Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1324/2024

ATA/1405/2024 du 02.12.2024 ( EXPLOI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1324/2024-EXPLOI ATA/1405/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 décembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Jacques ROULET, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



EN FAIT

A. a. A______ est titulaire de l’autorisation d’exploiter datée du 1er décembre 2022 lui permettant de vendre des produits du tabac et produits assimilés au tabac dans le commerce à l’enseigne « B______ », sis 134, route de C______ à D______.

b. « E______ » est sis à 50 m environ, de l’autre côté de la route de C______. Le « F______ », sis au 176, route de C______, est à environ 300 m de « B______ ».

c. Selon un rapport de police établi le 25 janvier 2024, la veille, à 11h55, suite à un contrôle d’identité de quatre mineurs, les services de police avaient appris que l’un d’eux, G______, né le ______ 2010, avait acheté deux cigarettes électroniques jetables de marque I______auprès de « B______ ». Questionnée par la police, la vendeuse, H______ avait confirmé avoir vendu les deux cigarettes susmentionnées sans avoir demandé de document d’identité à l’acheteur. Le père du mineur avait été informé par téléphone à 16h30. La marchandise était à disposition s’il voulait la récupérer.

d. Le 6 février 2024, la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a invité A______ à se déterminer sur la suspension envisagée de son autorisation d’exploiter, d’une durée de sept jours à six mois.

e. Dans ses observations du 27 février 2024, A______ a relevé l’absence de flagrant délit, de confrontation, une confusion sur l’acheteur et l’inexistence d’un procès-verbal avec signature.

La vendeuse, sa sœur, avait indiqué à la police avoir remis une cigarette électronique et non deux. G______ était connu de la vendeuse pour des achats de bonbons et sodas. Il n’était pas le client du 24 janvier 2024.

f. Par décision du 7 mars 2024, la PCTN a suspendu l’autorisation de A______ de vendre des produits du tabac et produits assimilés au tabac dans le commerce « B______ » pour une durée de 30 jours.

B. a. Par acte du 19 avril 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu à son annulation.

Le 24 janvier 2024 à 11h55, sa sœur avait indiqué aux policiers avoir vendu une unique cigarette électronique jetable sans demander la carte d’identité de l’acheteur, n’ayant aucun doute sur la majorité de ce dernier, notamment vu sa stature athlétique d’une taille entre 175 et 180 cm. Face à l’assurance de la police qui lui avait affirmé qu’il était mineur, elle s’était excusée sans poser de questions. Le mineur ne lui avait pas été présenté, aucune information sur les caractéristiques physiques de l’intéressé ou sur la marque de cigarette n’avaient été fournies. À réception du rapport, elle avait découvert qu’elle connaissait le mineur interpellé par la police, client habituel pour des boissons, et qu’il ne s’agissait pas de l’acheteur dont elle avait parlé. Le mineur en question avait d’ailleurs confirmé que H______ ne lui avait pas vendu de cigarette électronique. La police n’avait pas cherché à vérifier quel établissement était concerné, alors qu’un autre commerce, à l’enseigne « F______ » était situé à environ 300 m. De surcroît, les cigarettes concernées ne pouvaient pas être vendues en Suisse, contenant plus de 5 millilitres de nicotine. Elles n’étaient pas même mises sur le marché, ce qui avait développé un important marché noir notamment par l’application Snapchat.

Une suspension de 30 jours impliquerait probablement sa faillite, son commerce, de quelques mètres carrés, étant exclusivement consacré au tabac. Récemment victime d’un cambriolage, sa situation était précaire.

Il produisait une attestation de la vendeuse, du 8 avril 2024, deux « photographies de G______ » et des échanges de messages « Instagram » avec ce dernier.

Il l’avait interpellé en ces termes : « Hello, comment ça va dis moi tu sais l’histoire de la puff ça me met clairement dans la merde j’ai reçu la décision de la police et ils veulent fermé le tabac pendant trente jours même après que on soit allé avec ton père à la police municipale pour dire la vérité je sais que je te fais chié avec cette histoire mais j’ai vraiment besoin que tu dise la vérité…désolé de te déranger avec sa mais c’est vraiment important sinon je risque de fermé le tabac pour toujours et tous perdre. »

« J______ » avait répondu « Salut je suis vrmt dsl pour tt sa en vrai je sais plus quoi faire pour taider quand on est allé ac mon père pourtant on a dis la vériter les municipales voulai pa me croire pourtqant jeleur ai dit que j’ai pas acheté cheztoi et c’est la veriter slmt jai fliper quand ils mon pecho avec les puff je sais pas pq g dis sa g panique jsuis vraiment désolé pourtt ce qui tarrives acose de moi désolé mr… ».

b. La PCTN a conclu au rejet du recours.

Dans l’attestation produite, la vendeuse était revenue sur ses déclarations. Une confrontation n’avait pas été jugée nécessaire au vu de ses aveux à la police le jour même.

De nombreux établissements procédaient à la vente de « puffs ». Le marché était très peu régulé et surveillé.

L’échange de messages Instagram avec G______ ne permettait pas d’établir l’identité du correspondant et la véracité des propos. Le recourant ne parvenait en conséquence pas à renverser la force probante accordée aux rapports établis par des agents assermentés.

c. Dans sa réplique, le recourant a indiqué qu’il ne vendait pas de produits non autorisés en Suisse comme des puffs de 20mg/ml. Il complétait les pièces déjà produites par un échange avec le mineur dans lequel il renouvelait l’inexactitude de ses propos à la police et le regrettait. Il transmettait ses coordonnées (adresse) et copie d’une carte comprenant ses nom, prénom et photo.

d. Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 2 octobre 2024.

da. H______, entendue à titre de renseignements, a déclaré que le 24 janvier 2024, un peu avant midi, deux policiers étaient entrés dans le B______ où elle travaillait. Ils lui avaient posé la question de savoir si elle avait vendu des cigarettes électroniques à un mineur. Elle avait répondu « oui j’ai vendu une cigarette électronique ». Elle avait décrit l’acheteur, d’une taille d’environ 180 cm. Quand la police lui avait dit qu’il s’agissait d’un mineur, elle s’était excusée. « Pour [elle], il s’agissait d’un adulte ». La police lui avait expliqué ce qu’elle encourait, que cela serait signalé, qu’il y aurait une suite et probablement une amende. Elle était très intimidée. Elle travaillait au B______ depuis moins d’un mois et n’avait jamais fait de vente de ce type de produits au préalable. Il s’agissait de la première intervention de la police en sa présence. L’échange n’avait pas duré très longtemps. Le modèle I______n’était pas vendu au B______. Elle ne connaissait pas le mineur qui avait indiqué qu’il s’agissait du B______ mais l’y avait déjà vu pour des achats autres que des cigarettes électroniques.

db. G______, né le ______ 2010, mineur, entendu en qualité de témoin, accompagné de son père, a indiqué que le 24 janvier 2024, il était avec « trois potes ». Ils avaient deux cigarettes électroniques : un « pote » en avait une et lui, l’autre. La police était venue. Son copain lui avait « filé l’autre puff », raison pour laquelle il avait été le seul à avoir été fouillé par la police. Les agents leur avaient demandé « s’ils les avaient achetées dans le tabac » puisqu’ils se trouvaient juste à côté d’un tel magasin. « J’ai dit oui parce que j’ai paniqué. J’ai acheté ma puff sur Snapchat. Après, ils nous ont laissé partir. Je ne sais pas d’où venait l’autre puff ». Une semaine plus tard, il avait été convoqué avec son père au poste de police. Il ne se souvenait plus précisément ce qui s’était passé. C’était le responsable du B______ qui avait pris contact avec lui. Il ignorait comment il l’avait retrouvé, peut-être par les photos d’Instagram. C’était la première fois qu’il se faisait contrôler par la police.

dc. K______, père du mineur, entendu à titre de témoin, a précisé avoir été convoqué à la police environ une semaine après les faits, en même temps que le propriétaire du tabac. Son fils avait déjà dit que c’était une erreur et lui avait indiqué qu’il avait acheté la puff sur Snapchat. L’entretien à la police avait duré environ trois ou quatre minutes. Les agents voulaient lui restituer les deux puffs. Personne n’était entré en matière sur le fait que son fils avait désigné une mauvaise personne. La police avait plus insisté auprès du jeune sur le fait qu’il ne fallait plus recommencer.

dd. L______, policier municipal, a indiqué que le 24 janvier 2024, « ils » étaient en patrouille pédestre au chemin du M______, une ruelle juste à côté de la route de C______. Ils avaient vu quatre jeunes qui venaient de ladite route avec un comportement bizarre. Ils les avaient interpellés et leur avaient demandé de vider leurs poches. L’un d’entre-eux avait deux cigarettes électroniques I______. Ils avaient discuté avec eux et leur avaient vérifié leurs pièces d’identité. Tous étaient mineurs. Ils leur avaient demandé où ils avaient acheté les puffs. « Apparemment, c’est celui qui possédait les cigarettes qui nous a répondu qu’il les avait achetées dans le tabac juste à côté. Le tabac est à deux ou trois cent mètres. Ils se sont un peu renvoyés la faute. Nous leur avons rappelé que c’était interdit et les avons laissés partir ». Les agents s’étaient rendus au B______. Sur place, la vendeuse leur avait indiqué qu’elle reconnaissait les puffs et qu’elle venait de les vendre à un jeune. Ils lui avaient présenté les puffs. Elle les avait reconnues. Elle leur avait indiqué « qu’il y en avait un grand ». C’était peut-être celui-là qui était venu chercher les puffs. Dans le groupe des quatre mineurs, l’un était grand. Le témoin était catégorique sur le fait que la vendeuse avait reconnu les cigarettes électroniques. La police avait expliqué la suite de la procédure à la vendeuse qui avait été tout à fait courtoise.

Les agents avaient tout de suite appelé les parents pour leur expliquer le contrôle auquel ils venaient de procéder. Le gérant du B______ avait passé aux alentours de 14 h s’enquérir de la suite de la procédure. Les agents lui avaient répondu, bien qu’ils n’y étaient pas tenus en l’absence de toute convocation.

La police avait fait un rapport à la PCTN. Le 14 février 2024, le gérant, le jeune et son père, s’étaient présentés sans être convoqués. Le jeune voulait revenir sur ses dires. Il avait l’air terrorisé. Il avait pris un peu au dépourvu tous les adultes autour, son père compris. Le témoin leur avait dit qu’il fallait prendre rendez-vous, ce d’autant plus que la personne amendée n’était pas présente. Le père leur avait indiqué que la police pouvait détruire les cigarettes. Les agents avaient rappelé au gérant ses obligations légales. Selon la main courante faite par son collègue, le gérant du B______ avait reconnu ne pas toujours vérifier l’âge des acheteurs. La discussion étant peu constructive, les agents y avaient mis fin en indiquant que toute explication supplémentaire serait éventuellement fournie à la personne amendée.

La police avait effectué plusieurs contrôles dans ce tabac suite à des doléances des habitants ou des appels à la centrale de la police. Le témoin ignorait si des cigarettes interdites à la vente en Suisse y étaient vendues.

Au moment du contrôle, aucun jeune n’avait fait mention d’un éventuel achat sur Snapchat. La possibilité que le jeune ait menti sur le fait que ce soit lui qui ait été les acheter était envisageable. Le témoin ne pensait pas que le jeune ait menti sur le lieu où il les avait achetées puisque le mineur avait tout de suite mentionné le B______. Il ignorait si pendant la durée du contrôle, la vendeuse avait peut-être vendu à d’autres personnes des cigarettes identiques à celles que les agents lui avaient présentées. Les jeunes n’avaient pas dit le nom du tabac. Ils avaient précisé qu’ils avaient acheté les cigarettes « juste là à l’angle ». Il n’y avait pas d’autre tabac que le B______ qui correspondait à cette définition.

Il lui semblait qu’il n’y avait qu’un jeune qui était rentré dans le tabac, selon ce qu’avait dit la vendeuse. De son point de vue c’était le plus grand du groupe qui avait dû entrer. Celui qui avait les puffs devait être mal à l’aise et n’avait pas voulu balancer son copain. Il ignorait si le « grand du groupe » était la même personne que l’acheteur. La vendeuse avait parlé de plusieurs jeunes.

Le témoin n’avait fait aucune mention dans le rapport du fait que le père aurait été convoqué à la police environ une semaine après, en même temps que le propriétaire du tabac, et qu’à cette occasion, il aurait dit que c’était une erreur.

de. A______ a souhaité préciser, en comparution personnelle, que depuis cet incident, il avait fait l’objet de contrôles répétitifs de la part de la police municipale. Les reproches étaient divers, y compris que plus de cinq personnes n’avaient pas le droit de se trouver devant le tabac. Il avait finalement eu un contrôle de la PCTN, accompagnée des agents de la police municipale, durant l’été 2024. Il n’avait plus eu de passage des agents municipaux depuis. Il ne vendait pas les cigarettes I______ et ne les avait jamais vendues. Il n’avait jamais eu de plaintes pour du « grabuge » devant son commerce. Il y avait un garage un peu plus loin mais qui n’avait rien à voir avec son commerce.

e. Dans ses observations après enquêtes, A______ a relevé que le policier municipal avait confirmé ne pas avoir présenté le mineur à la vendeuse, n’avoir pas pris note du fait que le père lui avait fait part de l’erreur qu’il était en train de commettre à la suite des déclarations de son fils, ne pas savoir si « le grand du groupe » était la même personne que l’acheteur, ni si la cigarette en question était vendue au B______. Le rapport était dénué de toute crédibilité. Aucune sanction ne devait être prononcée.

f. La PCTN a persisté dans ses conclusions. La vendeuse et le jeune s’étaient contredits avec leurs versions initiales figurant au rapport de police. Le revirement était compréhensible s’agissant de la sœur du recourant. La situation du jeune était problématique dans la mesure où le recourant s’était permis de prendre contact avec lui par l’intermédiaire des réseaux sociaux en lui indiquant que « l’histoire de la puff, ça me met clairement dans la merde » et « c’est vraiment important sinon je risque de fermer le tabac pour toujours et tout perdre ». Ses propos étaient certainement de nature à déstabiliser un mineur de 14 ans et de provoquer chez lui un sentiment de culpabilité qui le mènerait à changer sa version des faits afin de protéger un commerçant qu’il semblait avoir l’habitude de côtoyer. Contrairement aux deux précités, la version des faits produits par l’agent de police était demeurée inchangée, à savoir que la vendeuse avait reconnu avoir vendu les puffs à un jeune, que le mineur avait tout de suite mentionné le B______ sans évoquer un achat hypothétique sur Snapchat.

Il produisait copie d’un courrier de leur part à l’attention du conseil de A______, du 6 juin 2024, faisant suite à la dénonciation d’une régie du 4 juin 2024 pour des incivilités et troubles à l’ordre public.

Était jointe la copie d’un courrier de la régie à la direction de la PCTN indiquant que le B______ accueillait sa clientèle jusqu’à 1 h du matin, engendrant les nuisances sonores par des vociférations, au moyen de véhicules en faisant crisser les pneus et « en mettant la musique à fond ». La police avait dû intervenir à de nombreuses reprises. La commune était au courant.

g. Dans une réplique spontanée, sous la plume de son conseil, A______ a contesté avoir exercé une quelconque pression sur le mineur. C’était sur recommandation de son avocat, face au refus, incompréhensible, de la police d’entendre le mineur, qu’il avait pris l’initiative de le contacter. Il contestait les faits que lui reprochait la régie et n’avait pas reçu la lettre, dont il avait découvert récemment qu’elle avait été réceptionnée dans ses courriels indésirables. Il donnerait audit courrier les suites qu’il comportait notamment par le dépôt d’une plainte pénale pour calomnie.

h. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant a sollicité son audition et celle de son employée.

En l’espèce, une audience de comparution personnelle des parties ainsi que l’audition du jeune, de son père, de l’employée et du policier a eu lieu le 2 octobre 2024. Cette conclusion est dès lors sans objet.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la suspension de l’autorisation du recourant de vendre du tabac et des produits assimilés pour une durée de 30 jours.

3.1 La loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25) a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).

La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par la PCTN (art. 7 al. 1 LTGVEAT).

Sont considérés comme produits assimilés au tabac les cigarettes électroniques, présentant un dispositif sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).

Selon l’art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.

Les titulaires d’une autorisation sont tenus de respecter les dispositions de la LTGVEAT et celles de la législation fédérale (art. 10 al. 2 LTGVEAT). Ils doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (al. 3).

3.2 En cas de violation des prescriptions de la LTGVEAT ou de ses dispositions d’exécution, le service peut prononcer, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19 LTGVEAT, l’une des mesures suivantes : a) la suspension de l’autorisation pour une durée de 7 jours à 6 mois ; b) le retrait de l’autorisation (art. 18 al. 3 LTGVEAT).

Pour fixer la durée de la mesure ou décider d’un retrait, outre les seuils prévus par la présente disposition, l’autorité tient compte notamment de la gravité de la faute, des antécédents et de leur gravité. Est notamment considérée comme grave la violation des prescriptions visées aux art. 6, 14 et 16, ces deux dernières dispositions portant sur l’obligation d’affichage (art. 18 al. 6 LTGVEAT).

3.3 En l’espèce, il est établi que quatre mineurs se trouvaient au chemin du M______ le 24 janvier 2024 à 11h55, dont G______ et qu’ils ont fait l’objet d’un contrôle d’identité par des agents de police municipale, dont L______. Lors du contrôle, G______ était en possession de deux cigarettes électroniques jetables de marque I______, interdites à la vente en Suisse.

À teneur du rapport de police, G______ a remis aux agents les deux cigarettes « qu’il venait d’acheter dans un tabac à la route de C______ 134 à D______ ». Entendu, le mineur a confirmé avoir, dans la panique, répondu affirmativement à la question de savoir si les jeunes les avaient achetées dans le tabac à côté.

C’est en conséquence à bon droit, compte tenu des déclarations du mineur, que la police s’est rendue dans le B______, puisqu’il n’est pas contesté qu’il correspond au seul magasin de tabac qui se trouvait juste à côté du groupe des mineurs lors de leur interpellation.

Il apparaît toutefois douteux que G______ soit l’acheteur du B______, dès lors que l’intéressé n’avait que 13 ans, est de taille bien moindre que 180 cm et que la vendeuse ne pouvait pas le prendre pour un adulte. De surcroît, le jeune indique avoir menti, dans la panique, et s’être procuré sa cigarette électronique sur
Snapchat,
la seconde ne lui appartenant pas. La question se pose alors de savoir si un autre mineur du groupe, défini par la police comme le « grand du groupe » aurait acheté les deux puffs. L’agent de police a ainsi déclaré qu’il lui semblait qu’un seul des jeunes était entré dans le tabac selon ce qu’avait dit la vendeuse. Il en déduisait que « cela devait être le plus grand du groupe mais il ignorait si le plus grand du groupe était la même personne que l’acheteur ».

Le rapport de police relève que, mis en présence de la vendeuse, « nous lui avons expliqué les faits et cette dernière nous a confirmé avoir vendu à un jeune les deux cigarettes électroniques jetables sans lui avoir demandé une pièce d’identité afin de s’assurer que ce dernier était majeur ». Entendue, l’intéressée indique avoir uniquement répondu « oui » à la question de savoir si elle avait vendu une cigarette électronique. Lors de son audition, l’agent municipal a rajouté que les deux cigarettes électroniques lui avaient été soumises alors que la vendeuse n’en fait pas mention. Le policier indique toutefois ne pas savoir si le magasin vendait le modèle litigieux, interdit de vente en Suisse.

Si, certes, les agents ont pu, compte tenu des déclarations de G______, être convaincus que l’achat avait été effectué au B______, le contenu de ce que la vendeuse a indiqué n’est pas précisé dans le rapport. Elle n’a pas été confrontée au mineur concerné. Il n’est pas non plus fait expressément mention d’une présentation des deux cigarettes électroniques à l’intéressée. On ignore ainsi si réellement les mineurs ont été acheter des cigarettes électroniques au B______, si oui combien de cigarettes, lequel des mineurs aurait effectué l’achat, et s’il correspond à l’acheteur évoqué par la sœur du gérant. On ignore de même si le B______ vend ce type de cigarettes, étant rappelé qu’elles sont interdites à la vente en Suisse, que le recourant conteste en faire le commerce et que l’agent de police ignorait si le B______ vendait ce type de cigarettes.

Tant le mineur que la vendeuse évoquent des leading questions soit des questions comprenant une partie de la réponse et induisant des réponses par la négative ou l’affirmative. Ainsi le mineur a précisé lors de son audition que les agents leur avaient demandé « s’ils les avaient achetées dans le tabac » puisqu’ils se trouvaient juste à côté d’un tel magasin. Il avait répondu oui. De même, la vendeuse a indiqué que les agents lui avaient posé la question de savoir si elle avait vendu des cigarettes électroniques à un mineur. Elle avait répondu « oui j’ai vendu une cigarette électronique ». Quand bien même l’agent municipal entendu a exposé une version quelque peu différente des faits, il en ressort des contradictions. Il a par exemple indiqué que le mineur avait tout de suite mentionné le B______ avant de préciser que les jeunes n’avaient pas dit le nom du tabac. Cette formulation leading questions, si elle a été utilisée, est impropre à établir objectivement les faits et a pu contribuer aux contradictions qui ressortent du dossier, étant précisé qu’une concertation du mineur et de la vendeuse sur cette problématique n’apparait pas vraisemblable.

De surcroît, les témoignages divergent sur la convocation à la police municipale. Alors que le père du mineur indique avoir été convoqué à la police, celle-ci relève lui avoir répondu, sans y être tenue, lors d’un passage spontané de celui-ci et n’avoir aucune mention dans leur rapport du fait que le père aurait été convoqué.

Il sera toutefois relevé qu’alors que le mineur admettait avoir menti, aucune suite, voire aucune écoute, n’a été donnée à la version tant du jeune que de son père, par la police, alors même qu’il se déplaçait pour faire des déclarations, voire être interrogé, sur la véracité de faits déterminants pour décider d’une éventuelle sanction, lourde de conséquences, pour un commerçant.

En l’absence non seulement d’un établissement des faits précis le 24 janvier 2024, mais encore de tout éventuel rapport complémentaire quant à la véracité des déclarations d’un jeune de 14 ans se présentant en présence de son père, des déclarations contradictoires des témoins, il n’est pas possible de retenir comme établis à satisfaction de droit les faits tels que retenus par le rapport de police.

Dans ces conditions, il ne peut pas être retenu que la vendeuse officiant au B______, le 24 janvier à 11h35, aurait vendu deux cigarettes électroniques, interdites de vente en Suisse, à un mineur, et aurait enfreint, ce faisant, la LTGVEAT.

Le recours sera admis et la décision annulée.

4.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émoluments. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de la PCTN (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 avril 2024 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 mars 2024 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 7 mars 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques ROULET, avocat du recourant, ainsi qu’à la direction de la police du commerce et de la lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :