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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4378/2020

ATAS/495/2021 du 25.05.2021 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4378/2020 ATAS/495/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 mai 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à VERNIER

 

 

demandeur

 

contre

FONDATION POUR LA RETRAITE ANTICIPÉE DE LA MÉTALLURGIE DU BÂTIMENT, sise avenue Eugène-Pittard 24, GENÈVE

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1960, a travaillé dès le mois de juin 1989 en qualité de monteur électricien dans des entreprises visées par le champ d'application de la convention collective pour la retraite anticipée dans la métallurgie du bâtiment à Genève (ci-après : la CCRAMB).

2.        Le 24 août 2020, l'assuré a déposé une demande auprès de la Fondation pour la retraite anticipée de la métallurgie du bâtiment (ci-après : la FRAMB), sollicitant l'octroi d'une rente de retraite dès février 2021. Dans sa demande, il a précisé qu'il avait travaillé en qualité de « monteur électricien » de février 1998 à décembre 2006 pour la société B______ Sàrl ; de février 2007 à janvier 2013 pour la société C______; de juin 2013 à août 2013 pour la société D______; de septembre 2013 à avril 2015 pour la société E______SA ; de juillet 2016 à novembre 2017 pour la société F______ SA et de juillet 2018 à décembre 2018 pour la société G______. De mai 2015 à juillet 2016, puis de décembre 2017 à juin 2018, il avait été au chômage. Depuis janvier 2019, il travaillait pour la société H______SA.

3.        Par courrier intitulé « décision » du 28 octobre 2020, la FRAMB a nié le droit aux prestations de l'assuré, précisant que son dossier avait été examiné en « commission ». Elle a exposé que son règlement subordonnait l'octroi d'une rente temporaire à la condition d'avoir travaillé de manière ininterrompue pendant les dix ans précédant son versement dans une entreprise soumise à la CCRAMB. Or cette condition faisait défaut, car l'assuré n'avait pas travaillé dans une telle entreprise de janvier 2018 à juin 2018, de janvier 2016 à juin 2019 ainsi que de mai 2015 à décembre 2017. Pour les mois de février, mars, avril et mai 2013, elle n'avait pas d'indication qu'il était soumis à la retraite anticipée dans les métiers de la métallurgie et du bâtiment. Vu les périodes trop importantes mentionnées ci-avant, le droit à une rente temporaire était refusé.

4.        Par courrier intitulé « décision » du 10 décembre 2020, rendue après avoir reçu des documents complémentaires de la part de l'assuré le 2 novembre 2020, la FRAMB a maintenu son refus de lui verser des prestations. Il ressortait du dossier, notamment des nouveaux éléments remis par l'assuré, que ce dernier n'avait pas exercé d'activité salariée de janvier 2018 à juin 2018 et de mai 2015 à juin 2016. Il convenait donc de retenir qu'il n'avait pas travaillé de manière ininterrompue dans une entreprise soumise à la CCRAMB pendant les dix ans précédant le versement des prestations. Cette décision annulait et remplaçait celle du 28 octobre 2020.

5.        Par acte du 30 décembre 2020, l'assuré a interjeté « recours » contre cette « décision » par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), concluant à son annulation. Il a admis que, durant les deux périodes mentionnées par la FRAMB, il n'avait pas travaillé, expliquant avoir été au chômage à la suite de licenciements consécutifs à divers problèmes de santé, dont deux accidents de travail. Il avait cotisé depuis plus de 40 ans et estimait avoir le droit de bénéficier d'une retraite anticipée, compte tenu de son âge et de ses problèmes de santé.

À l'appui de son recours, il a produit une attestation médicale du 13 novembre 2020 de son médecin traitant, le docteur I______, selon lequel l'assuré souffrait notamment de lombalgies chroniques et de lombosciatalgies gauches à cause d'hernies discales ayant notamment entraîné des arrêts de travail en août 2018 et en octobre 2020. Le médecin a également décrit trois accidents subis par l'intéressé en mai 2012, mars 2014 et juin 2014, précisant que tous avaient entraîné des incapacités de travail.

6.        Dans sa réponse du 27 janvier 2021, la FRAMB a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens.

Elle a affirmé en substance que, dans la mesure où il avait été au chômage à plusieurs reprises et pendant plusieurs mois, soit de janvier 2018 à juin 2018 et de mai 2015 à juin 2016, l'assuré ne remplissait pas la condition obligatoire d'un travail dans le canton de Genève, en qualité de personnel d'exploitation, dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB de manière ininterrompue pendant les dix ans précédant le versement des prestations. Le fait que ses périodes de chômage étaient liées à des licenciements causés par son état de santé n'y changeait rien. Les prestations de retraite anticipée n'avaient pas pour vocation d'être versées si les conditions n'en étaient pas remplies, et cela pour des raisons de facilité. Il appartenait à l'assuré d'entreprendre les démarches nécessaires auprès des assurances sociales.

7.        Invité à former des observations éventuelles, l'assuré n'a pas réagi dans le délai imparti à cet effet.

8.        Le 7 mai 2021, la FRAMB a expliqué que le cas de l'assuré avait été traité lors de la séance de la commission restreinte du 15 septembre 2020. Elle a refusé de lui octroyer des prestations de remplacement au motif que les prestations de retraite n'avaient pas pour vocation de remplacer des prestations d'autres assurances sociales, comme l'assurance-chômage ou invalidité. L'assuré avait en effet indiqué qu'il n'avait pas travaillé car il était au bénéfice de la caisse de chômage, à la suite de licenciements consécutifs à des problèmes de santé dus à des accidents de travail. Les périodes durant lesquelles l'assuré n'avait pas exercé d'activité salariée - soit vingt mois au total - étaient en outre trop longues pour qu'un cas de rigueur puisse être reconnu.

9.        La chambre de céans a transmis cette écriture à l'assuré.

EN DROIT

1.        L'art. 73 al. 1 1ère phrase de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) prévoit que chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit.

Les fondations de prévoyance en faveur du personnel dont l'activité s'étend au domaine de la prévoyance professionnelle sont soumises à la réglementation des art. 73 et 74 LPP en vertu de l'art. 89a al. 6 et 7 du Code civil (CC - RS 210) (ATF 127 V 29 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_92/2014 du 24 juin 2014 consid. 4.1). La procédure prévue à l'art. 73 LPP s'applique tant à la prévoyance obligatoire que surobligatoire et aux institutions de prévoyance de droit public ainsi qu'aux institutions non enregistrées (Hans-Ulrich STAUFFER, Die Rechtsprechung des Bundesgerichts zur beruflichen Vorsorge, 4ème éd. 2019, p. 315).

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - RSG E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 LPP ; art. 142 CC).

La défenderesse a été créée par les parties à la CCRAMB dans le but d'appliquer et de faire appliquer ladite convention, et s'est vue conférer tous les droits nécessaires à cette fin (cf. art. 21 al. 2 CCRAMB). Il s'agit d'une institution de prévoyance non enregistrée, ayant son siège à Genève, de sorte que la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour connaître du présent litige (cf. également ATAS/388/2018 du 3 mai 2018 consid. 1).

2.        L'art. 21 al. 5 du règlement de la défenderesse (ci-après : le règlement) prévoit que cette dernière notifie sa décision au bénéficiaire qui a déposé une demande de prestations.

Il faut rappeler que le moyen juridictionnel visé par l'art. 73 al. 1 LPP est une action, définie comme une demande adressée à un organe judiciaire tendant à l'attribution de droits ou de prestations, voire à la constatation de l'existence ou de l'inexistence d'un droit. De fait, la LPP ne prévoit pas la possibilité pour les institutions de prévoyance de rendre des décisions au sens propre du terme. Il est dès lors douteux que les institutions de prévoyance de droit public aient conservé le pouvoir de statuer sur les prétentions de leurs affiliés au moyen de telles décisions (ATF 113 V 198 consid. 2).

L'écriture du demandeur du 30 décembre 2020 sera ainsi traitée comme une demande. Elle est recevable, dès lors qu'elle respecte la forme prévue à l'art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - RS E 5 10).

3.        Le litige porte sur le droit du demandeur à une rente de retraite anticipée en application de la CCRAMB.

4.        Conformément à l'art. 73 al. 2, 2ème phrase, LPP, la maxime inquisitoire est applicable à la procédure en matière de prévoyance professionnelle. En vertu de ce principe, il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires. En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 139 V 176 consid. 5.2 p. 185 ; arrêt du Tribunal Fédéral 9C 35/2016 du 16 août 2016).

5.        Le droit à une rente de vieillesse, selon l'art. 21 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), prend naissance pour les hommes qui ont atteint l'âge de 65 ans révolus.

6.        La CCRAMB, conclue le 1er juillet 2004, a vu son champ d'application étendu au territoire du canton de Genève dès le 1er juillet 2005 par arrêté du Conseil d'État du 13 juin 2005 (RS J 1 50.24).

À son art. 9, la CCRAMB prévoit les prestations temporaires suivantes : une rente de base ; un montant complémentaire servant à participer au financement de la cotisation AVS ; un montant complémentaire servant à participer au financement des bonifications vieillesses 2ème pilier ; des prestations de remplacement dans les cas de rigueur. Selon son art. 8, les prestations sont accordées dans le but de permettre au travailleur de prendre une retraite anticipée au plus tôt quatre ans avant l'âge ordinaire de la retraite au sens de la LAVS et d'en atténuer les conséquences financières.

En vertu de l'art. 10 CCRAMB, le droit aux prestations de retraite anticipée prend naissance au plus tôt quatre ans avant l'âge ordinaire de la retraite légale AVS. Pour avoir droit à des prestations, l'assuré doit remplir les conditions cumulatives suivantes : il a travaillé dans le canton de Genève, en qualité de personnel d'exploitation, dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB pendant au moins 240 mois et de manière ininterrompue pendant les dix dernières années précédant le versement des prestations ; il renonce définitivement à toute activité lucrative, sous réserve de l'art. 13. Le travailleur qui a travaillé à Genève les dix dernières années précédant le versement des prestations en qualité de personnel d'exploitation dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB, mais qui ne remplit pas le critère d'occupation de 240 mois, peut faire valoir son droit à une rente temporaire réduite proportionnellement. Le droit à la rente temporaire cesse dès que le travailleur atteint l'âge ordinaire de la retraite AVS.

L'art. 12 CCRAMB précise que la rente temporaire du travailleur qui a travaillé les dix dernières années précédant le versement des prestations en qualité de personnel d'exploitation dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB, mais qui ne remplit pas le critère d'occupation de 240 mois sera réduite de 1/240ème par mois manquant. Conformément à l'art. 13 CCRAMB, le travailleur qui exerce, au moment de l'ouverture du droit à la rente temporaire une activité lucrative à temps partiel dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB et une activité lucrative à temps partiel dans un autre corps de métier, peut faire valoir son droit à une rente temporaire, sans renoncer à l'activité qu'il exerce dans le corps de métier ne relevant pas de la métallurgie du bâtiment. L'art. 14 CCRAMB, intitulé « Subsidiarité » précise que la rente temporaire peut être réduite si elle concourt avec des prestations d'assurances sociales. Le règlement de la Fondation règle les détails de la coordination.

7.        Le règlement de la défenderesse, édicté par son conseil de fondation en 2013, dispose à son art. 12 « Principes généraux » que le droit aux prestations de retraite anticipée prend naissance au plus tôt quatre ans avant l'âge ordinaire de la retraite légale AVS. Pour avoir droit à des prestations, l'assuré doit remplir les conditions cumulatives suivantes : avoir passé les dix dernières années qui précèdent la prise de retraite anticipée, en qualité de travailleur d'exploitation, dans une entreprise soumise au champ d'application de la CCRAMB (ch. 1), ne plus exercer d'activité lucrative dans les métiers techniques du bâtiment dans la limite de son temps d'occupation antérieur (ch. 2).

L'art. 13 du règlement définit qu'une année équivaut à douze mois (ch. 1). Les congés non payés ne sont pas pris en compte, alors que les incapacités de travail sans faute de l'assuré le sont (ch. 2).

L'art. 14 du règlement rappelle le genre de prestations versées (ch. 1) et précise que celles-ci sont versées au plus tard jusqu'au mois anniversaire de l'âge ordinaire de la retraite AVS (ch. 2), que le paiement des prestations est interrompu par le décès du bénéficiaire (ch. 3) et que la prestation octroyée n'est pas indexée (ch. 4).

Selon l'art. 15 « Droit aux prestations » du règlement, pour avoir droit aux prestations complètes, l'assuré doit avoir exercé son activité dans des entreprises définies à l'art. 2 CCRAMB selon les conditions suivantes : avoir travaillé dans le canton de Genève en qualité de [membre du] personnel d'exploitation dans une entreprise visée par le champ d'application de la CCRAMB pendant au moins 240 mois et de manière ininterrompue pendant les dix dernières années précédant le versement des prestations (let. a) ; les périodes de maladie et d'accident comptent comme périodes de cotisations (let. b) (ch. 1). En cas de durée de service inférieure à 240 mois mais supérieure à dix ans, les prestations seront réduites de 1/240ème par mois manquant (ch. 2). Ne sont pas prises en compte pour le calcul de la durée de service ouvrant droit aux prestations : les années d'apprentissage (let. a) ; les années d'activités dans les entreprises non définies à l'art. 2 de la CCRAMB (let. b) ; les années passées en qualité de [membre du] personnel administratif ou de chef d'entreprise indépendant (let. c) (ch. 3). L'assuré en incapacité de travail au moment de l'ouverture possible du droit aux prestations doit avoir épuisé toutes les prestations d'assurances avant de pouvoir bénéficier de la retraite anticipée (ch. 4). L'assuré partiellement à l'assurance-invalidité (ci-après : AI) ou au chômage peut bénéficier des prestations pour la part non couverte (ch. 5).

L'art. 20 du règlement prévoit que lorsqu'un assuré n'est pas occupé, au cours des deux dernières années, par un employeur en raison d'une incapacité de travail sans faute de sa part, son salaire déterminant est réputé être celui qu'il obtiendrait en travaillant (al. 1, 1ère phrase).

8.        Dans un ATAS/578/2020 rendu le 7 juillet 2020, la chambre de céans a eu l'occasion de préciser que l'art. 10 CCRAMB, ainsi que les autres dispositions de la CCRAMB fixant les conditions auxquelles les prestations sont ouvertes, étaient de nature normative, dès lors qu'ils conféraient des droits et des obligations aux employeurs et aux travailleurs. Or, au vu du texte clair de l'art. 10 CCRAMB, il n'y avait guère de place pour une interprétation qui s'écarterait de sa lettre. Il n'existait de plus aucun indice permettant de retenir que les conditions du droit à une rente temporaire prévues par la convention ne correspondraient pas à la volonté des partenaires sociaux et ne traduiraient pas l'accord qu'elles entendaient conclure. Le fait que l'art. 15 du règlement reprenne les conditions du droit à la rente temporaire énoncées dans la CCRAMB plaidait du reste contre une telle hypothèse. En outre, la répétition à l'art. 12 du règlement de la condition ayant trait à l'activité soumise à la CCRAMB durant les dix ans qui précèdent la retraite anticipée confirmait son caractère essentiel pour ouvrir le droit aux prestations (consid. 7a).

Le fait que la CCRAMB prévoyait une solution plus favorable aux travailleurs lorsque l'autre condition matérielle du droit à la rente temporaire faisait défaut, soit le critère d'occupation durant 240 mois, ne signifiait pas que les partenaires sociaux voulaient également admettre avec flexibilité la réalisation du critère de l'occupation ininterrompue pendant dix ans. Au contraire, le fait que les parties à la convention aient prévu une dérogation sur un point démontre qu'elles n'avaient pas simplement oublié de régler les exceptions, mais qu'elles n'en avaient consenti qu'une seule. Il était à cet égard souligné que la CCRAMB n'entendait pas garantir sans conditions le droit à une rente temporaire, fût-elle partielle, à tous les employés ayant été actifs dans le domaine qu'elle couvre (ibid).

S'agissant des aménagements prévus en cas d'incapacité de travail, ils reflétaient simplement le résultat des négociations des parties contractantes sur des points précis. Ils ne pouvaient pas être considérés comme l'expression d'une volonté des parties contractantes de traiter avec souplesse toutes les exigences régissant le droit à une rente temporaire. En outre, le chômage ne saurait être assimilé à une incapacité de travail. En effet, selon la jurisprudence, lorsque les institutions de prévoyance adoptaient dans leurs statuts ou règlements un certain système d'évaluation, elles devaient se conformer, dans l'application des critères retenus, aux conceptions de l'assurance sociale ou aux principes généraux. Autrement dit, si elles avaient une pleine liberté dans le choix d'une notion, elles étaient tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d'assurance (ibid et la référence mentionnée).

9.        En l'espèce, il n'est pas contesté que les différents employeurs du demandeur sont soumis à la CCRAMB (art. 1 CCRAMB) et que l'activité déployée par ce dernier est couverte par la convention (art. 2 CCRAMB). Il n'est pas non plus contesté que, durant la décennie précédant sa demande de rente temporaire, le demandeur n'a pas exercé une activité soumise à la CCRAMB de janvier 2018 à juin 2018 et de mai 2015 à juin 2016.

Ainsi, comme l'a retenu la défenderesse, une des conditions du droit à une rente temporaire, soit l'activité ininterrompue au service d'un employeur soumis à la CCRAMB pendant dix ans avant la demande de prestations, conformément aux art. 10 CCRAMB, 12 ch. 1 et 15 ch. 1 du règlement, n'est pas remplie dans le cas d'espèce. Le demandeur l'admet du reste expressément.

Devant la chambre de céans, le demandeur fait uniquement valoir qu'il a arrêté de travailler en raison de problèmes de santé. Or, contrairement à ce qu'il laisse entendre, le chômage ne saurait être assimilé à une incapacité de travail (cf. supra consid. 6). En effet, à défaut de définition autonome de l'incapacité de travail, il faut interpréter cette notion en référence à l'art. 6, 1ère phrase, de la loi sur la partie générale des assurances (LPGA - RS 830.1), qui dispose qu'est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. Or, le chômage ne répond manifestement pas à cette définition. Le demandeur ne saurait dès lors se prévaloir ni des art. 13 ch. 2 et art. 15 ch. 1 let. b du règlement, selon lequel les périodes de maladie et d'accident comptent comme périodes de cotisations, ni de l'art. 20 ch. 1 du règlement portant sur le travailleur inoccupé en raison d'une incapacité de travail sans faute de sa part.

À relever au demeurant que l'assuré en incapacité de travail au moment de l'ouverture possible du droit aux prestations, doit en tout état avoir épuisé les prestations d'assurances sociales avant de pouvoir bénéficier de la retraite anticipée (art. 15 ch. 4 du règlement).

Les conditions auxquelles la CCRAMB et le règlement subordonnent le droit aux prestations étant claires et dénuées d'ambiguïté, c'est à juste titre que la défenderesse a refusé l'octroi d'une rente temporaire. Si, eu égard à son long parcours professionnel dans le domaine de l'installation électrique, on peut comprendre la déception du demandeur face aux conditions restrictives d'accès aux prestations, il n'en reste pas moins que le refus de lui octroyer une rente temporaire est conforme aux dispositions conventionnelles et réglementaires.

10.    Reste à examiner la question du cas de rigueur.

11.    a. Selon l'art. 18 CCRAMB, le conseil de fondation ou la commission qu'il aura désignée peut octroyer des prestations de remplacement dans des cas de rigueur notamment aux travailleurs qui ont dû cesser, contre leur volonté et de manière définitive, leur activité. Cette disposition est reprise à l'art. 15 ch. 6 du règlement, selon lequel le conseil de fondation ou sa commission restreinte peut, afin d'éviter des cas de rigueur, octroyer des prestations. L'art. 20 ch. 2 du règlement précise que le cas d'un assuré qui a été au chômage au cours des 240 mois précédant la demande de retraite anticipée sera traité en commission restreinte.

La formulation de l'art. 15 al. 5 du règlement donne un pouvoir d'appréciation à la commission restreinte qui statue, dès lors, en opportunité. L'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation, lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manoeuvre, à savoir lorsque l'autorité chargée d'appliquer la loi a le choix entre plusieurs solutions qui sont toutes conformes au droit. On dira qu'en exerçant celui-ci l'autorité statue « en opportunité » (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 500).

Une liberté d'appréciation peut être conférée à l'administration lorsque la loi indique qu'elle statue « librement » ou lorsqu'elle prévoit que l'autorité « peut » prendre une mesure. Il y a également une liberté d'appréciation lorsque la loi laisse le choix à l'administration entre plusieurs solutions. Par ailleurs, même lorsque la loi n'ouvre pas de choix explicite, il reste une liberté de celui qui doit l'interpréter, surtout lorsque la norme à appliquer comporte des notions juridiques indéterminées. Cette liberté se manifeste, d'une part, dans le sens qui peut être donné à la norme et, d'autre part, dans l'évaluation et la qualification des faits auxquels la norme doit s'appliquer. L'autorité dispose ainsi souvent d'une latitude de jugement dans l'interprétation de la norme et dans la qualification des faits pertinents. Elle jouit dès lors d'une marge de manoeuvre relativement importante (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 506-507). Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références ; 8C 763/2017 du 30 octobre 2018).

Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2).

b. En l'espèce, le cas du demandeur a été soumis en commission restreinte en application des art. 15 ch. 6 et 20 al. 2 du règlement. Celle-ci a confirmé le refus de prestations, au motif que les périodes durant lesquelles le demandeur n'avait pas exercé d'activité salariée étaient trop importantes, soit vingt mois au total, et compte tenu des raisons de son inactivité. Il était notamment rappelé que les prestations de retraite anticipée n'avaient pas pour vocation d'être versées alors que l'assuré pourrait recevoir des prestations d'autres assurances sociales, comme l'assurance-chômage ou l'assurance-invalidité. Or, le demandeur avait indiqué ne pas avoir travaillé car il était au bénéfice de la caisse de chômage, à la suite de licenciements consécutifs à des problèmes de santé. De tels motifs, qui apparaissent défendables au regard du principe de l'égalité de traitement, entrent dans la marge d'appréciation de la défenderesse. La présente situation se distingue en particulier de celles à l'origine de l'ATAS/1281/2020 du 22 décembre 2020 (licenciement pour faute) et de l'ATAS/1268/2020 du 21 décembre 2020 (interdiction du rachat d'années), dans lesquels la chambre de céans a considéré que la commission restreinte avait violé les principes d'interdiction de l'arbitraire, de l'inégalité de traitement et de la proportionnalité. Dans ces conditions, on ne peut reprocher à la défenderesse d'avoir excédé son pouvoir d'appréciation en refusant les prestations sollicitées (cf. sur le pouvoir d'appréciation de l'autorité : ATF 135 II 296 consid. 4.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1030/2017 du 5 juillet 2018 consid. 3.3).

12.    Au vu de ce qui précède, la demande est rejetée.

Selon l'art. 73 al. 2 1ère phrase LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe gratuite. Selon la jurisprudence, ce principe exclut l'octroi de dépens à une organisation chargée de tâches de droit public (dont les institutions de prévoyance font partie) obtenant gain de cause, sauf en cas de témérité ou de légèreté (ATF 126 V 143 consid. 4 ; cf. ég. Ulrich MEYER, in SCHNEIDER / GEISER / GÄCHTER [éd.], Commentaire LPP et LFLP, p. 1206, n. 90 ad art. 73 LPP). Ces exceptions n'étant pas réalisées en l'espèce, la défenderesse, qui obtient gain de cause, ne saurait se voir allouer une indemnité à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le