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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/67/2024

ATA/1381/2024 du 26.11.2024 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉSILIATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;INDEMNITÉ DE VACANCES;DÉLAI DE RÉSILIATION
Normes : Cst; SP-Commune Collex-Bossy.12; SP-Commune Collex-Bossy.13
Résumé : Recours d’une employée communale contre la résiliation des rapports de service, cette dernière déplorant avoir ignoré les motifs de cette décision. L’employée a eu suffisamment de temps pour s’exprimer avant la décision litigieuse. Il ressortait du dossier, en particulier de ses difficultés à gérer son travail et de son incapacité de travail depuis plusieurs mois, qu’elle devait connaître les motifs pour lesquels la commune entendait mettre fin à son contrat, de sorte que son droit d’être entendue avait été respecté. La commune pouvait de toute manière librement résilier les rapports de service et, faute de contestation de la décision sur le fond, une éventuelle violation du droit d’être entendu était sans influence sur l’issue du litige. Une telle violation aurait de toute manière dû être tenue pour réparée, les parties ayant pu s’exprimer à ce sujet dans le cadre de la procédure de recours. L’employée concluait également à l’indemnisation de son solde de vacances. Elle n’avait pas pu les prendre durant le délai de congé, étant en incapacité de travail. Le statut du personnel prévoyait de manière univoque l’impossibilité d’imputer comme vacances les jours de maladie attestés par un certificat médical. Une telle disposition ne laissait aucune place à l’application des critères prévus par le droit privé. Le statut ne prévoyait pas de compensation financière. Il en résultait toutefois que le législateur n’avait pas eu l’intention de l’exclure et la compensation financière des vacances qui n’ont pas pu être prises durant le délai de congé était admise par la jurisprudence. Une telle compensation était donc due. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/67/2024-FPUBL ATA/1381/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Samantha EREMITA, avocate

contre

COMMUNE DE B______ intimée
représentée par Me Daniel UDRY, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’employée) a travaillé en qualité d’assistante de bureau pour la commune de B______ (ci-après : la commune) à partir du 1er mai 2015, aux côtés de cinq autres employés.

En conséquence d’un élargissement de son cahier des charges, son taux d’activité, de 50 % à l’origine, a progressivement été relevé et en définitive fixé à 80 % dès le 1er janvier 2022.

b. Selon un certificat intermédiaire de travail du 5 juin 2018, l’employée était fiable, digne de confiance, consciencieuse et dynamique. Elle travaillait de manière indépendante, s’était parfaitement intégrée à son environnement et entretenait d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie.

c. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des évaluations annuelles menées en 2016 et 2021, que durant les six premières années d’engagement, ses prestations correspondaient aux attentes de la commune, qu’elle en a régulièrement été félicitée et qu’elle a reçu une prime en fin d’année. En 2021, elle a même assumé une double charge et ses prestations ont été jugées généralement supérieures aux attentes.

d. Un rapport d’audit de gestion des ressources humaines a été rendu le 2 mai 2023 (ci-après : l’audit), relevant des tensions, en particulier une ambiance « en dents de scie » au sein de l’administration, ainsi qu’une méfiance et un manque de considération entre l’administration et l’exécutif. Cela avait un impact important sur la santé des employés et leur charge de travail. Les trois responsables de bureau, dont faisait partie l’employée, ne parvenaient pas à traiter tous les dossiers dans le cadre de leurs taux d’activité et faisaient régulièrement des heures supplémentaires. Ils travaillaient à un rythme, d’une manière et avec des compétences différents. Leur formation et la planification de leur travail devaient être améliorées.

L’auditeur recommandait notamment, pour l’un des postes, de réaliser un bilan de compétences et de proposer un accompagnement à la recherche d’un autre emploi.

e. Lors d’un entretien le 27 mars 2023 avec le maire et la secrétaire générale, selon les notes prises par celle-ci, l’employée a expliqué venir travailler « la boule au ventre » et chercher un nouveau travail. Elle souhaitait être aidée dans ce sens, en bénéficiant en particulier de temps nécessaire.

f. À sa demande, un certificat de travail intermédiaire daté du 20 avril 2023 lui a été remis le jour suivant et a été complété le 5 juin 2023. Selon ce certificat, elle se montrait polyvalente, consciencieuse, professionnelle, flexible et indépendante. Elle s’était parfaitement intégrée dans l’environnement de travail de la commune.

g. L’employée s’est trouvée en incapacité de travail complète dès le 24 avril 2023 selon les certificats médicaux transmis à la commune. Elle était néanmoins autorisée à sortir par son médecin.

h. Par lettre du 8 septembre 2023, elle s’est référée aux difficultés qu’elle rencontrait avec sa hiérarchie. Elle contestait les reproches à son encontre qui résulteraient de l’audit, auquel elle n’avait pas eu accès. Sa hiérarchie portait atteinte à sa personnalité depuis plusieurs mois, ce qui avait pour conséquence de l’isoler professionnellement.

La commune lui a transmis l’audit.

B. a. Le 23 octobre 2023, la commune a communiqué à l’employée son intention de mettre fin à ses rapports de travail et l’a conviée à la mairie le 30 octobre suivant pour entendre son point de vue et discuter de la situation. En cas d’indisponibilité à cette date, elle était invitée à exercer son droit d’être entendue par écrit dans un délai de quinze jours.

Le 27 octobre 2023, l’employée a communiqué à la commune son incapacité à se rendre au rendez-vous et son intention de lui adresser un courrier.

b. Par écrit du 17 novembre 2023, l’employée a exposé avoir attentivement lu l’audit et n’y avoir trouvé aucun élément remettant en cause la qualité de son travail. Elle n’avait dès lors pas connaissance des motifs pour lesquels la commune entendait résilier ses rapports de travail. Ceux-là devaient lui être communiqués pour qu’elle puisse faire valoir son droit d’être entendue. Elle s’opposait en toute hypothèse à la décision envisagée.

c. Le 20 novembre 2023, la commune a résilié les rapports de travail avec effet au 29 février 2024, libérant immédiatement l’employée de son obligation de travailler et compensant son solde de vacances de 19.25 jours.

Après avoir exposé la teneur des art. 31 al. 1 et 3 ainsi que 32 al. 1 du statut du personnel de l’administration communale de la Commune de B______, du 2 septembre 2014 (LC 15 151 - ci-après : le statut), celle-ci a rappelé avoir convié l’employée à un entretien, lors duquel les motifs fondant son intention de mettre un terme aux rapports de travail lui auraient été exposés. L’employée s’étant déclarée incapable de s’y rendre, elle s’était exprimée par écrit sans requérir d’informations complémentaires. Son droit d’être entendue avait ainsi été respecté. Le délai de congé était de trois mois pour la fin d’un mois.

C. a. Par acte posté le 8 janvier 2024, A______ a interjeté recours contre la décision de la commune, concluant à son annulation, au paiement d’une indemnité équivalant à six mois de son dernier salaire avec intérêts à 5 % l’an dès le 20 novembre 2023, ainsi qu'au paiement du solde de ses vacances.

Lors de l’entretien du 27 mars 2023, de nombreuses critiques prétendument relevées dans l’audit lui avaient été rapportées. Parallèlement, l’importante charge de travail, le stress et la mauvaise ambiance l’avaient atteinte dans sa santé, de sorte qu’elle s’était trouvée en incapacité de travail complète dès le 24 avril 2023.

La correspondance de la commune du 23 octobre 2023 ne comportait aucune indication ni explication relatives aux motifs de la décision envisagée. Elle ne pouvait les connaître, dès lors que l’appréciation de son travail avait toujours été bonne. Elle s’était en conséquence interrogée sur les reproches qui résulteraient de l’audit évoqués lors de l’entretien du 27 mars 2023. La décision de résiliation elle‑même ne la renseignait pas davantage. Elle avait en outre été postée le jour même où la commune avait reçu sa détermination, ce qui démontrait que la décision de résiliation avait déjà été prise et vidait l’exercice du droit d’être entendu de sa substance. Cette décision devait donc être annulée et une indemnité lui être octroyée à hauteur du maximum prévu par le statut.

Toujours en incapacité de travail, elle n’avait pas pu bénéficier de son solde de 19.25 jours de vacances durant le délai de congé. Une nouvelle décision relative à leur indemnisation s’imposait en conséquence.

b. Le 22 février 2024, la commune a conclu au rejet du recours.

Durant son absence, l’employée avait été remplacée par une personne ayant été en mesure de remplir l’intégralité de son cahier des charges. L’employée avait de la peine à accepter les consignes de ses supérieurs et, très pointilleuse, elle consacrait trop de temps à des détails. Elle formulait beaucoup de critiques à l’égard du fonctionnement de la mairie et du travail des autres collaborateurs. Il était très difficile d’avoir une discussion constructive et sereine avec elle. Elle réagissait souvent de manière agressive et en pleurant. L’entretien du 27 mars 2023 avait été organisé à la suite d'échanges entre l’employée et l’auditeur. Elle avait à cette occasion affirmé vouloir démissionner et rechercher activement un nouvel emploi. La commune connaissait dès lors ce projet et pouvait supposer que l’employée ne reprendrait pas son poste à l’issue de son incapacité de travail.

Elle avait fait part à l’employée de son intention de résilier les rapports de travail et l’avait invitée à un entretien lors duquel ces motifs lui auraient été présentés. L’employée avait toutefois refusé de s’y rendre en justifiant de son incapacité de travail, alors que celle-ci ne constituait pas un empêchement. Elle avait choisi de faire valoir son point de vue par écrit, sans demander de précisions quant aux motifs poussant la commune à envisager la résiliation des rapports de travail. Elle s’était limitée à objecter qu'elle ignorait ces motifs, ce qui était surprenant compte tenu de ce qui avait été dit et convenu lors de l’entretien du 27 mars 2023. Faute de détermination de l’employée, la commune avait décidé de formaliser son intention de résilier les rapports de travail. Une éventuelle violation du droit d’être entendu avait de toute manière été réparée dans le cadre de la présente procédure, comportant tous les éléments ayant motivé une telle décision.

Les pièces au dossier n’attestaient pas, sous l’angle de l’intensité de l’incapacité de travail, que l’employée avait été empêchée de prendre des vacances en nature durant le délai de congé. Celui-ci, de 74 jours, avait été suffisamment long à cette fin.

Pour démontrer que des vacances avaient effectivement pu être prises, la commune a versé au dossier une photo d’une plage que l’employée avait postée sur les réseaux sociaux le 4 juin 2023, et une photo de vacances d’hiver qu’elle avait publiée sur WhatsApp le 18 février 2024.

c. Le 27 mars 2024, les parties ont été entendues par le juge délégué.

Selon la commune, représentée par le maire et la secrétaire générale, l’employée avait manifesté à plusieurs reprises sa volonté de quitter le personnel. L’audit avait révélé sa souffrance. La commune avait en conséquence organisé l’entretien du 27 mars 2023, lors duquel l’employée avait expliqué être probablement au terme de son parcours à la mairie. La commune lui avait donc proposé de prendre à sa charge un bilan de compétences, qui n’avait toutefois pas pu être réalisé compte tenu du congé maladie de l’employée. Dès le mois de janvier 2023, elle s’était quelque peu repliée sur elle-même et montrée d’humeur changeante, ce qui avait pu l’amener à une certaine agressivité verbale.

L’employée a expliqué n’avoir jamais reçu d’avertissement écrit lui reprochant un tel comportement, qui n’avait été évoqué que verbalement au moment de l’audit. Le 27 mars 2023, elle avait confirmé venir travailler avec « la boule au ventre ». Selon les représentants de la commune, dans ces conditions, il valait mieux qu’elle trouve un autre emploi, ce dont, étant dans une situation de stress, elle avait pris acte. Les photos produites par la commune concernaient probablement des vacances de l’année précédente, ou d'autres encore dont elle ne se rappelait pas de la date.

Elle n’avait pas eu le temps de s’organiser pour se présenter à l’entretien d’octobre 2023 et n’aurait de toute manière pas été en état de le faire à la suite de la séance du 27 mars 2023 et des échanges subséquents. Elle n’avait pas reçu les notes prises par la secrétaire générale durant ladite séance et contestait y avoir évoqué la fin de son parcours à la mairie. Elle avait encore plusieurs projets en cours et son incapacité de travail était en lien avec son travail.

Durant son congé maladie, son médecin l’avait autorisée à sortir dans n’importe quel cadre.

d. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 mai 2024 pour formuler leurs observations finales, y compris le cas échéant sur l’instruction de la cause, après quoi celle-ci serait gardée à juger.

e. Le 13 mai 2024, l’employée a persisté dans ses conclusions.

Elle n’avait pas évoqué la fin des rapports de travail lors de la séance du 27 mars. N’ayant pour le surplus jamais reçu d’avertissement écrit, elle en ignorait les motifs, de sorte qu’elle n’avait pas pu exercer son droit d’être entendue conformément au statut. Aucun élément du dossier ne remettait en cause la réalité de son incapacité de travail, étant rappelé que celle-ci ne l’empêchait pas de sortir de chez elle. Elle n’avait donc pas été en mesure de prendre effectivement le solde de ses vacances.

f. Le 13 mai 2024, la commune, persistant dans ses conclusions, a préalablement requis l’audition de l’auditeur et de l’employée.

Durant ses entretiens avec l’auditeur, l’employée lui avait vraisemblablement fait part de son mal-être et, pour cette raison, il avait invité la commune à organiser une réunion tripartite en vue de proposer un accompagnement à la fin des rapports de travail. La commune avait proposé de prendre en charge les coûts d’un bilan de compétences et d’accompagner l’employée dans la recherche d’un autre emploi. Les allégations de cette dernière quant aux propos échangés, bien que contestées, démontraient qu’elle connaissait la volonté de la commune de mettre fin aux rapports de travail. Elle n’avait sollicité aucune information complémentaire et elle aurait pu se présenter à l’entretien fixé à l’automne 2023, le cas échéant en présence de son conseil, déjà constitué. Prétendre dans ces conditions n’avoir pas été en mesure d’exercer son droit d’être entendue frisait la mauvaise foi.

Durant son congé maladie, elle avait été autorisée par son médecin à sortir dans n’importe quel cadre. Elle était partie en vacances dans un pays nordique durant l’été 2023 et avait vraisemblablement skié en février 2024. Il ne se justifiait dès lors pas d’indemniser le solde de ses vacances.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante reproche à l’intimée de ne pas lui avoir indiqué les motifs de la résiliation des rapports de travail avant la décision litigieuse, ni dans la motivation de celle-ci, de sorte qu’elle n’a pas pu utilement exercer son droit d’être entendue. L’intimée sollicite quant à elle l’audition de l’auditeur et de la recourante.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d’être entendu comprend aussi celui des parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de produire ou obtenir la production des preuves pertinentes, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid. 3.2).

L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu ; l'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de mettre en évidence son point de vue de manière efficace. En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 du 9 septembre 2021 consid. 2.1). Le droit d'être entendu doit par principe s'exercer avant le prononcé de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3). Il n’est ainsi pas admissible de remettre à l'employé une décision de résiliation des rapports de service en se contentant de lui demander de s'exprimer s'il le désire. Sauf cas d'urgence, le collaborateur doit pouvoir disposer de suffisamment de temps pour préparer ses objections (arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 précité).

Le droit d’être entendu n’est toutefois pas une fin en soi ; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire n'aboutisse à un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu exercer sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1).

La violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée ; cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1).

Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 al. 1 et 67 LPA), permettant la guérison d’une violation du droit d’être entendu (ATF 145 I 167 consid. 4.4 et 137 I 195 consid. 2.3.2).

2.2 Selon l’art. 31 al. 1 et 3 du statut, le contrat de durée indéterminée peut être résilié librement par l’autorité compétente ou par le collaborateur moyennant le respect du délai de congé, de trois mois après la troisième année de service.

L’art. 32 al. 2 du statut prévoit l’obligation de l’exécutif, avant de procéder à la résiliation des rapports de service d’un collaborateur, de donner à ce dernier la faculté de se déterminer sur cette résiliation soit lors d’un entretien précédant la remise de la décision de résiliation, soit par écrit moyennant le respect d’un délai de trois jours pendant le temps d’essai et de quinze jours après le temps d’essai.

Lorsque le droit applicable ne fait pas dépendre le licenciement de conditions matérielles, l’autorité dispose d’un très large pouvoir d’appréciation. Dans un tel cas, la cour cantonale n’est fondée à intervenir qu’en cas de violation des principes constitutionnels tels que l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. En particulier, le grief d’arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l’employé ou en cas de discrimination. En revanche, l’autorité de recours n’a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l’employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives ou qu’elle n’apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêts du Tribunal fédéral 8C_40/2022 du 15 juillet 2022 consid. 4.4 ; 8C_146/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.2).

2.3 En l’espèce, conformément à l’art. 32 al. 2 du statut, l’intimée a donné à la recourante l’occasion de s’exprimer au sujet de la fin des rapports de travail, de manière écrite dans la mesure où elle avait refusé de participer à l’entretien proposé. Peu importe pour l’issue du litige que ce refus fût médicalement fondé. Une communication écrite satisfait à la jurisprudence, admettant des procédés relativement informels pour permettre à un employé de la fonction publique de s’exprimer avant un licenciement.

L’intimée a informé la recourante de son intention de mettre fin aux rapports de travail le 23 octobre 2023, soit près d’un mois avant de rendre la décision litigieuse. La recourante reproche vainement à l’intimée d’avoir pris la décision le jour où elle aurait reçu sa détermination. Son droit d’être entendue a en toute hypothèse été respecté, dès lors qu’elle a eu suffisamment de temps pour prendre position avant la résiliation des rapports de service. L’absence de délai entre sa détermination et la décision litigieuse ne surprend par ailleurs pas, eu égard au temps écoulé depuis la première communication de l’intimée à ce sujet le 23 octobre 2023, ainsi qu’à l’absence de motif développé par la recourante pour s’opposer à la résiliation des rapports de travail.

2.4 Bien que les parties s’opposent sur les propos échangés avant et durant l’entretien du 27 mars 2023, il résulte du dossier que : le bien-être de la recourante au travail s’est substantiellement détérioré en 2022 et 2023, principalement à cause d’une surcharge de travail et des tensions au sein de l’administration ainsi qu’avec l’exécutif, ce qui a été relevé dans le cadre de l’audit et donné lieu à l’entretien précité ; lors de cet entretien, la recourante a expliqué venir au travail « la boule au ventre » et l’intimée lui a exposé un certain nombre de critiques ; pour cette raison, le souhait de mettre fin aux rapports de travail a été exprimé, par la recourante selon les explications de l’intimée, et par l’intimée selon les explications de la recourante ; cette dernière se trouve en incapacité de travail depuis le 24 avril 2023 en conséquence de son mal-être professionnel.

Eu égard à ces éléments, la recourante ne peut pas affirmer de bonne foi tout ignorer des raisons pour lesquelles l’intimée avait l’intention de mettre fin aux rapports de travail, ce d’autant moins que dans sa lettre du 8 septembre 2023, elle a expressément fait référence à ses difficultés avec la hiérarchie, à des reproches à son encontre et à des atteintes à sa personnalité causant son isolement professionnel. Elle a également mentionné dans son recours l’importante charge de travail, le stress et la mauvaise ambiance l’ayant atteinte dans sa santé, tout comme les « nombreuses critiques » dont elle avait fait l’objet. L’exercice de son droit d’être entendue n’a donc pas été rendu inopérant par l’ignorance complète des motifs pour lesquels l’intimée souhaitait résilier les rapports de travail.

Les problèmes rencontrés par la recourante sur son lieu de travail étant suffisamment établis, il n’importe pas d’investiguer la réalité des reproches plus spécifiques exposés par l’intimée dans sa réponse, ni d’entendre l’auditeur ou de réentendre la recourante. Partant, il ne sera pas donné suite à la requête de l’intimée dans ce sens.

2.5 Conformément à l’art. 31 du statut, la commune était libre de résilier les rapports de service dans un délai de trois mois pour la fin d’un mois. Elle n’avait en conséquence pas l’obligation de fonder sa décision sur de justes motifs, pour autant qu’elle ne contrevînt pas à des principes d’ordre constitutionnel. Or, la recourante ne remet pas en cause la décision querellée sur le fond, en arguant par exemple qu’elle serait fondée sur un motif arbitraire, contraire à un engagement pris par la commune ou encore discriminatoire. Les éléments au dossier, à commencer par son mal-être professionnel et l’incapacité de travail de longue durée en découlant, font au contraire apparaître des difficultés objectives à la continuation des rapports de service.

L’éventuelle violation de son droit d’être entendue résultant de l’absence de communication des motifs concrets de la décision, avant celle-ci et dans sa motivation, est donc sans influence sur le sort du litige, l’intimée n’étant légalement pas tenue de justifier la résiliation des rapports de travail par l’existence d’une raison fondée.

2.6 La recourante ayant sur le principe eu l’occasion de s’exprimer, la violation de son droit d’être entendue, dût-elle être admise, serait d’une gravité modérée. Elle pourrait dès lors être considérée comme réparée dans le cadre de la présente procédure. La chambre de céans jouit en effet d’une cognition complète et l’intimée a exposé en détail les motifs de sa décision dans sa réponse et lors de l’audition des parties. La recourante a ensuite eu l’occasion de donner son point de vue à ce sujet, autant lors de ladite audition que dans ses observations finales.

Son grief tiré de la violation de son droit d’être entendue doit dès lors être rejeté.

3.             La présente cause concerne pour le surplus la conformité au droit de la décision de l’intimée d’imposer à la recourante la prise du solde de ses vacances durant le délai de congé.

3.1 L’art. 12 du statut prescrit que l’exercice des vacances coïncide avec l’année civile.

Selon l’art. 13 du statut, les vacances doivent être prises, en principe, sans report d’une année sur l’autre au-delà du 30 avril. En cas d’impossibilité de prise des vacances de l’année précédente jusqu’au 30 avril de l’année en cours, le solde des vacances est perdu, sauf en cas de cessation de la relation de travail dans l’année (al. 1). Les jours de maladie ou d’accident attestés par un certificat médical d’un collaborateur, pendant ses vacances, ne sont pas considérés comme des vacances (al. 4).

Selon la jurisprudence, dans des cas ne concernant pas la prise des vacances pendant la durée du délai de congé avec libération de l’obligation de travailler suite à un licenciement, la non-compensation financière des vacances non prises à la fin des rapports de service est appliquée de longue date et est admise. En effet, les vacances ont pour premier but de permettre au personnel de la fonction publique de se reposer et il est dès lors fondamental qu’elles soient prises pendant la durée des rapports de service, toute autre solution vidant le but même des vacances de tout sens (ATA/384/2014 du 27 mai 2014 consid. 11 ; ATA/425/2010 du 22 juin 2010 consid. 8b).

Il n’y a aucune raison de placer la personne dans une meilleure situation du fait qu'elle a été libérée de son obligation de travailler (ATA/942/2021 du 14 septembre 2021 consid. 9 ; ATA/1190/2017 du 22 août 2017 consid. 12).

3.2 Les communes disposent d’une grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents. Ainsi, l’autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer l’organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci, questions relevant très largement de l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/994/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4b).

À teneur de l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité exige donc que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1).

Dans le cadre d’un rapport de travail de droit public, les règles du la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) relatives au contrat de travail sont applicables à titre subsidiaire, en cas de lacunes dans la réglementation ou si celle-ci le prévoit (ATF 139 I 57 consid. 5.1), ce qui est le cas ici (art. 3 al. 3 du statut).

3.3 En l’espèce, la recourante a été libérée de son obligation de travailler durant le délai de congé, échu le 29 février 2024.

Elle s’est cependant trouvée en incapacité de travailler durant toute cette période selon les certificats médicaux au dossier. Aux termes de l’art. 13 al. 1 du statut, dont le texte clair ne souffre aucune ambiguïté, aucun des jours y afférents ne peut donc être décompté comme vacances. L’intimée se prévaut vainement du critère de l’intensité de l’incapacité de travail, qui déterminerait si, indépendamment de celle‑ci, la recourante était en mesure de prendre des vacances. Ce critère n’est pas prévu par le statut et l’intimée le tire de la doctrine rendue au sujet des art. 329a et 329c du CO concernant la durée et la fixation des vacances. Or, ces dispositions relèvent du droit privé et, n’abordant pas spécifiquement la question du décompte des vacances durant une incapacité de travail, leur libellé diffère de l’art. 13 du statut. Ils ne sont dès lors pas applicables en l’espèce, faute de renvoi exprès au droit des obligations ou de lacune du statut sur ce point. Il n’importe ainsi pas d’examiner, sur la base des photographies produites par l’intimée, si la recourante a effectivement pris des vacances durant son congé maladie, son incapacité de travailler n’étant pas remise en cause.

L’intimée ne pouvait donc pas imputer le solde des jours de ses vacances sur la durée du délai de congé.

3.4 Le statut ne prévoit pas de compensation financière dans le cas d’une impossibilité pour l’employé de prendre ses vacances. Cela ne paraît cependant pas découler d’une volonté du législateur communal, l’art. 13 du statut visant à permettre à un employé de ne pas perdre de jour de vacances en cas d’incapacité de travail ou de rupture de contrat avant le 30 avril de l’année suivante. Une absence de compensation financière reviendrait à rendre la disposition précitée sans effet dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’employée est incapable de travailler durant le délai de congé.

La jurisprudence exclut certes une compensation financière des vacances, contraire au but de ces dernières, tant que durent les rapports de travail. Ce principe ne concerne toutefois pas les cas de prise des vacances pendant le délai de congé avec libération de l’obligation de travailler. La jurisprudence admet a contrario la compensation financière des vacances que l’employé n’a pas pu prendre durant ce délai. Une telle compensation ne place en outre pas la recourante dans une situation plus avantageuse par rapport à celle où elle n’aurait pas été libérée de son obligation de travailler.

Le recours sera en conséquence partiellement admis, la décision querellée annulée sur ce point et la cause renvoyée à l’intimée pour qu’elle fixe l’indemnité due à la recourante au titre du solde de ses vacances.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, et il lui sera alloué une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- (art. 87 al. 1 et 2 LPA), à la charge de la commune.

Compte tenu des conclusions en paiement de la recourante, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2024 par A______ contre la décision de la commune de B______ du 20 novembre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la commune de B______ du 20 novembre 2023 en tant qu’elle impute le solde de vacances de A______ sur le délai de congé ;

renvoie la cause à la commune de B______ pour fixer l’indemnité due à A______ pour le solde de ses vacances ;

confirme la décision attaquée pour le surplus ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la Commune de B______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samantha EREMITA, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Daniel UDRY, avocat de la commune de B______.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le  la greffière :