Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1235/2024 du 21.10.2024 ( EXPLOI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1509/2024-EXPLOI ATA/1235/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 21 octobre 2024 2ème section |
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dans la cause
A_____ SA recourante
représentée par SOCIÉTÉ FIDUCIAIRE PRÉVISA, mandataire
contre
DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représentée par Me Émilie CONTI MOREL, avocate
A. a. A_____ SA (ci-après : la société), inscrite le 7 février 1983 au registre du commerce du canton de Genève, a pour but l’achat, la vente, l’importation et la représentation de machines, mobilier et articles de bureau. Elle a pour actionnaires les époux B_____, administratrice avec signature individuelle, et C_____, directeur avec signature individuelle.
B. a. Le 30 avril 2021, la société a présenté une demande d'aide pour cas de rigueur dans le cadre de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.
Le chiffre d’affaires de l’exercice 2018 était de CHF 3'194'794.-, celui de l’exercice 2019 de CHF 3'474'136.-, celui de 2020 ou des douze derniers mois précédant la demande de CHF 2'148'541.- et celui réalisé pendant la fermeture de CHF 659'949.‑. Les charges totales de l’exercice 2020 était de CHF 1'198’709.-.
Elle a joint à sa demande une convention d’octroi de contribution à fonds perdu conclue le 16 avril 2021 avec l’État de Genève et signée pour la société par B_____, laquelle renvoyait à la législation applicable et stipulait notamment que l’entreprise bénéficiaire s’engageait, pour les trois exercices suivant l’octroi des mesures pour cas de rigueur ou jusqu’au remboursement des aides obtenues, à, cumulativement : ne décider ni ne distribuer aucun dividende ou tantième ni ne rembourser d’apport de capital ; ne pas octroyer de prêts à ses propriétaires ; ne pas transférer les fonds accordés par l’État à une société tierce ou à une société du groupe qui lui est directement ou indirectement liée et dont le siège n’est pas en Suisse, étant précisé que le paiement d’intérêts et d’amortissement à l’intérieur d’un groupe demeure admissible et que l’entreprise est libérée de ces obligations si l’aide octroyée a été remboursée. (art. 5.2). Les règles relatives à l’obligation d’informer, au suivi et aux restrictions ainsi que les questions de restitution et de poursuites étaient exposées dans le règlement d’application de la loi genevoise (art. 6).
b. Par décision du 26 mai 2021, le département du développement économique (ci‑après : le département) lui a accordé une aide de CHF 321'261.-, retenant des chiffres d’affaires 2018 et 2019 de respectivement CHF 3'361'915.- et 3'581'069.-, un chiffre d’affaires 2020 de CHF 2'213'125.-, des coûts totaux 2020 de CHF 2'534'385.- et des coûts fixes de CHF 336'875.-.
Il était rappelé que les services du département étaient légitimés à effectuer des contrôles a posteriori, une aide accordée à tort pouvant faire l'objet d'une demande de restitution.
c. Par décision du 22 novembre 2023, le département a réclamé à la société le remboursement de l’aide de CHF 321'261.-.
Les vérifications complémentaires auxquelles il avait procédé avaient révélé que durant l’année 2023, la société avait décidé de distribuer des dividendes pour un montant de CHF 130'000.- en faveur de ses associés lors de l’assemblée générale ordinaire du 13 juillet 2023. La distribution contrevenait aux prescriptions de l’art. 6 let. a ch. 1 de l'ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 du 25 novembre 2020 (ordonnance Covid-19 - RS 951.262, rebaptisée le 2 février 2022 ordonnance Covid-19 Cas de rigueur 2020 - OMCR 20).
d. Le 21 décembre 2023, la société a formé une réclamation auprès du département.
Les époux B_____ avaient vu leur salaire baisser drastiquement en 2022 et n’avaient pas pu bénéficier d’indemnités pour la réduction d’horaires. Le chiffre d’affaires de la société avait baissé de 38% en 2020, 34% en 2021 et 16% en 2022. Les exercices 2020 et 2021 avaient été déficitaires, et si l’exercice 2022 avait connu un bénéfice, c’était parce qu’ils avaient drastiquement réduit leur salaire. Si la société avait continué à leur verser le même salaire que les années précédentes, le résultat aurait été négatif, le département n’aurait pas été avisé et aucune demande de restitution ne lui aurait été adressée. Ils avaient voulu bien faire en réduisant leurs salaires dès le mois de février 2022 tout en espérant pouvoir prélever ultérieurement une rémunération par l’octroi d’un dividende après clôture, et pour autant que le résultat le permette. Ils avaient remboursé le 8 juillet 2022 le crédit Covid de CHF 350'000.- obtenu en 2020. À la clôture des comptes annuels 2022 en juin 2023, ils avaient constaté un bénéfice de CHF 232'251.-. La distribution d’un dividende de CHF 130'000.- avait été décidée sur conseil de leur fiduciaire, car elle leur permettait de compenser les montants qu’ils avaient tout de même prélevés durant l’année 2022 afin de subvenir à leurs besoins et qui figuraient à l’actif du bilan dans le compte courant C_____. Pas plus que leur fiduciaire, ils n’avaient alors pensé aux restrictions contenues dans la convention d’octroi du 16 avril 2021. Ils avaient agi en toute bonne foi pour le bien de leur société sans que celle-ci ne s’enrichisse ni ne bénéficie d’un avantage indu. Ils avaient eux-mêmes été imposés. Ils avaient décidé de tenir une assemblée générale extraordinaire des actionnaires le 27 novembre 2023, laquelle avait révoqué la décision d’octroi du dividende. L’annulation était encore possible dès lors que le dividende n’était pas encore échu. Ils avaient enfin remboursé CHF 78'254.- à la société, correspondant au solde du compte courant C_____. Ils avaient fait preuve de bonne foi en régularisant immédiatement la situation.
e. Par décision du 3 avril 2024, le département a rejeté la réclamation.
Les efforts financiers consentis par les époux B_____ pouvaient être attendus d’eux au regard de la situation sans précédent. La société avait signé la convention d’octroi et s’était notamment engagée à ne pas distribuer de dividendes durant l’exercice donnant droit à l’aide et les trois exercices suivants et cela indépendamment de l’année durant laquelle les bénéfices avaient été réalisés. Il n’était pas contesté qu’un dividende avait été distribué durant cette période et le fait qu’il avait été révoqué ne constituait pas une raison suffisante pouvant entraîner la modification de la décision de remboursement.
C. a. Par acte remis à la poste le 3 mai 2024, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la suspension de la perception de la facture du 22 novembre 2023 jusqu’à droit jugé.
Elle a repris l’argumentation de sa réclamation. Sans l’aide, elle aurait dû licencier trois ou quatre collaborateurs. Pour que son remboursement puisse être réclamé, l’aide financière devait avoir été utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes. Un nouveau formulaire avait été adressé à l’administration fédérale des contributions après la révocation du dividende et celle-ci avait annulé la perception de l’impôt anticipé ainsi qu’il ressortait d’un décompte qu’elle produisait.
b. Le 7 juin 2024, le département a conclu au rejet du recours.
Une disposition similaire concernant les dividendes se trouvait dans la législation sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19. Les remboursements en capital étaient pareillement interdits. Le but était d’éviter que les aides étatiques ne se retrouvent dans la fortune personnelle des ayants droit des entreprises.
La décision d’octroyer un dividende suffisait pour constituer une violation de l’engagement pris par la recourante. La révocation de la décision n’était pas de nature à guérir la violation, ce d’autant moins qu’elle était la conséquence de la décision ordonnant le remboursement. Seul était déterminant le fait que le département avait constaté lors du contrôle que le versement d’un dividende avait été décidé, ce qui établissait que les allocations avaient été utilisées contrairement à leur but. Les motifs qui avaient conduit la recourante à allouer un dividende étaient sans pertinence. La réduction du salaire des dirigeants ne justifiait pas de dérogation aux principes, étant observé que la rémunération du travail devait prendre la forme d’un salaire, non de dividende, sous peine d’éluder les obligations en matière d’assurances sociales.
c. Le 10 juillet 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Les sommes comptabilisées dans le compte courant C_____ constituaient non pas un prêt de durée indéterminée mais des avances en attente de régularisation. Grand mal avait pris les actionnaires de vouloir réduire le déficit de leur société. S’ils avaient continué de prélever des salaires, on ne leur aurait pas demandé le remboursement de l’aide étatique. Deux erreurs avaient effectivement été commises. Des avances avaient été portées à l’actif au bilan en lieu et place d’avoir été laissées en charges puis une décision de distribution de dividende avait été prise afin de rétablir la situation. La société et sa fiduciaire étaient focalisées sur le remboursement du crédit COVID-19 et les restrictions concernant l’aide étatique à fond perdu leur avaient clairement échappé. Les actionnaires étaient débiteurs temporairement au 31 décembre 2022 des transferts effectués, mais la situation avait été rétablie par le remboursement opéré le 21 décembre 2023.
d. Le 12 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 19 al. 2 de la loi 12'938 du 30 avril 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 - LAFE-2021 ; art. 27 al. 5 du règlement d'application de la LAFE-2021 - RAFE-2021 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du département réclamant la restitution de l’aide financière octroyée à la recourante dans le contexte de l'épidémie de Covid-19 au motif que la recourante avait décidé de verser un dividende de CHF 130'000.- le 13 juillet 2023.
2.1 Le 25 septembre 2020, l'Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid‑19 (loi Covid-19 - RS 818.102), entrée en vigueur le 26 septembre 2020.
Son art. 12, consacré aux « mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises », a été modifié lors des sessions de l'Assemblée fédérale des 18 décembre 2020 et 19 mars 2021. Le 17 décembre 2021, sa durée de validité a été prolongée au 31 décembre 2022.
À son al. 1ter, il prévoit que pour pouvoir bénéficier d’une mesure pour les cas de rigueur, l’entreprise soutenue ne doit pas, pour l’exercice comptable durant lequel la mesure est octroyée et pour les trois exercices comptables qui suivent : (a) distribuer de dividendes ou de tantièmes ou décider de leur distribution ni (b) rembourser d’apports en capital ou décider de leur remboursement.
2.2 Dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, à la section 2 relative aux exigences relatives aux entreprises et sous la note marginale « restrictions de l’utilisation », l’art. 6 OMCR 20 prévoit que l’entreprise a fourni au canton les garanties suivantes : (a) durant l’exercice au cours duquel des mesures pour cas de rigueur ont été octroyées et pour les trois exercices suivants ou jusqu’au remboursement des aides obtenues : (a) elle ne décide ni ne distribue aucun dividende ou tantième et ne rembourse pas d’apports de capital, et (2) elle n’octroie pas de prêts à ses propriétaires ; (b) elle ne transfère pas les fonds accordés à une société du groupe qui lui est liée directement ou indirectement et n’a pas son siège en Suisse; il lui est toutefois permis en particulier de s’acquitter d’obligations préexistantes de paiement d’intérêts et d’amortissements à l’intérieur d’un groupe.
2.3 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la LAFE-2021, qui a abrogé l’ancienne loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 du 29 janvier 2021
La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (16 al. 1 LAFE-2021). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l'art. 5 LAFE‑2021.
2.4 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le RAFE-2021.
Selon l'art. 3 RAFE-2021, sont bénéficiaires de l'aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’OMCR 20, définies dans ses sections 1 et 2 (al. 1). Les entreprises ne répondant pas au critère relatif au chiffre d’affaires doivent répondre aux exigences des sections 1 et 2 OMCR 20 (al. 2 et 3).
2.5 Selon le commentaire de l’OMCR 20 publié le 18 juin 2021 par l'Administration fédérale des finances (www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/67163. pdf), financées par l’État, les mesures pour les cas de rigueur sont destinées à garantir l’existence des entreprises suisses et à préserver les emplois. Par conséquent, l’année au cours de laquelle l’aide est allouée et les trois années qui suivent (c’est-à-dire, pour une contribution versée en 2021, les années 2021 à 2024) ou jusqu’au remboursement intégral de l’aide reçue, les fonds ne doivent pas être utilisés par les entreprises pour décider, ni distribuer des dividendes ou des tantièmes (p. 10). Les cantons auront compétence pour régir le soutien complémentaire. Par principe, ils devront tenir compte des exigences énoncées à l’art. 12 de la loi COVID-19. Ils devront ainsi prendre en considération en particulier la forme juridique et la date de création de l’entreprise, ainsi que le siège, le chiffre d’affaires minimal, la preuve d’un manque à gagner supérieur à 40% ou d’une fermeture ordonnée par les autorités, la situation patrimoniale, la dotation en capital et les coûts fixes non couverts, la viabilité, l’interdiction de distribuer des dividendes et, dans le cas des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions de francs, la participation aux bénéfices (p. 17).
Selon le commentaire de l’OMCR 20 du 11 mars 2022 (covid19.easygov.swiss/wp -content/uploads/2022/03/Erlauterungen-Hartefallverordnung-2022_FR.pdf), les mesures pour les cas de rigueur que l'État finance sont destinées à garantir l'existence des entreprises suisses et à préserver les emplois. Par conséquent, l'exercice au cours duquel l'aide sera allouée et les trois années qui suivront (c'est‑à‑dire, pour une contribution versée en 2022, les années 2022 à 2025) ou jusqu'au remboursement intégral de l'aide reçue, les entreprises ne devront pas utiliser les fonds pour décider, ni distribuer des dividendes ou des tantièmes. Dans les cas où l'allocation définitive ou le versement définitif de la contribution pour les cas de rigueur à l'entreprise bénéficiaire n'aura lieu qu'après 2022 en raison de problèmes transitoires (procédures en cours devant une instance administrative ou judiciaire), l'année 2022 sera considérée comme l'année du versement d'une contribution non remboursable. Pendant cette période ou jusqu'au remboursement intégral de l'aide reçue, les entreprises n'auront pas non plus le droit d'utiliser ces ressources pour décider ou exécuter un remboursement des apports en capital. Elles n'auront pas non plus le droit d'accorder des prêts à leurs propriétaires ni de rembourser des prêts à ces derniers afin de conserver les liquidités dans l'entreprise. Il leur sera en revanche permis de s'acquitter d'obligations préexistantes de paiements d'intérêts et d'amortissements ordinaires). Les paiements d'intérêts et d'amortissements ordinaires prévus contractuellement pour des prêts préexistants (y c. intérêts moratoires) seront autorisés aux fins du respect du principe pacta sunt servanda. Par contre, une entreprise n'aura par exemple pas le droit de rembourser un prêt à titre extraordinaire ou anticipé, en dehors des clauses contractuelles prévues (pp. 6‑7). Les contrôles ponctuels ultérieurs ou, si possible, des analyses complètes de données (concernant par ex. l'interdiction de verser des dividendes), associés à des sanctions en cas de manquement, constituent également un instrument important de la lutte contre les abus (p. 12).
2.6 Dans un arrêt 603 2023 54 du 9 janvier 2024, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté le recours formé par une société contre la demande de remboursement de l’aide Covid. Celle-ci avait distribué un dividende alors qu’elle s’était engagée à y renoncer (consid. 4.1). Le fait que la distribution ne s’était pas encore matérialisée lorsque l’État avait réclamé le remboursement et que la société avait alors renoncé à l’opération n’y changeait rien, la décision de verser un dividende constituant déjà une violation de l’engagement pris (consid. 4.2). Les mesures visaient la sauvegarde des entreprises en difficulté et des emplois, et non le maintien d'une situation financière propice au versement de dividendes pour garantir aux actionnaires un rendement sur leurs investissements (consid. 4.3.2).
2.7 En l’espèce, la recourante admet avoir décidé du versement d’un dividende durant la période où elle s’était engagée à ne pas le faire.
Elle invoque une inadvertance. Elle doit toutefois se laisser opposer les conséquences de son erreur, d’autant plus qu’elle avait pris un engagement exprès envers l’intimé au moment du versement de l’aide, et qu’elle était par ailleurs conseillée par sa fiduciaire.
Elle invoque le fait que le dividende n’a jamais été versé. Cet argument ne lui est d’aucun secours, dès lors que l’engagement qu’elle avait pris portait également sur la simple décision de verser un dividende. Il importe ainsi peu que celui-ci n’ait en pratique jamais été versé.
Elle fait valoir qu’elle s’est ravisée et a annulé la décision de verser le dividende. Pour les motif exposés ci-dessus, cette circonstance est sans portée, la décision ayant été prise et la violation de l’engagement consommée, la législation en matière d’aides Covid ne prévoyant pas pour le surplus de circonstance atténuante en cas de repentir.
Elle fait valoir que l’administration fiscale aurait corrigé sa taxation après que la décision de payer un dividende a été révoquée. Elle a cependant présenté dans un premier temps à l’administration fiscale des comptes comprenant un dividende. C’est la taxation fiscale qui tient compte de la réalité comptable issue de la vie économique de la société, en l’espèce des décisions en matière d’aides Covid, et la confirmation de la décision querellée pourrait d’ailleurs constituer un nouveau motif de révision de la taxation.
Il sera encore observé que le versement d’un dividende avait, selon les explications et les termes de la recourante elle-même, pour but de compenser comptablement une partie des « avances » aux actionnaires qu’elle avait consenties durant l’exercice et comptabilisées à l’actif, le solde devant être – et ayant été – compensé par un remboursement. La recourante, qui reconnaît une double erreur, ne peut prétendre que ses actionnaires n’auraient pas été avantagés. Elle ne peut pas plus soutenir que l’État, qui a versé l’aide et découvert par la suite qu’une des conditions à son octroi n’avait pas été respectée, n’aurait « souffert d’aucune lésion ».
La recourante fait encore valoir que le remboursement ne serait pas exigible faute pour l’aide d’avoir été utilisée à d’autres fins (16 al. 1 LAFE-2021). Elle ne peut être suivie. Il a été vu que la décision d’annuler la distribution d’un dividende était sans effet sur la violation de l’engagement. Par ailleurs, les avances concrètement consenties aux actionnaires constituaient indubitablement une utilisation « à d’autres fins » de l’aide perçue.
Enfin, la recourante expose qu’elle aurait pu maintenir les salaires de ses actionnaires et licencier des employés, sans s’exposer aux conséquences de la violation de son engagement. Elle se prévaut en réalité de ses choix économiques, dont il lui appartient d’assumer les conséquences selon la jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/833/2024 du 9 juillet 2024 ; ATA/ATA/231/2023 du 8 mars 2023 ; ATA/1050/2022 du 18 octobre 2022 ; ATA/501/2022 au 11 mai 2022), et qui sont sans pertinence pour l’issue du litige.
C’est ainsi conformément à la loi que l’intimé a réclamé à la recourante le remboursement de l’aide qu’elle lui avait versée.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
3. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2024 par A_____ SA contre contre la décision de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation du 3 avril 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A_____ SA un émolument de CHF 500.- ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à la SOCIÉTÉT FIDUCIAIRE PRÉVISA, mandataire de la recourante, ainsi qu'à Me Emilie CONTI MOREL, avocate de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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