2017, l’OAIE a informé l’assuré de son intention de suspendre le versement de la rente d’invalidité, motif pris qu’il était soupçonné d’exercer une activité lucrative dont il ne l’avait pas informé. Aucune précision supplémentaire n’était donnée à ce propos.

31.    Le 30 janvier 2017, l’assuré a persisté dans sa demande à être examiné par des experts francophones, en se référant notamment à un arrêt du Tribunal fédéral, réclamant, en cas de refus, qu’une décision formelle soit rendue.

32.    Le 2 février 2017, Medaffairs AG a transmis à l’OAIE les nouvelles dates prévues pour l’expertise, soit les 24, 25 et 27 avril 2017.

33.    Par courrier du 6 février 2017, l’assuré a contesté la suspension envisagée par courrier du 26 janvier 2017 en se défendant notamment d’avoir omis d’informer l’office de changements importants de circonstances. Il affirmait n’exercer aucune activité lucrative et demandait à pouvoir consulter son dossier rapidement pour pouvoir se prononcer de manière plus précise.

34.    Le 7 février 2017, l’OAIE a provisoirement refusé à l’assuré l’accès aux pièces de son dossier justifiant sa participation à diverses sociétés.

35.    Par courrier du 17 février 2017, l’assuré a contesté cette restriction de l’accès aux pièces. Il ajoutait qu’une pièce dont la consultation avait été refusée ne pouvait être utilisée à son désavantage que si son contenu essentiel lui avait été communiqué, oralement ou par écrit, et qu’il avait eu l’occasion de s’exprimer à son sujet. Son droit à la contre-preuve avait par conséquent été violé.

Pour démontrer sa bonne foi, l’assuré donnait des explications sur son implication dans diverses sociétés, au nombre desquelles, notamment : B_____ AG, G_____ Limited (ci-après : G_____) et H_____ SA.

Enfin, il se déclarait prêt à être examiné par un expert francophone.

36.    Par courrier des 27 février et 16 mars 2017, l’administration fédérale des contributions (AFC) a informé l’OAIE, respectivement l’assurance-militaire, qu’elle menait des enquêtes pénales à l’encontre de plusieurs sociétés et personnes physiques envers lesquelles elle nourrissait des soupçons de soustraction continue de montants importants d’impôts et d’instigation de complicité entre 2006 et 2015. Parmi les personnes physiques visées figurait Monsieur I_____, soupçonné de soustraction et d’escroquerie en matière de contributions entre 2010 et 2015, dans la gestion de deux sociétés. Le nom de l’assuré était apparu en lien avec l’une de ces sociétés, H_____ SA, dont il aurait acquis les actions sans en avoir les moyens ; en réalité, selon l’AFC, l’actionnaire de fait de cette société ne serait autre que Monsieur I_____.

37.    Le 13 mars 2017, l’OAIE a transmis à l’assuré les pièces du dossier et lui a imparti un délai de 10 jours pour se déterminer sur ses supposées activités.

38.    Le 22 mars 2017, l’OAIE a également mis l’assuré en demeure de se présenter à l’expertise prévue auprès de Medaffairs AG à Bâle, le prévenant qu’à défaut, le versement de sa rente serait suspendu pour défaut de collaboration.

39.    Par courrier du 24 mars 2017, l’assuré a fait part de ses observations suite à la mise en demeure avant suspension du 25 janvier 2017. Il a notamment expliqué s’être expatrié à Monaco en raison de ses problèmes de santé, ses médecins lui ayant conseillé un climat plus sec que celui de Zurich. Pour s’installer dans la principauté, il fallait disposer de ressources financières suffisantes. Dans son cas, la rente de l’assurance militaire avait été considérée comme une garantie de ressources suffisantes. Un permis de résidence ne lui permettant pas d’exercer une activité professionnelle lui avait alors été délivré.

S’agissant des diverses sociétés en lien avec lesquelles son nom apparaissait, l’assuré a expliqué ce qui suit. Il était actionnaire majoritaire à 98% et administrateur de B_____ AG mais n’exerçait aucune activité dans cette société et se limitait à signer la comptabilité annuelle en sa qualité d’actionnaire majoritaire. Il n’avait au demeurant jamais touché de rémunération. Ladite société, qui était endettée, n’avait distribué aucun dividende, en raison d’une perte reportée, réalisée antérieurement à 2004.

Il avait constitué, sur conseils, la société G_____ afin d’être en conformité avec les instances européennes pour l’acquittement et le paiement de la TVA dans la zone euro en cas de vente d’une pièce d’art de sa collection. Cette société était restée dormante jusqu’à sa mise en liquidation et sa radiation le 8 novembre 2016, sans qu’aucune activité commerciale n’ait été exercée et sans qu’aucune distribution n’ait été effectuée.

En 2014, par l’intermédiaire de l’entreprise J_____ , il avait vendu quatre œuvres de Francisco Goya, pour un montant total de USD 17'000.-, soit environ USD 4'350.- par pièce. La vente de pièces pour se créer un peu de liquidités ne constituait pas un indice d’une éventuelle activité lucrative.

40.    Le 30 mars 2017, l’assuré, sous la plume de son conseil, a expliqué à Medaffairs AG n’avoir appris qu’à la lecture des pièces de son dossier, finalement reçues le 15 mars 2017, l’existence d’une convocation pour une nouvelle expertise, devant se tenir les 24, 25 et 27 avril 2017. Ni cette convocation, ni ses annexes ne lui avaient été transmises par l’OAIE. Afin de respecter son droit à la langue garanti par la constitution fédérale, il sollicitait la traduction, en français, de l’ensemble des documents qu’il devait remplir. Il n’était, en effet, pas acceptable qu’il signât des autorisations de levée du secret médical, dont il ne comprenait ni la teneur, ni la portée, étant rappelé qu’il avait demandé, à plusieurs reprises, la tenue d’une expertise en français, sa langue maternelle, ce qui avait été refusé par l’OAIE en date du 22 mars 2017.

Quand bien même il n’avait jamais reçu la convocation, il entendait se présenter à l’expertise précitée, pour laquelle il sollicitait un interprète français-allemand soumis au secret médical. Par ailleurs, il requérait d’ores et déjà la traduction en français du rapport d’expertise.

41.    Le lendemain, l’assuré a transmis à l’OAIE copie de ce courrier en indiquant qu’il acceptait de se rendre à Bâle les 24, 25 et 27 avril 2017 pour se soumettre à l’expertise en langue allemande, quand bien même il n’avait pas formellement reçu de convocation en ce sens, contraint et forcé par les menaces de suppression de rente. Il soulignait que, contrairement à ce que laissait entendre l’OAIE, il n’avait jamais été bilingue. Cela faisait dix ans qu’il avait quitté Zurich pour Monaco, de sorte que sa compréhension de l’allemand n’était plus la même que vingt ans plus tôt, lorsqu’avait été réalisée la première expertise. Selon lui, il aurait été plus simple de traduire le dossier médical pour que l’expertise puisse se faire en français. Enfin, il sollicitait la présence d’un interprète et la traduction en français du rapport d’expertise.

42.    Par courrier recommandé du 10 avril 2017, l’assuré, sous la plume de son conseil, a transmis à Medaffairs AG les documents qu’il lui avait été demandé de remplir, en relevant n’avoir pu, vu la brièveté du délai, matériellement réunir tous les documents requis, assurant qu’il ferait de son mieux pour se procurer les documents manquants pour le jour de l’expertise.

43.    Les 24, 25 et 27 avril 2017, l’assuré s’est rendu dans les locaux de Medaffairs AG.

44.    Par la suite, le 8 mai 2017, l’assuré a transmis à Medaffairs AG les documents complémentaires requis par cet organisme.

45.    Par décision incidente du 19 mai 2017, l’OAIE a prononcé la suspension du versement de la rente d’invalidité avec effet immédiat, en invoquant un soupçon de perception indue de prestations toujours existant.

Cette décision a été communiquée à l’assurance-militaire.

L’intéressé ne s’y est pas opposé.

46.    Le 9 juin 2017, l’OAIE a confirmé la suspension de la rente. Il a considéré que l’assuré avait travaillé comme directeur auprès de G_____ depuis 2010 au moins et qu’il était au conseil d’administration de B______ AG, laquelle existait depuis février 2000. Des explications et des pièces étaient requises en lien avec cette situation.

47.    Les experts, selon leur rapport du 29 juin 2017, rédigé en allemand, ont conclu à une capacité de travail de l’assuré réduite à 50% dans toute activité pour raisons psychiques.

Le rapport de 111 pages n’étant pas rédigé en langue française, langue de la présente procédure, la Cour de céans n’entrera pas ici dans les détails, d’autant que l’objet du litige qui lui est soumis n’est pas la valeur probante dudit rapport, mais le droit de l’assurance-militaire de suspendre le versement de la rente d’invalidité en raison de la supposée violation, par l’assuré, de ses obligations de communiquer et de collaborer.

48.    En effet, par décision incidente du 30 juin 2017, l’assurance-militaire a, à son tour, prononcé la suspension du versement de la rente avec effet au 1er août 2017, en retirant l’effet suspensif à un éventuel recours.

Pour justifier sa décision, l’assurance-militaire a notamment reproché à l’assuré un défaut de collaboration : elle a considéré que c’était par sa faute que l’expertise envisagée par l’OAIE depuis 2013 n’avait pu se faire qu’en avril 2017.

À cela s’ajoutaient des soupçons portant sur l’exercice d’une activité lucrative non déclarée depuis de nombreuses années. A ce propos, l’assurance-militaire se prévalait notamment des doutes émis par l’OAIE et de la décision incidente rendue par celui-ci. Elle en a tiré la conclusion que la situation de l’assuré devait être éclaircie, tant sur le plan médical que sur celui de l’exercice éventuel d’une activité lucrative. Or, selon elle, vu les difficultés à obtenir des renseignements probants de la part de l’intéressé, un laps de temps considérable pouvait encore s’écouler jusqu’à la fin de l’instruction de ces points. Dès lors, l’assurance-militaire estimait que s’il devait s’avérer que la rente avait été versée à tort, le risque serait grand pour elle de ne pouvoir récupérer les prestations indument allouées.

49.    Par courrier du 14 juillet 2017, l’assuré a demandé à l’assurance-militaire de reconsidérer sa décision. En effet, le rapport d’expertise avait été rendu et se trouvait en mains de l’OAIE. En outre, il ne voyait pas où résidaient les difficultés à éclaircir sa situation personnelle puisqu’il répondait aux sollicitations de l’OAIE. Enfin, et quoi qu’il en soit, dans la mesure où il était propriétaire d’une parcelle sur laquelle était érigée une villa, estimée à environ CHF 1'000'000.-, les craintes de l’assurance quant à la récupération d’éventuelles prestations versées à tort n’avaient pas lieu d’être.

50.    Le même jour, l’assuré a encore apporté des précisions s’agissant de sa participation dans les sociétés susnommées.

Il n’avait jamais été directeur de la société G_____, mais administrateur, la traduction en français étant inexacte, le terme « director » désignant l’administrateur et non le directeur. La société en question n’avait jamais eu d’activité et, par conséquent, de revenus, comme cela ressortait des déclarations annuelles et attestations du registre du commerce britannique jointes.

Il avait acquis les actions de H_____ SA au moyen de ses économies, dans le but de faire une plus-value et, éventuellement, d’avoir un rendement sur l’investissement, la société détenant un immeuble à K_____. Cet investissement, qui ne rapportait aucun revenu, avait été saisi par l’administration fiscale en raison de problèmes entre le vendeur et ladite administration. Si, dans le futur, ladite société devait lui octroyer un revenu, il ne manquerait pas d’en informer l’OAIE.

S’agissant de ses revenus, ils étaient constitués, avant suspension provisoire des rentes, par la rente de l’assurance-invalidité, de CHF 28'200.-, la rente de l’assurance-militaire, de CHF 121'533.-, et la rente d’invalidité versée par son institution de prévoyance Publica, de CHF 4'758, ce qui correspondait à un revenu annuel de CHF 154'491.-, alors que ses dépenses avoisinaient CHF 70'000.- ; ce montant étant toutefois fluctuant en raison du cours de l’euro. Il avait investi une partie de ses économies dans la société H_____ SA.

Au vu de ces explications, l’assuré sollicitait la reconsidération de la décision de suspension de l’assurance-militaire. Il expliquait n’avoir pas contesté la décision de l’OAIE, sachant que le Tribunal administratif fédéral (TAF) mettait au moins une année et demie pour statuer. En revanche, il entendait contester la décision de suspension de rente de l’assurance-militaire.

51.    Par courrier du 28 juillet 2017, l’OAIE a sollicité de l’administration fiscale zurichoise la transmission de l’ensemble des pièces concernant l’assuré relatives aux années 2003 à 2008. Celles-ci lui ont été communiquées le 4 août 2017.

52.    Le 25 juillet 2017, par accord écrit, l’assurance-militaire et l’assuré ont convenu de fixer le for judiciaire dans le canton de Genève.

53.    Par écriture du 31 juillet 2017, l’assuré a interjeté recours contre la décision incidente de suspension de rente, en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et la mise sur pied d’une évaluation du bien immobilier dont il est propriétaire dans le Jura, principalement, à l’annulation de la décision de suspension de rente.

À l’appui de son recours, l’assuré explique notamment les motifs pour lesquels il a quitté Zurich pour s’installer à Monaco. Il répète que, pour ce faire, il a dû démontrer qu’il disposait de revenus suffisants, ce qu’il a pu faire grâce à la rente versée par l’assurance-militaire. Il a ainsi obtenu le statut de résident sans activité lucrative. Il souligne que la rente de l’assurance-militaire représente un revenu annuel de CHF 121'533.- et constitue dès lors une condition indispensable au maintien de sa résidence à Monaco. En cas de suppression ou de suspension de cette rente, ses intérêts privés seraient profondément atteints, alors même qu’une suspension provisoire de sa rente ne se justifie d’aucune manière.

Sur le fond, le recourant conteste exercer la moindre activité lucrative et affirme ne disposer d’aucun revenu en dehors du rendement de sa fortune. Il ajoute qu’au demeurant, l’intimée ne court aucun risque financier en continuant à lui servir sa rente puisqu’il est propriétaire d’un bien-fonds (villa avec piscine estimée à CHF 1'000'000.-, grevée d’une hypothèque d’environ CHF 650'000.-) dans le Jura, dont la vente pourrait, cas échéant, servir à rembourser d’éventuelles prestations versées à tort.

Le recourant conteste par ailleurs avoir manqué à son devoir de collaboration. Il allègue que si l’expertise a été retardée, c’est en raison, avant tout, entre juin 2013 et novembre 2016, de l’inaction de l’OAIE et des organismes chargés d’attribuer les expertises. Certes, par la suite, il s’est opposé à ce que cette expertise soit effectuée à Bâle (courrier 30 janvier 2017), mais c’est parce qu’elle devait comporter un volet psychiatrique important, pour lequel il était essentiel qu’il puisse s’exprimer en français. Ce faisant, il n’avait fait que demander le respect de son droit constitutionnel à la langue. C’était donc à l’organisation interne de l’OAIE que la fixation tardive de l’expertise était due. Cela étant, il s’était présenté en dates des 24, 25 et 27 avril 2017 et l’expertise avait eu lieu ; un rapport avait été rendu le 29 juin 2017.

Enfin, le recourant reproche à l’intimée de ne jamais lui avoir donné la possibilité de s’expliquer avant de suspendre sa rente.

54.    Le 3 août 2017, l’OAIE a sollicité de l’AFC la transmission de toutes les pièces concernant H_____ SA. L’AFC s’est exécuté le 18 septembre 2017 (voir infra ch. 57).

55.    Invitée à se déterminer, l’intimée a conclu, par écriture du 14 août 2017, au rejet de la demande de rétablissement de l’effet suspensif.

Elle fait valoir que le retrait de l’effet suspensif est prévu par la loi.

Quant à l’argument selon lequel elle disposerait d’une certaine garantie de récupérer des sommes éventuellement versées à tort grâce au produit de la vente de la villa dont le recourant est propriétaire en Suisse, elle le réfute, faisant remarquer que si l’intéressé s’oppose à la vente dudit bien-fonds, cela engendrera de longues et coûteuses procédures.

Enfin, elle allègue que l’administration n’est pas tenue de veiller au respect du droit d’être entendu lorsqu’elle doit agir de manière urgente.

56.    Par écriture du 28 août 2017, l’intimée s’est par ailleurs déterminée sur le fond du litige, soit la suspension du versement de la rente.

Elle soutient que le recourant n’a démontré ni l’absence d’une activité lucrative, ni le caractère mal fondé des soupçons à son encontre.

Elle rappelle que le recourant fait l’objet d’enquêtes pénales ouvertes à son encontre par l’AFC.

Pour le surplus, revenant sur la question de la recevabilité de la demande en rétablissement de l’effet suspensif, l’intimée considère que le recourant ne peut se prévaloir d’aucun préjudice irréparable, dès lors que, dans l’hypothèse où l’instruction devrait se conclure en sa faveur, les prestations lui seraient servies avec effet rétroactif et assorties d’intérêts pour toute la durée de la suspension provisoire.

57.    Par ordonnance du 18 septembre 2017, la Cour de céans a ordonné l’apport du dossier de l’OAIE, lequel a été produit le 2 octobre 2017. Il comporte notamment les documents suivants :

-        un courrier de l’AFC, datant du 18 septembre 2017, répondant à la demande d’information de l’OAIE (voir ci-dessus ch. 54), dans lequel cette administration explique que le 18 décembre 2012, le recourant a signé un contrat par lequel il acquérait l’ensemble des parts de la société 4S Services SA pour un montant de CHF 100'000.- ; un faisceau d’indices tendait toutefois à démontrer que cet acte de vente serait en réalité simulé ; en effet, le recourant, bénéficiaire d’une rente de l’assurance-invalidité, n’aurait apparemment pas disposé des fonds suffisants pour effectuer une telle transaction ; l’ancien actionnaire en serait donc toujours le réel détenteur ; la vente des actions serait en outre un non-sens économique, dès lors qu’elle n’aurait apporté aucune plus-value au vendeur, lequel aurait, au surplus, laissé plus d’un an à l’acquéreur pour payer le prix ; par la suite, le recourant aurait versé les montants suivants à la société, indiquant qu’ils correspondaient à des prêts ou des avances de l’actionnaire : CHF 160'000.- le 23 décembre 2013 ; CHF 250'000.- le 16 avril 2014 ; CHF 760'000.- le 27 février 2015 ; CHF 950'000.- le 28 juillet 2015 et CHF 900'000.- le 13 mai 2016 ; ces montants ont été versés depuis des comptes ouverts auprès des banques suivantes : Gonet Bank and Trust Limited, à Nassau (Bahamas), Crédit Foncier de Monaco et Banque BSI, filiale étrangère, probablement la succursale de Monaco ; pour l’AFC, il est peu vraisemblable que le recourant ait pu disposer des fonds nécessaires pour effectuer les transactions susmentionnées ; selon elle, les fonds proviennent certainement de l’ancien et réel actionnaire ;

-        les bilans de la société B______ AG, état au 30 juin 2011, 30 juin 2012, 30 juin 2013, 30 juin 2014 et 30 juin 2015 ;

-        les déclarations fiscales du recourant, ainsi que celles relatives à la société B_____ AG, dont il ressort que l’assuré était le président du conseil d’administration (Verwaltungsratspräsident) et qu’il était également chargé de la direction (Geschäftsleitung) et de la comptabilité (Verantwortilich für das Rechnungswesen) ;

-        les documents comptables relatif à la société G_____, dont il ressort notamment qu’elle était considérée comme une société dormante (« dormant companies »).

58.    Le dossier transmis par l’OAIE a été tenu à disposition des parties pour consultation et un délai leur a été accordé pour se déterminer.

59.    Par écriture du 25 octobre 2017, le recourant a rappelé que le retard de trois ans et demi pour la réalisation de l’expertise avait été pris par l’OAIE et ne lui était pas imputable.

Il relève que les enquêtes pénales de l’AFC ne sont pas dirigées contre lui.

Il répète avoir investi un montant de CHF 100'000.- dans H_____ SA pour l’achat d’actions. C’est le seul investissement provenant de ses deniers. En dehors de ce montant, il dit n’avoir versé aucun autre montant provenant de ses avoirs.

S’agissant de la décision incidente de suspension, le recourant reproche à l’intimée de l’avoir rendue sans avoir procédé – à tout le moins correctement – à une pesée des intérêts. Il rappelle que, durant l’été 2017, l’OAIE et l’intimée ont suspendu le versement des rentes qui lui étaient versées, soit CHF 28'200.-, respectivement CHF 121'233.- par année. Quant à l’institution LPP Publica, elle a bloqué un montant de CHF 324,90 par mois pour des motifs liés à des impôts anticipés mal calculés et contestés, ce qui ne lui laisse qu’un solde de CHF 31,95. Il se retrouve dès lors avec un revenu mensuel de CHF 31,95, ce qui l’étrangle totalement financièrement et ne lui permet plus ni de vivre, ni de maintenir sa résidence à Monaco, à moins de vendre son immeuble en Suisse, ce qui est long à organiser. Le dommage est dès lors extrêmement grave et irréversible, de sorte que son intérêt l’emporte sur celui de l’intimée.

À cela s’ajoute que les deux arguments de l’intimée sont selon lui injustifiés : sa situation médicale n’a pas changé depuis l’octroi de la rente - ainsi que le démontre l’expertise - et il ne réalise aucun revenu justifiant la diminution ou la suppression de sa rente actuelle.

Le recourant fait remarquer que si on attend que la décision au fond soit rendue, cela lui occasionnera des dommages irréversibles (perte du permis de séjour, impossibilité de vivre, impossibilité d’emprunter en attendant la décision finale, vente de son immeuble en Suisse, etc.). Alors que si, par impossible, le droit à une rente lui est nié et la restitution des prestations versées à tort demandée, son immeuble pourrait être saisi en quelques jours.

60.    L’intimée a informé la Cour de céans, par courrier du 26 octobre 2017, qu’elle n’avait aucune remarque particulière à formuler, ni aucune pièce à produire.

61.    Le 6 novembre 2017, l’intimée a encore transmis à la Cour de céans la copie d’un courrier adressé à l’assuré par l’OAIE, lui intimant de produire, dans un délai expirant le 24 novembre 2017, les extraits des comptes des trois banques (Gonet Bank and Trust Limited à Nassau, Crédit Foncier de Monaco et BSI filiale de Monaco).

62.    Par courrier du 27 novembre 2017, le recourant a confirmé avoir acquis les actions de H_____ SA pour un montant de CHF 100'000.-. Il soutient qu’en revanche, les autres investissements proviennent d’un prêt, non de ses fonds propres.

63.    Ce courrier a été transmis à l’intimée et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

64.    Néanmoins, par pli du 1er décembre 2017, le recourant a adressé à la Cour de céans les relevés bancaires relatifs aux comptes offshore transmis à l’OAIE.

 


 

EN DROIT

 

1.        a. À teneur de l’art. 105 de la loi fédérale sur l’assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM - RS 833.1), si le recourant est domicilié à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est, en dérogation à l'art. 58 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), celui de son canton d'origine ou du canton dans lequel il a eu son dernier domicile en Suisse, ou encore, par convention entre les parties, celui d'un autre canton.

En l’espèce, le 25 juillet 2017, les parties ont convenu d’une élection de for en faveur des tribunaux de la République et Canton de Genève pour tous leurs éventuels litiges présents et/ou futurs.

La compétence ratione loci de la Cour de céans est ainsi donnée.

b. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 6 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la LAM.

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi également établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAM, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-militaire, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle en principe aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

À noter que les art. 87 et ss du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) sont applicables par analogie en matière d’assurance-militaire pour autant qu’ils ne soient pas en contradiction avec la LAM et ses dispositions d’application (MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung (MVG) vom 19. Juni 1992, 2000, n° 6 ad Art. 44).

3.        Le recours a été interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56 et 60 al. 1 LPGA).

4.        Préalablement, le recourant conclut à la restitution de l’effet suspensif.

a. La LPGA ne contient aucune disposition topique en matière d’effet suspensif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.1). Cela étant, selon l’art. 55 al. 1 LPGA, les points de la procédure administrative en matière d’assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021).

À teneur de l’art. 55 PA, relatif à l’effet suspensif, le recours a effet suspensif (al. 1). Sauf si la décision porte sur une prestation pécuniaire, l'autorité inférieure peut y prévoir qu'un recours éventuel n'aura pas d'effet suspensif ; après le dépôt du recours, l'autorité de recours, son président ou le juge instructeur a la même compétence (al. 2). L'autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré ; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai (al. 3).

La décision par laquelle une administration suspend ou réduit des prestations pécuniaires, telles qu’une rente par exemple, ne constitue pas une décision portant sur une prestation pécuniaire. L’effet suspensif peut dès lors être retiré à de telles décisions (SEILER, Praxiskommentair Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVG), 2016, n° 87 ad Art. 55 PA).

L'entrée en vigueur de la LPGA n'a rien changé à la jurisprudence en matière de retrait par l'administration de l'effet suspensif à une opposition ou à un recours ou de restitution de l'effet suspensif (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 196/05 du 20 avril 2005 consid. 4.3). Ainsi, la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 540/06 du 26 octobre 2006 consid. 2.2). Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer, en application de l'art. 55 PA, d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 439/06 du 19 septembre 2006 consid. 2). En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 231/06 du 24 mai 2006 consid. 3.3). Par ailleurs, l'autorité ne saurait retirer l'effet suspensif au recours lorsqu'elle n'a pas de raisons convaincantes pour le faire (ATF 124 V 88 consid. 6a).

Lorsque sont mis en balance, d'une part, l'intérêt financier de l'assuré à obtenir ou maintenir des prestations d'assurance sans attendre l'issue du litige au fond et, d'autre part, l'intérêt de l'assureur social à ne pas verser des prestations qu'il ne pourra vraisemblablement que difficilement recouvrer à l'issue du procès s'il obtient gain de cause, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant et l'emporte ainsi sur celui de l'assuré (ATF 124 V 82 consid. 4 et 119 V 503 consid. 4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1073/2008 du 6 mars 2009).

b. En l’espèce, par décision incidente du 30 juin 2017, l’intimé a suspendu le versement de la rente d’invalidité dès le 1er août 2017 en retirant l’effet suspensif à un éventuel recours de l’assuré. Dans un tel cas, accorder le rétablissement de l'effet suspensif revient à anticiper sur le jugement qui sera rendu en matière de mesures provisionnelles. En effet, la question de l'effet suspensif se confond avec celle de la suspension du versement de la rente. Ainsi, le point de savoir si l'assuré a droit ou non, en l'état, au versement de sa rente d'invalidité relève indiscutablement du droit de fond. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas utile de se prononcer, à titre incident, sur la question de la restitution de l’effet suspensif (voir dans le même sens ATAS/700/2009 du 2 juin 2009 et ATAS/22/2009 du 13 janvier 2009). En revanche, il se justifie de trancher le fond, la cause étant en état d'être jugée, puisque les parties se sont déterminées à ce propos par écritures des 28 août 2017, 25 et 26 octobre, 6 et 27 novembre 2017.

5.        À titre liminaire, la Cour de céans constate que l’intimée invoque trois motifs à l’appui de la décision incidente querellée : le défaut de collaboration de l’assuré (retard pris dans la réalisation de l’expertise), les difficultés à obtenir des renseignements probants et le risque de ne pouvoir récupérer les prestations versées à tort. Ce faisant, l’intimée a en réalité pris deux types de mesures dans une seule et même décision : des sanctions en raison du défaut de collaboration et des difficultés à obtenir des renseignements, d’une part, des mesures provisionnelles en raison du risque de ne pouvoir recouvrer les prestations versées à tort, d’autre part. Ces mesures aboutissement au même résultat, à savoir la suspension de la rente, mais ne répondent pas aux mêmes conditions, raison pour laquelle il y a lieu de les examiner séparément.

6.        Tout d’abord, l’intimée a décidé de suspendre le versement de la rente en raison du défaut de collaboration qu’elle reproche au recourant. En agissant de la sorte, elle a en réalité procédé selon l’art. 43 LPGA et la jurisprudence y relative.

a. Aux termes de l'art. 43 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (al. 1 première phrase). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3 LPGA). Le cas échéant, l'assureur pourra rejeter la demande présentée par l'intéressé en considérant que les faits dont celui-ci entend tirer un droit ne sont pas démontrés (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). 

b. Lorsque l'assuré manque à son obligation de renseigner, l'art. 43 al. 3 LPGA prévoit que l'administration est en droit de se prononcer en l'état du dossier (l'alternative du refus d'entrer en matière n'étant pas pertinente en cas de révision). Elle ne peut alors se contenter d'examiner la situation sous l'angle du seul refus de collaboration de l'assuré, mais doit procéder à une évaluation du point de vue matériel à la lumière des pièces au dossier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 988/06 du 28 mars 2007 consid. 7, in SVR 2007 IV n° 48 p. 156). 

Dans le contexte particulier de la révision d'une prestation en cours, une évaluation en application de l'art. 43 al. 3 LPGA pourrait toutefois conduire à un résultat singulier. Lorsque l'assuré ne se conformerait pas à son devoir de renseignement et que le dossier ne contiendrait aucun élément permettant d'admettre que l'état de santé ou d'autres circonstances déterminantes sous l'angle de l'art. 17 LPGA se seraient modifiés, l'absence d'informations aurait pour résultat que l'administration ne pourrait réduire ou supprimer la prestation. En d'autres termes, l'absence de collaboration de l'assuré n'entraînerait, dans le cadre particulier de la révision d'une rente d'invalidité, aucune conséquence défavorable pour lui. Une telle solution n'est pas admissible, dès lors qu'elle permettrait à un assuré d'éviter la réduction ou la suppression de sa rente en refusant toute collaboration avec l'administration, laquelle serait empêchée d'élucider les faits conduisant, le cas échéant, à la diminution ou la suppression des prestations (arrêt du Tribunal fédéral 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 consid. 6.3 et les références).

L'application de l'art. 43 al. 3 LPGA dans un cas où des prestations sont en cours et où l'assuré qui les perçoit refuse de manière inexcusable de se conformer à son devoir de renseigner ou de collaborer à l'instruction de la procédure de révision, empêchant par-là que l'organe d'exécution de l'assurance-invalidité établisse les faits pertinents, suppose que le fardeau de la preuve soit renversé. En principe, il incombe bien à l'administration d'établir une modification notable des circonstances influençant le degré d'invalidité de l'assuré, si elle entend réduire ou supprimer la rente. Toutefois, lorsque l'assuré refuse de façon inexcusable de la renseigner, il lui est impossible de démontrer les faits conduisant à une modification du taux d'invalidité. Dans un tel cas, lorsque l'assuré empêche fautivement que l'office AI administre les preuves nécessaires, il convient d'admettre un renversement du fardeau de la preuve. Il appartient alors à l'assuré d'établir que son état de santé, ou d'autres circonstances déterminantes, n'ont pas subi de modifications susceptibles de changer le taux d'invalidité qu'il présente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 consid. 6.3 et les références).

7.        En l'espèce, l’intimée reproche au recourant de ne pas avoir collaboré de deux manières différentes : en ayant retardé la réalisation de l’expertise pluridisciplinaire et en ne donnant que difficilement suite aux demandes de renseignements qui lui ont été adressées.

Cela étant précisé, force est de constater que l’intimée, estimant que le recourant ne faisait pas tout ce qu'il devait dans le cadre de son obligation de collaborer, ne lui a pas adressé par écrit un avertissement assorti des conséquences juridiques de son attitude et lui impartissant un délai de réflexion. C’est ce que le recourant a qualifié, dans ses écritures, de violation de son droit d’être entendu. Ce faisant, l’intimée a, en réalité, violé la procédure prévue par l’art. 43 al. 3 LPGA, applicable en matière d’assurance-militaire au vu du renvoi de l’art. 1 LAM. Elle ne pouvait ainsi suspendre le versement de la rente, conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 susmentionné).

Par surabondance de moyens, la Cour de céans relèvera encore que l’intimée n’a, à aucun moment, invité le recourant à se soumettre à une expertise. En outre, elle n’a formulé aucune demande de renseignements à laquelle le recourant n’a pas répondu. En réalité, les reproches que l’intimée invoque concernent l’attitude du recourant dans la procédure par-devant l’OAIE. Or, l’intimée ne peut reprocher au recourant son manque de collaboration dans une procédure l’opposant à une autre autorité, d’autant moins lorsque celle-ci n’a pas sanctionné l’assuré pour ce motif.

Par conséquent, au vu de ce qui précède, une suspension du versement de la rente pour défaut de collaboration à la réalisation de l’expertise ou en raison de difficultés à obtenir des renseignements n’est pas admissible.

8.        Reste à examiner si le versement de la rente pouvait être suspendu à titre provisionnel. En raison de la nature particulière de cette décision, il convient d’examiner, à titre liminaire, la question du préjudice irréparable, condition de recevabilité supplémentaire d’un recours dirigé contre une décision de mesure provisionnelle.

a. Une décision qui suspend à titre provisoire une rente d'invalidité est une mesure provisionnelle. Formellement, elle constitue une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1016/2009 du 3 mars 2010 consid. 1).

La LPGA ne contient aucune disposition en matière de mesures provisionnelles. Comme indiqué précédemment, selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux articles 27 à 54 de la loi ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la PA.

b. Les décisions incidentes, notamment celles qui portent sur des mesures provisionnelles, ne sont toutefois susceptibles de recours, séparément d'avec le fond, que si elles sont de nature à causer un préjudice irréparable (art. 46 al. 1 let. a PA) ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 46 al. 1 let. b PA). Le préjudice est irréparable lorsqu’il cause un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141, 288 consid. 3.1 p. 291).

Selon la jurisprudence, une suppression à titre provisoire de prestations financières ne cause en règle générale pas un préjudice irréparable (cf. arrêts 9C_867/2012 du 17 avril 2013, 9C_881/2012 du 27 décembre 2012 et la jurisprudence citée). Ceci est également valable pour la suspension provisoire du versement d'une rente (arrêt 9C_45/2010 du 12 avril 2010 consid. 1.2, in SVR 2011 IV n° 12 p. 32 ; cf. aussi l'arrêt 9C_1016/2009 du 3 mars 2010 consid. 1). En effet, lorsqu'il apparaît au cours de la procédure de révision (au sens de l'art. 17 LPGA) qu'une rente n'est pas supprimée, celle-ci est versée ultérieurement avec des intérêts pour toute la durée de la suspension provisoire (arrêts 9C_324/2012 du 13 juin 2012 consid. 2.2 et 9C_45/2010 cité consid. 1.2; Hansjörg SEILER, in: VwVG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2009, n° 70 s. ad art. 55 et n° 54 s. ad art. 56 PA).

Le Tribunal fédéral des assurances a toutefois adopté une position plus nuancée. Il a ainsi considéré, au consid. 2.2 de l’arrêt I 816/04 du 2 novembre 2004, que la condition du préjudice irréparable était remplie lorsque la cessation subite du versement d'une rente était susceptible de compromettre la situation financière de l'assuré et de le contraindre à prendre des mesures onéreuses ou d'autres dispositions qui n’étaient pas raisonnablement exigibles. Quant au Tribunal administratif fédéral, il a notamment considéré que la suspension du versement d’une rente d’invalidité censée couvrir au moins en partie le minimum vital constituait sans aucun doute un préjudice irréparable selon l’art. 46 al. 1 let. a PA (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-676/2008 du 21 juillet 2009 consid. 2.1.2, arrêt du Tribunal administratif fédéral B-860/2011 du 8 septembre 2011 consid. 2.3). Cette juridiction a également considéré que la suspension d’une rente invalidité qui substituait au moins partiellement le revenu de la personne assurée constitue généralement un préjudice irréparable au sens de l’art. 46 al. 1 let. a PA (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-580 2015 consid. 1.2 et références citées).

9.        En l’occurrence, la décision litigieuse suspend provisoirement le versement d’une rente d’invalidité de l’assurance-militaire qui constitue le revenu principal de l’assuré. Entre la suppression ou la réduction des trois rentes d’invalidité (AI, LPP et assurance-militaire), le recourant ne perçoit plus que CHF 31,95. Dans la mesure où ce sont les rentes d’invalidité censées couvrir son minimum vital qui sont suspendues, il y a à l’évidence un préjudice irréparable. Le recours est par conséquent recevable, ce qui n’a, au demeurant, été contesté à aucun moment par l’intimée, celle-ci s’étant limitée à remettre en question la recevabilité la demande de restitution de l’effet suspensif.

10.    Sur le fond, le recourant invoque tout d’abord une violation de son droit d’être entendu, la décision de suspension de rente ayant été rendue sans qu’il n’ait pu faire valoir sa position au préalable.

Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa, 124 V 90 consid. 2 notamment).

a/aa. Les mesures provisionnelles étant des décisions, les règles de procédure administrative s'y appliquent, notamment le droit d'être entendu. Il est cependant des situations où l'urgence est telle que l'autorité peut prendre des mesures sans entendre préalablement les parties (art. 30 al. 2 let. e PA), voire sans procéder à une notification formelle (voir p. ex. art. 133 al. 2 LCI/GE). Ces mesures, que l'on peut qualifier de « superprovisionnelles », devront, en tout cas si elles ont des effets durables, être régularisées par une décision en bonne et due forme, avec respect du droit d'être entendu, dès que possible (ATF 126 II 111, 123 ; MOOR/POLTIER p. 306, T. TANQUEREL, op cit n° 845).

a/bb. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 V 368 consid. 3.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C 1016/2009 du 3 mars 2010).

Une violation du droit d’être entendu est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 133 I 201 consid. 2.2). Si la réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; ATF 126 V 130 consid. 2b), même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimée, ni de l'administré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1).

b. En l'espèce, le droit d'être entendu du recourant a, à l’évidence, été violé par l'intimée, qui a suspendu la rente sans permettre à l’intéressé de s'exprimer au préalable, étant relevé que l'on ne se trouve pas en présence d'une situation où l'urgence est telle que l'autorité pourrait rendre une mesure superprovisionnelle. Toutefois, force est également de constater que le recourant a déposé, auprès de l’intimée, une demande de reconsidération, dans laquelle il a fait valoir ses droits en détails, et qu’il a également pu faire valoir ses droits et arguments par-devant la Cour de céans, dans son recours du 31 juillet 2017 et dans sa duplique du 25 octobre 2017. Ainsi, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, force est d'admettre que la violation du droit d’être entendu a été réparée dans le cadre de la présente procédure, le recourant s’étant exprimé à plusieurs reprises sur le bien-fondé de la suspension de la rente d’invalidité (ATF 127 V 431 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1016/2009 du 3 mars).

11.    La violation du droit d’être entendu ayant été réparée, reste à déterminer si les intérêts en présence justifient une suspension de la rente d’invalidité servie par l’assurance-militaire.

a. Les règles de procédure en matière de mesure provisionnelles figurent notamment à l’art. 56 PA (autres mesures), lequel prévoit qu’après le dépôt du recours, l’autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut prendre d’autre mesures provisionnelles, d’office ou sur requête d’une partie, pour maintenir intact un état de fait existant ou sauvegarder des intérêts menacés.

Il est admis que ces articles sont applicables également à l'administration et non pas uniquement en procédure de recours (voir par exemple ATF 117 V 185).

b. Le but de mesures provisionnelles est de sauvegarder un intérêt protégé par la loi et qui paraît menacé. Si l'autorité ne fait que décider une mesure dont les effets sont transitoirement les mêmes que ceux qui découlent d'une mesure que la loi lui permet de prendre à titre définitif, une base légale expresse n'est pas nécessaire (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. II : Les actes administratifs et leur contrôle, 2ème éd., Berne 2002, p. 528, n° 2.2.6.8, p. 272). Lorsqu'il s'agit d'examiner une mesure provisionnelle ou un retrait de l'effet suspensif, il y a lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence, qui s'effectue selon les mêmes critères (Ueli KIESER, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 190 ss n. 406). On peut donc se référer aux principes légaux et jurisprudentiels en matière d'effet suspensif pour examiner la conformité au droit de la décision de suspension de la rente.

Les mesures provisionnelles ne sont légitimes, aux termes de la loi, que si elles s'avèrent nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis. En revanche, elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper sur le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, ni non plus aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire le procès au fond (ATF 119 V 506 consid. 3 et les références citées). Si la protection du droit ne peut exceptionnellement être réalisée autrement, il est possible d'anticiper sur le jugement au fond par une mesure provisoire, pour autant qu'une protection efficace du droit ne puisse être atteinte par la procédure ordinaire et que celle-ci produirait des effets absolument inadmissibles pour le requérant (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 278/02 du 24 juin 2002).

La possibilité de suspendre la rente à titre provisoire a été confirmée par le Tribunal fédéral à plusieurs reprises (voir notamment les arrêts du Tribunal fédéral 9C_45/2010 du 12 avril 2010, consid. 2 et les références citées ; 9C_1016/2009 du 3 mars 2010 ; voir. également Valterio, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], Genève/Zurich/Bâle, n° 3061).

Lorsque sont mis en balance, d'une part, l'intérêt financier de l'assuré à obtenir ou maintenir des prestations d'assurance sans attendre l'issue du litige au fond et, d'autre part, l'intérêt de l'assureur social à ne pas verser des prestations qu'il ne pourra vraisemblablement que difficilement recouvrer à l'issue du procès s'il obtient gain de cause, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant et l'emporte ainsi sur celui de l'assuré (ATF 124 V 82 consid. 4 et 119 V 503 consid. 4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1073/2008 du 6 mars 2009).

12.    a. Si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 1 al. 1 LAM et 17 al. 1 LPGA).

La diminution ou la suppression de la rente notamment prend effet:

a.       au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision (équivalent aujourd’hui du projet de décision - Vorschlag) (art. 88bis al. 2 let. a RAI applicable par analogie dans une certaine mesure et arrêt M 7/86 du 22 septembre 1986 cité par MAESCHI, op. cit., n° 26 ad art. 44 LAM dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002) ;

b.      rétroactivement à la date où elle a cessé de correspondre aux droits de l'assuré, s'il se l'est fait attribuer irrégulièrement ou s'il a manqué, à un moment donné, à l'obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement en vertu de l'art. 77, que la poursuite du versement de la prestation ait eu lieu ou non en raison de l'obtention irrégulière ou de la violation de l'obligation de renseigner (art. 88bis al. 2 let. b RAI applicable par analogie).

b. L’obligation de renseigner auquel l’art. 88bis al. 2 let.b RAI fait référence, est désormais prévue par l’art. 31 al. 1 LPGA, à teneur duquel l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation.

Cette disposition a remplacé l’art. 83 al. 3 LAM, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002.

En cas de violation de l’obligation de communiquer, la restitution des prestations versées à tort peut être demandée (voir art. MAESCHI, op. cit., n° 28 ad Art. 44 LAM in fine ; art. 1 LAM et 25 LPGA).

La restitution est régie par l’art. 25 LPGA, lequel stipule que les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

c. En résumé, dans le cadre d’une procédure de révision, la rente peut être supprimée avec effet rétroactif en cas de violation de l’obligation de renseigner. Dans ce cas, la restitution des prestations versées à tort peut être demandée. Si l’assuré n’a pas violé son obligation de communiquer, la rente ne peut être supprimée qu’avec effet au deuxième jour suivant la notification de la décision susceptible d’opposition.

13.    a. En l’espèce, l’intimée a également motivé le versement de la rente d’invalidité par le soupçon d’exercice d’une activité lucrative non déclarée et par le risque de ne pouvoir récupérer les prestations éventuellement versées à tort. Il convient donc d’examiner si l’intérêt de l’intimée l'emporte sur le droit du recourant à continuer de percevoir sa rente d’invalidité jusqu’à droit jugé sur le fond.

Pour procéder à cet examen, il convient de se fonder sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 439/06 du 19 septembre 2006 consid. 2).

b. En premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence fédérale, il est admis que l'intérêt de l'administration est généralement prépondérant lorsque la situation financière de celui qui bénéficie de prestations ne lui permettrait pas de les restituer s'il s'avérait dans le jugement au fond qu'elles étaient perçues à tort (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 63/05 du 14 novembre 2005 consid. 5.3 ; ATF 119 V 503 consid. 4 ; ATF 105 V 266 consid. 3).

Dans le cas du recourant, en cas de jugement au fond constatant que les rentes d’invalidité ont été perçues à tort, l’intimée pourrait, cas échéant, réclamer jusqu’à cinq ans de prestations versées à tort. Or, de l’aveu même du recourant, la valeur de son immeuble, après déduction de l’hypothèque, ne permettrait de couvrir que trois ans de prestations versées à tort. À cela s’ajoute le fait qu’avant de pouvoir bénéficier de la restitution effective des montants versés indûment, l’intimée devrait initier une procédure longue et compliquée en matière de poursuite et faillite, et éventuellement en matière judiciaire. Or, c’est précisément dans le but d’éviter ces complications administratives que la jurisprudence fédérale reconnaît un intérêt prépondérant à l’administration (voir notamment ATF 105 V 266 consid. 3).

Toutefois, pour que l’intérêt de l’intimée soit prépondérant, encore faut-il qu’elle puisse se fonder sur une disposition légale lui permettant réclamer la restitution des prestations et qu’une telle situation paraisse possible au vu des faits soumis à la Cour de céans.

c. À l’appui de la décision querellée, l’intimée a notamment évoqué l’exercice d’une activité lucrative et l’implication du recourant dans plusieurs sociétés, qui n’aurait pas été portée à la connaissance des autorités. Concrètement, l’OAIE et l’intimée reprochent au recourant de bénéficier d’une capacité de travail supérieure à celle prise en considération pour le calcul du degré d’invalidité en 2005. En d’autres termes, les autorités précitées sont d’avis que la capacité de travail du recourant a évolué positivement, sans que cela soit porté à leur connaissance.

Il ressort des pièces du dossier, et notamment des explications du recourant, que celui-ci est impliqué dans plusieurs sociétés, à savoir :

-        B______ AG, constituée en février 2000, dont le recourant est actionnaire majoritaire et administrateur avec signature individuelle depuis le début ; s’il est vraisemblable que l’OAIE n’était pas au courant de cette situation, il n’en va pas de même de l’intimée, celle-ci ayant collaboré à plusieurs reprises avec la société précitée (voir notamment pièce 24, chargé recourant) ; dans de telles circonstances, l’intimée est réputée connaître le statut du recourant dans ladite société ; par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas de considérer que le recourant exercerait une activité régulière pour cette société ; de prime abord, on ne peut donc pas reprocher au recourant une violation de son devoir d’informer en lien avec la société B______ AG ;

-        G_____, avec siège à Londres, a été constituée en 2009 dans le but de faciliter la vente d’œuvres d’art ; les pièces transmises permettent de considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la société en question n’avait aucune activité, raison pour laquelle elle était qualifiée de dormante (voir pièce 24, chargé recourant) ; quand bien même le recourant en était l’administrateur, aucun élément ne permet de considérer qu’il a exercé une quelconque activité ; partant, prima facie, on ne peut pas non plus reprocher au recourant d’avoir manqué à son obligation de communiquer l’existence de la société susmentionnée ;

-        enfin, le recourant serait l’actionnaire majoritaire, voire unique de H_____ AG, avec siège à Zug ; selon un courrier de l’AFC du 18 septembre 2017, cinq versements, qualifiés de prêts ou avances de l’actionnaire, ont été effectués en faveur de la société précitée à partir de trois comptes offshore ouvert auprès des banques suivantes : Gonet Bank and Trust Limited à Nassau, Crédit Foncier de Monaco et BSI, certainement filiale de Monaco ; dans son écriture du 25 octobre 2017, le recourant explique qu’« en dehors du prix des actions, [il] n’a versé aucun autre montant provenant de ses avoirs dans ce dossier H_____ Ag » ; selon les relevés bancaires transmis par le recourant, ces versements semblent avoir été effectués pour le compte de Monsieur I_____, comme le soupçonnait l’AFC dans son courrier du 18 septembre 2017, pour des raisons qui n’ont toutefois pas été expliquées par le recourant quand bien même il en avait la possibilité à plusieurs reprises ; de tels éléments sont nouveaux et susceptibles d'entraîner une appréciation différente de la capacité de travail du recourant et donc d'avoir des répercussions sur le droit aux prestations ; en effet, la question d’une activité déployée pour la société H_____ SA ou Monsieur I_____, lequel est notamment visé par les enquêtes fiscales en cours, sous la forme d’intermédiaire par exemple, peut se poser ; or, une telle activité pourrait être synonyme d’une capacité de travail supérieure à celle prise en considération lors de l’octroi initial de la rente.

Compte tenu des informations qui précèdent, on peut se poser la question d’une capacité de travail résiduelle du recourant. Cela paraît d’autant plus plausible que l’expertise conclut à une capacité de travail de 50% (voir expertise p. 29). Le recourant n’ayant notamment fourni aucune explication circonstanciée en lien avec les versements effectués pour le compte de Monsieur I_____, la Cour de céans est d’avis que la question d’une violation de l’obligation de communiquer peut effectivement se poser. En cas de confirmation d’une telle violation, l’intimée peut mettre un terme au versement de la rente d’invalidité rétroactivement à la date où elle a cessé de correspondre aux droits du recourant, pour autant que cette date puisse être déterminée. Dans un tel cas, la restitution des prestations versées à tort pourrait être requise.

Certes, le recourant s’est déclaré prêt, dans son écriture du 25 octobre 2017, à fournir toutes les informations nécessaires au sujet de H_____ SA et, par courrier du 1er décembre 2017, a transmis à la Cour de céans les relevés bancaires des comptes offshore précités. Il n’a toutefois pas fourni la moindre explication sur les motifs des virements et les modalités de son activité d’intermédiaire. Cela étant, force est de constater que le recourant a eu, à plusieurs reprises, l’occasion de se prononcer sur son implication dans la société H_____ SA, mais qu’il a sciemment décidé de ne pas le faire. Dans ces circonstances, la Cour de céans n’a pas à entreprendre des investigations supplémentaires à ce sujet, l’assurance-militaire, respectivement l’OAIE, étant les autorités auprès desquels le recourant doit désormais justifier sa position.

14.    En résumé, la Cour de céans est d’avis que la décision incidente doit être confirmée, la situation concernant une éventuelle activité lucrative devant être investiguée.

Cela étant, conformément à la jurisprudence fédérale, l’intimée ne peut pas suspendre à titre provisionnel le versement de la rente pour ensuite rester inactive pendant plusieurs mois, voire plusieurs années et laisser ainsi le recourant sans décision matérielle sur son droit à la rente. L’octroi de mesures provisionnelles ne se justifie que si la procédure principale est menée de manière expéditive et achevée dans un délai adéquat (arrêt du Tribunal fédéral 9C45/2010 du 12 avril 2010 consid. 2.2).

Or, en l’espèce, au vu de l’attitude de l’intimée avant qu’elle ne rende la décision incidente querellée, qui consistait à attendre que l’OAIE procède aux mesures d’instruction nécessaires, on peut se demander si l’intimée entreprend de son côté toutes les actes nécessaires pour instruire la question de l’activité lucrative. Le fait qu’elle ait transmis le courrier de l’OAIE impartissant un délai au recourant pour produire les pièces relatives à la société H_____ SA laisse supposer qu’elle attend en réalité le résultat des investigations de l’OAIE. Or, cette manière de procéder ne saurait être admise. Il appartient en effet à l’assurance-militaire de faire le nécessaire pour pouvoir notifier rapidement au recourant une décision sur révision ce d’autant plus que le rapport d’expertise a déjà été rendu, depuis plusieurs mois déjà.

À défaut, le recourant pourrait saisir la Cour de céans d’un recours pour déni de justice formel et retard injustifié.

15.    Dans la mesure où des soupçons d’activité lucrative existent et que ces éléments sont susceptibles de modifier l’appréciation de la capacité de travail, il y a lieu de rejeter le recours et confirmer la décision incidente par laquelle le versement de la rente a été suspendu.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Préalablement :

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le