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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2402/2020

ATAS/477/2021 du 19.05.2021 ( LPP ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.07.2021, rendu le 03.05.2022, REJETE, 9C_374/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2402/2020 ATAS/477/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 mai 2021

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à 1293 Bellevue, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître CHAVANNE Michel

demanderesse

contre

FONDATION B______ GENEVE (B______), sise à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître LOMBARDINI Emma

autre partie

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ETAT DE GENÈVE (CPEG), sis Bd de Saint-Georges 38, case postale 176, 1211 Genève 8

 

 

défenderesse

 

 

 

appelée en cause

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après: l'employée, puis la demanderesse) était engagée à la Fondation B______ Genève (ci-après: l'employeur ou la défenderesse), une institution de droit public, en tant que directrice générale dès le 1er mars 2019 pour une durée indéterminée au salaire de CHF 220'424.- par an, correspondant à la classe 31 annuité 15 de l'échelle de traitements de l'État de Genève et avec un délai de congé de six mois après le temps d'essai. À ce titre, elle était assurée auprès de la Caisse de prévoyance de l'État de Genève (ci-après: CPEG, caisse de pension ou l'appelée en cause).

2.        L'employeur a annoncé à la caisse de pension un traitement déterminant annuel de CHF 222'144.-, 13ème salaire inclus.

3.        Par convention du 6 février 2020 conclue entre l'employeur et son employée, les parties ont mis fin au contrat de travail avec effet au 29 février 2020 "sans prolongation possible, à quelque titre que ce soit", tout en précisant que "Il n'existe aucune possibilité de réintégration, pour quelque motif que ce soit". L'employée était par ailleurs dispensée de travailler jusqu'à la fin des rapports de travail, le 29 février 2020. En fin de ce mois, son salaire mensuel brut de CHF 17'088.- lui sera payé usuellement, "dont à déduire les charges sociales et légales usuelles". Sous l'art. 3 "Montant payé à [l'employée]", il est mentionné:

"[L'employeur] s'engage à payer à [l'employée] un montant total de CHF 182'272.- brut, dont à déduire les charges sociales et légales usuelles.

Ce montant brut correspond:

i)          au préavis de congé de 6 mois de [l'employée] selon son contrat de travail, soit 6 x CHF 17'088.- brut = CHF 102'528.- brut;

ii)        au 13ème salaire pro rata temporis calculé sur 8 mois soit CHF 11'392.- brut;

iii)      à une indemnité équivalente à 4 mois du salaire mensuel brut de [l'employée], à bien plaire, par gain de paix, et sans aucune reconnaissance de responsabilité, soit 4 x CHF 17'088.- brut = CHF 68'352.- brut.

Aucun solde de vacances, frais de véhicule, frais de représentation, autres frais, ou heures supplémentaires ne sera dû ou payé en sus par [l'employeur] à [l'employée].

Ce montant total de CHF 182'272.- brut, dont à déduire les charges sociales et légales usuelles, sera payé à [l'employée], [...], le 1er avril 2020, à la stricte condition que le contrat de travail se termine impérativement le 29 février 2020, sans prolongation possible, et sans nouveau désaccord entre les parties."

Il est également mentionné dans cette convention que l'employée renonçait notamment "à contester la présente convention, et à engager toute procédure contre [l'employeur], les membres de son Conseil de Fondation et de son Bureau, pour quelque motif que ce soit". Enfin, les parties s'accordaient sur le fait que la convention comportait des concessions mutuelles librement consenties et qu'elle était équitable.

4.        Par courriel du 19 février 2020, l'employeur a notamment informé l'employée qu'il annoncera la fin des rapports de travail à la date du 29 février 2020 à la caisse de prévoyance et aux assurances sociales.

5.        Par courriel du 27 février 2020 au conseil de l'employeur, l'employée, par l'intermédiaire de son conseil, lui a demandé comment et sur quels comptes l'employeur allait transférer les parts employeur et employé des derniers montants qui seront versés à l'employée aux termes de la convention.

6.        Par courriel du 17 mars 2020, l'employeur a fait savoir à l'employée que, renseignements pris auprès de la caisse de pension, l'indemnité de départ payée après la fin des rapports de travail ne sera pas soumise à cotisations de prévoyance professionnelle et que celles-ci s'arrêteront ainsi au 29 février 2020.

7.        Par courriel du 20 mars 2020, l'employée a contesté cette interprétation de la convention, estimant que les cotisations LPP étaient dues sur l'entier des salaires correspondant au délai de résiliation, et qu'il n'avait jamais été question d'y déroger.

8.        Par courriel du 27 mars 2020, l'employeur a répondu que la caisse de pension faisait référence à la loi fédérale selon laquelle l'obligation d'être assuré cessait en cas de dissolution des rapports de travail. Cela correspondait également à la loi cantonale régissant la CPEG. L'indemnité de départ ne constituait ainsi pas un salaire soumis à cotisation.

9.        Le 1er avril 2020, l'employeur a versé à l'employée le montant de CHF 171'587.85 correspondant à la somme de CHF 182'272.- moins les cotisations sociales, mais sans les cotisations LPP.

10.    Par courrier du 8 mai 2020 à l'employeur, l'employée a persisté à considérer que l'indemnité en cause était soumise aux cotisations LPP. Il n'y avait par ailleurs pas lieu de percevoir les cotisations AVS/AC/complémentaire AC et assurance maternité, dès lors que cette indemnité avait un caractère de tort moral et qu'elle n'était à ce titre pas soumise aux cotisations sociales. Elle serait cependant d'accord de renoncer au remboursement de ces cotisations, si l'employeur acceptait de transférer à la CPEG les parts employeur et employée, calculée sur la somme afférente au préavis de six mois et le 13ème salaire pro rata temporis. Enfin, elle s'engageait à rembourser dans cette hypothèse sa part de cotisations LPP de CHF 9'113.60.

11.    Dans les courriels échangés par la suite entre les parties, aussi bien l'employeur que la caisse de pension ont refusé de soumettre la somme de CHF 182'272.- à des cotisations LPP.

12.    Par demande du 14 août 2020, l'employée, représentée par son conseil, a saisi la chambre de céans d'une demande à l'encontre de l'employeur, en concluant, sous suite de dépens, à la condamnation de celui-ci à verser à la caisse de prévoyance la somme de CHF 27'340.80 (part employeur et part employée) plus intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2020 à titre de cotisations LPP dans le cadre de la fin des rapports de service entre les parties. Elle a fait valoir que la somme versée par la défenderesse après le 29 février 2020 constituait une part du salaire, dès lors qu'elle était composée d'un 13ème salaire pro rata temporis pour les mois de janvier et février et du salaire dû durant le délai de congé. A ce titre, cette somme était soumise aux cotisations LPP. La convention prévoyait par ailleurs qu'il convenait de procéder aux déductions des charges sociales et légales usuelles, dont faisaient partie les cotisations LPP. Le versement anticipé de cette somme ne changeait rien au fait qu'elle constituait une part du salaire.

13.    Dans sa réponse du 14 septembre 2020, la défenderesse a conclu à son rejet, sous suite de dépens. Subsidiairement, dans le cas où la demande serait admise, elle a conclu à ce que la demanderesse soit condamnée à payer sa part employée à la caisse de prévoyance ou à la défenderesse, charge à celle-ci de la transférer à cette dernière caisse. La convention prévoyait clairement que les rapports de service prenaient fin le 29 février 2020, d'un commun accord entre les parties, ce qui permettait à la demanderesse d'accepter une autre activité professionnelle, par exemple dans sa société de consulting C______ Sàrl par exemple. Le cas échéant, il conviendrait que la demanderesse expliquât ce qu'elle faisait professionnellement depuis la fin du contrat, ne pouvant cumuler les prévoyances professionnelles. Or, avec la fin juridique du contrat de travail, l'obligation d'être assurée en prévoyance professionnelle cessait, selon la loi, même si l'employée recevait encore des prestations après la dissolution des rapports de travail. Dans la prévoyance professionnelle plus étendue, comme en l'espèce, il était en outre possible d'exclure certains éléments de salaire, selon la jurisprudence de la chambre de céans. Ainsi, les indemnités de maître adjoint et de doyen ne faisaient pas non plus partie du traitement déterminant soumis à cotisations LPP, lequel était défini dans la loi comme le traitement légal annuel prévu dans l'échelle de traitements des membres du personnel de l'État, compte tenu du taux d'activité. Il en allait de même de tous les éléments complémentaires de rémunération tels que les indemnités, selon cette jurisprudence. Par ailleurs, le fait de percevoir une indemnité de vacances qui n'avaient pas été prises pendant la durée du contrat n'avait pas non plus pour effet de prolonger le rapport de prévoyance, selon la doctrine. Le Tribunal fédéral avait en outre jugé que l'indemnité pour licenciement immédiat sans juste motif n'était pas soumise à cotisations LPP, s'agissant d'une période où le rapport de prévoyance n'existait plus. La jurisprudence et la doctrine admettaient par conséquent que les cotisations LPP n'étaient pas dues sur des indemnités de remplacement du salaire, même si une partie de la doctrine considérait cette solution comme insatisfaisante.

14.    Par ordonnance du 15 septembre 2020, la chambre de céans a appelé en cause la caisse de prévoyance.

15.    Par écritures du 12 octobre 2020, l'appelée en cause a conclu au rejet de la demande, sous suite de dépens et subsidiairement, au cas où sa demande serait admise, à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de CHF 26'629.95 et la demanderesse à verser à la défenderesse la somme de CHF 8'876.65. Ce n'était pas parce que l'assurée avait le droit de continuer à percevoir son salaire après la fin du contrat que les rapports de travail, et donc le rapport de prévoyance, étaient prolongés. En l'occurrence, le montant litigieux prévu par la convention avait été versé après la fin du rapport de prévoyance. Il ne faisait par conséquent pas partie du traitement déterminant, celui-ci faisant abstraction des éléments de nature occasionnelle comme les indemnités de départ. La somme versée le 1er avril 2020 à la demanderesse n'était ainsi pas soumise aux cotisations LPP, étant précisé que le traitement versé à celle-ci pour les mois de janvier et février intégrait déjà la part afférant au 13ème salaire restant dû, de sorte qu'aucune cotisation LPP supplémentaire ne devait être prélevée à ce titre. Par ailleurs, à l'instar des indemnités versées pour résiliation avec effet immédiat injustifiée des rapports de travail, une indemnité versée suite à la résiliation du contrat d'un commun accord ne devait pas non plus être soumise aux cotisations LPP.

16.    Dans sa réplique du 20 novembre 2020, la demanderesse a amplifié ses conclusions et a demandé la condamnation de la défenderesse au versement de CHF 30'758.40 à l'appelée en cause. Elle a contesté que les parties avaient décidé de ne pas respecter le préavis de congé, puisque la convention prévoyait le versement du salaire entier durant le délai de résiliation. Même si elle avait été assistée d'un conseil lors de la signature de la convention, il n'était pas de sa volonté que la somme litigieuse ne soit pas soumise à cotisation LPP. Il ne s'agissait pas d'une indemnité de départ, mais d'un salaire soumis aux cotisations LPP. Les parties s'étaient entendu pour signer la convention ensuite de divergences, lesquelles devaient être réparées par le versement d'une indemnité équivalant à quatre mois de salaire. Cette indemnité avait bien une fonction réparatrice du dommage, y compris du tort moral subi par la demanderesse. Toutefois, ce dommage devait uniquement être réparé par l'indemnité correspondant à quatre mois de salaire et non par les versements correspondant au préavis de six mois de salaire et au 13ème salaire sur huit mois de salaire afférant au délai de congé et les deux premiers mois de l'année. Le fait que le salaire ait été versé de façon anticipée ne changeait rien au fait qu'il s'agissait d'éléments de nature salariale et réguliers et non occasionnels. Vu le versement d'éléments de salaire en date du 1er avril 2020, il avait été prématuré d'annoncer à l'appelée en cause que la demanderesse sortait de la caisse de prévoyance le 29 février 2020. Les cotisations LPP devaient également être considérées comme charges sociales légales et usuelles au sens de la convention, puisqu'elles avaient été régulièrement déduites de son traitement. À cet égard, la demanderesse a relevé que, pour le salaire de février 2020, la convention avait utilisé les mêmes termes pour la déduction des charges sociales. Vu la similitude des formulations, il pouvait ainsi être compris que ces charges étaient les mêmes pour la somme à verser le 1er avril et le salaire de février. Il ne s'agissait au demeurant pas d'une indemnité de départ, celle-ci étant définie comme une indemnité discrétionnaire offerte par l'employeur qui n'était pas mentionnée dans le contrat. Or, in casu, le versement de la somme litigieuse résultait du contrat en ce qui concerne le 13ème salaire et le salaire durant le délai de préavis. Le versement de cette somme n'était ainsi pas laissé au libre pouvoir de décision de l'employeur. La convention ne qualifiait pas non plus la somme à verser le 1er avril 2020 comme une indemnité, mais la désignait comme "montant brut". Par contre, la part de la somme à payer qui concernait quatre mois de salaire, en plus du 13ème salaire et du salaire durant le délai de préavis, était désignée par le terme "indemnité". À contrario, les deux autres sommes ne pouvaient être considérées comme des indemnités. Le versement de la somme litigieuse n'avait pas non plus été convenu à titre de réparation d'un dommage subi ou au titre de compensation d'un droit dont elle n'aurait pas bénéficié (vacances non prises, maladie), sauf la part de cette somme qui concerne l'indemnité de quatre mois de salaire. Les sommes concernant le 13ème salaire et celui durant le délai de préavis ne constituaient pas non plus un versement occasionnel ou un complément du salaire. Se dédouaner du respect des obligations en matière de cotisations LPP en prévoyant par une convention le versement du salaire dû durant le délai de congé et le 13ème salaire après la fin des rapports de travail, confinait au surplus à un abus de droit. Ne s'agissant pas d'une indemnité, la jurisprudence relative à l'indemnité due en cas de résiliation pour juste motif, n'était en outre pas applicable. Cette jurisprudence était vraisemblablement dictée par des aspects pratiques, dès lors que la condamnation de l'employeur à une telle indemnité intervenait souvent des années après le licenciement, soit éventuellement à un moment où le travailleur était déjà au bénéfice d'une rente LPP, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

17.    Par écritures du 7 décembre 2020, l'appelée en cause a relevé que, selon la loi la régissant, l'affiliation à sa caisse prenait fin le jour où cessaient les rapports de service pour une autre cause que l'invalidité ou la retraite. Par conséquent, la défenderesse ne l'avait pas annoncée de façon prématurée comme sortante de sa caisse à la date du 29 février, dernier jour du contrat de travail, selon la convention. S'agissant du calcul de la cotisation LPP, il était erroné, seul le traitement cotisant servait de base de référence.

18.    Dans sa duplique du 14 décembre 2020, la défenderesse a persisté dans ses conclusions. Certes, le montant de CHF 182'272.- payé à la demanderesse tenait en particulier compte du préavis de congé de six mois et du 13ème salaire calculé pro rata temporis sur huit mois. Cela ne transformait cependant pas pour autant ce montant en salaire ou traitement déterminant. Il s'agissait uniquement d'une explication sur le calcul de cette somme. Au demeurant, il ressortait de façon univoque de la convention que le contrat de travail prenait fin au 29 février, de sorte que la somme litigieuse était payée pour le départ de la demanderesse. Quant au calcul de la cotisation LPP éventuellement due, la demanderesse a repris les allégués de l'appelée en cause. Pour le surplus, la défenderesse a repris ses précédents arguments.

19.    Le 9 février 2021, la demanderesse a adressé à la chambre de céans copie du courrier qu'elle a envoyé à la même date à la défenderesse concernant son certificat de salaire pour 2021. Dans cette lettre, la demanderesse a contesté la qualification de la somme de CHF 182'272.- comme indemnité de départ et alléguait que le montant de CHF 68'352.- compris dans cette somme constituait une indemnité pour tort moral. À ce titre, cette indemnité était exonérée d'impôt sur le revenu. En ne faisant aucune différence entre la part "salaire" et la part "indemnité pour réparation morale", la défenderesse portait atteinte à ses intérêts. Par ailleurs, le montant de CHF 113'920.- devait être qualifié de salaire et non d'indemnité de départ. La demanderesse a également contesté le prélèvement de cotisations sur la somme versée à titre de réparation pour tort moral.

20.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Selon l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernier instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits. La voie à suivre est celle de l'action (ATF 115 V 224 consid. 2), étant précisé que le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40]; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

b. Dans le cadre de contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits, la compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie. Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droits (ATF 128 V 254 consid. 2a).

Savoir si le point litigieux est ou non l'objet d'une réglementation expresse de la LPP ou de ses dispositions d'exécution n'est toutefois pas déterminant, en ce qui concerne la recevabilité de l'action devant le tribunal cantonal ou du recours subséquent devant le Tribunal fédéral des assurances. Au contraire, les tribunaux institués par l'art. 73 LPP sont appelés à connaître aussi de litiges qui opposent une institution de prévoyance à un employeur ou à un ayant droit, même s'ils n'appellent l'application d'aucune disposition du droit public fédéral, quant au fond, et qui doivent être tranchés exclusivement au regard du droit privé, du droit public cantonal ou du droit public communal (ATF 117 V 50 consid. 1).

c. Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé (art. 73 al. 2 LPP).

d. En l'espèce, la demanderesse est un éventuel ayant droit au sens de l'art. 73 al. 1 LPP et l'objet du litige relève manifestement du droit de la prévoyance professionnelle, puisque le litige a trait au salaire assuré, de sorte qu'il est régi par les art. 73 LPP et 134 al. 1 let. b LOJ. Par ailleurs, les sièges de la défenderesse et de l'appelée en cause se trouvent à Genève. La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du litige, tant ratione materiae que ratione loci.

2.        L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (Vincent SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19).

La procédure prévue par l'art. 73 LPP n'est pas déclenchée par une décision sujette à recours, mais par une simple prise de position de l'institution de prévoyance qui ne peut s'imposer qu'en vertu de la décision d'un tribunal saisi par la voie de l'action (ATF 115 V 239). C'est dire que les institutions de prévoyance (y compris celles de droit public) n'ont pas le pouvoir de rendre des décisions proprement dites (ATF 115 V 224).

3.        À teneur de l'art. 73 al. 2 LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite dans laquelle le juge constatera les faits d'office.

Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle, est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) et plus particulièrement les art. 89A et ss.

4.        Interjetée dans la forme prévue par la loi, la demande est en principe recevable.

Certes, la demanderesse a violé l'art. 7 let. iv de la convention, selon lequel elle renonce à engager toute procédure contre la défenderesse pour quelque motif que ce soit. Toutefois, dans la mesure où la défenderesse ne s'en prévaut pas, l'incidence de cette disposition contractuelle sur les procédures engagées en dépit de la violation de celle-ci, sera laissée ouverte.

5.        L'objet du litige est la question de savoir si la somme de CHF 182'272.- payée à la demanderesse le 1er avril 2020 est sujette aux cotisations LPP.

6.        En l'espèce, l'appelée en cause est une institution de prévoyance de droit public pratiquant la prévoyance obligatoire et plus étendue, sans faire de distinction entre les prestations découlant de la prévoyance obligatoire et celles découlant de la prévoyance plus étendue (institution dite « enveloppante » ; ATF 128 V 247 consid. 3a ; ATF 117 V 45 consid. 3b). Dans son cas, le caractère étendu de la prévoyance se manifeste notamment par le fait que le salaire assuré est supérieur au salaire coordonné de l'art. 8 al. 1 LPP (voir dans ce sens, parmi d'autres, l'arrêt de la chambre de céans ATAS/640/2014 du 22 mai 2014).

7.        Aux termes de l'art. 331a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), la prévoyance professionnelle commence le jour où débute le rapport de travail et prend fin le jour où le travailleur quitte l'institution de prévoyance. L'art. 10 LPP a la même teneur. Cela est également prévu à l'art. 14 de la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève du 14 septembre 2012 (LCPEG - RSG B 5 22), selon lequel l'affiliation à la caisse prend fin le jour où cessent les rapports de service pour une cause autre que l'invalidité ou la retraite (al. 3).

Le moment déterminant est la fin des rapports de travail selon le droit privé, indépendamment du fait que le salarié a cessé son activité plus tôt. Le versement, après le délai de résiliation, d'une indemnité pour des jours de vacances non pris n'a pas pour effet de prolonger le rapport de prévoyance (CASS - Schneider / Geiser / Gächter, 2020, art. 10, N 17).

Le droit au versement du salaire après l'expiration du délai de résiliation ne prolonge pas non plus le rapport de prévoyance, selon le Tribunal fédéral (arrêt B 90/06 du Tribunal fédéral du 25 mai 2007 consid. 4). Dans le cas jugé, le contrat de travail a été résilié, puis prolongé pendant la période de protection durant une partie de l'incapacité de travail pour cause de maladie. Après la fin du contrat de travail, l'employeur a continué à verser le salaire pendant l'incapacité de travail, conformément à son règlement du personnel. Selon notre Haute Cour, il ne peut être conclu de la poursuite du paiement du salaire après l'expiration du délai de résiliation et de la période de protection, que le contrat s'était poursuivi jusqu'à la fin du paiement du salaire. L'obligation de payer le salaire en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie ne changeait rien au fait que le contrat de travail était terminé.

S'agissant d'une résiliation immédiate, le contrat de travail prend fin avec effet immédiat, même s'il s'avère par la suite qu'il s'agissait d'un licenciement sans juste motif et que le salarié a droit à une indemnité. Cette indemnité est soumise aux cotisations des assurances sociales, sauf pour la prévoyance professionnelle, dès lors que les dommages-intérêts sont dus pour une période où le contrat de travail et, partant, le rapport de prévoyance n'existaient plus (arrêt B 55/1999 du Tribunal fédéral des assurances du 8 novembre 2001 consid. 2a et 2c). Le Tribunal fédéral a considéré à cet égard que la personne licenciée pourrait immédiatement conclure un nouveau contrat de travail et ainsi être intégrée à l'institution de prévoyance du nouvel employeur, de sorte que le maintien du rapport de prévoyance serait contraire à l'interdiction de la double assurance.

8.        Au vu de ce qui précède, il sied d'examiner quand le contrat de travail de la demanderesse a pris fin, ce moment étant déterminant pour la fin de son affiliation à sa caisse de prévoyance.

En l'occurrence, les parties ont mis fin au contrat d'un commun accord et ont réglé les modalités de cet accord par une convention. Selon l'art. 1 de la convention,

"D'entente entre elles et d'un commun accord, [l'employeur] et [l'employée] conviennent de mettre fin aux rapports de travail avec effet au 29 février 2020, sans prolongation possible, à quelque titre que ce soit" (al. 1). À l'alinéa 2, il est stipulé: "Il n'existe aussi aucune possibilité de réintégration, pour quelque motif que ce soit".

À l'art. 3 de la convention, la défenderesse s'engage à payer à la demanderesse un "montant brut" de CHF 182'272.- correspondant au préavis de congé de six mois, au 13ème salaire pro rata temporis calculé sur huit mois et une indemnité équivalente à quatre mois de salaire brut à bien plaire. À l'alinéa 4, il est stipulé que ce montant, "dont à déduire les charges sociales et légales usuelles", lui sera versé le 1er avril 2020 "à la stricte condition que le contrat de travail se termine impérativement le 29 février 2020, sans prolongation possible".

Cela étant, il ressort de cette convention sans aucun doute possible que le contrat de travail a pris fin le 29 février 2020. Il n'est par conséquent pas nécessaire de l'interpréter.

9.        Au vu de la doctrine et de la jurisprudence précitées, l'affiliation de la demanderesse à la caisse de pension a pris ainsi fin à cette dernière date avec pour conséquence que les sommes qui lui ont été versées après cette date et qui concernent une période postérieure à la validité du contrat, ne sont plus soumises aux cotisations LPP.

En prévoyant que le contrat de travail se termine fin février, par une convention datée du 6 février 2020, les parties ont manifestement renoncé à respecter le délai de résiliation de six mois, quoi qu'en dise la demanderesse. La contrepartie de l'acceptation de la fin prématurée du contrat était le paiement d'une somme de CHF 182'272.- correspondant au salaire qui aurait été dû pendant la durée du préavis de six mois, ainsi qu'au 13ème salaire pour huit mois et une indemnité de quatre mois de salaire supplémentaire. Ce n'est pas parce que la somme que la défenderesse s'est engagée à payer prend en compte ces éléments qu'il peut être considéré qu'il s'agit d'un salaire soumis à cotisations LPP. En effet, selon la jurisprudence précitée de notre Haute Cour, ce n'est pas la qualification de salaire qui détermine si les cotisations LPP sont dues, mais la durée du contrat de travail. Les cotisations ne sont dues que jusqu'à la fin juridique du contrat, dès lors que l'affiliation à la caisse de prévoyance prend fin au même moment. Ainsi, même si l'employeur continue à payer le salaire après la fin du contrat, par exemple en cas d'incapacité de travail, ce salaire n'est plus soumis aux cotisations LPP, dans la mesure où le rapport de prévoyance n'existe plus. Peu importe par conséquent en l'espèce que l'indemnité convenue a une fonction réparatrice ou une nature salariale. Dès le moment où elle est versée après la fin du contrat, aucune cotisation LPP n'est due en l'absence d'un rapport de prévoyance, selon la jurisprudence précitée.

Certes la convention prévoit que les "charges sociales et légales usuelles" sont à déduire de la somme de CHF 182'272.-. La question de savoir quelles cotisations sociales sont dues se détermine toutefois en fonction de la loi, comme cela est précisé par l'adjectif "légal", et non de la volonté des parties. Ce n'est pas non plus parce que la convention utilise la même formulation pour les déductions du salaire brut afférant au mois de février qu'il peut en être déduit que les charges sociales et légales usuelles sont identiques pour la somme de CHF 182'272.-.

En ce qui concerne l'aspect pratique qui aurait dicté au Tribunal fédéral de considérer que l'indemnité en cas de licenciement immédiat sans juste motif n'est pas soumise aux cotisations LPP, cette motivation est contredite par notre Haute Cour elle-même, celle-ci considérant que le maintien du rapport de prévoyance serait contraire à l'interdiction de la double assurance, dans la mesure où la personne licenciée pourrait immédiatement conclure un nouveau contrat de travail et ainsi être intégrée à l'institution de prévoyance du nouvel employeur. Cette justification vaut également pour le cas d'espèce.

10.    Se pose encore la question de savoir si la somme de CHF 182'272.- est soumise aux cotisations LPP en tant qu'indemnité de départ.

a. L'appelée en cause est une institution « enveloppante ». À ce titre, elle est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP en matière d'organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui lui convient, pour autant qu'elle respecte les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et les références).

S'agissant des éléments de salaire soumis à cotisations LPP, la chambre de céans a jugé, dans un arrêt de principe du 20 avril 2020, que seul était soumis aux cotisations de la CPEG le traitement légal annuel défini dans l'échelle des traitements des membres du personnel de l'État, compte tenu du taux d'activité, au sens de l'art. 15 al. 1 LCPEG. Par conséquent, n'étaient pas soumis aux cotisations les éléments complémentaires de rémunération tels que les indemnités, soit dans le cas jugé les indemnités de maître-adjoint et de doyen (ATAS/297/2020 consid. 13b/bb).

b. Il résulte de ce qui précède, qu'une indemnité de départ ne fait pas partie des éléments de salaire soumis à cotisations.

11.    Enfin, la demanderesse invoque l'abus de droit prohibé par l'art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Elle allègue qu'il serait choquant qu'un employeur puisse se soustraire au paiement des cotisations LPP dues sur les salaires correspondant au préavis de résiliation, y compris le 13ème salaire, en prévoyant par une convention une indemnité y correspondant.

D'un commun accord, les parties peuvent toutefois renoncer à certains droits, en particulier au respect du délai de résiliation. Au demeurant, une convention forme un tout, comme cela est expressément stipulé à l'art. 9 sous "concessions réciproques" dont la teneur est la suivante:

"Les parties s'accordent sur le fait et conviennent que la présente convention comporte des concessions mutuelles librement consenties et qu'elle est équitable".

Certes, en acceptant la fin du contrat sans le respect du préavis de six mois, l'affiliation à la caisse de prévoyance prend prématurément fin. En contrepartie, la demanderesse reçoit toutefois, outre le salaire qui aurait été dû pendant le délai de résiliation et le 13ème salaire pour huit mois, une indemnité de quatre mois de salaire supplémentaire, la renonciation par la défenderesse de poursuivre l'enquête administrative initiée à son encontre (art. 7 let. iii), un certificat de travail rédigé d'un commun accord (art. 4) et l'assurance de la défenderesse de ne répondre à aucune question sur les rapports de travail et la fin de ceux-ci (art. 4 al. 3). La demanderesse est en outre libre de conclure dès le 1er mars 2020 un nouveau contrat de travail.

Partant, la chambre de céans ne peut déceler aucun indice d'un abus de droit de la part de la défenderesse, d'autant moins que la demanderesse était assistée d'un conseil.

12.    Au vu de ce qui précède, la somme litigieuse n'est pas soumise au cotisations LPP. Partant la demande sera rejetée.

13.    Selon l'art. 73 al. 2, 1ère phrase LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe gratuite. Selon la jurisprudence, ce principe exclut l'octroi de dépens à une organisation chargée de tâches de droit public (dont les institutions de prévoyance font partie) obtenant gain de cause, sauf en cas de témérité ou de légèreté (ATF 126 V 143 consid. 4 ; cf. ég. Ulrich MEYER, in SCHNEIDER, GEISER, GÄCHTER [éd.], Commentaire LPP et LFLP, p. 1206, n. 90 ad art. 73 LPP). Ces exceptions n'étant pas réalisées en l'espèce, le défendeur et la défenderesse ne sauraient se voir allouer une indemnité à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le