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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3749/2024

ATA/948/2025 du 02.09.2025 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3749/2024-EXPLOI ATA/948/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 septembre 2025

 

dans la cause

 

A______

B______ recourants
représentés par Me Sabrina KHOSHBEEN, avocate

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée

_________



EN FAIT

A. a. Par un acte unique daté du 7 novembre 2024, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre les quatre décisions du 4 octobre 2024 par lesquelles la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a : (1) constaté que B______ avait servi de prête-nom pour l’exploitation du « Restaurant C______ », avenue D______, ordonné la suspension de la validité de son diplôme pour une durée de 36 mois, ordonné le retrait de l’autorisation d’exploiter le restaurant, ordonné la fermeture immédiate de celui-ci et infligé à B______ une amende de CHF 2'400.- ; (2) constaté que A______ avait eu recours à un prête-nom pour l’exploitation du « Restaurant C______ », avenue D______ et lui a infligé une amende de CHF 1'200.- ; (3) constaté que B______ avait servi de prête-nom pour l’exploitation du « Restaurant E______ » rue F______, ordonné la suspension de la validité de son diplôme pour une durée de 36 mois, ordonné le retrait de l’autorisation d’exploiter le restaurant, ordonné la fermeture immédiate de celui-ci et infligé à B______ une amende de CHF 2'400.- ; (4) constaté que A______ avait eu recours à un prête‑nom pour l’exploitation du « Restaurant E______ » rue F______ et lui a infligé une amende de CHF 1'200.-.

L’acte portait la mention « recommandé ». Il était contenu dans une enveloppe affranchie à CHF 2.40, sur laquelle figuraient deux inscriptions manuscrites, de deux écritures différentes : « Je, soussigné, G______, atteste sur l’honneur que Me Sabrina KHOSHBEEN a déposé ce pli dans la boîte aux lettres sise début rue X______ [ci-après : la boîte postale], le 07.11.2024 à 22h30. Tél : 1______ » suivi d’une signature et « Je, soussigné, H______, atteste sur l’honneur que Me Sabrina KHOSHBEEN a déposé ce pli dans la boîte aux lettres sise début rue X______, le 07.11.2024 à 22h30. Tel. 2______ » suivi d’une signature. L’enveloppe avait été oblitérée le lundi 11 novembre 2024 et elle a été reçue le 12 décembre 2024 par la chambre administrative. L’enveloppe portait en outre un petit timbre vert de la Poste indiquant « Affranchissement manquant » et qu’une taxe était perçue auprès du destinataire.

b. Un exemplaire original du même acte et deux chargés de pièces ont été déposés au greffe de la chambre administrative le lundi 11 novembre 2024 à 15h50, accompagnés d’un courrier dans lequel le conseil des recourants indiquait : « En date du 7 novembre 2024 à 22h30, j’ai déposé un pli contenant deux exemplaires de recours ainsi qu’un chargé de pièces. Eu égard à la tardiveté du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres, je vous prie de trouver ci-joint deux exemplaires du chargé de pièces. À toutes fins utiles, je vous prie de trouver ci-joint la photo de l’enveloppe ainsi qu’un exemplaire du mémoire de recours ». La photo jointe était celle de l’enveloppe portant des mentions manuscrites.

c. Le 21 novembre 2024, la PCTN a conclu à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, le délai étant arrivé à échéance le jeudi 7 novembre 2024 et le recours ayant été mis à la poste le 11 novembre 2024.

d. Le 20 décembre 2024, la PCTN a conclu au rejet du recours sur le fond.

e. Par écritures datées du 21 février 2025 et reçues le 27 février 2025, les recourants ont persisté dans leurs conclusions au fond.

L’enveloppe contenant ces écritures, affranchie à CHF 3.60 et oblitérée le mardi 25 février 2025, portait des inscriptions manuscrites similaires à celles de l’envoi reçu le 12 novembre 2025, par lesquelles H______ et G______ attestaient que Me KHOSHBEEN avait déposé le pli dans la boîte aux lettre sise rue X______ 1, 1220 Les Avanchets, le vendredi 21 février 2023 à 22h45.

f. Par courrier daté du 6 mars et reçu le 7 mars 2025, le conseil des recourants a indiqué à la chambre administrative : « Je reviens sur la procédure citée sous rubrique, soit plus particulièrement mon envoi du 21 février 2025 que la Chambre administrative de la Cour de justice semble ne pas avoir reçu. En effet, j’ai déposé le pli le vendredi 21 février 2025 à 22h45 [souligné dans le texte] comme mentionné par les deux témoins qui ont attesté le dépôt sur l’enveloppe (je l’ai également fait pour un autre recours à la Chambre administrative, et celui-ci a bien été enregistré par le greffe). À toutes fins utiles, je vous prie de trouver ci-joint mon envoi du 21 février 2025. »

Les recourants persistaient dans leur demande de comparution personnelle des parties.

g. Les parties ainsi que G______ et H______ ont été convoqués pour être entendus le 6 mai 2025. G______ et H______ ayant répondu être indisponibles à cette date, l’audience a été déplacée au 20 mai 2025. Les recourants ont alors fait connaître leur indisponibilité à cette date, mais il leur a été répondu que leur présence n’était pas indispensable.

h. Lors de l’audience du 20 mai 2025, le juge délégué a entendu les parties.

ha. Me KHOSHBEEN a déclaré que le recours portant la date du 7 novembre 2024 avait été mis dans la boîte aux lettres du bout de la rue X______ aux Avanchets, à la hauteur du n° 1. Celle-ci indiquait être relevée du lundi au vendredi à 08h30. Elle avait elle-même déposé le recours. Elle habitait en effet au ______, rue X______. H______ était sa sœur et G______ son beau-frère. Elle télétravaillait ce jour-là, de sorte qu’il était plus simple de placer le recours dans cette boîte aux lettres-là plutôt que dans celle d’Uni-Mail. Elle avait appelé sa sœur et son beau-frère pour voir s’ils pouvaient l’accompagner à la boîte aux lettres. Leurs enfants dormaient et ils avaient pu descendre. Ils étaient présents lorsqu’elle avait placé l’envoi dans la boîte. Si l’acte portait la mention « recommandé », c’était qu’elle pensait pouvoir le terminer avant la fermeture de la poste de Balexert, à 21h00 le jeudi. La case postale indiquée sur l’envoi était auprès de cet office postal. Elle travaillait beaucoup depuis son domicile. Elle avait à nouveau fait appel à sa sœur et son beau-frère le 21 février 2025 pour attester de l’envoi de sa réplique du même jour.

Le juge délégué lui a fait observer que le recours avait apparemment été oblitéré par la poste le 11 novembre 2024 et la réplique le 25 février 2025. Elle a répondu qu’il lui était arrivé d’appeler la poste pour ses propres courriers, qu’elle déposait dans cette même boîte aux lettres de la rue X______, et la poste lui avait dit que les courriers n’étaient pas timbrés le jour de la relève mais le prochain jour utile.

hb. Entendus à titre de personnes appelées à donner des renseignements, H______ et G______ ont confirmé que les mentions manuscrites sur les deux envois étaient de leur main. À chaque fois, Me KHOSHBEEN était passée chez eux, ils avaient écrit les mentions et étaient descendus avec elle à la boîte aux lettres au pied de leur immeuble. Cela était par ailleurs déjà arrivé trois ou quatre fois, lorsqu’ils étaient disponibles et pouvaient l’aider. Ils étaient casaniers et facilement disponibles.

hc. Me KHOSHBEEN a expliqué que, comme mentionné dans son courrier du 11 novembre 2024, elle avait déposé ce jour-là au greffe deux exemplaires supplémentaires du chargé de pièces et un exemplaire supplémentaire du recours. Le vendredi 8 novembre 2024, elle était en audience au Ministère public depuis 10h00 puis pour tout l’après-midi, raison pour laquelle elle n’avait pas pu déposer ce jour-là les exemplaires supplémentaires au greffe. Elle produirait le nom du procureur et le numéro de la procédure pénale.

i. Le 21 mai 2025, le juge délégué a interpellé la Poste et lui a transmis copie des enveloppes des envois reçus les 12 novembre 2024 et 27 février 2025, l’invitant à indiquer (a) quels jours de la semaine et à quelle heure la boîte postale était relevée et (b) si la date et l’heure figurant sur les annexes étaient compatibles avec les moments des dépôt tels qu’allégués, à défaut si la date et l’heure des timbrages indiquaient ou suggéraient que les courriers avaient été déposés à un autre moment dans la boîte postale.

j. Le 27 mai 2025, la Poste a indiqué que la levée de la boîte postale était effectuée à 09h00 le matin du lundi au vendredi et à 08h30 le samedi. Le courrier était ensuite traité durant la journée par le centre de tri concerné. Par exemple celui du mardi 25 février avait été traité à 22h00, ce qui laissait penser que l’enveloppe se trouvait dans la boîte postale au matin de cette journée. Si le courrier était déposé après les heures indiquées, il était pris en charge et acheminé le lendemain.

k. Le 6 juin 2025, les recourants ont indiqué que contrairement à ce que la Poste avait indiqué, la boîte postale n’était pas relevée le samedi et ont produit une photographie pour le prouver. Parfois, le facteur ne passait pas ou passait plus tard que 08h30 en semaine du lundi au vendredi.

Il était nécessaire de demander le nom du facteur qui avait effectué la levée du 8 novembre 2024 à 08h30 et si celle-ci avait été effectuée ou non. Il fallait également demander à la Poste d’indiquer : dans quel office postal le courrier était acheminé lorsque le facteur relevait la boîte postale ; à quel moment était traité le courrier lorsqu’il était acheminé, par exemple le vendredi 8 novembre 2024 à 08h30, à savoir le samedi 9 novembre 2024 ou le lundi 11 novembre 2024 comme cela figurait sur l’enveloppe ; si, lorsque l’affranchissement était manquant, le courrier était traité avec moins de célérité, comme un pli B, que lorsque l’affranchissement était correct, étant rappelé qu’il manquait 0.10 ct. à l’affranchissement de CHF 2.40.

Le recours était recevable. Les époux G______ et H______ avaient témoigné que leur conseil avait déposé le pli le jeudi 7 novembre 2024. Ils avaient confirmé leurs déclarations devant le jugé délégué, les conséquences d’un faux témoignage leur ayant été rappelées.

Concernant l’emploi du temps de leur conseil le vendredi 8 novembre 2024, après consultation de son agenda, elle avait pris congé ce jour-là. Eu égard au fait qu’elle avait travaillé tard la veille, elle avait dormi le matin, puis déjeuné avec une amie avec laquelle elle avait passé toute la journée. C’était un autre vendredi, le 15 novembre 2024, qu’elle avait travaillé sur son dossier d’avocate de la première heure effectué la veille jusqu’à 19h30 pour préparer la plaidoirie pour la mise en liberté d’un client. Elle s’était trompée de vendredi. Elle documentait ces explications.

l. Le 11 juin 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions en irrecevabilité.

m. Le 12 juin 2025, le juge délégué a indiqué à la Poste qu’il souhaitait entendre le 8 juillet 2025 un représentant qui serait capable de renseigner la chambre administrative de manière précise au sujet de la relève, du timbrage et de l’acheminement du courrier depuis la boîte postale aux périodes indiquées.

n. Le 23 juin 2024, la Poste a indiqué que sa réponse du 27 mai 2025 était inexacte dans la mesure où la boîte postale était levée depuis 08h30 du lundi au vendredi mais n’était, en novembre 2024 déjà, plus relevée le samedi.

Il ressortait des scannages que la levée de la boîte postale (dont l’identité était 25676) avait eu lieu à 09h37 le 7 novembre 2024, à 08h35 le 8 novembre 2024, à 10h40 le 11 novembre 2024, à 10h08 le 21 février 2025, à 13h47 le 24 février 2025 et à 08h30 le 25 février 2025.

En se basant sur ces heures de levée, si le courrier avait été mis dans la boîte postale le jeudi 7 novembre 2024 à 22h30, la boîte postale ayant été levée le vendredi 8 novembre 2024 à 08h35, le courrier (prioritaire) aurait été timbré le vendredi 8 novembre 2024 par le centre courrier de Genève et distribué le samedi matin 9 novembre 2024 dans la case postale 1956 1211 Genève 1 de la chambre administrative. Il était donc plus probable que le courrier avait été mis dans la boite postale le vendredi soir 8 novembre 2024 et non le jeudi soir 7 novembre 2024. La boîte postale n’étant plus levée le week-end, cela expliquerait que le timbre datait du lundi 11 novembre 2024. Il convenait toutefois de relever que l’envoi n’avait pas été correctement affranchi, vu la présence d’une étiquette « affranchissement manquant ».

En se basant sur les heures de levée, le courrier timbré le mardi 25 février 2025 par le timbre « 8 » au centre de courrier d’Éclépens, s’il avait été mis dans la boîte postale le vendredi 21 février 2025 à 22h45, la boîte postale ayant été levée le lundi 24 février 2025 à 13h47, le courrier aurait été timbré le lundi 24 février 2025 par le centre d’Éclépens ou le centre de courrier de Genève et distribué le mardi 25 février 2025 dans la case postale de la chambre administrative. Par conséquent, il était plus probable que le courrier avait été mis dans la boîte postale le lundi 24 février 2025 après 13h47 et non le vendredi 21 février 2025.

La boîte postale était relevée par les facteurs de la Poste du Grand-Saconnex, en cours de tournée. Les facteurs retiraient des sacs contenant le courrier déposé. Ceux‑ci étaient ensuite déposés en vrac dans un petit container et remis au camion qui évacuait la marchandise vers 15h30 de la Poste du Grand-Saconnex en direction de Genève.

Le courrier parvenant au centre de courrier de Genève avant 17h00 était directement acheminé au centre de courrier d’Éclépens. Après 17h00, le courrier était timbré directement au centre de courrier de Genève. En novembre 2024, les envois étaient traités directement au centre de courrier de Genève.

o. Le 24 juin 2025, le juge délégué a maintenu l’audience du 8 juillet 2025.

p. Le 26 juin 2025, les recourants ont indiqué que, compte tenu que la parole de leurs deux témoins était remise en question, le représentant de la Poste devait répondre de manière précise aux questions posées dans le courrier du 6 juin 2025. La poste devait produire le planning du facteur qui avait effectué la relève du vendredi 8 novembre 2025 à 08h30 et son nom pour vérifier qu’il avait bien procédé ce jour-là. Elle devait indiquer : dans quel office postal le courrier était acheminé lorsque le facteur levait la boîte postale ; à quel moment le courrier était traité lorsqu’il était acheminé le 8 novembre 2024 à 08h30, soit le samedi 9 novembre 2024 ou le lundi 11 novembre 2024 ; si le courrier était traité avec moins de célérité, comme un pli B, lorsque l’affranchissement était manquant. La photo annexée de la boîte aux lettre devait lui être soumise et si la chambre administrative pensait que celle-ci était fausse, un transport sur place devait être ordonné pour établir les levées. Les questions posées par la chambre administrative à la Poste demeuraient vagues, et ce n’était qu’avec des faits précis tels que le nom et le prénom du facteur qui avait levé le courrier le 8 novembre 2024, le cas échéant avec son témoignage confirmant qu’il avait levé la boîte aux lettres et à quelle heure précise, qu’on aurait des réponses précises confirmant que le pli avait bel et bien été déposé le jeudi 7 novembre 2024 à 22h30.

q. Le 27 juin 2025, cette écriture a été transmise aux parties et à la Poste.

r. Le 8 juillet 2025, le juge délégué a entendu les parties et trois employés de la Poste en qualité de témoins.

ra. I______, responsable du service de distribution pour le canton de Genève, a indiqué que la boîte postale avait été levée le vendredi 8 novembre 2024 à 08h35 et que la levée suivante avait eu lieu le lundi 11 novembre 2024 à 10h40. Si la lettre avait été déposée dans la boîte postale le 7 novembre 2024 à 22h45, elle avait été relevée le lendemain à 08h35 par J______, le facteur. Celui-ci achevait sa tournée vers 14h00. Le contenu de toutes les boîtes qu’il avait relevées était placé dans une grand container à la Poste du Grand‑Saconnex puis acheminé à 15h30 au centre de tri de Montbrillant sous la responsabilité de K______.

rb. J______ a confirmé avoir relevé à 08h35 le 8 novembre 2024 la boîte postale et avoir placé tout le contenu de sa tournée dans des caisses qui avaient ensuite été acheminées au centre de tri de Montbrillant vers 15h30.

rc. K______ a expliqué qu’au centre de tri de Montbrillant, ils recevaient le courrier provenant des levées. Celui-ci était alors expédié vers deux sites différent. La marchandise arrivée avant 16h45 était expédiée au centre d’Éclépens, soit le centre de tri pour l’ouest de la Suisse, avec un départ de Genève à 17h00. Le courrier des boîtes aux lettres reçu après 16h45 était traité sur le site de Genève. À Genève, la machine qui triait le courrier ne fonctionnait ni le samedi ni le dimanche. À Éclépens, la machine ne fonctionnait pas le samedi mais le dimanche. Un courrier avait été oblitéré à Éclépens, l’autre semblait l’avoir été à Genève.

S’agissant de l’affranchissement manquant, le courrier provenant des boîtes aux lettres passait par une première machine à trier qui ne lisait que l’affranchissement. Lorsque celui-ci était insuffisant, le courrier était dévié dans un casier spécifique. Tout se passait au centre de tri. L’enveloppe oblitérée le 11 novembre 2024 avait été oblitérée à Genève, cela signifiait qu’elle était venue de la poste du Grand‑Saconnex avec le deuxième camion et qu’elle était arrivée au centre de tri de Montbrillant entre 19h15 et 19h30. L’objectif était de terminer le passage dans la première machine à trier, soit celui qui portait sur l’affranchissement, à 20h00. Dans le cas d’un envoi à l’affranchissement insuffisant, comme en l’espèce, l’enveloppe était dirigée vers un casier spécial qui était relevé en permanence, à flux tendu, par une personne qui vérifiait que l’affranchissement était insuffisant, plaçait une étiquette sur l’envoi et scannait l’enveloppe recto-verso. La lettre était ensuite remise dans le canal pour la suite de son acheminement. L’opération se faisait sans retard, ce qui signifiait que l’envoi ne subissait pas de péjoration de l’offre : il était traité comme les autres, soit dans le même délai que s’il avait été suffisamment affranchi. Le courrier suffisamment affranchi était automatiquement oblitéré par la machine qui vérifiait l’affranchissement. Le courrier insuffisamment affranchi était oblitéré manuellement par la personne qui vérifiait l’affranchissement et scannait le courrier. Le scan était fait avant l’oblitération. En principe, toutes les opérations de vérification de l’affranchissement et d’oblitération étaient terminées à 20h00. Il arrivait que le travail ne soit pas terminé à 20h00, mais c’était exceptionnel. Cela voulait dire qu’il y avait une panne de machine. Sinon, quand la machine fonctionnait, elle traitait tout le courrier correctement affranchi avant 20h00. Quant au courrier insuffisamment affranchi, il était lui aussi toujours traité dans son intégralité et oblitéré avant 20h00, sans exception, la personne titulaire étant automatiquement remplacée en cas d’absence.

Le courrier était ensuite acheminé à Éclépens par train à 20h10 ou par camion à 20h20, et c’était là qu’il était traité. L’adresse était lue par une machine et le courrier trié et acheminé vers Genève. Il était également codé par une ligne de points de couleur saumon que l’on voyait sur l’enveloppe et qui permettait aux machines effectuant la suite du tri d’acheminer la lettre à bonne destination. L’explication du courrier de la Poste du 23 juin 2025, selon laquelle il était plus probable que le courrier ait été mis dans la boîte postale le vendredi soir et non le jeudi compte tenu de la date du timbre du 11 novembre 2024, était confirmée, y compris en présence d’un affranchissement insuffisant. Au centre de tri de Montbrillant, tout incident était consigné sur un document. S’il y avait eu une panne ou un incident le 8 novembre 2024, cela aurait été consigné. Il avait vérifié : aucun incident n’avait été consigné ce jour-là.

rd. I______ a indiqué que la seule explication logique du fait que le second envoi avait été oblitéré le mardi 25 février 2025 était qu’il avait été déposé dans la boîte postale le lundi 24 février 2025 après 13h47, soit l’heure de la levée ce jour-là. Le lundi 24 février 2025, il n’y avait pas eu d’incident à Genève, soit jusqu’au départ en direction d’Éclépens. La Poste produirait les informations sur les incidents qui seraient survenus à Éclépens le 24 février 2025.

re. K______ a indiqué qu’il était sûr « à 100% » que la personne chargée des envois insuffisamment affranchis à Montbrillant traitait tous ceux-ci le jour même de leur arrivée. Cela voulait dire que les envois insuffisamment affranchis repartaient le jour même avec les envois suffisamment affranchis vers Éclépens. Le scannage des envois insuffisamment affranchis était envoyé à Éclépens et servait à établir la carte pour l’affranchissement insuffisant qui était adressée à l’expéditeur quand il était identifiable, à défaut au destinataire. Quand la carte revenait affranchie, elle était émargée et détruite.

s. Le 10 juillet 2025, la Poste a indiqué qu’aucune panne des machines CFC NEC de traitement du courrier en provenance des boîtes postales n’avait été répertoriée dans les rapports journaliers consultés du 7 au 12 novembre 2024 et du 21 au 27 février 2025.

t. Le 11 juillet 2025, l’intimée a persisté dans ses conclusions en irrecevabilité.

u. Le 7 août 2025, les recourants se sont plaints de la partialité du juge délégué. Celui-ci n’avait notamment pas cru leur conseil ni leurs témoins. Il avait posé à la Poste des questions démontrant sa volonté de déclarer le recours irrecevable. Il avait adressé à la Poste, donc aux témoins à entendre, le courrier de leur conseil 26 juin 2025, en contravention de toutes les règles de procédure administrative ou d’administration des preuves. Il n’avait pas entendu les témoins séparément alors que la loi prévoyait leur audition séparée puis la possibilité de les confronter. Les questions étaient dirigées – « est-ce que vous confirmez », « est-ce que vous suggérez », « par hypothèse » – et donc les témoins avaient été influencés tous trois ensemble par la volonté du juge délégué de déclarer le recours irrecevable.

v. Le 11 août 2025, le juge délégué a demandé aux recourants si leur courrier du 7 août 2025 devait être compris comme une demande de récusation.

w. Le 18 août 2025, les recourants ont répondu que tel n’était pas le cas, les conditions jurisprudentielles d’une récusation n’étant pas remplies.

x. Le 19 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 11 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10 ; ATA/370/2025 du 1er avril 2025 consid. 1 ; ATA/646/2023 du 20 juin 2023 consid. 1).

1.1 Il n’est pas contesté que le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05).

L’intimée soutient cependant que le recours serait tardif.

1.1.1 Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

1.1.2 Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/1476/2017 du 14 novembre 2017 consid. 2b et les références citées).

1.1.3 L’art. 62 al. 1 let. a LPA dispose que le délai de recours est de 30 jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence.

1.1.4 Selon l’art. 17 al. 1 LPA, les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche. Selon l’art. 62 al. 3 LPA, le délai de recours court dès le lendemain de la notification de la décision.

1.1.5 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2e phr. LPA. Tombent sous le coup de cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

1.2 En l’espèce, les recourants ne contestent pas avoir reçu les décisions litigieuses le 8 octobre 2024 dans la case postale de leur conseil à la Poste de Balexert, ni que le délai de 30 jours, qui a commencé à courir le mardi 9 octobre 2024, a expiré le 30e jour, soit le jeudi 7 novembre 2024, à minuit. Ils ne se prévalent pas d’un cas de force majeure.

Il reste ainsi à déterminer si le recours a bien été déposé le 7 novembre à 22h30 dans la boîte postale de la rue X______ à Genève comme l’affirment les recourants.

1.3 La date du dépôt d'un acte de procédure est présumée coïncider avec celle du sceau postal (ATF 142 V 389 consid. 2.2 ; 124 V 372 consid. 3b). La partie qui prétend avoir déposé son acte la veille de la date attestée par le sceau postal a cependant le droit de renverser cette présomption par tous moyens de preuve appropriés (ATF 142 V 389 consid. 2.2 ; 124 V 372 consid. 3b).

1.4 La preuve de l’expédition de l’acte procédural en temps utile doit être certaine (ATF 142 V 389 consid. 2.2).

1.5 L'avocat qui se contente de déposer son pli dans une boîte postale n'est pas sans ignorer le risque qu'il court que ce pli ne soit pas enregistré le jour même de son dépôt, mais à une date ultérieure. S'il souhaite renverser la présomption résultant du sceau postal apposé sur l'enveloppe ayant contenu un acte de procédure, on est en droit d'attendre de lui qu'il indique spontanément – et avant l'échéance du délai de recours – à l'autorité compétente avoir respecté le délai, en présentant les moyens probatoires en attestant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1 et les références citées ; 8C_696/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.4 ; 6B_397/2012 du 20 septembre 2012 consid. 1.2). La présomption ne saurait être renversée au moyen d’une preuve offerte après l’expiration du délai de recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_157/2020 du 7 février 2020 consid. 2.4 paru in SJ 2020 I 232). Indiquer à l'autorité judiciaire, pour la première fois après l'expiration du délai de recours, que le pli litigieux aurait été déposé en présence de témoins n’est pas admissible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_157/2020 précité consid. 2.4).

1.6 Est notamment admissible, à titre de preuve, l'attestation de la date de l'envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l'enveloppe concernée (ATF 142 V 389 consid. 2.2 et les références citées). La présence de signatures sur l'enveloppe n'est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires. Il incombe dès lors à l'intéressé d'offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l'identité et l'adresse du ou des témoins (arrêts du Tribunal fédéral 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 4.1 ; 8C_696/2018 précité consid. 3.3). Le Tribunal fédéral a admis la production, dans le délai de recours, à titre de preuve du dépôt en temps utile de celui-ci, d’une séquence audiovisuelle de sa remise dans une boîte postale, et ce malgré la possibilité de manipulation des images, du moment que le dépôt avait été fait par l’avocat des recourants et que rien ne permettait de soupçonner que l’enregistrement vidéo avait été trafiqué (ATF 147 IV 532).

1.7 En l’espèce, les recourants ont offert de prouver la remise de l’envoi le jeudi 7 novembre 2024 en faisant porter sur l’enveloppe les déclarations, les noms et le numéro de téléphone de deux personnes. Certes, dans le courrier accompagnant l’envoi, leur conseil n’a pas mentionné qu’elle avait déposé le recours dans une boîte postale. Les mentions sur l’enveloppe suffisent cependant pour valoir offres de preuves avant l’expiration du délai de recours, au sens exigé par la jurisprudence suscitée.

La sœur et le beau-frère du conseil des recourants ont confirmé leurs inscriptions manuscrites sur l’enveloppe devant la chambre de céans.

Toutefois, dans le cas d’espèce, ce n’est pas le lendemain vendredi 8 novembre 2024 que l’envoi daté du jeudi 7 novembre 2024 a été estampillé mais le lundi 11 novembre 2024, soit avec apparemment un plus grand écart en jours. Le cas diffère ainsi des cas dans lesquels il était allégué que le dépôt avait été effectué la veille de l’oblitération (ATF 147 IV 530). À cela s’ajoute que la réplique des recourants avait pareillement été oblitérée plus d’un jour après la date de remise qu’elle affichait.

Il s’imposait ainsi d’interpeller la Poste pour éclaircir le cheminement du courrier.

Or, en l’espèce, la Poste a exposé par écrit le 27 mai 2025 que le courrier était relevé du lundi au samedi et traité dans la journée.

Le 23 juin 2025, elle a toutefois admis une erreur et indiqué que la boîte postale n’était pas relevée le samedi. Elle a ajouté que la levée du vendredi 8 novembre 2024 avait eu lieu à 08h35. Si le courrier avait été mis dans la boîte postale le jeudi 7 novembre 2024 à 22h30, la boîte postale ayant été levée le vendredi 8 novembre 2024 à 08h35, le courrier (prioritaire) aurait été timbré le vendredi 8 novembre 2024 par le centre courrier de Genève et distribué le samedi matin 9 novembre 2024 dans la case postale 1956 1211 Genève 1 de la chambre administrative. Il était donc plus probable que le courrier avait été mis dans la boîte postale le vendredi soir 8 novembre 2024 et non le jeudi soir 7 novembre 2024.

Les recourants ont fait valoir qu’il fallait éclaircir la question de la levée du vendredi 8 novembre 2024 au matin et ont rappelé la question du défaut d’affranchissement.

Le courrier des recourants du 26 juin 2025 a été transmis à la Poste conformément aux art. 20 al. 1 et 27 LPA, parce qu’il détaillait les éléments au sujet desquels les recourants demandaient des éclaircissements – sans rechercher pour autant d’effet de surprise– et les trois employés ont été entendus en même temps dès lors qu’ils venaient apporter des précisions techniques sur les étapes de traitement du courrier déjà détaillées par écrit par la Poste et qu’aucun risque de collusion n’avait à être pris en compte ni n’avait d’ailleurs été évoqué.

Les déclarations des employés de la Poste corroborent les explications écrites de cette administration et confirment que la boîte postale a été relevée le vendredi 8 novembre 2024 à 08h35, que le courrier a été trié et oblitéré à Genève avant 20h00, y compris les envois sous-affranchis, en l’absence de panne ce jour-là, et qu’il a ensuite été dirigé vers Éclépens, où aucune panne n’avait non plus été enregistrée, de sorte qu’un pli remis dans la boîte postale le jeudi 7 novembre 2024 dans la soirée aurait été distribué dans la case postale de la chambre de céans le samedi 9 novembre 2024.

Il suit de là que les recourants échouent à apporter la preuve certaine que le pli oblitéré le lundi 11 novembre 2024 a été remis dans la boîte postale le jeudi 7 novembre 2024 à 22h30. L’instruction menée par la chambre de céans permet au contraire de retenir que le pli n’a pas été remis dans la boîte postale avant la relève du courrier du lundi 11 novembre 2024 à 10h40.

Certes, les recourants font valoir les déclarations de leur conseil et de la sœur et du beau-frère de celle-ci, selon lesquelles le recours avait été placé dans la boîte postale le jeudi 7 novembre à 22h30. Les époux G______ et H______ ont toutefois été entendus à titre de renseignement en raison de leurs liens de parenté et d’alliance avec le conseil des recourants, de sorte qu’ils n’ont pas le statut de témoin et n’ont pas été rendus attentifs aux conséquences d’un faux témoignage – ce qui ressort d’ailleurs du procès-verbal de leur audition. Or, leur proximité avec le conseil des recourants atténue la valeur probante de leurs déclarations en regard des indications très précises des employés de la Poste.

À cela s’ajoute que des exemplaires supplémentaires du recours et des chargés ont été remis au greffe de la chambre administrative le lundi 11 novembre 2024 à 15h50, et non le vendredi 8 novembre 2024. Or, s’ils avaient été remis au greffe le vendredi 8 novembre 2024, soit le lendemain du dépôt allégué dans la boîte postale, avec une image ou un film du dépôt nocturne opéré la veille, la force probante qui en aurait résulté aurait probablement été différente et aurait éventuellement permis de renverser la présomption que le dépôt était advenu le jour du timbrage.

Enfin, un épisode similaire s’est produit avec le dépôt de la réplique des recourants, et la Poste a expliqué à ce propos que si le courrier timbré le mardi 25 février 2025 au centre d’Éclépens avait été mis dans la boîte postale le vendredi 21 février 2025 à 22h45, comme allégué, celle-ci ayant été levée le lundi 24 février 2025 à 13h47, le courrier aurait été timbré le même jour par le centre d’Éclépens ou le centre de courrier de Genève et distribué le mardi 25 février 2025 dans la case postale de la chambre administrative, si bien qu’il était plus probable que le courrier ait été mis dans la boîte postale le lundi 24 février 2025 après 13h47 et non le vendredi 21 février 2025.

Il résulte des éléments qui précèdent, pris dans leur ensemble, que les recourants échouent dans le cas d’espèce à renverser, au degré de preuve requis par la jurisprudence, la présomption selon laquelle la date du timbrage correspond à la date du dépôt de l’acte, et à établir qu’ils auraient mis leur recours dans la boîte postale le 7 novembre 2024 avant minuit.

Il s’ensuit que leur recours est tardif et devra être déclaré irrecevable.

2.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 800.-, tenant compte notamment des deux audiences d’instruction, sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 11 novembre 2024 par A______ et B______ contre les décisions de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 4 octobre 2024 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sabrina KHOSHBEEN, avocate des recourants, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean‑Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :