Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1262/2024 du 29.10.2024 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/399/2024-AIDSO ATA/1262/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 29 octobre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
_________
A. a. A______, né le _____ 1958, est de nationalité suisse.
b. Il a bénéficié de prestations d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er juin 2005 au 31 juillet 2005, puis du 1er août 2006 au 31 août 2023, d'abord en vertu de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit du 18 novembre 1994 (LRMCAS, abrogée) puis, à partir du 1er mars 2015, sur la base de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).
c. Il a signé à plusieurs reprises, la dernière fois le 3 mars 2022, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel il a notamment pris acte que les prestations d’aide financière étaient subsidiaires à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d’une prestation sociale, et s’est notamment engagé à respecter la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), en particulier à faire valoir immédiatement les droits auxquels il pouvait prétendre en matière d’assurances sociales, de prestations sociales et découlant du droit privé, outre à rembourser à l’hospice toute prestation indûment perçue.
B. a. Sur les formulaires annuels de demandes de prestations, A______ a toujours indiqué, et en dernier lieu le 30 mars 2022, qu'il disposait seulement de deux comptes bancaires, tous deux auprès de B______, soit un compte privé et un compte épargne.
b. Lors de l'entretien que A______ a eu avec son assistante sociale le 16 juin 2023, il a annoncé à celle-ci avoir transféré son capital de prévoyance à la banque C______. L'assistante sociale a demandé à A______ de remettre un relevé attestant du transfert et de son montant. Le précité a alors indiqué qu'il avait déjà retiré CHF 20'000.- pour son mariage. Il s'était en effet marié au Maroc le 17 mai 2023 et avait demandé un regroupement familial pour sa nouvelle épouse. L'assistante sociale a donc demandé également qu'il produise l'avis de débit de son compte pour les CHF 20'000.- ainsi que son acte de mariage. L'hospice devait aussi être informé de l'avancement des démarches en cours auprès de l'office cantonal de la population et des migrations.
c. Lors de l'entretien de suivi du 22 août 2023, A______ a remis copie d'une traduction de son acte de mariage marocain.
d. Par courrier du 22 août 2023, l'hospice a demandé à A______ de transmettre les relevés du compte C______ qu'il avait ouvert, ce depuis l'ouverture dudit compte.
e. Le 31 août 2023, A______ a remis l'extrait correspondant du compte C______ ouvert le 8 février 2023. Le compte avait été crédité de CHF 49'607.97 le 11 avril 2023. Entre cette dernière date et le 30 août 2023, le précité avait fait divers paiements pour un montant total de CHF 45'658.95, ainsi qu'un versement de CHF 1'600.- sur un autre de ses comptes, lequel était inconnu de l'hospice.
f. Par décision du 1er novembre 2023, le centre d'action sociale (ci-après : CAS) des D______a mis un terme aux prestations d'aide financière qui étaient accordées à A______, à partir du 31 août 2023, et lui a demandé le remboursement de CHF 9'554.45, somme correspondant à l'aide financière reçue entre le 1er mai et le 31 août 2023.
C. a. Le 3 novembre 2023, A______ a formé opposition contre la décision précitée.
b. Par décision du 19 janvier 2024, la direction de l'hospice a rejeté l'opposition et confirmé tant l'arrêt de l'aide financière que la demande de restitution.
Il était précisé « à toutes fins utiles » que les conditions d'une remise au sens de l'art. 42 LIASI n'étaient pas remplies, dès lors qu'en ayant violé son devoir de renseigner, l'intéressé ne remplissait pas la condition de la bonne foi.
D. a. Par acte posté le 5 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, en concluant à ce qu'il lui soit fait « une remise pour la dette de l'hospice ».
Il regrettait d'avoir retiré la somme de sa prévoyance professionnelle. Il n'y avait rien gagné car il se retrouvait avec une dette envers l'hospice et envers des amis. Son but était d'arriver à l'âge de la retraite sans les dettes qu'il avait et qui « traîn[aient] depuis longtemps ». Étant sans ressources depuis fin août 2023, il avait épuisé l'argent qui lui restait en payant ses charges courantes. Il avait dû emprunter de nouveau CHF 4'000.- pour payer le loyer et ses factures habituelles. Il avait commencé à toucher sa retraite, soit CHF 1'396.- par mois, dès le 5 janvier 2024. Il avait des factures d'assurances et autres cotisations sociales impayées pour les mois de septembre à décembre 2023.
b. Le 14 mars 2024, l'hospice a conclu au rejet du recours.
Le recourant avait débloqué son deuxième pilier et perçu la somme de CHF 46'907.97 le 11 avril 2023 sans en informer l'hospice. Il avait donc fautivement violé son obligation de renseigner.
Il ne pouvait ainsi se prévaloir de sa bonne foi. La première condition cumulative posée par l'art. 42 LIASI n'étant pas remplie, une remise n'était pas possible.
c. Un délai au 26 avril 2024 a été fixé aux parties pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
d. Aucune des parties ne s'est manifestée.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le recourant demande uniquement à bénéficier d'une remise s'agissant de la somme dont la restitution est demandée par l'hospice.
2.1 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.
2.2 En droit genevois, la LIASI et le RIASI mettent en œuvre ce principe constitutionnel.
La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées).
2.3 Sous réserve des cas spécifiques tels que les art. 37 à 39 LIASI, le remboursement des prestations d’aide financière est régi par l’art. 36 LIASI. Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). L’hospice réclame, par décision écrite, au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).
Une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/1148/2024 du 1er octobre 2024 consid. 6.8 ; ATA/375/2022 du 5 avril 2022 consid. 3h). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/375/2022 précité consid. 3h et les arrêts cités).
2.4 Il n'appartient, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, pas à l'État, et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/1232/2023 du 14 novembre 2023 consid. 3.9 et les arrêts cités).
2.5 Le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).
Un bénéficiaire qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/1148/2024 précité consid. 7.2). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/1310/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3).
2.6 En l'occurrence, le recourant a formulé sa demande de remise au stade de la procédure de recours. Pour des raisons évidentes d'économie de procédure et dans la mesure où l'hospice s'est exprimé sur ladite demande tant dans la décision sur opposition que dans sa réponse, il y a lieu de trancher ce point dans ce cadre, sans qu'il soit nécessaire de le renvoyer à l'hospice pour décision préalable.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recourant a omis de déclarer à l'hospice l'ouverture d'un compte bancaire, la réception sur celui-ci d'une somme de CHF 46'907.97 ainsi que le désintéressement de divers créanciers, sans parler de l'existence d'au moins un autre compte non annoncé. Il ne pouvait ignorer l’importance que revêtaient ces éléments pour la détermination de son droit aux prestations, étant rappelé qu’en signant le document « Mon Engagement », il s’était expressément engagé à signaler l’existence de l’intégralité de ses biens. Il sera pour le surplus rappelé qu'il n'appartient pas au bénéficiaire d'analyser les éventuels éléments à communiquer à l'hospice, l'examen de la pertinence du montant de la fortune du recourant relevant de la seule compétence de l'administration.
En l'absence de bonne foi, le recourant ne répond pas à l'une des deux conditions cumulatives nécessaires pour obtenir la remise sollicitée, si bien que son recours ne peut qu'être rejeté.
3. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ‑ RFPA - E 5 10.03) et, au vu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 5 février 2024 par A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 19 janvier 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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