Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/737/2025 du 01.07.2025 ( MARPU ) , ACCORDE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1889/2025-MARPU ATA/737/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 1er juillet 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ Sàrl recourante
contre
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT
et
B______ SA intimées
Attendu, en fait, que, le 6 février 2025, la direction générale des finances de l’État de Genève (ci-après : la direction générale) a publié sur la plateforme www.simap.ch un appel d’offres, en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour la fourniture d’un logiciel de laboratoire de langues ;
que le contrat, d’une durée initiale de 4 ans, prendrait idéalement effet le 16 juin 2025 et pourrait à son échéance être prolongé d’année en année pour une durée totale maximale de 6 ans ;
que selon le ch. 2.2 du cahier des charges, le soumissionnaire « doit proposer un seul modèle de licences (à savoir souscriptions de licences ou licences entreprise) avec lequel il soumissionne » ; selon l’annexe 1 au cahier des charges, les types de licences possibles étaient « soit en souscription, soit entreprise », le soumissionnaire devait choisir un des modèles de licence ; suivaient les rubriques « AL Prix licences en mode souscription (location) sur 4 ans » (avec pour chacune des quatre années une ligne à compléter pour le prix de la licence pour un poste maître, une pour 16 postes élèves et une pour 10 postes élèves) et « AM prix licence entreprise sur 4 ans pour 38 salles » avec une seule ligne à compléter indiquant « prix forfaitaire licences entreprise » ;
que selon le ch. 10 du cahier des charges, les critères de sélection étaient la qualité des systèmes complets et des services proposés (64%), le prix (30%) et la qualité de l’entreprise (6%) ;
qu’A______ SÀRL (ci‑après : A______) et B______ SA (ci‑après : B______) ont notamment déposé des offres ;
qu’A______ avait, entre autres, demandé (question 11) « Annexe 1- Onglet prix cdc logiciel : lignes AM et AM1 : licence entreprise sur 4 ans pour 38 salles : par licence entreprise vous entendez licences perpétuelles ? » et l’autorité adjudicatrice avait répondu « Une licence entreprise : est vendue en volume (en masse) pour l’ensemble du parc (dans un nombre illimité ou en nombre spécifique), elle permet de déployer un logiciel à grande échelle tout en bénéficiant d’un service adapté avec des fonctionnalités spécifiques à l’entreprise (avec des conditions spécifiques etc…) Je vous rends attentifs sur la colonne E, ligne 6, je cite **Si des licences doivent être achetées, le soumissionnaire doit choisir un des modèles de licence avec lequel il soumissionne. Les variantes ne sont pas acceptées. Type de licences possibles : soit en souscription, soit en entreprise** » ;
qu’A______ avait encore demandé (question 12) « Annexe 1- Onglet prix cdc logiciel ligne AU : qu’appelez-vous licence entreprise, ou quelle doit être la fonction de cette licence ? » et l’autorité adjudicatrice avait répondu « Une licence entreprise : est vendue en volume (en masse) pour l’ensemble du parc (dans un nombre illimité ou en nombre spécifique), elle permet de déployer un logiciel à grande échelle tout en bénéficiant d’un service adapté avec des fonctionnalités spécifiques à l’entreprise (avec des conditions spécifiques etc…) » ;
que dans son offre, A______ a mentionné à la ligne AM1 « PRIX LICENCE ENTREPRISE sur 4 ans pour 38 salles, prix forfaitaire licences entreprise » et à la colonne « descriptif de la prestation » : « licences perpétuelles » et offert le même prix de CHF 178'172.- hors TVA dans les colonnes « prix UNITAIRE CHF ou sur une année hors TVA » et « prix TOTAL CHF ou sur 4 ans hors TVA » ; les lignes AL et suivantes « PRIX LICENCES EN MODE SOUSCRIPTION (LOCATION) SUR 4 ANS » n’ont pas été complétées ;
que dans son offre, B______ a mentionné à la ligne AM1 « PRIX LICENCE ENTREPRISE sur 4 ans pour 38 salles, prix forfaitaire licences entreprise » et à la colonne « descriptif de la prestation » : « Licences Labtice Pro, modules laboratoire de langues et LabTice Création » et offert le prix total de CHF 180'880.- hors TVA dans la colonne « prix UNITAIRE CHF ou sur une année hors TVA » et le prix de CHF 195'531.28 dans la colonne « prix TOTAL CHF ou sur 4 ans avec TVA » ; les lignes AL et suivantes « PRIX LICENCES EN MODE SOUSCRIPTION (LOCATION) SUR 4 ANS » n’ont pas été complétées ;
qu’il ressort du procès-verbal d’ouverture des offres du 25 mars 2025 que quatre entreprises avaient soumis des offres, pour des prix totaux (de la colonne « M ») hors TVA de CHF 2'800.- (sic) pour B______, CHF 366'860.- pour C______ SA, CHF 85'780.- pour D______ et CHF 200'822.50 pour A______ ;
que par décision du 15 avril 2025, entrée en force, B______ et A______ (en tout cas, selon ce qui ressort du dossier) ont été éliminées pour avoir proposé « un modèle de licence perpétuelle », alors que l’appel d’offres rappelait au ch. 2.2 que le modèle devait consister soit en une licence par souscription soit en une licence entreprise ;
que la même décision indiquait qu’aucune offre valable n’ayant été reçue, la direction était empêchée d’adjuger le marché, de sorte que la procédure était interrompue ;
que l’interruption de la procédure a été publiée sur le site www.simap.ch le 22 avril 2025 ;
que le 7 mai 2025, B______ a complété un nouveau cahier des charges, indiquant cette fois aux lignes AL et suivantes « PRIX LICENCES EN MODE SOUSCRIPTION (LOCATION) SUR 4 ANS » les « prix souscription licences » pour les années 1 à 4 avec pour chaque année le prix pour le poste maître et le prix pour 16 postes élèves ; était à chaque fois indiqué dans la rubrique « descriptif de la prestation » : « Licences Labtice Pro, modules laboratoire de langues et LabTice Création pour 1 poste licence prof [respectivement 16 postes licence élève] avec 4 ans de maintenance » ; le prix total, comprenant la formation et une licence supplémentaire, était de CHF 130'480.- ; la ligne AM1 n’a pas été complétée ;
que par décision du 16 mai 2025 publiée le 20 mai 2025 sur le site www.simap.ch, le marché a été attribué de gré à gré à B______ pour un prix de CHF 137'568.- hors TVA sur quatre ans, en application de l’art. 15 al. 3 let. b du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) ;
que par acte remis à la poste le 28 mai 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à l’annulation de la décision du 15 avril 2025, à la suspension de tout contrat potentiellement déjà conclu ou en cours de conclusion avec l’attributaire, à la communication complète des échanges entre l’adjudicateur et l’attributaire concernant la mise en place d’un processus de gré à gré et la mise en place d’une nouvelle procédure d’adjudication par appel d’offres respectueuse des règles des marchés publics ;
qu’elle n’avait pas recouru contre la décision du 15 avril 2025, convaincue qu’un nouvel appel d’offres serait publié, et avait découvert par la suite que le marché avait été attribué de gré à gré quelques jours plus tard à B______ ; elle avait demandé des explications à la direction générale mais n’avait reçu aucune réponse ; les spécifications techniques de la licence manquaient de clarté et violaient l’art. 28 RMP, la notion générique de licence d’entreprise ne permettant pas de comprendre la finalité ; la première réponse qui leur avait été apportée reproduisait les mentions parues sur le site simap ; elle avait activement participé à la procédure initiale lancée en septembre 2024, dans laquelle la direction générale demandait des licences perpétuelles, et avait préparé son offre sur cette base ; elles comprenait que les quatre soumissionnaires avaient proposé un seul modèle de licence perpétuelle dans une logique d’acquisition durable ; elle avait été éliminée alors qu’elle avait tenté de clarifier les exigences de l’autorité adjudicatrice ;
que les art. 16 RMP garantissant l’égalité de traitement et 17 RMP garantissant la libre concurrence avaient été violés ; l’adjudication unilatérale de gré à gré à l’un des quatre soumissionnaires écartés portait une atteinte grave au principe de non-discrimination ; à aucun moment la direction générale ne lui avait demandé de rectifier son offre ou d’en présenter une nouvelle alors que cette possibilité avait manifestement été accordée à l’attributaire ; ce traitement de faveur n’avait pas de justification objective ;
que les conditions d’une procédure de gré à gré n’étaient pas remplies ; les offres n’avaient pas été concertées ; si les exigences essentielles du premier appel d’offres n’étaient pas remplies, cela concernait tous les soumissionnaires ; il était donc surprenant que le marché ait été attribué à l’un d’entre eux ;
que le 2 juin 2025, le juge délégué a fait interdiction à la direction générale et à l’attributaire de conclure le contrat ;
que le 12 juin 2025, la direction générale a conclu au rejet de la demande d’octrpoi de l’effet suspensif ; la décision du 15 avril 2025 ne pouvait plus être attaquée et le recours était tardif en tant qu’il portait sur celle-là ; seul le modèle de licence proposé par B______ avait été modifié, et prévoyait un modèle de licence en souscriptions ; le reste de l’offre était identique à celle soumise dans le cadre de l’appel d’offres ; elle avait répondu le 27 mai 2025 à la recourante que toutes les offres avaient été éliminées et qu’elle était en droit d’attribuer le marché de gré à gré même si sa valeur dépassait le seuil de gré à gré étant donné que les offres déposées ne satisfaisaient pas aux exigences essentielles de l’appel d’offres, et enfin que le processus de réalisation et de signature du contrat avait déjà été initié ; une demande d’information (RFI) pour une solution informatique de laboratoire de langues avait été publiée sur le site simap en 2024 et l’onglet « prix » incluait la possibilité alternativement, de prévoir un modèle de licences perpétuelles mais également de licences en souscription ou de licences entreprise ; elle avait par la suite dû renoncer au modèle de licence perpétuelle en raison de la volatilité du nombre des usagers ;
que la mise en place du logiciel de laboratoire était extrêmement urgente ; le nouveau système devait être opérationnel à la rentrée d’automne 2025 car le système actuel n’était pas compatible avec l’environnement Windows 11 qui allait être installé ; si l’État n’était pas en mesure d’aller de l’avant comme prévu avec le logiciel qu’il souhaitait acquérir auprès de B______, le plan romand d’études obligatoire ne pourrait être repris à la rentrée ; en raison de la procédure, elle avait déjà dû annuler la formation prévue pour être dispensée aux enseignants en juin 2025 ; elle avait pourtant mis en place l’organisation et lancé un appel d’offres suffisamment tôt pour respecter ces délais ; la période des vacances limitait en outre fortement ses démarches ;
que le recours était irrecevable en tant qu’il visait la décision du 15 avril 2025, entrée en force ; la recourante avait été pleinement informée de la notion de « licence entreprise » ; une fois le marché interrompu parce qu’aucune des soumissions n’était conforme aux conditions essentielles, l’adjudicateur pouvait soit répéter la procédure soit opter pour la procédure de gré à gré ; cette seconde hypothèse n’était envisageable qu’à la condition que l’adjudicateur trouve un soumissionnaire capable de fournir la marché aux conditions figurant dans les documents de soumission initiaux, celles-ci ne devant pas être substantiellement modifiées ; lorsque l’une des causes légales du gré à gré s’appliquait, l’adjudicateur avait le droit de choisir librement l’adjudicataire ; par essence, le gré à gré lui permettait d’échapper à son obligation de concurrence ; il restreignait les droits des soumissionnaires, notamment le droit à l’égalité de traitement ; elle ne pouvait se permettre de répéter la procédure compte tenu des délais serrés qu’elle était tenue de respecter ; elle avait contacté B______ pour obtenir une offre répondant strictement au cahier des charges de l’appel d’offres interrompu ; elle n’avait pas l’obligation de contacter la recourante, qui n’avait pas de droit à bénéficier du même traitement que B______ ; elle avait recouru au gré à gré et attribué le marché à B______ non pas parce que les offres auraient été concertées mais parce qu’aucune des offres déposées ne satisfaisait aux exigences essentielles, à savoir la proposition d’un modèle de licence entreprise ou en souscription ;
que même si le recours devait paraître fondé, l’intérêt public prépondérant à la mise en place urgente du laboratoire de langues dans des délais très brefs s’opposait à l’octroi de l’effet suspensif au recours ;
que par courrier du 11 juin 2025 reçu le 13 juin 2025, B______ a renoncé à se déterminer sur l’octroi de l’effet suspensif ;
que le 24 juin 2025, A______ a persisté dans ses conclusions ; plus de quatre mois s’étaient écoulés entre la clôture de la phase RFI et la publication de l’appel d’offres, avec des différences marginales ne justifiant pas un tel délai ; le pouvoir adjudicateur ne s’était pas déterminé sur sa demande du 22 mai 2025 de savoir si le montant de CHF 137'568.- proposé par B______ concernait une année ou la période de quatre ans ; B______ proposait CHF 2'850.- pour la vente de licences « sur 4 ans » incluant la formation des installateurs du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ; cette offre apparaissait manifestement anormalement basse en comparaison des autres offres, qui allaient de CHF 85'780.- à CHF 366'780.-, la sienne étant de CHF 200'822.50 ; aucune justification n’avait été demandée à l’adjudicataire ; le contrat avait finalement été attribué à B______ pour un montant près de 50 fois supérieur à celui initialement proposé, ce qui évoquait une location, sans que le détail des prestations en soit clairement exposé ; les documents fournis par le pouvoir adjudicateur ne permettaient pas de comprendre le détail de l’offre de B______ ;
que le 25 juin 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;
Considérant, en droit, que le recours a été interjeté devant l’autorité compétente et qu’il a été formé en temps utile s’agissant de la décision d’attribution de gré à gré, de sorte qu’il apparait recevable – la question de la recevabilité du recours en tant qu’il porte sur la décision du 15 avril 2025 pouvant souffrir de demeurer indécise jusqu’à l’examen de la cause au fond (art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L‑AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP) ;
que les mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;
qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose ;
que l’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/852/2024 du 17 juillet 2024 consid. 3 ; ATA/543/2024 du 30 avril 2024 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, 2010, 311-341, p. 317 n. 15) ;
que l’octroi de l’effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics (arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 5.2), et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/189/2025 du 18 février 2025 consid. 4) ;
que, lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur des mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;
que l’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord sur les marchés publics conclu à Marrakech le 15 avril 1994 AMP – RS 0.632.231.422) ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 let. a et b AIMP) ;
que selon l’art. XIII AMP, à condition qu’elle n’utilise pas la disposition dans le but d’éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d’une manière qui établit une discrimination à l’égard des fournisseurs de toute autre Partie, ou protège les fournisseurs nationaux, une entité contractante peut recourir à l’appel d’offres limité notamment dans les cas où : (i) aucune soumission n’a été présentée ou aucun fournisseur n’a demandé à participer, (ii) aucune soumission conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres n’a été présentée, (iii) aucun fournisseur ne satisfait aux conditions de participation, ou (iv) les soumissions présentées ont été concertées, et ce à condition que les prescriptions énoncées dans la documentation relatives à l’appel d’offres ne soient pas substantiellement modifiées (let. a) ; dans la mesure où cela est strictement nécessaire dans les cas où, pour des raisons d’extrême urgence dues à des événements qui ne pouvaient pas être prévus par l’entité contractante, l’appel d’offres ouvert ou sélectif ne permettrait pas d’obtenir les marchandises ou les services en temps voulu (let. d) ;
que l’art. 13 let i AIMP prévoit que les dispositions d’exécution cantonales doivent garantir la possibilité d'interrompre et de répéter la procédure de passation en cas de justes motifs uniquement ; que selon l’art. 12 al. let. c AIMP, est une procédure de gré à gré celle où l’adjudicateur adjuge le marché directement à un soumissionnaire, sans procéder à un appel d’offres ; l’art. 12A al. 1 AIMP prévoit que les marchés soumis aux traités internationaux peuvent, au choix, être passés selon la procédure ouverte ou la procédure sélective ; dans des cas particuliers déterminés par les traités eux-mêmes, ils peuvent être passés selon la procédure de gré à gré ;
que selon l’art. 47 al. 1 RMP, la procédure peut être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes, notamment lorsque : (a) l'autorité adjudicatrice a reçu un nombre insuffisant d'offres pour adjuger le marché dans une situation de concurrence efficace, (b) les offres ont été concertées, (c) un abandon ou une modification importante du projet est nécessaire ; (d) toutes les offres dépassent le montant du budget prévu ou octroyé pour le marché ; selon l’al. 2 de la même disposition, l'autorité adjudicatrice rend une décision d'interruption sommairement motivée, notifiée soit par publication sur le site simap.ch soit par courrier aux intéressés, avec mention des voies de recours, cette décision indiquant le cas échéant s'il est prévu de renouveler la procédure ;
que l’interruption, la répétition ou le renouvellement de la procédure n’est possible qu’à titre exceptionnel et suppose un motif important ; cette règle existe aussi pour les marchés publics soumis au droit fédéral (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; 134 II 192 consid. 2.3 = SJ 2009 I 197) ; l’interruption du marché – ce qui suppose l’annulation de tous les actes déjà accomplis – apparaît donc comme une ultima ratio (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; Peter GALLI/André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 2013, n. 799) ;
que selon l’art. 15 RMP, la procédure de gré à gré consiste à adjuger directement le marché à un prestataire (al. 1) ; le recours à la procédure de gré à gré est possible, pour les marchés non soumis aux traités internationaux, si la valeur du marché ne dépasse pas les seuils indiqués dans l'annexe 2 (al. 2) ; au-dessus de ces seuils, ou si le marché est soumis aux traités internationaux, l'autorité adjudicatrice ne peut recourir à la procédure de gré à gré que dans le cas où, entre autres (al. 3) : dans le cadre d’un appel d’offres, aucune offre n’est présentée ou aucun soumissionnaire ne remplit les conditions de participation et/ou les critères d'aptitude (let. a), les offres ont été concertées ou ne satisfont pas aux exigences essentielles de l’appel d’offres (let. b), un seul prestataire entre en considération en raison des particularités techniques ou artistiques du marché ou pour des motifs relevant du droit de la propriété intellectuelle (let. c), en raison d’événements imprévisibles, l’urgence du marché est telle qu’il est impossible de suivre une autre procédure (let. d) et en raison d'événements imprévisibles, des prestations supplémentaires sont nécessaires pour exécuter ou compléter un marché adjugé sous le régime de la libre concurrence et elles ne peuvent être séparées du marché initial sans causer des difficultés importantes à l’autorité adjudicatrice pour des raisons techniques ou économiques, la valeur des prestations supplémentaires ne devant pas dépasser la moitié de la valeur du marché initial (let. e) ;
qu’en l’espèce, la question de la recevabilité du recours en tant qu’il porte sur la décision d’exclusion et d’interruption du marché du 15 avril 2025 pourra demeurer indécise jusqu’à droit jugé au fond, le recours formé le 28 mai 2025 contre la décision du 16 mai 2025 publiée sur le site simap le 20 mai 2025 apparaissant prima facie recevable, l’intérêt pratique de la recourante à obtenir l’annulation de l’adjudication et un nouveau marché n’étant pas contesté ;
que la recourante soutient que les conditions d’une attribution de gré à gré n’étaient pas remplies ;
que le pouvoir adjudicateur fait valoir qu’il était au contraire en droit de procéder de gré à gré en application de l’art. 15 al. 3 let. b RMP, dès lors que les offres ne satisfaisaient pas aux exigences essentielles de l’appel d’offres ;
qu’il expose que le cahier des charges ne prévoyait pas de rubrique permettant de proposer de licences perpétuelles, et que les deux rubriques possibles mentionnaient une durée de quatre ans ;
qu’il y aura ainsi lieu de déterminer si l’appel d’offres excluait les licences perpétuelles et s’il s’agissait dans l’affirmative d’une exigence essentielle ;
que toutefois l’examen de l’appel d’offres, du cahier des charges, des réponses de l’autorité intimée aux questions posées par la recourante, le fait que le cahier des charges du RFI prévoyait la possibilité de licences perpétuelles, le fait que la recourante et B______ (à tout le moins, l’autorité adjudicatrice n’indiquant pas les motifs de l’exclusion des deux autres soumissionnaires) aient toutes deux été exclues pour avoir proposé des licences perpétuelles, et enfin le fait que le caractère perpétuel des licences ne ressort pas clairement de l’offre de B______ – ne permet pas, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond du litige, de parvenir à une telle conclusion, soit que les licences perpétuelles étaient exclues et que cette exigence était essentielle, au degré requis pour l’interruption du marché et pour le choix d’une procédure de gré à gré ;
que ces éléments devront être instruits avec le fond de la cause ;
qu’une réponse au fond est attendue pour le 3 juillet ; une réplique sera alors demandée pour fin juillet et une audience de comparution personnelle des parties est appointée au mardi 5 août à 14h00 par courriers séparés du 30 juin 2025 ;
qu’ainsi les chances de succès du recours s’agissant de la réalisation des conditions pour une attribution du marché de gré à gré ne peuvent à ce stade être qualifiées de faibles ;
que l’autorité adjudicatrice fait encore valoir l’urgence absolue de disposer du logiciel à la rentrée scolaire, le logiciel actuel n’étant pas compatible avec le système d’exploitation Windows 11 ;
que toutefois l’urgence ne peut être valablement alléguée que lorsqu’elle est le fait de circonstances extérieures extraordinaires, et non lorsqu’elle résulte de la planification choisie par le pouvoir adjudicateur (Cléa BOUCHET, L’effet suspensif en droit administratif, 2015, n° 968) ; la Directive européenne 2014/24/UE sur la passation des marchés publics du 26 février 2014, bien que non applicable à la présente espèce, prévoit similairement que les exceptions devraient se limiter aux cas où une publication n’est pas possible pour des raisons d’extrême urgence résultant d’événements imprévisibles qui ne sont pas imputables au pouvoir adjudicateur ou bien lorsqu’il est clair dès le départ qu’une publication ne susciterait pas plus de concurrence ou n’apporterait pas de meilleurs résultats, en particulier parce qu’il n’existe objectivement qu’un seul opérateur économique capable d’exécuter le marché ; les pouvoirs adjudicateurs invoquant cette exception devraient en justifier l’absence de solutions de remplacement ou rechange raisonnables telles que le recours à d’autres canaux de distribution, y compris en dehors de l’État membre du pouvoir adjudicateur ou le fait d’envisager des travaux, fournitures ou services ayant une fonction comparable (art. 50 par. 1 et 2) ;
qu’en l’espèce l’autorité adjudicatrice n’indique toutefois pas quand ce système d’exploitation sera déployé ni si son déploiement peut être retardé ; elle ne soutient pas qu’elle ne pourrait temporairement mettre en place une autre pratique des langues vivantes dans l’attente que la cause soit jugée au fond et sans causer de préjudice aux élèves ni consacrer de violation des objectifs du plan d’études romand – de développer la capacité à écouter et comprendre des messages divers, à s’exprimer oralement et à participer à des débats (plan d’études romand, accessible en ligne à l’adresse https://per.ciip.ch/api/files/ 328) ;
qu’ainsi l’intérêt public mis en avant par l’autorité adjudicatrice ne saurait prévaloir et fonder en l’espèce l’exécution immédiate de l’adjudication et le rejet de la demande d’effet suspensif ;
que la requête sera donc admise et l’effet suspensif accordé au recours ;
que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
octroie l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
si elle soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à A______ Sàrl, à la direction générale des finances de l'État ainsi qu'à B______ SA .
| La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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