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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2669/2025

ATA/1222/2025 du 04.11.2025 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;EMPLOYÉ PUBLIC;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT DE S'EXPLIQUER;POUVOIR D'APPRÉCIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉSILIATION;CONTESTATION DU CONGÉ;ENSEIGNANT;AI(ASSURANCE)
Normes : Cst; Cst; Cst; LPA.19; LPA.20; LPA.22; LPA.43; RStCE.66; RStCE.67; RStCE.68; RStCE.76; RStCE.78; RStCE.79
Résumé : Annulation – pour violation du droit d'être entendu – d’une décision de résiliation des rapports de service d’une chargée d’enseignement. L’autorité n’a pas laissé à la recourante la possibilité de s’exprimer avant de prendre sa décision ni d’offrir des preuves. Il ne l’a pas non plus avertie du fait qu’il envisageait de résilier ses rapports de service. Le vice doit être considérée comme grave et ne peut, au vu des circonstances (notamment violation de la maxime inquisitoire et non établissement de faits pertinents de nature à modifier de manière substantielle l’appréciation du comportement de la recourante), être réparé devant la chambre administrative. Admission partielle du recours et renvoi de la cause à l’autorité pour instruction complémentaire et nouvelle décision
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2669/2025-FPUBL ATA/1222/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 novembre 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Nathalie PERUCCHI, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ a exercé, jusqu’en 2018, la profession d’avocate, en tant qu’indépendante.

b. Parallèlement à son activité d’avocate, elle a été engagée, pour la rentrée scolaire 2016-2017, en qualité d’enseignante suppléante en droit auprès de l’école de commerce et de culture générale (ci-après : ECCG) B______, pour treize périodes d’enseignement.

c. Dès le mois de septembre 2017, son poste d’enseignante suppléante a évolué en poste d’enseignante vacataire. Son taux d’activité était de quatre périodes d’enseignement pour l’année scolaire 2017-2018.

d. Le 29 septembre 2017, elle a rempli le questionnaire d’état civil et données individuelles, qui mentionnait ce qui suit : « la personne soussignée certifie que les renseignements ci-dessus sont complets et conformes à la vérité. Elle s’engage à signaler toutes modifications ultérieures ».

e. Le 6 mars 2018, A______ a été victime d’une rupture d’anévrisme cérébrale entraînant une hémiplégie du côté droit. À son réveil, elle avait perdu l’usage de ses deux jambes, et son nerf optique de l’œil gauche était sévèrement atteint. Elle a également subi deux lésions ischémiques.

f. En raison de son état de santé, A______ n’a pas pu reprendre son activité d’avocate indépendante.

g. Le contrat d’enseignante vacataire a été maintenu pour respectivement 2.38 puis 3.85 périodes d’enseignement pour les années scolaires 2018-2019 et 2019-2020.

h. À la suite de six mois de rééducation, A______ a retrouvé l’usage de ses deux jambes et de sa main droite dominante.

i. Le 22 avril 2020, l’assurance-invalidité (ci-après : AI) lui a octroyé une rente d’invalidité complète avec effet rétroactif au 1er février 2019. Le degré d’invalidité était de 100%.

La décision mentionnait qu’il ressortait de l’instruction médicale que l’incapacité de travail de l’intéressée était de 100% dans toute activité, dès le 26 février 2018 (début du délai d’attente d’un an). Par ailleurs, d’autres mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans sa situation.

j. Le contrat de vacation de A______ a été reconduit pour les années scolaires 2020-2021, 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024 sans que l’enseignante transmette à sa hiérarchie la décision de l’AI.

Le document de reconduction indiquait ce qui suit : « par la signature de la présente, vous attestez que votre état de santé actuel n’occasionne aucune entrave importante à l’exécution des activités qui vous sont confiées. Nous attirons votre attention sur la nécessité de nous faire connaître toute modification qui pourrait survenir ultérieurement dans les renseignements que vous nous avez fournis ».

k. A______ a suivi, pendant deux ans, une formation d’enseignante de la formation professionnelle pour l’enseignement des branches professionnelles auprès la Haute école fédérale en formation professionnelle à Lausanne (ci-après : HEFP), dont elle s’est vu délivrer le certificat le 13 juillet 2024.

B. a. Dès le 1er août 2024, A______ a été engagée en qualité de maîtresse d’enseignement professionnelle chargée d’enseignement au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : DIP), à un taux contractuel de 21.16%, au sein de l’ECCG B______. Elle n’a pas transmis la décision de l’AI.

b. Le 27 janvier 2025, elle a été victime d’un accident de la route qui a nécessité plusieurs mois d’arrêt de travail à 100%, à tout le moins jusqu’au 14 août 2025.

c. Le 10 juin 2025, le DIP l’a invitée, dans le cadre de la détection précoce, à annoncer sa situation à l’AI.

d. A______ a indiqué au DIP qu’elle était déjà bénéficiaire d’une rente AI à 100%, à la suite d’une décision de l’office AI du 22 avril 2020 qu’elle transmettait.

Celle-ci ne mentionnait pas le degré d’invalidité.

e. Le 24 juin 2025, à la demande du DIP, l’office AI a transmis à l’enseignante une copie de la décision de l’AI du 22 avril 2020 mentionnant le degré d’invalidité (100%).

f. Par décision du 17 juillet 2025, la Conseillère d’État en charge du DIP a mis fin aux rapports de service de A______ avec effet au 31 juillet 2025, celle-ci ayant été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité complète depuis le 1er février 2019.

C. a. Par acte remis au guichet du greffe universel le 4 août 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à sa réintégration. Préalablement, elle a sollicité la restitution de l’effet suspensif. Dans le corps de son recours, elle a requis l’audition de C______, directrice de l’ECCG B______.

Son droit d'être entendu avait été violé, son employeur ne l’ayant pas avertie de son intention de résilier les rapports de service.

Elle n’avait commis aucune faute grave, la directrice de l’ECCG ayant été informée de son atteinte à la santé et de la procédure auprès de l’AI. En outre, le fait que la conseillère d’État eût résilié son contrat en raison de sa rente AI alors qu’elle avait été engagée par la directrice de l’ECCG, qui connaissait sa situation, était une violation manifeste du principe de la bonne foi.

Elle n’avait pas été conviée auprès du médecin-conseil de l’État et aucun examen approfondi n’avait été réalisé par la conseillère d’État. Tant ses médecins traitants que le médecin mandaté par l’AI avaient considéré que son invalidité lui permettait de réaliser son activité accessoire d’enseignante.

b. Le DIP a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif et au rejet du recours.

c. Dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé qu’elle était autorisée par l’AI à exercer une activité accessoire comme enseignante jusqu’à un taux de 30%. Dans son rapport médical du 8 juillet 2025, la docteure D______, neurologue, avait attesté qu’elle était apte à reprendre son activité de chargée d’enseignement dès le 15 août 2025, en prescrivant des modalités du retour thérapeutique.

d. Dans sa réponse sur le fond, le DIP a relevé que la recourante n’avait pas remis copie de la décision de l’AI à sa hiérarchie. En outre, depuis le 22 avril 2020, elle avait continué d’exercer une activité en violation de la décision AI, mais également en violation de ses engagements par la signature des documents d’engagement, selon lesquels elle devait communiquer toute modification des informations fournies. S’il avait eu connaissance de cette situation, il n’aurait pas reconduit les contrats de vacation ni ne l’aurait engagée en qualité de chargée d’enseignement dès la rentrée scolaire 2024. En dissimulant ces informations, la recourante avait gravement violé ses devoirs de fonction, de sorte que le lien de confiance était irrémédiablement rompu.

e. Par décision du 8 septembre 2025, la chambre administrative a constaté que le recours avait effet suspensif, la décision attaquée ne mentionnant pas qu’elle était exécutoire nonobstant recours.

f. Dans sa réplique sur le fond, la recourante a sollicité l’audition des parties et a relevé que l’activité accessoire d’enseignante n’avait jamais été remise en question par ses médecins, ni par le médecin de l’assurance-invalidité. En effet, la décision du 22 avril 2020 reposait sur l’avis du médecin du service médical régional (ci‑après ; SMR) de l’AI, indiquant qu’elle se trouvait dans une incapacité durable de travail à 100% pour son activité habituelle (activité d’avocate indépendante) et qu’elle était apte pour son activité adaptée (3 x 2h par semaine).

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation des rapports de service de la recourante.

3.             Celle-ci sollicite plusieurs actes d’enquête.

Compte tenu toutefois de l’issue du litige, il n’y sera pas procédé.

4.             La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, le DIP ne l’ayant pas avertie de son intention de résilier ses rapports de service avant de rendre la décision attaquée.

4.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de faire valoir son point de vue avant qu’une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1).

Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique (ATF 135 I 279 consid. 3.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1).

4.2 En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux ATF 136 I 39, et les arrêts cités).

L’art. 78 al. 4 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04) prévoit que la décision de résiliation des rapports de service d’un chargé d’enseignement est notifiée par lettre motivée après que l'intéressée ou l'intéressé a été entendu.

4.3 Selon l’art. 43 LPA, l’autorité n’est pas tenue d’entendre les parties avant de prendre : une décision par laquelle elle fait entièrement droit à leurs conclusions concordantes (let. a) ; une mesure d’exécution (let. b) ; une décision incidente qui n’est pas séparément susceptible de recours (let. c) ; d’autres décisions lorsqu’il y a péril en la demeure (let. d).

4.4 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, une telle violation peut néanmoins être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).

Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée qui n'est pas particulièrement grave (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 135 I 276 consid. 2.6.1). Elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. La partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/51/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.3 et l'arrêt cité).

4.5 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve en principe que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/1143/2025 du 14 octobre 2025 consid. 2.4).

4.6 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/1180/2025 du 28 octobre 2025 consid. 3.7).

4.7 L’art. 76 RStCE prévoit que les rapports de service d'une chargée ou d'un chargé d'enseignement ne peuvent prendre fin que dans les cas suivants : a) résiliation des rapports de service (art. 78) ; b) invalidité (art. 79) ; c) démission (art. 79A).

Selon l’art. 78 RStCE, la direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la direction des ressources humaines compétente du département, peut mettre fin aux rapports de service avec préavis de trois mois pour la fin d’un mois en cas d'inaptitude à remplir les exigences du poste (al. 1 let. c) ; en cas de disparition durable d'un motif d'engagement (al. 1 let. d). La direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la direction des ressources humaines compétente du département, peut libérer, le cas échéant immédiatement, la chargée ou le chargé d’enseignement de son obligation de travailler (al. 2). La conseillère ou le conseiller d'État chargé du département peut mettre fin aux rapports de service avec effet immédiat, en particulier en cas de violation grave des devoirs de service ou de fonction. Dans ce cas, la conseillère ou le conseiller d’État chargé du département libère en principe immédiatement la chargée ou le chargé d’enseignement de son obligation de travailler (al. 3).

L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/726/2024 du 18 juin 2024 consid. 6.5 et les arrêts cités).

L’art. 79 RStCE dispose que la conseillère ou le conseiller d'État chargé du département peut mettre fin aux rapports de service lorsqu'une chargée ou un chargé d'enseignement n'est plus en mesure, pour des raisons de santé ou d'invalidité, de remplir ses devoirs de fonction (al. 1). Il ne peut être mis fin aux rapports de service que s’il s’est avéré impossible de reclasser la chargée ou le chargé d’enseignement dans une autre fonction (al. 2). L’incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu’elle ne soit reconnue d’un commun accord par le département, la caisse de prévoyance et la chargée ou le chargé d’enseignement, doit être constatée par le médecin-conseil de l’État, à la suite d’un examen médical approfondi pratiqué en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants de l’intéressé (al. 3).

4.8 En l’espèce, le DIP a résilié les rapports de service de la recourante le 17 juillet 2025, immédiatement après que celle-ci lui a communiqué, le 24 juin 2025, la décision de l’AI du 22 avril 2020 constatant un degré d’invalidité de 100%.

Le DIP n’a ainsi pas laissé à la recourante la possibilité de s’exprimer avant de prendre la décision querellée, pas même à l’occasion d’une discussion relativement informelle, ni d’offrir des preuves. Il ne l’a pas non plus avertie du fait qu’il envisageait de résilier ses rapports de service. Aussi, aucune des conditions légales permettant au DIP de renoncer à entendre la recourante avant de prendre ladite décision au sens de l’art. 43 LPA n’est réalisée. Par conséquent, il a violé le droit d’être entendu de la recourante.

Ce vice doit être considérée comme grave et ne peut être réparé devant la chambre de céans. En effet, la recourante a été privée de la possibilité de faire valoir ses arguments devant le DIP. Devant la chambre de céans, elle a notamment expliqué que la directrice de l’ECCG avait été informée de son atteinte à la santé et de la procédure auprès de l’AI, et que tant ses médecins traitants que le médecin mandaté par l’AI avaient considéré que son invalidité lui permettait de réaliser son activité accessoire d’enseignante. Le DIP n’a donc pas instruit des faits pertinents afin de prendre sa décision, en violation de la maxime inquisitoire ; il n’a notamment pas sollicité l’avis du médecin‑conseil de l’État ni l’AI, ni, surtout, n’a interrogé la directrice de l’ECCG afin de savoir quelles informations la recourante lui avait transmises sur son état de santé et quelle réponse la directrice lui avait apportée. Ces éléments apparaissent essentiels afin de déterminer l’aptitude au travail de la recourante et s’il y a eu une rupture du lien de confiance, telle qu’alléguée par le DIP, ainsi que d’apprécier le grief de la recourante en lien avec une violation du principe de la bonne foi.

À cela s’ajoute que ce n’est que dans sa réponse au recours, et non pas dans sa décision, que le DIP a précisé que le comportement de la recourante consistant à lui avoir caché des éléments déterminants sur son état de santé avait entraîné une rupture du lien de confiance. Or, l’intéressée, qui n’a ainsi eu connaissance du second reproche qui lui était adressé qu’en cours de procédure contentieuse, soit tardivement, apporte devant la chambre de céans des éléments pertinents en lien avec ce reproche qu’elle n’a pas pu porter à la connaissance du DIP avant qu’il ne prenne sa décision et qui impliquent que celui-ci, compte tenu notamment du large pouvoir d’appréciation dont il dispose en matière de résiliation des rapports de service, procède à un nouvel examen – approfondi – de la situation, après avoir établi tous les faits pertinents, notamment en entendant la directrice de l’ECCG. À défaut, la chambre de céans ne peut exercer sa fonction de contrôle et en particulier déterminer si le DIP a abusé de son pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a in fine LPA).

Enfin, le renvoi au DIP ne constitue pas une vaine formalité. Les renseignements qui seront issus de l’instruction complémentaire sont grandement de nature à modifier de manière substantielle l’appréciation du comportement de la recourante, étant précisé que si le DIP devait retenir un manquement de la part de celle-ci, il relève de sa seule appréciation de décider si un tel manquement justifie une sanction ou la résiliation des rapports de service de la recourante. Le pouvoir d'examen de la chambre de céans est en revanche limité à l'établissement des faits et à l'examen du droit, à l'exclusion des questions d'opportunité (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1588/2017 du 12 décembre 2017 consid. 7b).

Le grief est donc bien fondé, ce qui conduit à l’admission partielle du recours.

La décision querellée sera donc annulée et la cause renvoyée au DIP pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

5.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à recourante, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

La valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.-.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2025 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 17 juillet 2025 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 17 juillet 2025 ;

renvoie le dossier au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie PERUCCHI, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :