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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2945/2025

ATA/1080/2025 du 02.10.2025 sur JTAPI/960/2025 ( MC ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.10.2025, 2C_607/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2945/2025-MC ATA/1080/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 octobre 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Clara POGLIA, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2025 (JTAPI/960/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1990, alias B______, originaire du Maroc, a fait l’objet de condamnations pénales en Suisse, notamment :

- par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) du 23 février 2015 pour rixe (art. 133 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) ;

- par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 2 mai 2016, notamment pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP), vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), entrée illégale au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ;

- par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après : CPAR) du 15 août 2022, sous l'alias de B______, pour vol et tentative de vol (art. 139 ch. 1 CP), injure, dommages à la propriété, violation de domicile et faux dans les certificats (ART. 252 CP).

b. Il a fait l’objet d’une expulsion pénale de Suisse d’une durée de cinq ans, prononcée par l’arrêt précité de la CPAR.

c. Une interdiction d'entrée en Suisse a été prononcée à son encontre par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le 25 septembre 2018, notifiée le 25 novembre 2021, valable jusqu’au 24 septembre 2025.

B. a. Le 17 décembre 2024, démuni de document d'identité valable, prétendant s’appeler B______ et être né en Algérie, A______ a été arrêté à la suite d’un contrôle d’identité effectué par l'office fédéral de la douane et de la sécurité aux frontières (ci-après : OFDF).

b. Le 18 décembre 2024, le MP a condamné A______ par ordonnance pénale pour infractions à la LEI et pour rupture de ban (art. 291 CP), puis l’a remis en mains des services de police.

c. Le 18 décembre 2024, à 16h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______ pour une durée de trois mois : il avait franchi la frontière malgré une interdiction d'entrée et une expulsion et avait été condamné pour vol, infraction constitutive de crime. Un vol pour le Maroc était en cours d’organisation, l’intéressé ayant été identifié par les autorités de ce pays le 26 juin 2023 comme étant citoyen marocain.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi, expliquant qu'il suivait un traitement médical pour des douleurs à l'estomac.

d. Lors de l'audience du 20 décembre 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), A______ a précisé qu’il s’appelait B______, originaire d’Algérie. L’identité d’A______ découlait d’un faux permis de conduire qu’il avait présenté à la police à la fin de l’année 2021. Il avait signalé, lors de son audition par le commissaire de police, qu’un renvoi forcé « pourrait mal finir », étant donné qu’il avait une fragilité du radius droit. Il était en traitement médical en raison d’une infection bactérienne de l’estomac. Ce traitement avait été interrompu lors de son interpellation et devait être recommencé, sous peine d’une opération chirurgicale. Il avait également suivi des traitements psychiatriques et avait fait des malaises lors de son incarcération à Champ-Dollon. Il avait suivi ces traitements médicaux en Suisse.

e. Par jugement du 20 décembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 17 mars 2025 inclus.

C. a. Par requête du 3 mars 2025, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois.

b. Lors de l'audience du 11 mars 2025 devant le TAPI, A______ a confirmé qu’il n’était pas d'accord de repartir au Maroc pour des questions médicales. Il a déposé une radiographie de son coude réalisée en 2020. Il était tombé le 28 février [recte : janvier] 2025 dans les escaliers dans l’établissement de détention de FAVRA (ci‑après : FAVRA) et s’était blessé au coude. Il devait suivre 45 séances de physiothérapie à Genève, prescrites par un spécialiste orthopédique des HUG, mais n’avait pas pu les commencer, ayant été transféré au centre de détention de Sion le 28 février 2025.

Il ne souhaitait pas repartir au Maroc mais dans un autre pays, par exemple la France même s’il n'y avait pas d'autorisation de séjour. Il n’avait pas de domicile à Genève mais avait une adresse en France, à la route de C______ à D______ chez un de ses amis, E______.

Il était opposé à son renvoi et ne monterait pas à bord du vol avec escorte policière (DEPA) à destination du Maroc prévu le 18 mars 2025.

c. Par jugement du 13 mars 2025, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ jusqu’au 17 mai 2025 inclus.

Une inexigibilité du renvoi pour raisons de santé ne pouvait pas être retenue à ce stade. Le rapport de l'OSEARA établi le 28 janvier 2025 n'excluait pas l'exécution du renvoi par avion et ne prévoyait aucune assistance médicale particulière durant le transport. En ce qui concernait la blessure au coude, aucune pièce n’avait été produite attestant des éventuelles lésions subies et des traitements prescrits – notamment les 45 séances de physiothérapies – pas plus que des éventuelles restrictions à voyager qui auraient été portées à sa connaissance par un médecin. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir que les médicaments qui lui auraient été prescrits ou les séances de physiothérapie ne seraient pas disponibles au Maroc, pays au demeurant doté d'un système d'assurance-maladie qui prenait en principe en charge les frais des soins indispensables des personnes démunies et non assurées.

D. a. Par courrier du 20 mars 2025, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation du jugement et à sa libération immédiate, subsidiairement conditionnée à une obligation de s’annoncer quotidiennement auprès de l’autorité. Plus subsidiairement, il devait être constaté que la détention au sein de l’établissement de l’aéroport de Zurich était inadéquate et son transfert dans celui de Frambois devait être ordonné.

Il présentait une fragilité du radius droit datant de 2020, comme en attestait le docteur F______. Il produisait une radiographie réalisée à l’hôpital de Sion le 23 février 2025 à la suite de sa chute à FAVRA. Cet accident avait causé une fracture du radius proximal du coude droit et des séances de physiothérapie avaient été prescrites par un spécialiste orthopédique des HUG. Son dossier médical se trouvait toutefois dans ce dernier établissement. Son coude était complètement bloqué.

Il souffrait par ailleurs d’une infection bactérienne de l’estomac, selon le document d’OSEARA du 28 janvier 2025. À ce tableau s’ajoutaient des syncopes vasovagales. Des troubles anxieux lui avaient été diagnostiqués. Il suivait un traitement à base d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et de médicaments contre la schizophrénie, ce que l’attestation d’OSEARA du 28 janvier 2025 évoquait.

Il critiquait les conditions de détention dans le centre sédunois où il avait été placé le 31 janvier 2025. Le 20 mars 2025, il avait été transféré à l’établissement de détention administrative de l’aéroport de Zurich, lequel n’avait pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour lui fournir les soins adaptés à sa blessure au coude. Il n’avait bénéficié d’aucune séance de physiothérapie alors que cela lui avait été prescrit. Son transfert à Frambois devait être ordonné.

Il y avait pénurie de personnel médical et en particulier de psychiatres et de psychologues au Maroc. En matière de santé mentale, les moyens des établissements publics étaient insuffisants et les consultations dans les cabinets privés onéreuses.

Son renvoi n’était pas exécutable vu ses nombreux problèmes médicaux, tant psychiques que physiques. Seule une remise en liberté, couplée à des mesures thérapeutiques et à l’obligation de s’annoncer tous les jours auprès de l’autorité pourrait remplir le but recherché par la mise en détention administrative tout en respectant le principe de la proportionnalité.

b. Par arrêt du 2 avril 2025, la chambre administrative a rejeté le recours.

Le recourant ne contestait pas, à juste titre, qu'il existait, dans son cas, un motif de détention administrative en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI.

Il invoquait l’inexécutabilité de son renvoi. Si certes le recourant n’était pas en excellente santé, les affections médicales qu’il présentait n’étaient pas d’une gravité telle qu’elles seraient de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique. Ni les suites de son accident au coude droit, ni les problèmes d’estomac, ni même les problèmes psychiques n’impliquaient un risque réel d'être exposé à un déclin grave en cas de retour dans son pays, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie au sens de la jurisprudence. Par ailleurs, les traitements médicaux étaient disponibles au Maroc, quand bien même certains pouvaient être plus difficiles ou longs à obtenir, notamment en matière de consultations psychiatriques et que le personnel médical serait en nombre insuffisant. Enfin, l’exécution du renvoi ne pourrait en tous les cas intervenir qu’après une analyse médicale conformément aux art. 15 let. p et r OERE.

Il se plaignait de ses conditions de détention. Il ne contestait pas les soins médicaux reçus dans le canton de Genève. Il critiquait leur absence dans les établissements sédunois et zurichois. Il ressortait toutefois des pièces produites un rapport médical de l’hôpital de Sion le 19 février 2025 ainsi qu’une radiographie de son coude prise le 23 février 2025. Les griefs d’une non prise en charge médicale par le centre de détention sédunois étaient en conséquence dénués de fondement. De même, le recourant avait été transféré à Zurich, selon ses dires, le 20 mars 2025. Ses critiques à l’encontre de l’établissement suisse alémanique avaient été formulées le 26 mars 2025, soit moins d’une semaine après son arrivée, sans qu’il ne soit allégué que son état de santé aurait nécessité des soins urgents pendant les six jours en question, et que l’établissement n’y aurait pas donné suite. Dans sa réplique du 31 mars 2025, le recourant s’était limité à maintenir ses conclusions, n’émettant alors aucune critique spécifique sur une non-prise en charge de son état de santé. Enfin, la nécessité d’avoir 45 séances de physiothérapie tel qu’allégué par le recourant ne ressortait d’aucune pièce au dossier, leur nombre apparaissant pour le surplus relativement élevé. Le fait que cette prescription se trouverait dans son dossier médical aux HUG ne suffisait pas pour pouvoir considérer que ce fait était établi, en l’absence de toute copie de ce document et même de toute mention d’une telle prescription sur les pièces médicales produites, y compris le certificat du Dr F______ du 30 janvier 2025.

Le principe de la proportionnalité était respecté.

c. Le 10 avril 2025, après avoir été déclaré apte à prendre l’avion, A______ a refusé de monter à bord du vol DEPA prévu.

A______ s’est ultérieurement plaint de violences exercées à son encontre par la police lors de cette tentative de renvoi.

E. a. Par requête du 6 mai 2025, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois.

b. Par jugement du 13 mai 2025, le TAPI a prolongé la détention administrative de l’intéressé pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 17 juillet 2025. Un vol avait été réservé pour le 10 juin 2025.

c. Le 30 mai 2025, le SEM a informé les services compétents du canton de Genève que le vol DEPA du 10 juin 2025 devait être annulé. L’Ambassade du Royaume du Maroc à Berne avait transmis au SEM un dossier médical concernant A______, que l'intéressé semblait leur avoir adressé dans l’intention d’empêcher la délivrance d’un laissez-passer.

F. a. Le 7 juillet 2025, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 17 novembre 2025.

b. Lors de l'audience du 15 juillet 2025, A______ a confirmé s’être adressé au consulat de son pays en transmettant des éléments de son dossier médical et en demandant expressément à ce qu’un laissez-passer ne soit pas délivré.

c. Par jugement du 16 juillet 2025, le TAPI a prolongé la détention administrative de l’intéressé pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 16 novembre 2025 inclus. L’intéressé était la source de l’impossibilité actuelle de procéder à son renvoi jusqu’à ce jour. Par conséquent, l’impossibilité de procéder à son expulsion ne pouvait être prise en considération. Il suffirait qu’il décide de retourner volontairement au Maroc pour lever cette impossibilité.

G. a. Par requête du 29 août 2025, A______ a déposé une demande de mise en liberté, faisant valoir les violences subies lors de l’intervention policière du 10 avril 2025, l’atteinte à sa santé et l’interruption des soins médicaux en raison de ses transferts, avec risque d’aggravation irréversible de son état de santé, ses transferts abusifs, toujours juste avant des rendez-vous médicaux et la violation de ses droits fondamentaux (« art. 10 Cst., 2, 3 CEDH, 81 LEI et 312 CP »). Il sollicitait par ailleurs la garantie du maintien de ses rendez-vous médicaux et la reconnaissance des violences subies et de l’abus des transferts répétés. Il joignait plusieurs pièces médicales.

b. Informé qu’A______ avait refusé d’être transporté à Genève en vue de l’audience, le TAPI a invité la brigade de sécurité et des audiences (ci-après : BSA) à contacter le centre de détention administrative de Zürich (ci‑après : ZAA) afin de connaitre les raisons de ce refus et voire si le transport devait être adapté.

Selon le ZAA, l’intéressé ne souhaitait pas assister au procès et n’avait pas donné d’autres raisons. Il n’y avait aucune contre-indication médicale pour un transfert par fourgon « JTS ».

c. Bien que dûment convoqué, A______ ne s’est pas présenté à l'audience du 9 septembre 2025 devant le TAPI. Son conseil a notamment expliqué que son client avait refusé son transport non pas par désintérêt de la procédure mais parce qu’il souhaitait être transporté à Genève dans un véhicule médicalisé, ayant déjà fait l’objet de malaises lors de transports dans un fourgon. Il avait déposé plainte pénale suite aux violences subies et « abus de transfert ». Il avait également déposé plainte « auprès de » l’établissement de Frambois. Ces plaintes étaient en cours de traitement.

d. Par jugement du 9 septembre 2025, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé, en tant que de besoin, la détention jusqu’au 16 novembre 2025.

Tant le TAPI que la chambre administrative avaient confirmé, la dernière fois le 16 juillet 2025, que les conditions légales de la détention de l'intéressé étaient remplies.

Dans ce cadre, l’atteinte à sa santé, sa prise en charge médicale dans les différents lieux de détention administrative, les conditions et modalités de sa détention ainsi que l’exigibilité de l’exécution de son renvoi avaient été examinés. Le 16 juillet 2025, le TAPI avait constaté que les documents médicaux produits par l’intéressé ne permettaient pas de retenir que sa détention ne lui donnait pas un accès suffisant aux soins médicaux que requérait son état de santé. Aucune violation de l’art. 3 CEDH n’était à déplorer, en particulier sous l’angle de sa prise en charge psychiatrique dans le cadre de sa détention. Enfin, en l’absence de modification de sa situation, il n’y avait pas lieu de revenir sur la position du TAPI et de la chambre administrative écartant l’hypothèse d’une mesure moins incisive que la détention et, conformément à la jurisprudence, l’impossibilité actuelle de procéder à l’expulsion de ce dernier ne pouvait être prise en considération. Il suffisait qu’il décide de retourner volontairement au Maroc pour lever cette impossibilité.

Les nouveaux certificats produits ne permettaient pas de retenir une autre solution ni, en particulier que la situation du recourant se serait notablement péjorée depuis son dernier examen par le TAPI le 16 juillet 2025. Le précité n’établissait pas non plus que des soins médicaux auxquels il aurait droit lui auraient été refusés et/ou que ses conditions de détention au ZAA ne répondraient pas aux conditions minimales de détention que la Suisse se devait d'observer en vertu de normes internes ou internationales. Les dernières pièces produites démontraient au contraire que la prise en charge médicale de l’intéressé se poursuivait, même s’il était regrettable que certains de ses rendez-vous médicaux aient été annulés pour des raisons logistiques. Cela étant, il ressortait d’un certificat médical du 28 juillet 2025 de la docteure G______, psychiatre et psychothérapeute, que l’état de santé, notamment psychique, du précité s’était dégradé progressivement depuis son arrivée à Frambois et que le contexte dans lequel il évoluait était anxiogène et ne lui permettait pas de profiter de ses soins de manière optimale. Cette situation ne pouvait être prise à la légère et il appartenait aux centres de détention concernés (actuellement le ZAA) d’en tenir compte, même si à ce stade, le TAPI ne pouvait considérer que la situation d’A______, telle que relayée par son conseil, avait évolué dans un sens qui conduirait, pour protéger sa vie, à ordonner sa mise en liberté ou à exiger son transfert dans un autre établissement.

Le ZAA était un établissement destiné à la détention administrative, qui bénéficiait notamment, comme à Frambois, d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence (art. 18 al. 2 CEDA), permettant de garantir une prise en charge médicale adéquate. Il n'y avait pas lieu de constater une violation de l'art. 81 LEI ou des garanties conventionnelles et constitutionnelles.

La décision de le placer en détention, dans ces conditions, ne contrevenait pas au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 CEDH et à l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’art. 3 CEDH. La prise en charge médicale de l’intéressé, respectivement son renvoi, était possible au Maroc.

H. a. Par acte du 23 septembre 2025, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative contre ce jugement. Il a conclu à l’annulation de celui-ci et à sa libération immédiate. Subsidiairement, il devait être assigné à résidence avec une obligation hebdomadaire de s’annoncer auprès de l’autorité.

Faute d’une prise en charge médicale adéquate des séquelles de son bras droit suite à sa chute, le 25 janvier 2025, dans les escaliers en raison de son incarcération, la mobilité de son coude droit était désormais quasi nulle. Sur le plan psychique, il redoutait les séquelles durables pouvant définitivement compromettre l’usage de son bras droit, pourtant indispensable à l’exercice de sa profession de carreleur et de soudeur. Cette inquiétude lui causait des symptômes dépressifs et anxieux, ce dont attestait notamment un certificat médical du 30 juillet 2025 du docteur H______ du service médical de Frambois, spécialiste FMH en médecine générale.

Selon un certificat du 28 janvier 2025 de la Dre G______, les violences subies lors de l’exécution du renvoi forcé le 10 avril 2025, pour lesquelles il avait porté plainte, avaient entraîné une aggravation de ses troubles anxieux ainsi qu’une recrudescence de ses cauchemars. Il souffrait depuis les faits d’un trouble de stress post‑traumatique complexe avec une anxiété importante, une hypervigilance, un épuisement et des insomnies. Le contexte carcéral dans lequel il évoluait depuis des mois déjà était anxiogène et lui causait un sentiment d’insécurité. Son transfert vers Zurich, dans un établissement dont il ne parlait pas la langue ou ne pourrait pas bénéficier de séances de physiothérapie, aggravait son état psychologique.

Le rapport de consultation du 10 juin 2025 des HUG relevait le caractère anormal de sa situation médicale puisque la question était posée de savoir pourquoi il n’avait pas bénéficié d’une consultation d’orthopédie et que la problématique s’était limitée à la consultation de la main. Par ailleurs il relevait que selon le test « Jamar droit », la force de son bras droit était évaluée à 5 kg contre 50 pour le bras gauche.

Enfin, ses rendez-vous prévus au HUG en juin avaient été annulés en raison du manque d’effectifs de la BSA. Il avait ainsi passé près de six mois sans soins adéquats, le Dr H______ relevant, le 25 juin 2025, qu’il était toujours en attente d’un bilan radiologique et d’une évaluation orthopédique spécialisée. À la suite de démarches répétées de sa part, il avait pu obtenir la fixation d’un examen IRM du coude ainsi qu’un rendez-vous auprès du service de chirurgie des HUG respectivement les 12 et 21 août 2025. Il avait toutefois été transféré à Zurich le 4 du même mois.

Depuis décembre 2023, l’ambassade du Maroc ne délivrait plus de laissez-passer pour ses ressortissants ayant des problèmes médicaux. Un courrier du SEM du 2 juin 2025 en attestait. L’ambassade marocaine ayant été informée de ses problèmes de santé, aucun laissez-passer ne lui serait accordé dans les mois à venir.

Son dossier médical témoignait d’un état physique et psychique grave, ancien, documenté et nécessitant des soins spécialisés. Ces soins avaient été systématiquement interrompus ou rendus impossibles en raison des multiples transferts carcéraux et l’absence de transmission de son dossier médical. Certains rendez-vous médicaux avaient été annulés pour cause de manque d’effectifs de la BSA. Le ZAA allait confirmer qu’aucune physiothérapie n’était disponible sur place. Compte tenu des éléments objectifs de la politique connue du Maroc, il était improbable, sinon impossible, que l’exécution du renvoi puisse intervenir dans un délai prévisible. Le maintien en détention ne pouvait donc plus se justifier sur la base d’une exécution imminente du renvoi.

Le contexte carcéral exacerbait l’état de stress post-traumatique et le manque de soins adaptés faisait courir un risque de séquelles permanentes. Il souhaitait pouvoir bénéficier des traitements nécessaires afin de retrouver l’usage normal de son bras, ces derniers n’étant manifestement pas disponibles au ZAA. Il n’avait par ailleurs aucun intérêt à se soustraire à la procédure, étant suivi depuis de nombreuses années aux HUG, et dans l’attente de soins spécialisés. Une mesure moins incisive pouvait atteindre le même objectif que la détention tout en respectant son intégrité physique et psychique.

Son renvoi était inexigible et ses conditions de détention incompatibles avec le respect de sa dignité de son intégrité.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que l’OCPM ne s’était pas déterminé quant à l’exécutabilité du renvoi, alors même qu’une rencontre était prévue en septembre à Rabat, au cours de laquelle, selon les dires de l’OCPM dans le cadre de la demande de prolongation de la détention du 7 juillet 2025, son cas devait être abordé. La diligence et la célérité des démarches entreprises par l’OCPM en vue du renvoi interpellaient. Son cas n’ayant pas été résolu lors de ladite rencontre, son renvoi paraissait manifestement impossible dans un délai prévisible et raisonnable. Sa détention devait être levée.

d. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 septembre 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).

3.             Le recourant ne conteste pas, à juste titre, qu'il existe, dans son cas, un motif de détention administrative en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI.

Comme l’a déjà retenu la chambre administrative, la détention du recourant - qui a fait l'objet d'une décision d’interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 24 novembre 2025, puis d'une décision d'expulsion pénale pour une durée de 5 ans rendue le 15 août 2022 - est fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. a, c et h LEI, lesquels visent notamment la personne qui franchit la frontière malgré une interdiction d’entrée en Suisse et ne peut être renvoyée immédiatement (let. c) ou a été condamnée pour un crime (let. h). Les conditions pour une détention administrative sont remplies sans qu’il ne soit nécessaire d’analyser si celles de la let. a le sont également.

4.             À l’instar du recours interjeté auprès de la chambre de céans le 20 mars 2025, le recourant invoque l’inexécutabilité de son renvoi.

4.1 Dans son arrêt du 2 avril 2025, la chambre administrative avait mentionné les dispositions légales applicables et la jurisprudence pertinente. Il peut y être renvoyé étant rappelé que l’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références). Tel est par exemple le cas lorsqu'un État refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_768/2020 du 21 octobre 2020 consid. 5.1). Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible ou du moins raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_955/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

4.2 En l’espèce, la chambre administrative avait déjà relevé que si le recourant présentait des problèmes de santé, ses affections médicales ne mettaient pas gravement en danger sa vie ou son intégrité physique. Certes, la psychiatre évoque une péjoration de l’état de santé psychique de son patient, la médication ayant dû être augmentée ces dernières semaines sans pouvoir constater d’amélioration. De même, le Dr H______ évoque une mobilité quasiment nulle du coude du recourant contribuant à la péjoration de sa santé psychique. Si cette évolution est regrettable, il ne peut pas être soutenu que le patient manquerait de soins au vu des nombreux rapports médicaux versés au dossier. De même, si les transferts dans un autre établissement de détention ont impliqué l’annulation de rendez-vous médicaux importants, un suivi médical est disponible dans tous les établissements concernés. La prescription de séances de physiothérapie ne ressort d’aucune pièce du dossier quand bien même elle semble être soutenue par le médecin de Frambois. En l’état toutefois, il ne ressort pas du dossier la nécessité que le détenu soit maintenu dans un établissement genevois pour raisons médicales.

Par ailleurs, comme déjà retenu dans les différentes décisions de justice, les traitements médicaux sont disponibles au Maroc, quand bien même certains peuvent être plus difficiles ou longs à obtenir, notamment en matière de consultations psychiatriques et que le personnel médical serait en nombre insuffisant.

Enfin, l’exécution du renvoi ne pourrait en tous les cas intervenir qu’après une analyse médicale conformément aux art. 15 let. p et r OERE.

Le grief sera donc rejeté.

5.             Le recourant se plaint de ses conditions de détention. Il évoque l’interruption de son traitement médical tant pour son coude que sur le plan psychique, des menaces, des traitements humiliants, des violences policières le 10 avril 2025 et une aggravation de ses troubles anxieux.

5.1 La chambre administrative avait eu l’occasion de préciser les exigences légales et jurisprudentielles dans l’arrêt du 2 avril 2025. Or, comme déjà retenu, les conditions de détention respectent les art. 81 LEI et 14 du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA – F 2 12, conclu entre les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève) selon lesquels l’étranger en détention peut s’entretenir et correspondre avec son mandataire, les membres de sa famille et les autorités consulaires (art. 81 al. 1 LEI). La détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission (art. 81 al. 2 LEI). Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (art. 14 al. 2 CEDA).

5.2 Par ailleurs, l’intéressé a pu faire valoir ses droits pour les faits de violences et les menaces qu’il allègue puisqu’il a déposé plainte pénale et que la procédure suit son cours. Il ne peut cependant en déduire de droit dans le cadre de la présente demande de mise en liberté.

De même, et comme vu précédemment, en l’état aucun praticien n’a émis de contre‑indication à une détention au ZAA ou à toute détention hors d’un établissement genevois en raison d’un traitement médical. A fortiori aucun document médical n’est de nature à justifier la libération à laquelle le recourant conclut.

Le grief sera écarté.

6.             Dans un dernier grief, le recourant se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité, souhaitant pouvoir suivre les séances de physiothérapie ce qui impliquerait, selon lui, d’être mis en liberté, éventuellement avec une obligation de se présenter quotidiennement à l’autorité.

6.1 En l’espèce, il ne peut qu’être renvoyé à ce que la chambre a déjà dit à savoir que la prolongation de la détention est une mesure apte à atteindre le but d’intérêt public consistant en l’exécution des décisions de justice, singulièrement l’exécution du renvoi du recourant. Elle est nécessaire pour ce faire, le recourant ayant à plusieurs reprises manifesté son irrespect de l’ordre juridique suisse, qu’il s’agisse de condamnations pénales ou de violation de l’interdiction d’entrée en Suisse. Il a de même manifesté à plusieurs reprises son refus d’être renvoyé au Maroc. Dans ces conditions, aucune mesure moins incisive que la mise en détention n’est suffisante pour garantir sa présence lors du prochain vol DEPA sur lequel une place lui sera réservée. Ainsi, si l’intérêt du recourant à recouvrer sa liberté personnelle est grand, l’intérêt public précité doit primer. Il n’a pas établi ni même rendu vraisemblable que les soins nécessaires ne pourraient lui être administrés que s’il était libéré.

Concernant la réunion à Rabat de septembre 2025, il ressort d’un message du SEM du 2 juin 2025 intitulé « blocage de laissez-passer pour le vol DEPA du 10 juin 2025 – cas médical » que depuis début décembre 2023, l’ambassade du royaume du Maroc à Berne ne délivrait plus de laissez-passer pour les personnes présentant un cas médical, et ce, indépendamment de la nature et de la gravité de la pathologie. Depuis l’apparition dudit problème, le SEM avait eu plusieurs échanges et réunions avec les représentants de l’ambassade, notamment à Berne. Le sujet avait été abordé à plusieurs reprises, et le SEM était en dialogue constant avec les autorités marocaines afin d’identifier une solution constructive. Il prévoyait de se rendre à Rabat en septembre 2025 dans le cadre d’un échange technique. « Cette problématique serait bien entendu également discutée ». Dans le cas du recourant, ce dernier avait bien transmis ces documents médicaux à l’ambassade. Aucun laissez-passer n’avait été délivré en l’état.

Il en ressort, d’une part, qu’il n’est pas expressément indiqué que le cas du recourant serait abordé lors de la réunion de Rabat mais que la problématique serait discutée. D’autre part, dès lors que les retards dans la délivrance du laissez-passer font suite à l’envoi, par le recourant, de son dossier médical à l’ambassade, il ne peut rien tirer de complications, dont il est lui-même à l’origine. Dans ces conditions, son renvoi au Maroc ne contrevient nullement à l’art. 83 al. 2 LEI. Dans la mesure où les autorités marocaines lui avaient accordé un laissez-passer pour les vols des 18 mars et 10 avril 2025, il convient de retenir que son renvoi n’est pas impossible, des discussions étant en cours. Force est en effet de constater que ce sont les démarches entreprises par le contraint qui retardent son rapatriement, ce qui ne constitue pas une impossibilité à l'exécution du renvoi au sens de la jurisprudence précitée.

6.2 La durée de la prolongation de la détention de quatre mois a été confirmée par jugement du TAPI du 16 juillet 2025 lequel n’a pas fait l’objet d’un recours. Elle est par ailleurs conforme à l’art. 79 LEI.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 septembre 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Clara POGLIA, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de l'aéroport de Zurich (Flughafengefängnis), pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :