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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1016/2025

ATA/1135/2025 du 14.10.2025 sur JTAPI/443/2025 ( LCR ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.11.2025, 1C_692/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1016/2025-LCR ATA/1135/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 octobre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2025 (JTAPI/443/2025)


EN FAIT

A. a. Le 5 décembre 2024, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé A______ de l'ouverture d'une procédure à son encontre par courrier A et l'a invité à se déterminer dans un délai de deux mois.

b. Il y a donné suite par courriel et « Courrier A Plus », le 24 janvier 2025.

c. Par décision du 13 février 2025, expédiée par courrier « A+ », l'OCV a notifié à A______ une décision de retrait du permis de conduire pour une durée de trois mois en raison d’un excès de vitesse.

d. Selon le système du suivi des envois de la Poste, le courrier a été distribué le 14 février 2025 à 09h37 dans la boîte aux lettres d’A______.

B. a. Par acte posté le 24 mars 2025, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

La décision querellée avait été « délivrée » le 14 février 2025 mais il ne l'avait effectivement reçue que le 18 mars 2025.

La règle admise en matière de recommandé non retiré devait être prise en considération dans la mesure où, contrairement à la « délivrance » vérifiée d'un recommandé, le simple dépôt dans une boîte aux lettres ne permettait pas de s'assurer d'une prise en charge du pli. Il fallait donc appliquer le délai de mise à disposition d'une semaine et considérer l'envoi comme reçu à l’échéance de cette semaine. C'était ainsi le 22 février 2025 qui devait être pris en compte pour le début du délai de recours. Déposé le 24 mars 2025, le recours était recevable.

Il n’était pas l’auteur de l’excès de vitesse.

b. Par jugement du 29 avril 2025, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

A______ admettait que la décision de l’OCV avait été déposée dans sa boîte aux lettre le 14 février 2025. Le recours formé le 24 mars 2025 était donc tardif.

C. a. Par acte mis à la poste le 29 mai 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit qu’il ne pouvait être sanctionné pour des faits commis par un tiers et qu’il soit libéré de la décision de retrait de permis de conduire.

Le simple dépôt dans une boîte aux lettres d’un envoi en courrier A+ ne permettait pas de s’assurer de sa prise en charge. L’offre et la pratique du courrier A+ étaient récentes. Il n’y avait pas égalité de traitement entre le justiciable disposant d’un délai courant du huitième jour du dépôt de l’invitation à retirer un envoi recommandé et celui qui recevait un pli A+ dans sa boîte aux lettres et ne disposait d’aucun temps de retrait alors même qu’il ne l’avait ni reçu ni retiré et ne pouvait donc en prendre connaissance que plus tard. Le maintien de deux formes différentes d’envoi (recommandée et courrier A+) constituait une inégalité de traitement.

Il n’était pas l’auteur de l’excès de vitesse.

b. Le 10 juin 2025, l’OCV s’en est rapporté à justice.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti.

d. Le 17 juillet 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige a pour objet le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en raison de son caractère tardif.

Les conclusions prises par le recourant relativement au fond de la cause, soit le bien-fondé du retrait de son permis de conduire, excèdent le cadre du litige et sont irrecevables, le TAPI n’ayant examiné et ne s’étant prononcé que sur la recevabilité du recours.

2.1 Selon l’art. 62 al. 1 let. a et b LPA, le délai de recours contre une décision finale est de 30 jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 1re phr. LPA).

2.2 Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Les écrits doivent parvenir à l’autorité ou être remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 17 al. 3 LPA).

2.3 Le principe général de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907
(CC - RS 210), selon lequel chacun doit prouver les faits qu'il allègue pour en déduire son droit, est valable également en procédure. C'est dès lors au recourant qu'il incombe de prouver avoir déposé un recours dans le délai, ce qui doit être déterminé avec certitude et non selon la règle de la vraisemblance prépondérante (ATF
119 V 7 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_681/2015 du 13 novembre 2015 consid. 2).

2.4 Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1). La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/852/2022 du 23 août 2022 consid. 2c).

2.5 La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Elle comporte également l’éventuelle réexpédition à une nouvelle adresse, ainsi que le retour des envois non distribuables. Lors de l’expédition par « Courrier A+ », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « Suivi des envois ». Les envois « Courrier A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

2.6 L'envoi d'une décision par courrier « A+ » est un mode de notification des décisions admis par le Tribunal fédéral. À l'instar de ce qui prévaut pour l'avis de retrait d'un pli recommandé, il existe une présomption réfragable selon laquelle le « Courrier A+ » a été dûment déposé dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire et que la date de distribution a été correctement enregistrée
(ATF 142 III 599 consid. 2.2; arrêt 6B_192/2021 précité consid. 2.3.1 et les réf. citées). Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire. Si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte aux lettres ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date. Dès lors que la non-distribution d'une invitation à retirer un pli est un fait négatif, on ne peut naturellement guère en apporter la preuve formelle. La seule possibilité, toujours envisageable, d'une erreur de la Poste ne suffit pas à renverser la présomption. Il faut au contraire qu'il existe des indices concrets d'erreur (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_428/2022 du 14 décembre 2022 consid. 1.2 ; 6B_517/2021 du 16 juin 2021 consid. 1.1.2).

2.7 Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1re phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/436/2024 du 26 mars 2024 et les arrêts cités).

2.8 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

2.9 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

2.10 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

3.             En l’espèce, le recourant ne conteste pas que la décision de l’OCV a été notifiée par courrier « A+ » déposé dans sa boîte aux lettre le 14 février 2025.

Il suit de là que son recours au TAPI, formé le 24 mars 2025, soit après l’échéance du délai de 30 jours qui avait commencé à courir le 15 février 2025, lendemain du dépôt du courrier, était tardif et devait être déclaré irrecevable.

Le recourant se plaint toutefois d’une inégalité de traitement.

Il ne saurait être suivi. L’acheminement par recommandé est distinct de celui par courrier « A+ ». Les procédures sont différentes et l’avis de recommandé laissé dans la boîte aux lettres lorsque le destinataire n’est pas présent lors du passage du facteur ne se confond pas avec le dépôt effectif du courrier « A+ ». Les situations ne sont ainsi pas semblables et le principe de l’égalité de traitement n’est d’aucun secours au recourant.

Le recourant, qui indique sans autre précision que la décision de l’OCV avait été notifiée le 14 février 2025 mais qu’il ne l'avait « effectivement reçue » que le 18 mars 2025, ne fait par ailleurs pas valoir de cas de force majeure.

C’est ainsi de manière conforme au droit et sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que le TAPI a déclaré son recours irrecevable.

Le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office cantonal des véhicules.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :