Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3980/2019

ATAS/522/2021 du 25.05.2021 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3980/2019 ATAS/522/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 mai 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à VERSOIX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Laurence MIZRAHI

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1962, marié et père de deux enfants, nés respectivement le ______ 1989 et le ______ 1994, a déposé une demande de prestations AI auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI ou l'intimé) le 16 juin 2016, en raison de problèmes de dos et de problèmes cardiaques. Il exerce une activité d'interprète pour B______ Sàrl depuis juillet 2016.

2.        D'après son curriculum vitae, il a été employé en tant qu'aide de laboratoire de 1988 à 1994. Puis, entre 1997 et 1999, il a été gérant d'une agence artistique. Par la suite, il a été coordinateur dans une agence artistique entre 1999 et 2001. De 2000 à 2001, il a travaillé en tant qu'agent d'escale à l'Aéroport international de Genève. De 2005 à 2006, il a été pompiste au sein de la station C______. Enfin, il a été huissier au sein de la D______ à Genève, de 2006 à 2007. L'extrait de son compte individuel (CI) auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation du 27 avril 2017 atteste également d'une période de chômage en 2008 - 2009, et d'un emploi chez E______Sàrl en 2011 et 2012 ainsi qu'une activité en 2016 pour B______ Sàrl.

3.        Le 28 juin 2016, le docteur F______, FMH pneumologie, a rempli un rapport médical AI dans lequel il a attesté suivre l'assuré depuis juin 2015. Il a diagnostiqué un syndrome d'apnée du sommeil modéré, traité efficacement par CPAP. La dernière consultation remontait au mois octobre 2015. Il n'y avait pas d'indication d'arrêt de travail pour ce diagnostic.

4.        Le même jour, le docteur G______, FMH neurochirurgien, a rendu un rapport médical AI attestant d'une lombalgie paravertébrale droite avec glutéalgie et irradiation dans le pli de l'aine, mécanique ; DD syndrome facettaire L5 S1 droite versus un syndrome de la sacro-iliaque ; une radiculalgie L3 gauche sur conflit radiculaire foraminal (I.R.M du 16 juillet 2015). L'assuré avait décrit des douleurs rachidiennes avec un blocage du membre inférieur gauche en 2009, pour lesquelles il avait eu deux infiltrations et des morphiniques à l'époque, avec une évolution favorable. Depuis 2005, la symptomatologie récidivait avec une irritation à la face interne de la cuisse gauche qui se manifestait particulièrement en montant les escaliers et la nuit, accompagné de bocage des orteils et parfois du mollet. La position assise ou debout prolongée exacerbait une douleur axiale, de même que la marche avec un périmètre à environ 200 m. L'assuré ne décrivait pas subjectivement de pertes sensitives ou motrices. Le pronostic était réservé au vu de la chronicité des symptômes. Dans sa profession d'huissier, l'incapacité de travail était de 100% depuis 2009. On ne pouvait pas s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle, respectivement à une amélioration de la capacité de travail. L'assuré était encore capable d'exercer des activités dans différentes positions, de monter des escaliers et de soulever des charges de 5 kg au maximum. Sa résistance ainsi que ses capacités de concentration, de compréhension et d'adaptation n'étaient pas limitées.

5.        Le 13 juillet 2016, le docteur H______, FMH médecine interne, a rempli un rapport médical AI ; il a posé le diagnostic de lombalgie paravertébrale droite avec glutéalgie et irradiation dans le pli de l'aine ainsi qu'avec radiculalgie L3 gauche sur conflit radiculaire foraminal ; comme diagnostic différentiel : syndrome facettaire L5-S1 droit versus syndrome de la sacro-iliaque à droite ; des stents cardiaques en 2010 et 2015 ; un syndrome d'apnée du sommeil récemment appareillé par un CPAP. En 2010, il avait découvert un angor à l'effort, qui l'avait amené à pousser des investigations sur le plan cardiologique, ce qui avait débouché sur une coronarographie et la pose d'un premier stent. En février 2014, l'assuré avait présenté des lombalgies. En décembre 2014, les douleurs s'étaient exacerbées avec une évolution plutôt défavorable, entrainant à partir d'avril 2015 une incapacité de travail. L'assuré avait été adressé au Dr G______ pour un premier avis neurochirurgical. En août 2015, il y avait eu une première infiltration pour un probable syndrome facettaire L5-S1 effectué par le Dr G______ avec un résultat plutôt médiocre. Une deuxième infiltration avait été effectuée le 26 août et à ce moment-là, le Dr G______ avait proposé une troisième infiltration et avait adressé l'assuré au Dr I______ en vue d'une infiltration sous CT des articulations sacro-iliaques et articulations postérieures L5-S1 droite, qui avait eu lieu le 4 mai 2016. Malgré ces différents gestes, l'évolution était peu satisfaisante, avec la persistance de lombalgies d'allure très mécanique. Le pronostic restait réservé. Le rendement était réduit d'au minimum 50 % après stabilisation complète des pathologies en cours. Une activité adaptée au handicap n'était pas possible dans l'immédiat, mais l'on pouvait demander une évaluation dans un proche avenir. Les limitations fonctionnelles de l'assuré étaient les suivantes : une intolérance à l'effort ; pas d'activité uniquement en position assise ou debout ; pas de positions assis/debout prolongées ; pas d'activité exercées principalement en marchant ; ne pas se pencher ; pas de position à genou ou accroupie ; ne pas soulever ou porter de charge ; ne pas monter d'escaliers, sur une échelle ou un échafaudage. La capacité de concentration et de compréhension n'était pas limitée. La capacité d'adaptation et la résistance étaient limitées.

6.        Le 21 novembre 2016, le Dr H______ a indiqué à l'OAI que la situation du patient était actuellement stationnaire, avec persistance de lombalgies d'allure très mécanique. Les traitements entrepris n'avaient eu que peu d'effet hormis la régression du syndrome irritatif dans la jambe gauche. L'assuré ne pouvait rester en position assise qu'une trentaine de minutes et devait à nouveau bouger ou rester debout ou marcher, avec une augmentation des douleurs au bout d'une trentaine de minutes également, douleurs décrites en barre avec de très discrètes irritations dans la jambe gauche. À la mobilisation, le patient grimaçait, en particulier lors des changements de position ; du passage de la position assis-debout. Sur le plan cardiovasculaire, le patient s'était stabilisé et, à l'exception d'effort intense, il était capable de travailler sans restriction. Une activité légère, à un taux maximum de 50 %, sans ports de charge, avec la possibilité d'alterner les positions aurait été actuellement la seule alternative envisageable, à condition de faire une évaluation sur le terrain auparavant (un temps d'essai). Les restrictions étaient essentiellement dues à son problème de lombalgies avec une limitation de l'endurance et il nécessitait des changements de position fréquents pouvant, de plus, être un facteur limitatif lors du déplacement sur un poste de travail. Un stage d'évaluation serait judicieux, afin d'être confronté à la réalité du terrain.

7.        Le 27 avril 2017, les docteurs J______et K______, médecins au service du Service médical régional (ci-après : SMR), ont considéré que les atteintes cardiologiques et le syndrome d'apnée du sommeil (appareillé par CPAP) ne présentaient plus de caractère incapacitant. La capacité de travail était définitivement nulle dans l'ancienne activité d'huissier, non adaptée depuis le 16 juillet 2015, et pleine dans toute activité respectant strictement les limitations fonctionnelles d'épargne du dos.

8.        Par projet de décision du 23 mai 2017, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l'assuré, au motif que le taux d'invalidité était de 10 %. L'assuré n'avait le droit ni à des mesures professionnelles ni à une rente d'invalidité.

9.        Par courrier du 30 juin 2017, le Dr G______ a informé le Dr H______ que suite à une consultation du 26 juin 2017, l'assuré décrivait subjectivement une aggravation de l'intensité des symptômes, la douleur était permanente avec des réveils nocturnes, la position assise prolongée (plus de 30 minutes) ou la marche l'obligeait à faire des pauses en décubitus. Il proposait une nouvelle infiltration de la sacro-iliaque de la facette lombo-sacrée à droite.

10.    Le 3 juillet 2017, l'OAI a rendu une décision confirmant son projet de décision du 23 mai 2017.

11.    Le même jour, l'assuré a été auditionné par le SMR.

12.    Par courrier du 6 juillet 2017, l'OAI a informé l'assuré que son dossier allait faire l'objet d'un nouvel examen.

13.    Le 27 septembre 2017, le SMR a émis un avis médical. Le rapport médical du 30 juin 2017 faisait mention d'une aggravation subjective de l'intensité des symptômes et il n'y avait aucun élément objectif permettant de retenir une aggravation.

14.    Par décision du 10 octobre 2017, l'OAI a rejeté la demande de prestations.

15.    Par courrier du 31 mai 2018, le docteur L______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a demandé la réouverture du dossier d'invalidité de l'assuré. Il suivait l'assuré depuis le 23 janvier 2015 en raison d'un état dépressif récurrent moyen (F 33.11). Celui-ci bénéficiait d'une prise en charge psychiatrique mensuelle et psychothérapeutique en délégation par quinzaine et d'un traitement par Fluoxétine avec une bonne compliance. D'origine albanaise et vivant en Suisse depuis 1986, il présentait des épisodes dépressifs récurrents avec asthénie, de l'insomnie avec apnée du sommeil, des crises d'angoisses, des crampes ainsi que des sueurs nocturnes, des troubles cognitifs, des céphalées psychogènes, de l'irritabilité et de l'impulsivité. Les limitations fonctionnelles étaient à type d'aboulie, de ralentissement psychomoteur, ainsi que de trouble de la concentration et de la mémoire récente. Sa capacité de travail était limitée à 40 % depuis le mois de juillet 2016.

16.    Le 2 juillet 2018, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité.

17.    Le 3 août 2018, le Dr H______ a rempli un rapport médical AI attestant d'une incapacité de travail de 60% depuis le 1er février 2017 jusqu'à ce jour. Il a posé les diagnostics de lombalgies paravertébrales droites avec glutéalgies, d'une radiculalgie L3 gauche sur conflit radiculaire foraminal et d'un syndrome d'apnées du sommeil appareillé. L'évolution actuelle était stationnaire avec des lombalgies persistantes, malgré les différentes tentatives de traitements entrepris (infiltrations à plusieurs reprises sans grand succès). L'assuré exerçait actuellement une activité de traducteur à 40 % sur demande. Il devait changer de position fréquemment dans son activité professionnelle qui était réduite. L'assuré disposait en partie des ressources qui auraient pu lui être utiles pour sa réinsertion, sous réserve des éléments psychiatriques à confronter avec un spécialiste. L'activité actuelle lui paraissait réaliste et semblait lui convenir. L'on pouvait raisonnablement attendre de lui une activité à mi-temps au maximum, sous réserve d'éléments psychiatriques.

18.    Le 23 août 2018, le Dr L______ a indiqué à l'OAI que l'assuré souffrait d'un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F 32.11). Le status psychiatrique de l'assuré se composait d'asthénie, d'anxiété, d'irritabilité, d'impulsivité, de crises d'angoisses, des réveils fréquents avec cauchemars, de troubles de la concentration et de la mémoire récente, d'apnées du sommeil, de céphalées psychogènes, d'une perte de motivation. L'assuré ne pouvait pas passer l'aspirateur plus de 15 minutes (intolérant au bruit). Il faisait la vaisselle mais ne faisait ni la lessive ni le repassage. Il faisait les courses une fois par semaine. Il marchait durant 30 minutes. Il avait quelques amis mais n'avait pas de patience. L'assuré disposait du soutien de son épouse, elle-même à l'AI pour raisons psychiatriques, et de son beau-fils pour le quotidien. Sa capacité de travail maximale était de 40 % depuis le mois de juillet 2016. Les limitations fonctionnelles de l'assuré, incapacitantes, étaient de l'asthénie, des céphalées fréquentes, des troubles de la concentration (maximum 30 minutes), des troubles de l'attention et de la mémoire récente ainsi qu'une perte de motivation. Il y avait peu d'évolution positive à ce jour et une bonne compliance au traitement et au suivi psychiatrique régulier.

19.    Selon les indications fournies par l'employeur le 28 août 2018, l'assuré travaillait sur appel en tant qu'interprète depuis le 1er juillet 2016, pour un salaire horaire de CHF 36.92.-. Son salaire mensuel était variable mais s'élevait environ à CHF 1'500.- par mois.

20.    Dans un avis médical du 19 février 2019, le Dr J______a retenu qu'il existait des incohérences dans les affirmations du Dr L______. En effet, ce dernier indiquait que l'assuré était traité depuis janvier 2015 pour un épisode dépressif moyen avec un suivi mensuel et un traitement par Fluoxétine sans amélioration ; et pourtant le psychiatre ne mentionnait aucun essai d'intensification du suivi psychiatrique, ni aucun changement de traitement médicamenteux. Par ailleurs, lors de la première demande de l'assuré en 2016, ce dernier était déjà suivi par le Dr L______. De plus, dans un rapport médical du 13 juillet 2016, le Dr H______ avait indiqué que la capacité de concentration était non-limitée. Le SMR proposait la réalisation d'une expertise psychiatrique.

21.    Le 13 juillet 2019, le Pr M______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu à la demande de l'OAI un rapport d'expertise. L'assuré se plaignait d'angoisses, de fatigue tenace, de réveils nocturnes avec des cauchemars sans contenu fixe jusqu'à ce jour, de maux de tête, de crampes à la poitrine et de vertiges en régression. Il rapportait nécessiter plus de temps que les autres personnes pour mener à bien les activités quotidiennes.

Le bilan neuropsychologique de l'assuré avait mis en évidence la présence de déficits cognitifs. Son profil était dominé par des difficultés attentionnelles, un ralentissement de la vitesse de traitement (constaté aussi cliniquement), des troubles exécutifs (planification et capacités d'autoactivation) ainsi que d'importantes difficultés en mémoire épisodique, uniquement en modalité audio-verbale. Les symptômes anxiodépressifs, objectivés par ailleurs par le HAD, pouvaient majorer ses difficultés cognitives. Ses capacités de mémoires épisodiques étaient bonnes en modalité visuo-spatiale. De plus, certaines fonctions exécutives étaient préservées (contrôle inhibiteur et flexibilité mentale).

L'expert a retenu le diagnostic de neurasthénie (F 48) dès 2015, ainsi que des traits de personnalité narcissique (vulnérable, sensitive) dès 2001 (Z 73.1). Un diagnostic de dépression moyenne ne pouvait pas être retenu (selon la thérapeute, les symptômes étaient en voie d'amélioration et leur observation ne corroborait pas l'hypothèse d'une dépression majeure). En effet, la tristesse n'était pas au premier plan et de nombreux symptômes de la lignée dépressive étaient absents. Seule la neurasthénie était présente avec une répercussion claire sur le plan neuropsychologique. La chronicisation des symptômes de neurasthénie était à mettre en lien avec les traits de personnalité narcissique de cet homme qui vivait son parcours des dernières années comme décevant dans un détachement froid comblé par les craintes par rapport à sa santé physique. Sur le plan assécurologique, la neurasthénie impliquait une diminution claire du rendement de l'assuré sans affecter son taux de présence. La fatigue persistante, les multiples symptômes somatiques précités, mais aussi et surtout la baisse de l'efficience cognitive (qui n'était pas seulement subjective, mais aussi documentée) impliquait des limitations fonctionnelles par rapport à la vitesse de traitement de l'information, sa capacité à résister au stress et sa productivité lors des demandes de performance accrue. En revanche, les traits de personnalité narcissique n'avaient pas d'impact sur la capacité de travail per se. Son effet se faisait sentir via la chronicisation des symptômes de neurasthénie de l'assuré.

La thérapie des symptômes dépressifs avait été correcte et avait contribué à leur régression. Le traitement antidépresseur était également correct.

La capacité de travail de l'assuré dans son activité actuelle était de 70 %. Cette dernière était adaptée à ses limitations fonctionnelles. La capacité de travail ne pouvait pas être encore améliorée de façon sensible par des mesures médicales.

22.    Le 24 juillet 2019, le Dr J______s'est déterminé sur l'expertise et a retenu le diagnostic incapacitant de neurasthénie. Il a validé une exigibilité de 100 % avec une baisse de rendement de 30 % dans l'activité habituelle d'interprète qui était une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Le début de l'incapacité de travail était le 11 octobre 2017, soit postérieurement à la décision de l'OAI du 10 octobre 2017.

23.    Le 14 août 2019, l'OAI a adressé un projet de décision niant le droit aux prestations de l'assuré. Il a retenu un statut d'actif à 100 % et un taux d'invalidité de 30 % n'ouvrant pas le droit à une rente. L'activité habituelle d'interprète était adaptée.

24.    Le 12 septembre 2019, l'assuré, par son mandataire, a contesté le projet de décision.

25.    Par décision du 25 septembre 2019, l'OAI a confirmé les termes de son projet du 14 août 2019.

26.    Le 28 octobre 2019, l'assuré, par son mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision de l'intimé. Il a sollicité préalablement une expertise judiciaire somatique bidisciplinaire ou pluridisciplinaire et subsidiairement, une expertise psychiatrique. Il estimait que le diagnostic de dépression moyenne aurait dû être retenu en lieu et place de celui de neurasthénie. L'expert avait indiqué que la prétendue amélioration de ses symptômes et son observation ne corroboraient pas l'hypothèse d'une dépression majeure, mais il n'avait pas expliqué pour quelle raison le diagnostic de dépression moyenne, établi par son médecin traitant, ne pouvait être retenu. Il sollicitait également l'audition de ses médecins traitants car d'après leurs explications, le ralentissement psychomoteur objectivé dans l'expertise justifiait une diminution de la capacité de travail supérieure à celle que retenait l'expertise. Il fallait considérer que le degré d'invalidité s'élevait à 60 % au minimum et qu'il avait le droit à trois quarts de rente d'invalidité au moins.

27.    Dans sa réponse du 26 novembre 2019, l'intimé a conclu au rejet du recours. Les atteintes physiques incapacitantes que le recourant invoquait avaient fait l'objet de la décision du 3 juillet 2017, entrée en force. Celle-ci avait retenu une incapacité de travail totale dans l'activité habituelle d'huissier, de même qu'une capacité pleine dans une activité adaptée épargnant le dos. Le recourant exerçant alors une telle activité, à savoir interprète, les problèmes de santé physique, sans évolution, n'étaient plus pertinents dans le cadre de cette demande. Le rapport d'expertise, établi par le Pr M______ le 13 juillet 2019, était plus détaillé que toutes les autres pièces du dossier. Il prenait en compte la situation médicale de l'assuré dans son ensemble - aussi bien objectivement que subjectivement - et reposait sur des examens complets. Les points litigieux avaient fait l'objet d'une étude circonstanciée et le rapport prenait en considération les plaintes exprimées par le recourant. L'expertise s'appuyait sur deux entretiens avec l'assuré. La description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale étaient claires et les conclusions de l'expert dûment motivées. Finalement, l'instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l'état de santé et la capacité de travail du recourant.

28.    Par réplique du 2 mars 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions et considéré que l'instruction aurait également dû porter sur le plan somatique. L'expertise ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante car les conclusions de l'expert n'étaient pas suffisamment motivées et l'expertise ne contenait pas suffisamment d'éléments relatifs à sa personnalité et au contexte social.

29.    Le 6 juillet 2020, la chambre de céans a entendu le recourant en audience de comparution personnelle.

Le recourant a déclaré : « Je travaille pour l'entreprise B______ en tant qu'interprète. Cette entreprise s'occupe d'interprétariat sur place ainsi que par téléphone et aux HUG. J'ai exclusivement travaillé aux HUG. J'exerce cette activité depuis environ 2016 - 2017. Je travaille à la demande, le taux d'activité maximum est de 30 - 35 %. Je continue actuellement de travailler dans les mêmes conditions. Auparavant, j'exerçais comme huissier à la D______. Avant cela, j'étais agent de voyage.

Mon état de santé s'est péjoré depuis fin 2017 avec des angoisses, des réveils nocturnes et des insomnies. Avec le temps et l'âge, mes problèmes au dos se péjorent également. Je fais toujours de la physiothérapie. Je prends des médicaments tous les jours pour le dos mais mon état s'est aggravé. J'ai des douleurs au dos et je n'arrive pas à rester longtemps assis. J'ai eu quatre infiltrations par le Dr G______, lesquelles n'ont que très peu amélioré la situation et de façon passagère. Le Dr N______m'avait également fait des piqûres. Le Dr G______ m'a dit qu'il n'y avait pas d'indication opératoire. Je suis donc actuellement suivi que par le Dr H______, mon médecin traitant.

S'agissant de l'expertise psychiatrique j'ai d'abord été reçu par un psychologue environ deux heures puis une petite heure par le Pr M______. J'ai eu l'impression que le Pr M______ ne me suivait pas lors de notre entretien. Il reposait souvent les mêmes questions. À plus de cinq reprises, alors qu'il tenait une feuille devant lui, il baissait soudainement la tête en fermant les yeux et la relevait ensuite quelques instants après pour me reposer la même question. Lorsque j'attirais son attention sur le fait que nous avions déjà parlé de ce sujet, il me répondait " Ah oui ". L'entretien avec la psychologue, qui était accompagnée d'une autre personne, s'est bien passé. J'étais seul pendant l'entretien avec le Pr M______.

J'estime ne pas pouvoir travailler plus que ce que je fais maintenant, c'est-à-dire un taux de 30 - 35 % car j'ai beaucoup d'oublis, des pertes de concentration, des angoisses permanentes. J'ai des crampes la nuit dans le dos et des douleurs en permanence. J'ai même eu une période où je ne pouvais plus marcher car j'étais bloqué. Dans mon travail je peux bouger, changer de position. Je travaille dans les chambres d'hôpital et je fais la traduction entre les médecins et les patients. J'ai récemment été opéré des hémorroïdes, on verra comment cela va évoluer. J'estime ne pas pouvoir augmenter mon taux d'activité principalement en raison de mes problèmes psychiques mais également en raison de mes problèmes de dos. Je suis toujours suivi par les Drs L______, O______ et Mme P______qui est psychologue. Je vois celle-ci tous les quinze jours et un des deux psychiatres chaque mois. Je suis un traitement médicamenteux pour les troubles cognitifs, le Fluxotine. J'ai déposé la nouvelle demande de prestations AI à l'initiative de mes psychiatres lesquels avaient préalablement demandé mon dossier AI. Je me réveille vers 7h, et je suis fatigué malgré l'utilisation de l'appareil pour l'apnée du sommeil et avec beaucoup d'angoisses. Je me demande alors si je pourrais exercer mon travail. J'ai beaucoup d'angoisses. J'ai un agenda électronique partagé avec les médecins des HUG, lesquels y inscrivent mes rendez-vous. Dans 90 % des cas je sais quelques jours avant, voire quelques semaines avant, quand je devrais effectuer des traductions. Souvent, voire même tout le temps, je me dis que ça ne vaut pas la peine de vivre dans l'état dans lequel je suis. Le traitement médicamenteux m'aide mais ce n'est pas suffisant. Sans les médicaments je n'aurais peut-être pas tenu. Je dois être apte à exercer ma profession. Je fais souvent répéter aux patients ou aux médecins ce qu'ils viennent de dire. De sorte que je m'estime incapable d'augmenter mon taux d'activité. J'avais beaucoup d'amis mais je préfère rester chez moi que de sortir avec des gens. J'ai beaucoup de peine à suivre une conversation. Je vis avec ma famille. Je ne mange pas beaucoup, je n'ai pas beaucoup d'appétit. J'ai été fier de moi, pour tout ce que j'ai accompli avant, mais plus aujourd'hui. J'ai quatre stents et je dois prendre des médicaments pour le coeur dont des injections tous les quinze jours. Je pense que mes problèmes physiques ont un impact au quotidien sur mon humeur. Mes problèmes de sommeil sont beaucoup dus à l'angoisse car quand je me lève la nuit pour uriner j'ai beaucoup de peine à me rendormir. »

L'avocat du recourant a déclaré : « Nous sollicitons une expertise pluridisciplinaire, soit somatique et psychique, car ces deux domaines interfèrent. »

30.    Le 7 juillet 2020, la chambre de céans a transmis au Pr M______ une copie du procès-verbal de 6 juillet 2020 et lui a demandé de se déterminer sur le déroulement de l'expertise psychiatrique du 29 mai 2019.

31.    Le 10 juillet 2020, le Pr M______ a répondu qu'il avait été surpris par le contenu de la missive de la chambre de céans du 7 juillet 2020. Il était évident qu'il ne confirmait pas la version des faits du recourant. Compte tenu de ses responsabilités dans le domaine de la santé mentale à Genève, il n'avait ni l'habitude ni le temps de poser plusieurs fois les mêmes questions ou de somnoler devant les expertisés ou les patients qui le consultaient. Par ailleurs, et si tel avait été le cas, il aurait été difficile de comprendre la présence dans le status mental de l'expertise d'une description précise de ses plaintes qui était identique au procès-verbal d'audition ou encore l'existence d'une analyse détaillée de la personnalité et des interactions relationnelles de l'expertisé. Il fallait alors imaginer que la description était uniquement le produit de l'imagination de l'expert. Il était exact que l'expertisé avait été vu par une psychologue pour le recueil anamnestique et pendant une heure par lui-même pour l'évaluation psychopathologique. L'expertise avait été complétée par un bilan neuropsychologique de plus de 3 heures ainsi que par un contact avec la psychologue et le psychiatre traitant. Il s'agissait d'une procédure classique. Au niveau du contenu, l'expertisé s'était montré réservé, distant sans être hostile, en souffrance par rapport à l'échec de ses projets, se centrant sur les troubles somatiques et sur son vécu anxieux diffus. Dans l'analyse, un diagnostic de neurasthénie avec diminution du rendement de l'ordre de 30 % avait été retenu sur fond d'une personnalité aux traits narcissiques. Il était à signaler que même la psychologue traitante envisageait un pourcentage de travail allant jusqu'à 50 %, supérieur à celui mentionné par l'expertisé dans son procès-verbal d'audition.

32.    A la demande de la chambre de céans le docteur Q______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport d'expertise judiciaire.

Il a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, présent depuis 2015 et incapacitant depuis juillet 2016 et une anxiété généralisée présente probablement avant 2015 et renforcée depuis lors. La capacité de travail était dès juillet 2016 de 50 % comme interprète et de 60 % dans une activité simple n'exigeant pas de fortes ressources intellectuelles.

33.    Le 22 février 2021, la Dresse R______, du SMR, a estimé que l'expertise judiciaire était convaincante, sous réserve de la survenance de l'incapacité de travail, laquelle devait être fixée à fin 2017, l'assuré ayant repris une activité professionnelle en juillet 2016 et ayant déclaré que son état s'était aggravé en décembre 2017.

34.    Le 31 mars 2021, l'assuré a communiqué un rapport médical du Dr G______ du 30 mars 2021, attestant de persistance de douleurs lombo-sacrées qui s'aggravaient subjectivement et une aggravation d'un rétrécissement canalaire L2-L3 dégénératif. Selon des IRM du 16 juillet 2015 et du 1er octobre 2020, une infiltration était indiquée.

L'assuré a indiqué qu'il acceptait une capacité de travail, sous l'angle psychiatrique, de 50 % comme interprète et de 60 % dans une activité adaptée ; il estimait que ses troubles somatiques devaient être pris en considération et sollicitait l'audition des Drs G______, H______ et Q______. Il concluait au renvoi de la cause à l'intimée pour calcul du degré d'invalidité.

35.    Le 1er avril 2021, la chambre de céans a imparti un délai à l'intimé pour qu'il se détermine sur une éventuelle interaction des diagnostics psychiatrique et somatique du recourant et sur le droit à une rente d'invalidité.

36.    Le 29 avril 2021, l'OAI a répondu que l'activité d'interprète était considérée comme adaptée aux limitations somatiques et qu'aucune nouvelle limitation fonctionnelle n'était décrite par les médecins sur le plan somatique, de sorte qu'il persistait dans ses précédentes conclusions.

37.    Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité, singulièrement sur l'évaluation de sa capacité de travail.

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

6.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1), au syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie (ATF 139 V 346; arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 2.3 in SVR 2011 IV n° 26 p. 73), à l'anesthésie dissociative et aux atteintes sensorielles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 9/07 du 9 février 2007 consid. 4 in SVR 2007 IV n° 45 p. 149), à l'hypersomnie (ATF 137 V 64 consid. 4) ainsi qu'en matière de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), de traumatisme du type « coup du lapin » (ATF 141 V 574 consid. 5.2 et ATF 136 V 279 consid. 3.2.3) et d'état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.2). En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer (cancer-related Fatigue) (ATF 139 V 346 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_73/2013 du 2 septembre2013 consid. 5).

Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée.

7.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2; ATF 114 V 310 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

c. Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

d. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.    En l'occurrence, l'expertise judiciaire psychiatrique est considérée comme ayant valeur probante par les parties, ce qui, au regard des réquisits jurisprudentiels précités, peut être confirmé.

La capacité de travail du recourant est ainsi de 50 % dans son activité habituelle d'interprète et de 60 % dans une activité adaptée, moins exigeante en ressources intellectuelles. Cette conclusion est admise par les parties, étant précisé que l'intimé, suivant l'avis de son SMR, a considéré que l'état de santé psychique du recourant s'était aggravé fin 2017, de sorte que la limitation de la capacité de travail du recourant, reconnu par l'expert judiciaire, devait être considérée comme survenue à cette date et non pas dès juillet 2016.

Les considérations de l'intimé peuvent, sur ce point, être suivies, le recourant ayant, comme souligné par le SMR, lui-même invoqué une péjoration de son état de santé psychique depuis fin 2017 (procès-verbal d'audience du 6 juillet 2020) et ayant été capable de reprendre une activité professionnelle en juillet 2016, après plusieurs années d'inactivité professionnelle, soit depuis 2013, voire même depuis 2009 (expertise judiciaire p. 7 ; expertise du Dr M______ p. 6 ; extrait du CI du recourant du 27 avril 2017). Cet avis n'est, au surplus, pas contesté par le recourant.

Au demeurant, le recourant doit être reconnu incapable de travailler depuis fin 2017 à un taux de 50 % dans son activité habituelle d'interprète et à un taux de 40 % dans une activité adaptée à ses limitations psychiatriques. L'état de santé du recourant s'est ainsi aggravé postérieurement à la dernière décision de l'intimé entrée en force, du 10 octobre 2017, de sorte que cette aggravation doit être prise en compte dans le cadre de la nouvelle demande de prestations du recourant.

S'agissant des affections somatiques, force est de constater que le dernier rapport médical communiqué par le recourant atteste d'une aggravation de son état de santé selon une IRM du 1er octobre 2020 et un rapport du Dr G______ du 30 mars 2021, laquelle est postérieure à la décision litigieuse du 25 septembre 2019. Cette aggravation ne saurait, en conséquence, être prise en compte dans le cadre du présent litige (ATF 144 V 210). Par ailleurs, comme relevé par l'intimé, aucun élément médical ne permet de s'écarter de l'avis du SMR du 27 avril 2017, lequel tient compte des diagnostics posés et des limitations fonctionnelles retenues par les médecins traitants du recourant (Drs G______, H______, S______) en estimant qu'une activité respectant les limitations fonctionnelles d'épargne du dos peut être exercée à un taux de 100 % (éviter le port de charges lourdes et les efforts physiques importants, éviter les sollicitations du rachis, antéflexion, rotation, flexion latérale, éviter la station debout ou assise prolongée, favoriser les changements de positions et pas d'effort intense).

Par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans renoncera ainsi à l'audition des médecins cités par le recourant, une éventuelle interaction des affections somatiques (aggravées) avec les limitations psychiques du recourant outrepassant l'objet du présent litige.

11.    Le degré d'invalidité du recourant doit être calculé.

A cet égard, malgré la demande de la chambre de céans, l'intimé ne s'est pas prononcé sur cette question et a maintenu ses conclusions en rejet du recours, tout en relevant que l'activité d'interprète est adaptée aux affections somatiques du recourant.

Cependant, l'intimé s'est rallié à l'avis de son SMR, lequel a considéré que le recourant était, depuis fin 2017, en incapacité de travail de 40 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles psychiques et que l'activité d'interprète n'était, en particulier, pas adaptée.

Conformément aux conclusions du recourant, il convient en conséquence de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il procède au calcul du degré d'invalidité du recourant, compte tenu de l'incapacité de travail précitée.

12.    Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour calcul du degré d'invalidité du recourant et nouvelle décision.

Vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 3'000.- sera accordée au recourant à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision litigieuse.

4.        Renvoie la cause à l'intimé dans le sens des considérants.

5.        Alloue une indemnité de CHF 3'000.- au recourant, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le