Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/128/2025

ATA/827/2025 du 04.08.2025 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.09.2025, 2C_492/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/128/2025-EXPLOI ATA/827/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Mes Christoph PETERER et Philippe FUCHS, avocats

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VETERINAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______), dont le siège social est au B______ dans le canton de Genève, a notamment pour but l’« achat et vente de matériels liés aux activités de multimédia, ainsi que l'importation et la distribution de magazines ».

b. Le 27 septembre 2024, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a procédé, au sein de l'établissement de C______ au B______ et en présence de D______, directeur de A______, au prélèvement de quatre pièces (cigarettes électroniques) importées par cette société, à savoir :

-          un échantillon n° 24-96884 de marque LOST MARY BM 6000
(ci-après : LOST MARY) Apple pear,

-          un échantillon n° 24-96885 de marque PIXL 6000 Juicy peach,

-          un échantillon n° 24-96886 de marque ELFBAR AF5000 Passion kiwi ;

-          et un échantillon n° 24-96887 de marque ELFBAR 1200 Lemon Lime Lemon Raspberry.

c. Dans un « rapport d'analyse – décision » du 23 octobre 2024, le SCAV, soit pour lui le chimiste cantonal, a interdit à A______ avec effet immédiat, la commercialisation des cigarettes électroniques jetables de marque LOST MARY, PIXL 6000, ELFBAR AF5000 et ELFBAR 1200 et a ordonné le rappel de tous les produits similaires de la même gamme auprès de ses distributeurs et des consommateurs, quel que soit l'arôme ou le numéro de lot ; que ces derniers devaient être informés des motifs de rappel, soit que le volume des cartouches ou les réservoirs excèderaient 2 ml (mesure n° 1) ; que dans les trois jours qui suivaient la réception du rapport, différentes informations, qui étaient listées, devaient être fournies au SCAV (mesure n° 2) ; que vu les risques pour la santé ou de tromperie des consommateurs, l'effet suspensif au recours était retiré pour la mesure n° 1,

Pour les quatre échantillons, le volume du réservoir était de 12 ml. Or, dans le cas des cigarettes électroniques jetables, le volume des cartouches ou des réservoirs ne devait pas excéder 2 ml. Ainsi, ils ne répondaient pas aux exigences légales.

d. Le 4 novembre 2024, A______ a formé opposition contre cette décision, concluant, concernant les modèles LOST MARY et ELFBAR AF5000, principalement à son annulation, subsidiairement à ce qu'un délai approprié pour écouler le stock de ces produits soit accordé ; concernant les produits PIXL 6000 et ELFBAR 1200, principalement à ce qu'un délai approprié pour écouler le stock de ces produits soit accordé ; préalablement, l'effet suspensif devait être accordé.

Les produits LOST MARY et ELFBAR AF5000 étaient conformes aux prescriptions techniques de l'Union européenne selon l'art. 16a al. 1 de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce du 6 octobre (LETC- RS 946.51). Il s'agissait de cigarettes électroniques rechargeables et non pas jetables. Cette dénomination figurait sur la taxation des douanes « e-cigarettes rechargeables avec nicotine », modèles qui étaient en libre circulation sur le marché européen. En ce qui concernait les modèles PIXL 6000 et ELFBAR 1200, elle sollicitait un délai raisonnable pour écouler le stock. Le principe de proportionnalité avait été violé en ce qui concernait l'interdiction immédiate de vendre et elle se réservait le droit de faire valoir le dommage subi. Enfin, l'effet suspensif devait être restitué dès lors qu'il n'y avait pas de risques pour la santé et que les produits LOST MARY et ELFBAR AF5000 étaient conformes aux directives européennes et pouvaient être commercialisés en Suisse.

A______ a notamment produit une décision de taxation douanière et un avis de droit privé établi par « Arcus Compliance » concluant que le modèle ELFBAR AF5000 serait certainement autorisé en Europe car jugé conforme aux normes réglementaires.

e. Par décision du 28 novembre 2024, le SCAV a refusé de restituer l'effet suspensif et a rejeté l'opposition, persistant dans les termes de sa décision du 23 octobre 2024.

Il ressortait de la page dédiée aux modèles LOST MARY et ELFBAR sur les sites Internet www.E______.ch et www.F______-ch qu'ils étaient bien des cigarettes électroniques jetables. La cigarette électronique dans son entier était jetable une fois la recharge vidée. La recharge de 10 ml contenant de la nicotine à introduire dans les modèles contestés, une fois introduite, devait être jetée ; elle ne pouvait être remplie à nouveau et réutilisée dans le même dispositif ou dans un autre. Aussi, l'usage de la recharge était bien unique, et peu importait qu'elle permette de recharger jusqu'à cinq fois le réservoir de 2 ml du modèle LOST MARY BM 6000. La recharge était limitée à une seule utilisation pour un remplissage répété cinq fois. Celle-ci ne saurait être qualifiée de flacon, lequel était bien un récipient qui pouvait être amené dans un commerce et rempli. Compte tenu du fait qu'il contenait de la nicotine, il ne devait pas excéder 2 ml.

L'intérêt public à la protection de la santé des consommateurs l'emportait sur l'intérêt privé de A______. Aucune autre mesure que le retrait de la marchandise ne pouvait être ordonnée afin d'atteindre le but visé, sur l'entier des échantillons contestés.

B. a. Par acte du 14 janvier 2025, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision sur opposition, concluant, au fond, à son annulation et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif.

Les produits LOST MARYet ELFBAR AF5000 pouvaient être achetés dans une boutique en ligne allemande, argument que le SCAV n'avait pas examiné. Contrairement à ce qui était indiqué dans la décision querellée, il s'agissait de
e-cigarettes rechargeables et non jetables. Par ailleurs, la recharge pouvait être remplie et il ne s'agissait donc pas d'une cartouche à usage unique. Le réservoir de recharge pouvait être retiré après utilisation et la cigarette électronique pouvait être rechargée à l'aide d'un nouveau réservoir de recharge. Les recharges pouvaient être achetées séparément.

Il s'agissait donc de produits réutilisables et les réservoirs préremplis contenaient un volume de 2 ml. Les réservoirs de recharge livrés avec les produits contenaient un volume de 10 ml. C'était à tort que le SCAV avait additionné les volumes des deux réservoirs et était parvenu ainsi à un volume de réservoir de 12 ml. Ce faisant, il avait violé l'art. 9 de la loi fédérale sur les produits du tabac les cigarettes électroniques du 1er octobre 2021 (LPTab - RS 818.32).

La recharge disposait d'une sécurité pour enfants, était incassable et munie, en raison du système d'emboîtement, d'un dispositif garantissant l'absence de fuite au remplissage, ce qui excluait tout risque pour la santé. Les produits – mis en vente au sein de l'Union européenne – répondaient aux exigences légales relatives à la quantité de liquide contenant de la nicotine et la sécurité du mécanisme de recharge. Ils étaient conformes aux prescriptions techniques de l'Union européenne, comme l'exigeait l'art. 16a al. 1 LETC.

Aussi, ils ne sauraient porter atteinte à la santé publique ou, dans tous les cas, l'intérêt public à la protection de la santé publique ne saurait être prépondérant par rapport à l'intérêt économique privé de la recourante.

À titre subsidiaire, l'interdiction immédiate de distribution et de vente des produits, qui entraînait un grave préjudice pour la recourante puisqu'elle serait contrainte de se débarrasser de produits d'une valeur d'achat de CHF 13'561.-, devait être remplacée par une mesure plus proportionnée consistant à ce que la recourante soit autorisée, dans un délai raisonnable d'au moins six mois, à écouler les produits.

Il en allait de même concernant les produits PIXL 6000 et ELFBAR 1200, ayant une valeur d'achat de CHF 3'985.60.

b. Dans sa réponse du 4 février 2025, le SCAV a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif, ainsi qu'au rejet du recours.

Sur le site Internet de la société « www.G______.ch », les produits contestés étaient à ce jour toujours en vente. Il était également indiqué qu'ils devaient être utilisés dans les 15 jours après ouverture.

Les cigarettes électroniques rechargeables n'étaient pas destinées à être jetées, elles n'avaient pas de durée d'utilisation limitée, et toutes leurs composantes étaient détachables et remplaçables, contrairement aux cigarettes électroniques jetables, dites « puffs ». Désormais avait émergé sur le marché un nouveau type de cigarettes électroniques, dont certaines composantes étaient rechargeables, notamment la batterie et le liquide, mais la durée d'utilisation était limitée, de sorte qu'elle devait finalement être jetée.

La recourante n'avait pas fait valoir que le réservoir de recharge était lui-même rechargeable mais que c'était bien la cigarette électronique qui était rechargeable. C'était seulement après la décision sur opposition querellée qui pointait spécifiquement le fait que le réservoir de 10 ml était une cartouche jetable à usage unique que la recourante avait fait valoir que cette cartouche, qu'elle appelait recharge, était rechargeable et qu'elle répondait ainsi aux conditions légales relatives aux cigarettes électroniques rechargeables. Ces explications étaient peu convaincantes. De toute manière, en tant qu'elles avaient une limitation d'utilisation de 15 jours, elles ne pouvaient être utilisées indéfiniment contrairement aux cigarettes électroniques rechargeables. Il était par ailleurs curieux que sur quasi tous les sites où étaient vendus lesdits modèles, ceux-ci étaient qualifiés de cigarettes électroniques jetables, sauf sur le site Internet de la recourante.

En tant qu'elles devaient être considérées comme des cigarettes électroniques jetables, la taille du réservoir, où était contenu le liquide, devait être 2 ml maximum et la concentration de nicotine ne devait pas dépasser 20 mg/ml. Ces exigences techniques avaient pour but de pallier aux risques liés à la consommation de nicotine et, partant, de réduire le risque pour la santé des consommateurs, notamment des jeunes. Il était à relever que les couleurs criardes et les arômes utilisés visaient à atteindre un public jeune.

c. Après avoir laissé A______ répliquer, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif par décision du 24 février 2025.

d. Dans sa réplique au fond du 6 mars 2025, la recourante a persisté dans son argumentation et relevé que le site « www.G______.ch » était exploité par une autre société, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue pour responsable du contenu de ce site. La recharge fournie n'était pas une cigarette électronique jetable ou une cartouche à usage unique au sens de l'art. 9 let. b LPTab mais une recharge au sens de l'art. 9 let. a LPTab, qui pouvait représenter un volume de 10 ml. Lorsque le réservoir prérempli était vide, il était possible de remplir ce dernier au moyen du récipient de recharge fourni. Les produits pouvaient être rechargés de deux manières : soit directement au moyen de la recharge disponible séparément, soit en remplissant ce récipient de recharge.

e. Suite à la duplique de l'autorité intimée du 10 avril 2025, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. La recourante a déposé une écriture spontanée en date du 25 avril 2025 en lien avec le site Internet www.G______.ch, relevant que le SCAV ne pouvait se prévaloir de son contenu pour affirmer qu'elle violerait la décision sur effet suspensif du 24 février 2025, ni pour soutenir le bien-fondé de sa décision sur opposition.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 14 de la loi d’application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 13 septembre 2019 - LaLDAI - K 5 02).

2.             Le SCAV a ouvert la procédure à l'endroit de la recourante le 27 septembre 2024 et lui a interdit la commercialisation des cigarettes électroniques le 23 octobre 2024. Il ressort de ce qui précède que les produits faisant l'objet du présent litige étaient régis par la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 20 juin 2014 (LDAl - RS 817.0) jusqu'au 30 septembre 2024 et qu'ils le sont, depuis le 1er octobre 2024, par la LPTab. Un changement de loi est donc intervenu entre le prélèvement des cigarettes électroniques litigieuses et le prononcé de la décision du 23 octobre 2024.

Il n'est pas contesté par les parties que le changement de droit étant intervenu en cours de procédure administrative, le nouveau droit, à savoir la LPTab, trouve application, ce que la chambre de céans a déjà eu l'occasion de retenir dans sa jurisprudence (ATA/564/2025 du 20 mai 2025 consid. 4).

3.             La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits en tant que l'autorité intimée aurait dû constater que les produits LOST MARY et ELFBAR AF5000 étaient des cigarettes électroniques rechargeables et non jetables. Elle soutient qu'il s'agissait de cigarettes électroniques réutilisables selon l'art. 3 let. f LPTab et reproche à l'autorité d'avoir violé l'art. 9 LPTab. Elles étaient conformes aux prescriptions techniques de l'Union européenne, comme l'exigeait l'art. 16a al. 1 LETC.

3.1 Conformément à l'art. 61 al. 1 let. b LPA, le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

3.2 Selon son art. 1, la LPTab, entrée en vigueur le 1er octobre 2024, a pour buts de protéger l’être humain contre les effets nocifs liés à la consommation des produits du tabac et à l’utilisation des cigarettes électroniques (let. a), de prévenir la consommation de ces produits par les mineurs en particulier et l’exposition de ceux‑ci auxdits produits (let. b) et de réduire la consommation des produits du tabac et l’utilisation des cigarettes électroniques (let. c). Elle s’applique aux produits du tabac et aux cigarettes électroniques mis à disposition sur le marché suisse (art. 2 al. 1 LPTab).

Par cigarette électronique, on entend un dispositif utilisé sans tabac permettant d’inhaler les émissions d’un liquide avec ou sans nicotine chauffé au moyen d’une source externe d’énergie, ainsi que les recharges pour ce dispositif (art. 3 let. f LPTab).

3.3 Selon l'art. 9 LPTab, intitulé « conditionnement des liquides contenant de la nicotine lors de la remise aux consommateurs », les volumes suivants de liquides contenant de la nicotine ne doivent pas être dépassés : 10 millilitres pour chaque recharge (let. a) ; 2 millilitres pour chaque cigarette électronique jetable et chaque cartouche à usage unique (let. b).

Selon le message du Conseil fédéral du 30 novembre 2018 concernant la LPTab, afin de limiter les risques liés à la nicotine et d’éviter toute consommation accidentelle de doses élevées, l'art. 9 LPTab fixe les tailles maximales pour les recharges, les réservoirs et les cartouches de liquide contenant de la nicotine. Ces exigences sont reprises des dispositions européennes qui sont, de fait, déjà applicables en Suisse en raison du « principe Cassis de Dijon ». Le liquide contenant de la nicotine utilisé pour les cigarettes électroniques rechargeables ne peut être mis sur le marché que dans des flacons n’excédant pas 10 millilitres (let. a). La let. b concerne les réservoirs des cigarettes électroniques jetables et les cartouches à usage unique : leur volume ne doit pas dépasser 2 millilitres (FF 2019 899, 943).

3.4 Selon l'art. 16 a al. 1 LETC, les produits peuvent être mis sur le marché s'ils satisfont aux prescriptions techniques de la Communauté européenne (CE) et, lorsque le droit de la CE n’est pas harmonisé ou ne fait l’objet que d’une harmonisation incomplète, aux prescriptions techniques d’un État membre de la CE ou de l’Espace économique européen (EEE) (let. a) et s'ils sont légalement sur le marché de l’État membre de la CE ou de l’EEE visé à la let. a (let. b).

3.5 Selon un arrêt du Tribunal administratif fédéral le 24 avril 2018, les cigarettes électroniques contenant de la nicotine et leurs recharges peuvent être commercialisées en Suisse si elles remplissent les conditions du « principe Cassis de Dijon », c’est-à-dire si elles satisfont aux exigences techniques d’un pays membre de l’UE ou de l’EEE et sont légalement sur le marché dans un pays membre de l’UE ou de l’EEE (FF 2019 899, 911). Le « principe Cassis de Dijon » (art. 16a à 16e LETC) permet que tout produit satisfaisant aux prescriptions techniques de l’UE lorsque celles-ci sont harmonisées, ou satisfaisant aux prescriptions techniques d’un État membre de l’UE ou de l’EEE lorsqu’une telle harmonisation n’existe pas ou est incomplète, et qui est légalement sur le marché d’un État membre, soit également commercialisé en Suisse (FF 2019 899, 923).

Le chiffre 16 de la directive 2014/40/UE donne la description d'une cigarette électronique, en ce sens qu'il s'agit d'un « produit, ou tout composant de ce produit, y compris une cartouche, un réservoir et le dispositif dépourvu de cartouche ou de réservoir, qui peut être utilisé, au moyen d’un embout buccal, pour la consommation de vapeur contenant de la nicotine. Les cigarettes électroniques peuvent être jetables ou rechargeables au moyen d’un flacon de recharge et un réservoir ou au moyen de cartouches à usage unique ».

Le chiffre 17 définit le flacon de recharge comme un « récipient renfermant un liquide contenant de la nicotine, qui peut être utilisé pour recharger une cigarette électronique ».

L'art. 20 de la directive 2014/40/UE prévoit que les États membres veillent à ce que les cigarettes électroniques et les flacons de recharge ne soient mis sur le marché que s’ils sont conformes à la présente directive et à l’ensemble de la législation de l’UE en la matière (al. 1). Les États membres veillent à ce que le liquide contenant de la nicotine ne soit mis sur le marché que dans des flacons de recharge dédiés d’un volume maximal de 10 millilitres ; dans des cigarettes électroniques jetables ou dans des cartouches à usage unique, les cartouches ou les réservoirs n’excédent pas 2 ml (al. 3 let. a).

Il ressort ainsi de ce qui précède que la directive européenne distingue clairement un flacon de recharge d'une cartouche à usage unique. À l'instar de l'autorité intimée, il convient de retenir que selon la loi, les seuls réservoirs pouvant dépasser le volume de 2 ml sont les flacons de recharge, à utiliser pour recharger les réservoirs de liquide.

3.6 L'art. 37 LPTab prévoit que les autorités fédérales et cantonales compétentes sont habilitées, aux fins de veiller au respect des dispositions de la LPTab, à surveiller le marché et à contrôler la publicité (al. 1). Les autorités fédérales et cantonales compétentes peuvent prendre, aux frais de l’entreprise contrôlée, toutes mesures propres à éliminer une situation illégale. Elles peuvent notamment, concernant des produits contrôlés : a) interdire leur mise à disposition sur le marché ; b) ordonner leur retrait, leur rappel ou leur destruction (al. 3).

Les autorités cantonales compétentes procèdent au contrôle des produits du tabac et des cigarettes électroniques (art. 30 al. 1 de l'ordonnance sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques du 28 août 2024 - OPTab - RS 818.321). Les autorités cantonales compétentes effectuent les contrôles selon des procédures qu’elles établissent et documentent (art. 31 al. 1 OPTab).

3.7 À Genève, la loi d’application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 13 septembre 2019 (LaLDAI – K 5 02) fixe les modalités d’application dans le canton de la législation fédérale (art. 1 LaLDAI). Le contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels est exercé, sous l’autorité du Conseil d’État, par le SCAV, soit pour lui le chimiste cantonal et le vétérinaire cantonal (art. 2 LaLDAI). Le chimiste cantonal dirige le contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels et coordonne les activités de laboratoire et d’inspections (art. 3 LaLDAI).

En cas d’infraction aux dispositions de la législation fédérale et cantonale sur les denrées alimentaires, le chimiste cantonal peut notamment, indépendamment des sanctions pénales prévues par la présente loi, et cumulativement prononcer toute autre mesure prévue par la législation fédérale (art. 13 let. d LaLDAI).

3.8 En l'espèce, la recourante ne conteste pas que les produits PIXL 6000 et ELFBAR 1200 ne sont pas conformes aux normes applicables. S'agissant des produits LOST MARY et ELFBAR AF5000, qui sont similaires car tous deux nécessitent que la recharge de 10 ml soit introduite dans l'espace dévolu afin de pouvoir être utilisée, elle soutient qu'il ne s'agit pas de cigarettes électroniques jetables mais de cigarettes électroniques avec un système rechargeable.

À l'appui de ses arguments, elle fait valoir que les recharges peuvent être achetées séparément, que les flacons de recharge sont utilisés pour recharger les cartouches, fournies avec ces modèles, et que la batterie est également rechargeable. Les emballages des produits et certains sites Internet indiquent par ailleurs clairement qu'une recharge est fournie, ce qui prouverait qu'il s'agit de produits réutilisables. Le site officiel de l'importateur suisse des produits ELFBAR www.G______.ch ne contenait pas non plus d'indications qu'il s'agirait de produits à usage unique. La recharge préremplie d'un volume de 10 ml fournie avec les produits contestés pouvait être à nouveau remplie et réutilisée.

L'autorité intimée a exposé pour sa part que comme cela ressortait de l'emballage papier du modèle ELFBAR AF5000, ainsi que de la page dédiée sur le site Internet officiel, lesdits produits avaient une limite d'utilisation de 15 jours et ne pouvaient ainsi être utilisées indéfiniment, contrairement aux cigarettes électroniques rechargeables. Par ailleurs, si elles pouvaient effectivement être commercialisées à l'unité, elles étaient communément vendues en paquet de cinq. Le mode d'emploi des recharges ne mentionnait pas qu'elles pourraient à nouveau être remplies lorsqu'elles seraient vides, indiquant uniquement comment remplacer la cartouche de liquide par une nouvelle.

3.9 Cette appréciation ne souffre d'aucune critique. Si la recourante, comme elle le relève, n'est pas responsable des descriptions de ces deux produits sur certains sites Internet, le fait que quasi tous les sites vendant ces modèles les qualifient de cigarettes électroniques jetables constitue toutefois un fort indice en ce sens.

En effet, le site www.E______.ch indique par exemple sur la page dédiée au produit ELFBAR AF5000 que son dispositif est un « dispositif jetable avec un réservoir non remplaçable et une résistance non remplaçable. Une fois le liquide épuisé, recyclez la batterie dans un point de collecte adapté ». À l'instar du site www.ethnic.ch qui indique sur la page dédiée que « derrière ce nouveau développement se cache la législation européenne qui limite les puffs à 2 ml de liquide maximum alors que les bouteilles de liquide sont autorisées jusqu'à 10 ml. Comme le flacon de liquide de l'ELFBAR AF5000 est fixé séparément sur le support de batterie, le produit répond aux exigences de la directive sur les produits du tabac de l'Union européenne. (…). L'ELFBAR AF5000 comble la lacune qui en résulte et te permet de continuer à profiter d'une e-cigarette jetable avec jusqu'à 5'000 bouffées ».

Concernant le modèle LOST MARY, le site www.F______.ch indique « qu'en quelques gestes, tu as ainsi une vape jetable entièrement fonctionnelle, qui t'offre jusqu'à 6'000 puffs. (…). Malgré son réservoir de recharge, la LOST MARY BM6000 est une e-cigarette classique à usage unique ». Le site www.vapestore.ch indique quant à lui que « lorsque le réservoir de recharge est vide, l'appareil entier peut être remplacé ».

Le site officiel de l'importateur suisse des produits ELFBAR
wwww.G______.ch ne fait quant à lui aucune mention du fait de pouvoir recharger la cartouche et qu'il s'agit d'un type "Hybride".

Il est enfin important de relever que le « site édité par la société A______ », soit par la recourante, constituant sa « boutique en ligne C______ », consulté sur le site www.C______.ch/mentions-legales le 24 juillet 2025, fait état que LOST MARY BM 6000, « bientôt disponible », figure expressément dans la rubrique « puffs jetables », et non dans la rubrique parallèle « puffs avec recharges ». Il est en outre indiqué que ce produit dispose d'une « d'une e-cigarette jetable avec batterie rechargeable, jetable et d'une cartouche préremplie, jetable ». On peut encore y lire que cette « puff est à usage unique, elle doit être jetée dans une poubelle spécifique après utilisation ».

À l'inverse, la mention faite sur la décision de taxation douanière n'est d'aucun secours à la recourante puisque les dénominations des produits sont indiquées par les importateurs et non pas par les services de douane.

Il ressort clairement des éléments qui précèdent que la cigarette électronique dans son entier est jetable une fois la recharge vidée. Le fait que certains éléments comme la cartouche et la batterie sont rechargeables ne permet pas de qualifier les produits de cigarettes électroniques rechargeables au sens défini par la loi, puisque la cigarette elle-même est finalement jetable.

C'est ainsi de manière fondée que l'autorité intimée a retenu que les produits LOST MARY et ELFBAR AF5000 étaient des cigarettes électroniques jetables. Le grief tiré de la mauvaise constatation des faits doit être écarté.

Par voie de conséquence, c'est de manière bien fondée qu'elle a appliqué l'art. 9 let. b LPTab aux produits querellés.

3.10 La recourante reproche au SCAV d'avoir additionné les volumes des deux réservoirs pour parvenir à un volume de réservoir de 12 ml. Selon elle, les réservoirs préremplis contiennent un volume de 2 ml alors que les réservoirs de recharge livrés avec les produits contiennent un volume de 10 ml. Comme on l'a vu, elle reconnaît que le volume des cartouches est de 10 ml mais allègue qu'elles sont rechargeables au moyen d'un flacon annexe.

En l'espèce, la recharge de 10 ml contenant de la nicotine à introduire dans les deux modèles doit finalement être jetée et ne peut être réutilisé indéfiniment dans le même dispositif ou dans un autre. La recharge est donc limitée dans son utilisation et ne saurait ainsi être qualifiée de flacon, lequel est bien un récipient qui peut être amené dans un commerce et rempli. La recourante confond flacon de recharge et cartouche à usage unique alors que, comme on l'a vu, la directive 2014/40/UE opère clairement cette distinction.

Une fois le flacon introduit, ce système de remplissage va ainsi à l'encontre du but de la loi. Il ressort en effet des travaux préparatoires de la LPTab que la fixation d'un volume de réservoir maximal a pour objectif de limiter les risques liés à la nicotine et d’éviter toute consommation accidentelle de doses élevées. Ainsi, pour des questions de santé publique, il semble impératif que le volume du réservoir contenant le liquide ne dépasse pas 2 ml.

Il n'est pas contesté que la cartouche de recharge est de 10 ml, même si elle remplit un réservoir de 2 ml qui est lui-même chauffé et qui permet de consommer du liquide. L'autorité intimée a expliqué à cet égard que cela signifie que le consommateur pourrait consommer en continu les 10 ml de liquide de manière facilitée et expresse sans devoir changer la cartouche de recharge. De plus, s'il avait à sa disposition une recharge individuelle, d'un geste simple il pourrait remplacer la recharge vide de 10 ml et continuer de consommer quasi en continu de la nicotine, perdant ainsi le contrôle sur la dose, au détriment des précautions prises à cet égard dans la loi, compte tenu du fort effet addictif provoqué par la nicotine.

La recourante y oppose que le réservoir de 2 ml préinstallé correspondait environ à une consommation de 500 bouffées. Cette quantité ne pouvait être fumée par un consommateur en une seule fois. En outre, la recharge ne faisait que remplir le réservoir de 2 ml préinstallé, ce qui se faisait en retournant ou en orientant horizontalement les produits de manière à ce que ce réservoir de 2 ml puisse se remplir à nouveau. Si le réservoir de 2 ml était à nouveau vide, il faudrait d'abord le remplir en retournant le produit ou en l'orientant horizontalement avant de pouvoir continuer à fumer. Il était donc techniquement impossible de consommer 10 ml de nicotine d'un seul coup.

Or sur le site officiel de l'importateur suisse des produits ELFBAR
wwww.G______.ch, il est indiqué que « ce récipient de recharge vous permet de recharger votre ELFBAR AF5000 rapidement et proprement, afin que vous puissiez continuer votre expérience de vape sans interruption ». On peut encore lire qu'« à propos de ce conteneur de recharge, pour l'utiliser, il vous suffit de retirer l'ancien récipient de votre appareil, d'insérer le nouveau et vous pourrez ensuite continuer à profiter du goût riche et rafraîchissant ».

En tant que l'usage prévu du flacon est de 10 ml, et qu'il contient de la nicotine, il ne devrait pas excéder 2 ml. Le système commercialisé par la recourante va à l'encontre de la loi, non seulement de son but mais également des prescriptions techniques de limitation de volume de réservoir et de concentration de nicotine autorisé.

Ainsi, et dès lors que le volume du réservoir des cigarettes litigieuses dépasse 2 ml, celles-ci ne sont pas conformes à l'art. 9 let. b LPTab. Le grief, en tant qu'il porte sur l'application erronée de cette disposition, sera donc écarté.

Par voie de conséquence, les conditions de l'art. 16a al. 1 LETC ne sont pas remplies.

4.             Se pose la question de savoir si cette interdiction immédiate de distribution et de vente des quatre produits litigieux était proportionnée, la recourante faisant valoir qu'elle serait contrainte de se débarrasser de produits d'une valeur d'achat totale ascendant à près de CHF 20'000.-. Elle sollicite d'être autorisée, dans un délai raisonnable d'au moins six mois, à écouler les produits en stock.

4.1 L'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) garantit la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique privée et son libre exercice et protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1).

La liberté économique n'est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale, plus particulièrement une loi au sens formel si la restriction est grave, être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (ATF 148 I 33 consid. 5.1 ; 147 I 393 consid. 5.1.1).

4.2 Le principe de la proportionnalité (art. 5 et 36 al. 3 Cst) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 146 I 157 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_92/2023 du 12 février 2024 consid. 4.3). 6.3

4.3 En l'espèce, l'interdiction de commercialiser sur le marché genevois les cigarettes électroniques et leur rappel constitue une restriction à la liberté économique de la recourante. Cette restriction repose sur des bases légales formelles, soit les art. 9 et 37 al. 3 let. a et b LPTab ainsi que 13 let. d LaLDAI, et est justifiée par des motifs évidents de santé publique. La mesure est apte à produire les résultats escomptés, soit éviter que des produits non conformes à la législation et potentiellement dangereux pour la santé continuent d'être vendus au public. Il n'existe pas d'autre mesure moins incisive. L'intérêt public évident à ce que des produits non conformes à la législation et potentiellement dangereux ne soient pas disponibles sur le marché l'emporte sur l'intérêt privé de la recourante à vider ses stocks pour des raisons économiques, ce d'autant plus que celle-ci ne s'est pas vu interdire de commercialiser ses autres produits ni imposer la cessation de ses activités.

La mesure dont fait l'objet de la recourante respecte donc le principe de proportionnalité. Le SCAV était par conséquent fondé à interdire à la recourante leur commercialisation et à ordonner le rappel de tous les produits similaires de la même gamme que les précitées auprès de ses distributeurs et des consommateurs, quel que soit l'arôme ou le numéro de lot (art. 37 al. 3 LPTab).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'300.-, comprenant la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2025 par A______ SA contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 28 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de A______ SA;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Christoph PETERER et Philippe FUCHS, avocats de A______ SA, au service de la consommation et des affaires vétérinaires ainsi qu’à l’office fédéral de la santé publique pour information.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CARDINAUX

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :