Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1261/2024 du 29.10.2024 ( FORMA ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/4290/2023-FORMA ATA/1261/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 29 octobre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
COMMISSION D’ORGANISATION DE LA FORMATION DES JUGES ET PRÉSIDENT-E-S DU TRIBUNAL DES PRUD'HOMMES intimée
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A. a. A______ (ci-après : le candidat) officie en qualité de juge prud’homme (ci-après : juge) au sein du Tribunal des prud’hommes (ci-après : le tribunal) depuis le 25 novembre 2011.
b. Le tribunal organise une formation à destination des juges, sous l’égide de la commission d’organisation de la formation des juges et président-e-s du tribunal (ci-après : la commission).
Cette formation, dispensée par différents intervenants issus de la magistrature, du corps universitaire et du barreau, est divisée en deux cycles. Le premier, ouvert à tous les juges, est sanctionné par un examen écrit et le second, réservé aux candidats au brevet de président du tribunal (ci-après : le brevet), par un examen oral. Ces examens sont administrés par un jury désigné par la commission.
L’examen oral dure 2h00, soit 1h30 de préparation, 20 minutes d’exposé de la solution et 10 minutes de questions du jury.
c. Le tribunal offre pour le surplus un appui aux juges suivant la formation, notamment en leur permettant de passer des examens en blanc et en organisant des procès fictifs.
B. a. N’étant pas titulaire du brevet d’avocat, le candidat a suivi la formation durant la législature 2012-2017, mais a échoué à l’examen écrit du premier cycle à trois reprises, ayant à chaque fois obtenu une note inférieure à 4.
b. Il s’est réinscrit à la formation durant la législature de 2018-2023, s’est présenté à l’examen écrit du 5 décembre 2020 et l’a réussi en obtenant la note de 5.5.
c. Il a suivi le deuxième cycle du 8 janvier 2019 au 25 juin 2022.
Il s’est présenté à l’examen oral du 25 septembre 2022, puis à celui du 21 janvier 2023, mais a échoué, obtenant à chaque fois la note de 3.
Le 2 février 2023, il a sollicité une motivation de la note attribuée au second examen, motivation qu’il a obtenue le 9 février suivant. La commission a détaillé, pour chaque question posée, les réponses attendues du candidat et celles données par ce dernier, le cas échéant sur question du jury.
d. A______ s’est présenté à un troisième examen oral, qui s’est tenu le 25 novembre 2023 (ci-après : l’examen).
L’examen portait sur six questions concernant une demande en justice et la gestion d’une première audience. La donnée consistait en un dossier fictif.
Le candidat a été examiné par une sous-commission composée de deux jurés (ci‑après : les examinateurs).
e. Par lettre du 25 novembre 2023, la sous-commission l’a informé que la note de 3.5 lui avait été attribuée et qu’elle était insuffisante pour l’obtention du brevet.
f. Le 28 novembre 2023, le candidat a sollicité la reconsidération de sa note.
Certaines questions complémentaires des examinateurs avaient porté sur des sujets n’ayant jamais été abordés lors de la formation, tels qu’un acte de mariage avec un nouveau nom postérieur à la relation de travail, les dépens, une demande reconventionnelle et une demande en compensation avec le montant d’un prêt.
L’art. 4 al. 2 du règlement sur la formation des juges et présidents du Tribunal des prud'hommes du 20 mai 2014 (RFTPH - E 310 03), entré en vigueur le 14 juin 2014, devait être interprété, faute de précision, dans le sens que l’examen était réussi dès lors que la moyenne des notes obtenues à l’épreuve écrite du premier cycle et à l’épreuve orale du second cycle atteignait de 4.
g. Le 8 décembre 2023, la sous-commission a refusé de reconsidérer sa décision.
Conformément aux dispositions spécifiques du RFTPH, la formation portait sur la partie générale du droit des obligations et sur les principes de procédure civile. Ces domaines devaient être maîtrisés pour présider une audience du tribunal. Le jury s’était assuré que les questions y relatives avaient été abordées lors de la formation.
Pour s’inscrire au second cycle, les juges devaient obtenir au minimum la note de 4 à l’examen écrit, et obtenir à nouveau au minimum la note de 4 à l’examen oral pour le réussir. La position selon laquelle la moyenne des deux notes était déterminante se heurtait au texte clair du RFTPH.
h. Le 8 février 2024, le candidat a été informé qu’une séance de correction de l’examen se déroulerait le 16 février suivant.
C. a. Par acte du 26 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 25 novembre 2023, concluant à son annulation ainsi que, principalement, à la délivrance du brevet et, subsidiairement, au renvoi du dossier au tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La motivation du refus de reconsidération, qui appelait pourtant des explications claires sur l’appréciation de l’épreuve orale par les examinateurs, était incompréhensible. Elle consistait en une paraphrase du RFTPH, ne justifiant en rien la note attribuée. Il appartenait à la commission d’exposer brièvement, même oralement, les attentes du jury et en quoi elles n’avaient pas été satisfaites par ses réponses. Faute de toute explication en lien avec l’attribution de la note de 3.5, il ne lui était pas possible de motiver son recours. La décision violait donc son droit d’être entendu et était nulle.
Le résultat de l’examen au sens du RFTPH ne pouvait que correspondre à la moyenne des notes obtenues. Exiger l’obtention de la note de 4 à chaque épreuve violait le principe de la légalité. Pour admettre une telle interprétation, il aurait à tout le moins fallu que cela fût expressément énoncé dans le règlement. La position de la commission était par ailleurs contraire à la pratique en matière d’examens, ayant notamment cours dans les universités et hautes écoles. Elle s’avérait de surcroît arbitraire, dès lors qu’elle revenait à exclure, sans motif raisonnable, les candidats ayant réussi l’examen dans son ensemble. Une élimination fondée seulement sur une note légèrement inférieure à 4 à l’une des épreuves était choquante. Elle emportait une inégalité de traitement entre « des candidats à un titre quelconque mais dont le prestige lié aux difficultés n’est pas à nier, certains bénéficiant du principe de la moyenne et d’autres se voyant refuser ce même principe et étant voués aux gémonies pour un demi-point ». Cela ne correspondait pas à la volonté du législateur.
Il était également arbitraire d’organiser des contrôles continus sans que leur réussite soit portée au crédit du candidat. Il avait lui-même passé une épreuve orale en blanc le 25 juin 2022, lors de laquelle il avait obtenu la note de 5. Les résultats à ces contrôles reflétaient pourtant des compétences avérées de sa part, et contrebalançaient les appréciations des examinateurs, totalement externes à la formation.
b. La commission a conclu au rejet du recours.
Au sujet du déroulement de l’examen, il a exposé ce qui suit : « Le recourant a exposé ses réponses aux questions, en s’exprimant librement, sans interruption, durant 15 minutes. À ce stade de l’examen, plus de la moitié des réponses attendues du candidat n’avaient pas été abordées, ou n’avaient reçu que des réponses partielles, essentiellement théoriques (citation d’une base légale par exemple), sans application au cas concret en vue d’en opérer une déduction utile. La sous‑commission a alors consacré le temps restant, soit 15 minutes, à amener le candidat à identifier les problématiques pertinentes qui n’avaient pas été traitées, afin qu’il complète les éléments de réponses déjà restitués. Les deux membres de la sous-commission se sont attachées à coordonner leurs interrogations successives. Elles ont attiré chacune à son tour l’attention du recourant sur l’existence de pièces figurant dans le dossier constituant l’énoncé d’examen, qui n’avaient pas été mentionnées par le recourant ; une fois que celui-ci avait repéré les pièces en cause, respectivement les avait lues et relues, des questions précises en lien avec lesdites pièces lui ont été adressées, de façon à lui permettre d’élaborer pas à pas le raisonnement nécessaire. De la sorte, le recourant a apporté quelques réponses appropriées ; d’autres questions sont demeurées irrésolues, respectivement non identifiées par le candidat, ou compte tenu de l’écoulement du temps, n’ont pas pu être évoquées par les membres de la sous-commission du jury ».
En réponse aux griefs du candidat, la commission a indiqué avoir répondu à la demande de reconsidération en donnant son point de vue sur les deux points remis en cause. Le précité n’avait pas demandé la motivation de sa note ni requis d’autres explications ou contesté l’évaluation de ses réponses. Une séance de correction était au surplus prévue.
L’interprétation par le candidat de l’art. 4 RFTPH ne se justifiait ni d’un point de vue littéral, ni sous l’angle téléologique. Le titre de la disposition était « Examens » au pluriel. Celle-ci distinguait la note de 4 à obtenir à l’examen écrit et à l’examen oral. L’interprétation du candidat était incompatible avec la nature de la formation, qui s’effectuait en deux cycles dont les buts étaient distincts : le premier était ouvert à tous les juges et devait être réussi pour permettre l’inscription au second ; la réussite du second était nécessaire pour obtenir le brevet ; l’examen du premier était orienté sur le droit de fond ; celui du second sur l’activité spécifique de président, dont le niveau devait se rapprocher autant que possible de celui d’un avocat breveté. L’accent était mis sur la procédure, laquelle s’était complexifiée avec l’entrée en vigueur du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et de la nouvelle loi sur le Tribunal des prud’hommes du 11 février 2010 (LTPH - E 3 10). La comparaison avec la pratique des universités et hautes écoles était sans pertinence.
L’ancien règlement, en vigueur avant le 14 juin 2014, prévoyait que l’examen comportait deux épreuves, l’une écrite, l’autre orale, dont la moyenne devait atteindre la note de 4. Mais le RFTPH instituait un système différent, soit celui décrit ci-dessus, et la décision avait été rendue en application de ce règlement, en vigueur lors de la législation 2018 à 2023, ce qui n’était pas arbitraire.
Les appuis apportés par le tribunal sous forme de tests en blanc ne pouvaient pas être qualifiés de contrôles continus. Ils avaient vocation à entraîner les candidats, sans portée sur la notation de l’examen.
c. Dans sa réplique, le candidat a persisté dans ses conclusions.
La commission n’avait organisé une séance de correction commune à l’examen que le 16 février 2024, soit 83 jours plus tard, contre 12 ou 18 jours après le premier et le second examen. Une telle séance, organisée seulement après le dépôt du recours, ne pouvait pallier le défaut de motivation. Celle-ci aurait dû être à la hauteur de la réponse de la commission du 9 février 2023 concernant le précédent examen. La séance de correction avait au moins permis aux candidats de savoir s’ils étaient « dans le tir s’agissant des réponses aux divers problèmes posés lors de l’épreuve orale ».
La commission persistait dans une application de l’art. 4 RFTPH contraire au texte de la disposition. En l’absence de tout message de la commission de gestion du pouvoir judiciaire, il se fondait vainement sur une interprétation téléologique du règlement. La référence au libellé du titre de la disposition n’était pas plus utile, le règlement étant truffé d’incohérences et le terme « examen » y figurant tantôt au singulier, tantôt au pluriel.
La modification de la formation des juges prévue par le RFTPH, qui était minime et relevait plutôt de la forme, ne répondait pas à une complexification de la procédure à la suite de l’entrée en vigueur du CPC. Ce nouveau code était au contraire supposé amener une simplification de la procédure par une unification au niveau fédéral et son entrée en vigueur, plus de trois ans plus tôt, était sans rapport avec le RFTPH.
La position de la commission était d’autant plus arbitraire qu’à la suite de la séance de correction tardive du 16 février 2024, il avait réalisé que ses 80% de ses réponses correspondaient aux attentes du jury, de sorte que sa note aurait dû avoisiner 5.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant considère que la motivation du résultat de l’examen viole son droit d’être entendu.
2.1 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références).
En matière d'examens, la jurisprudence admet que l'absence de remise de documents internes, comme les grilles de corrections, l'échelle des notes ou les notes personnelles des examinateurs lors des examens ne viole pas le droit d'être entendu des candidats, à condition qu'ils aient été en mesure de comprendre l'évaluation faite de leur travail (arrêts du Tribunal fédéral 2D_34/2021 du 22 décembre 2021 consid. 3.1 ; 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.3). L'obligation de motiver les décisions d'examen n'est en particulier pas violée lorsque l'autorité compétente se limite dans un premier temps à communiquer l'évaluation des notes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_505/2019 du 13 septembre 2019 consid. 4.2.1).
Le droit à une décision motivée est respecté lorsque des notes internes ou des indications orales suffisamment précises permettent de reconstituer le déroulement de l'examen devant une instance de recours et de permettre à celle-ci d'apprécier l'évaluation. Pour remplir son obligation de motivation, l'autorité doit pouvoir exposer brièvement, même oralement, quelles étaient les attentes et dans quelle mesure les réponses du candidat ne les satisfaisaient pas. Après cette explication orale, il suffit qu’elle fournisse dans la procédure de recours une réponse comprenant une motivation écrite et que la personne intéressée ait la possibilité de prendre position de manière complète à ce sujet dans un second échange d'écritures (arrêts du Tribunal fédéral 2D_34/2021 précité consid. 3.1; 2C_505/2019 précité consid. 4.2.1; 2D_29/2015 du 27 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.3) ; ceci à condition que l'instance de recours dispose d'un pouvoir d'examen qui n'est pas limité à l'arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2D_40/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.1.1).
2.2 En l’espèce, l’intimée a communiqué au recourant sa note sans lui fournir de motivation, ce qu’elle pouvait faire dans un premier temps sans violer son droit d’être entendu.
En demandant la reconsidération de la décision, le recourant ne s’est pas plaint de l’évaluation de l’examen en tant que tel, mais du sujet de certaines questions posées par les examinateurs et du fait que l’intimée n’avait pris en considération que la note de l’examen oral, et non sa moyenne avec celle de l’examen écrit. L’intimée a répondu sur ces deux points de manière claire et détaillée, de sorte à permettre au recourant de comprendre les motifs de la décision dans le mesure où elle était querellée et de les contester en toute connaissance de cause. Son droit d’être entendu a dès lors été respecté. Contrairement à ses critiques, l’intimée lui a répondu de manière compréhensible, sur la base d’une application concrète du RFTPH, sans se limiter à en paraphraser les dispositions. Elle n’avait pour le surplus pas à spontanément développer les raisons pour lesquelles les réponses du recourant n’avaient pas satisfait les examinateurs.
Le recourant n’a pas remis en cause l’évaluation de ses réponses dans le cadre de son recours, mais il l’a critiquée dans sa réplique, à l’appui de son grief tiré de l’arbitraire. Sur ce point, l’intimée a satisfait à son devoir de motivation en exposant dans sa réponse le résumé du déroulement de l’examen. Il en ressort suffisamment clairement que le recourant n’a, dans un premier temps, pas concrètement répondu, totalement ou en grande partie, à plus de la moitié des questions posées ; dans un second temps, il n’a eu le temps d’apporter, sur interrogation des jurés et après avoir pris connaissance de pièces sur lesquelles son attention avait été attirée, que quelques réponses appropriées. Ce résumé a permis au recourant de comprendre les motifs de l’insuffisance de sa note, de sorte qu’il a été en mesure de les contester dans sa réplique, conformément à la marche à suivre définie par la jurisprudence rendue en matière d’examens, et étant rappelé que la cognition de la chambre de céans est complète (art. 61 al. 1 LPA).
En conclusion, le droit d’être entendu du recourant n’a pas été violé.
3. Le recourant considère que l’intimée a violé le principe de la légalité, de l’interdiction de l’arbitraire et de l’égalité de traitement en déduisant de l’art. 4 RFTPH que l’obtention du brevet nécessitait l’obtention de la note de 4 à l’examen oral, et non de la note moyenne de 4 aux examens des deux cycles.
Le recourant objecte également avoir réalisé lors de la séance de correction que 80% de ses réponses étaient justes, de sorte qu’il aurait dû obtenir une note d’environ 5.
3.1 Le tribunal est composé du président ou du vice-président du groupe, ou d’un président de tribunal désigné par le groupe, d'un juge employeur et d'un juge salarié (art. 12 al. 1 LTPH).
L’art. 17 al. 2 LTPH oblige les présidents et juges conciliateurs à suivre la formation organisée par le tribunal (al. 2).
Aux termes de l’art. 1 RFTPH, le pouvoir judiciaire organise, en principe une fois par législature, la formation des juges et des candidats au brevet, en collaboration notamment avec la faculté de droit de l'Université de Genève et les partenaires sociaux (al. 1). La formation comprend : a) un premier cycle ouvert à l'ensemble des juges ; b) un second cycle ouvert aux candidats au brevet (al. 2). Des examens sont organisés une fois par législature pour chacun des cycles, en deux, voire trois sessions (art. 6 al. 1 RFPTH).
L’art. 3 al. 2 RFTPH précise que ne peuvent s'inscrire au second cycle que les juges ayant réussi l'examen sanctionnant le premier cycle.
Selon l’art. 4 RFTPH, le premier cycle est sanctionné par une épreuve écrite et le second cycle par une épreuve orale (al. 1). La note maximale pour chaque épreuve est 6. L’examen est admis si la note atteint 4 (al. 2).
L’art. 8 RFTPH prévoit que les candidats qui ont réussi l'examen du second cycle reçoivent le brevet, délivré par la commission de gestion du pouvoir judiciaire.
3.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1).
3.3 L’art. 9 Cst. confère à toute personne le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Une décision est arbitraire lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4). La cognition de la chambre administrative n'étant pas limitée à l'arbitraire, un tel grief se confond devant elle à celui de mauvaise application du droit.
3.4 Aux termes de l’art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (al. 2). Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1).
3.5 En matière d'examens, le pouvoir de l'autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu'elle peut revoir avec un plein pouvoir d'examen. En effet, selon la jurisprudence, l'évaluation des résultats d'examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l'administration ou les examinatrices et examinateurs disposent d'un très large pouvoir d'appréciation et ne peut faire l'objet que d'un contrôle judiciaire limité (ATA/ 438/2020 du 30 avril 2020 consid. 7 ; ATA/354/2019 du 2 avril 2019 consid. 5a). Cette retenue est en conformité avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l'autorité judiciaire précédente fasse preuve d'une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d'une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu'elle est amenée à vérifier le bien-fondé d'une note d'examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6 ; 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 3.2 ; 2D_6/2013 du 19 juin 2013 consid. 3.2.2).
La chambre administrative ne revoit l'évaluation des résultats d'un examen qu'avec une retenue particulière, dès lors qu'une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux personnes expertes ou examinatrices, ainsi que sur une comparaison des candidates et candidats. En outre, à l'instar du Tribunal fédéral (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_38/2011 du 9 novembre 2011 consid. 4.1), et par souci d'égalité de traitement, la chambre de céans s'impose cette retenue même lorsqu'elle possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c'est le cas en matière d'examens d'avocats ou de notaires (ATA/354/2019 précité consid. 5b). En principe, elle n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/354/2019 précité consid. 5b).
3.6 En l’espèce, l’art. 4 al. 2 RFTPH ne mentionne pas la prise en considération d’une moyenne entre les notes des examens des deux cycles, mais indique la note maximale « pour chaque épreuve » et prévoit l’admission de « l’examen », au singulier, si « la note », également au singulier, atteint 4. Aucun élément du texte de cette disposition ne sous-tend l’interprétation du recourant. Son sens littéral ne souffrant d’aucune ambiguïté, il n’est pas nécessaire de rechercher plus avant sa portée sous l’angle historique, téléologique et systématique.
On ne voit de toute manière pas en quoi l’interprétation du recourant répondrait mieux au but et à la systématique du règlement. Il résulte en effet des autres dispositions du RFTPH que la formation des juges et des candidats au brevet, organisée à l’occasion de chaque législature, est divisée en deux cycles, qu’ils doivent réussir le premier afin de s’inscrire au second (art. 3 al. 2 RFTPH), que celui-ci est réservé aux candidats au brevet (art. 1 al. 1 let. b RFTPH), et que la réussite de l’examen du second cycle permet la délivrance dudit brevet (art. 8 RFTPH). Ces conditions impliquent que les deux cycles forment deux phases successives et distinctes de la formation, et excluent que la réussite de l’examen des candidats au brevet dépende, contrairement à la lettre de l’art 4 al. 2 RFTPH, non de la réussite du second examen, mais de la moyenne des deux examens. Une telle interprétation entrerait même en contradiction avec la lettre de l’art. 8 RFTPH.
Le recourant se prévaut vainement d’un principe généralement admis, en particulier dans les universités et hautes écoles, selon lequel les résultats d’un candidat se fondent systématiquement sur la moyenne des notes obtenues. Un tel principe est en effet inexistant, chaque formation obéissant à des règles différentes. Il est en tout état de cause inapplicable à une formation où, comme en l’espèce, chaque étape est sanctionnée par un seul examen.
Il n’est pour le surplus pas arbitraire de tenir compte de la note de l’unique examen réalisé à l’issue du second cycle, portant spécifiquement sur les connaissances acquises durant cette phase de la formation, pour déterminer si celui-ci a été réussi. Ce d’autant plus que le premier cycle, orienté sur le droit de fond, est ouvert à tous les juges, et que le second, mettant plus l’accent sur la procédure, est réservé aux candidats à l’obtention du brevet, impliquant la responsabilité de diriger les procédures, conduire l’instruction et mener des audiences (art. 16 LTPH et art. 13 du règlement du Tribunal des prud’hommes - RTPH - E 205 44).
Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir d’une inégalité de traitement. Il ne résulte ni de ses allégations, ni des pièces du dossier qu’un candidat au brevet ait été noté sur la moyenne des deux examens. Quant aux conditions prévalant dans les universités et hautes écoles, outre qu’elles ne sont pas uniformes contrairement à ce que suggère le recourant, elles concernent des formations dont les buts, les modalités et les candidats ne sont pas comparables à ceux de la formation des juges. Toute comparaison avec lesdites conditions est donc sans pertinence sous l’angle de l’égalité de traitement.
Il n’est enfin pas contraire au RFTPH, ni à une autre norme ou un autre principe juridique, que le résultat d’examens réalisés antérieurement à titre d’exercice ne soit pas pris en considération dans la note de l’examen sanctionnant le second cycle.
3.7 Il ressort en substance du résumé du déroulement de l’examen par l’intimée que la note de 3.5 résulte de ce que le recourant n’est pas parvenu à répondre à plus de la moitié des réponses spontanément, qu’il n’a pas identifié et examiné l’ensemble des pièces pertinentes et que, sur questions des examinateurs, il n’a pu apporter que quelques réponses supplémentaires. Il ne peut donc pas être reproché à l’intimée de s’être laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière insoutenable. En affirmant péremptoirement avoir réalisé à la suite de la séance de correction que 80% de ses réponses correspondaient aux attentes du jury, le recourant se limite à donner son opinion sur sa note sans l’étayer, et à substituer son appréciation à celle de l’intimée. Il n’allègue même pas que le résumé du déroulement de l’examen par cette dernière ne serait pas conforme à la réalité.
En fixant la note du recourant à 3.5, l’intimée n’a en conséquence pas abusé de son large pouvoir d’appréciation.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 26 décembre 2023 par A______ contre la décision de la commission d’organisation de la formation des juges et président-e-s du Tribunal des prud’hommes du 25 novembre 2023 ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la commission d’organisation de la formation des juges et président-e-s du Tribunal des prud’hommes.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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