Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1243/2025 du 04.11.2025 ( AIDSO ) , REFUSE
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3257/2025-AIDSO ATA/1243/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 4 novembre 2025 sur mesures provisionnelles
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Jean-Louis BERARDI, avocat
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
_________
Attendu, en fait, que :
1. A______, né le ______ 2000, est de nationalité albanaise. Il est arrivé en Suisse en janvier 2017.
2. Il a été mis au bénéfice de prestations d'aide financière exceptionnelle par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) dès le 1er août 2018.
3. Le 6 septembre 2024, A______ a informé son assistante sociale qu'il s'était marié le 2 avril 2024 avec B______, née le ______ 2003, de nationalité suisse, sans toutefois faire ménage commun avec elle vu l'exiguïté de son logement.
4. Le 10 avril 2025, l'unité aide d'urgence de l'aide aux migrants (ci-après : AMIG) a été informée que le couple faisait désormais ménage commun.
5. Le 24 avril 2025, lors d'un entretien périodique, A______ et B______ – la précitée ayant pris le nom de son époux – ont confirmé faire ménage commun. Cette dernière était en deuxième année de bachelor en Digital Marketing à l'école privée C______. Elle n'avait pas pu obtenir de bourse de l'État de Genève, mais était soutenue par la Fondation D______ pour son écolage. Elle travaillait également sur appel pour l'entreprise E______.
6. Par décision du 21 mai 2025, l'AMIG a mis fin aux prestations financières de A______ avec effet au 31 mai 2025.
7. Le précité a formé réclamation le 27 mai 2025.
8. Par décision du 7 juillet 2025, l'AMIG a – à titre exceptionnel et à bien plaire – reconsidéré sa décision du 21 mai 2025 en accordant au couple une aide financière jusqu'au 31 août 2025 au plus tard.
9. Le 21 août 2025, A______ a formé opposition à la décision précitée.
10. Le 17 septembre 2025, le directeur général de l'hospice a rejeté la réclamation et confirmé la décision sur reconsidération du 7 juillet 2025. Selon la jurisprudence rendue précédemment, et encore valable sous l'empire de la loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04), l'aide sociale n'avait pas vocation à financer une formation ou des études, raison pour laquelle les étudiants étaient exclus de l'aide financière ordinaire. Seule une aide exceptionnelle, destinée à faire face à des difficultés passagères, avait été prévue par le législateur.
Lorsqu'une personne vivait en couple, c'était ce dernier qui bénéficiait de l'aide financière, sans possibilité de dissocier ses membres, si bien que chaque conjoint devait remplir les conditions posées par la loi pour bénéficier de l'aide financière.
11. Par acte posté le 19 septembre 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, concluant préalablement à l'adoption de mesures provisionnelles consistant en une reprise des prestations versées par l'hospice à partir du 1er septembre 2025, et principalement à l'annulation de la décision sur réclamation, à ce que l'hospice soit invité à verser ses prestations pour une période minimale de six mois renouvelable et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
L'acte de recours ne contenait pas de motivation spécifique concernant la demande de mesures provisionnelles, si ce n'était que l'hospice avait tardé à statuer sur ce point.
12. Le 9 octobre 2025, l'hospice a conclu au rejet de la demande de mesures provisionnelles.
13. Le 17 octobre 2025, A______ a répliqué et demandé l'octroi de mesures superprovisionnelles. Sa régie, par courrier du 10 septembre 2025, l'avait mis en demeure de régler ses loyers de septembre et octobre 2025 dans un délai de 30 jours, pour un montant total de CHF 2'170.-. Il en résultait un dommage difficilement réparable.
14. Le 22 octobre 2025, A______ a transmis à la chambre administrative un échange de courriels avec l'« Unité soutien locataires » de l'hospice. Cette dernière avait refusé de donner suite à sa demande au motif qu'il bénéficiait de prestations financières de l'hospice.
15. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question des mesures provisionnelles.
Considérant, en droit, que :
1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président ou par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
5. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
6. En l'espèce, le litige ne porte que sur la décision en reconsidération du 7 juillet 2025, confirmée sur réclamation le 17 septembre 2025 accordant au couple une aide « strictement exceptionnelle » jusqu’au 31 août 2025. L’octroi des mesures provisionnelles sollicitées aboutirait à faire droit aux conclusions principales du recourant pendant toute la durée de la procédure devant la chambre de céans. En outre, au vu de la situation financière du recourant, qui dépend de l'aide sociale, le paiement des montants litigieux à titre provisionnel se ferait très vraisemblablement à fonds perdu.
À cet égard, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'intérêt privé du recourant à conserver les revenus relatifs au maintien desdits rapports doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État (ATA/1168/2025 du 28 octobre 2025 ; ATA/30/2025 du 13 janvier 2025 ; ATA/167/2022 du 17 février 2022 consid. 7). Enfin, les chances de succès du recours n’apparaissent pas à ce point évidentes qu’elles justifieraient l’octroi de mesures provisionnelles, la situation factuelle – singulièrement la question des renseignements donnés au recourant par l'intimé au sujet des conséquences de son mariage sur ses prestations – nécessitant d’être éclaircie.
La demande de mesures provisionnelles au recours sera dès lors rejetée.
7. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
Rejette la demande de mesures provisionnelles ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Jean-Louis BERARDI, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.
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| La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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