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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1166/2023

ATA/1182/2024 du 08.10.2024 sur JTAPI/1440/2023 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1166/2023-TAXE ATA/1182/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2024

4e section

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE - TAXE PROFESSIONNELLE
COMMUNALE
recourante

contre

A______ SA intimée
représentée par Me Christian CHILLA, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 (JTAPI/1440/2023)


EN FAIT

A. a. Inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis le 22 juillet 2015, A______ SA (ci-après : la société) a pour but « l'offre de tous conseils, services et prestations dans le domaine immobilier, notamment la conception, la gestion, la promotion, le développement, la vente, l'achat, la mise en valeur de biens immobiliers, le courtage d'immeubles, les services d'expertises et de conseils en matière de biens immobiliers, de même que la prise de participations dans des sociétés immobilières ». B______ en est l’administrateur unique, avec signature individuelle.

b. Le service de la taxe professionnelle communale (ci-après : STPC) de la Ville de Genève (ci-après : la ville) ayant considéré que la contribuable n’avait pas débuté ses activités avant le 31 décembre 2016, ne l’a pas soumise à la taxe professionnelle communale (ci-après : TPC) pour la période de calcul 2015-2016.

B. a. Dans sa déclaration pour l’année de taxation 2019, fondée sur la période de calcul 2017-2018, la contribuable a indiqué des chiffres des affaires de respectivement CHF 1'679'969.- et CHF 1'048'198.- et des loyers professionnels de respectivement CHF 21'192.- et CHF 22'466.-.

b. Le 22 janvier 2020, le STPC a émis les bordereaux TPC 2017 à 2020, en considérant que la contribuable avait débuté ses activités dès le 1er janvier 2017.

Les taxations définitives de 2017 et reconduites en 2018 étaient calculées sur le chiffre des affaires de 2017 déclaré par la contribuable (CHF 1'679'969.-).

Les taxations définitives de 2019 et reconduites en 2020 étaient fondées sur la moyenne des chiffres des affaires 2017 et 2018, soit CHF 1'364'084.-.

Ces taxations tenaient par ailleurs compte des loyers professionnels déclarés par la contribuable (CHF 21'192.- et CHF 22'466.-).

c. Par courrier du 27 janvier 2020, la contribuable a contesté ces taxations. Les loyers professionnels retenus étaient erronés. Selon le contrat de bail, dont elle produisait un extrait, ces loyers s’élevaient à :

- CHF 17'880.- de février 2017 à février 2018,

- CHF 19'080.- de février 2018 à février 2019,

- CHF 20'280.- de février 2019 à février 2020,

- CHF 22'800.- de février 2020 à février 2021.

Les chiffres des affaires retenus étaient également inexacts. Ils étaient de CHF 1'676'969.- pour 2017 et de CHF 1'022'198.- pour 2018. Pour l’année 2019, le chiffre des affaires « probable » serait de CHF 371'457.-. L’exercice 2020, quant à lui, n’était pas encore bouclé. Le nombre d’employés, soit un, n’avait pas changé.

d. Par décision du 3 mars 2023, le STPC a admis partiellement cette réclamation et l’a rejetée pour le surplus.

Le système praenumerando bisannuel étant applicable en matière de TPC, les taxations 2018, 2019 et 2020 ne pouvaient être établies en fonction des éléments réalisés lors de ces années.

Les loyers de CHF 21'192.- pour l'exercice 2017 et de CHF 22’466.- pour l'exercice 2018, retenus dans le cadre des taxations contestées, avaient été indiqués par la contribuable dans sa déclaration 2019. Toutefois, ces loyers étaient ramenés à, respectivement, CHF 16'390.- et CHF 18'980.-, sur la base du contrat de bail remis par la contribuable.

À la suite des explications que cette dernière lui avait fournies par téléphone le 13 février 2023, la date de début de son activité effective devait néanmoins être corrigée. En effet, le 12 mai 2016, elle avait signé un acte en vue d’acquérir un terrain sis à Hermance.

À teneur des bordereaux rectificatifs émis le même jour, le chiffre des affaires imposable était fixé à CHF 1'024'973.- pour les TPC définitives 2017 et reconduites en 2018 et à CHF 1'362'584.-, pour les TPC définitives 2019 et reconduites en 2020. Cette dernière somme correspondant à la moyenne des chiffres des affaires 2017 (CHF 1'676'969.-) et 2018 (CHF 1'048'198.-) ressortaient des comptes que la contribuable avait remis avec sa réclamation.

C. a.  Par acte du 31 mars 2023, la contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), concluant principalement à ce que son assujettissement à la TPC débute le 1er août 2015 et à ce que son chiffre des affaires soit fixé à CHF 0.- pour les années 2016 et 2017, à CHF 839'984.- pour les années 2018 et 2019 et à CHF 885'606.- pour l'année 2020. Subsidiairement, elle a conclu à ce que son assujettissement à la TPC débute le 12 mai 2016 et à ce que son chiffre des affaires soit fixé à CHF 1'024’973.- pour l’année 2017, à CHF 1'362'584.- pour les années 2018 et 2019 et à CHF 885'606.- pour l'année 2020.

b. Le STPC a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions.

d. Par jugement du 18 décembre 2023, le TAPI a partiellement admis le recours, annulant les bordereaux TPC 2017 et 2018, et maintenant les bordereaux TPC 2019 et 2020.

Dans la mesure où la société avait effectivement commencé ou repris son activité le 12 mai 2016, elle devait être traitée sur la base de l’art. 310 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05), en vertu de l’art. 310A al. 4 let. a et b LCP. La première période de calcul (2015-2016) était incomplète, de sorte que la TPC devait être établie sur la base du premier exercice comptable de la société, lequel était de 18 mois et s’était soldé par un chiffre des affaires nul. La TPC 2015-2016 devait donc être fixée à CHF 0.-, de même que la TPC 2017. La TPC 2018 devait être fondée sur la moyenne des chiffres des affaires 2015-2016 (CHF 0.-) et 2017 (CHF 1'676'969.-), soit CHF 839'984.50. Les taxations de révision 2019 et reconduites 2020 devaient être calculées sur la base de la moyenne des chiffres des affaires 2017 (CHF 1'676'969.-) et 2018 (CHF 1'048'198.-), soit CHF 1'364'583.50. La « variation ducroire » de CHF 26'000.- n’était pas déductible du chiffre des affaires 2018, l’art. 304 al. 3 LCP ne le permettant pas.

D. a. Par acte du 22 janvier 2024, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation en tant qu’il admet partiellement le recours formé par la société et renvoie le dossier au STPC pour des nouveaux bordereaux TPC 2017 et 2018.

Considérer que la date de début effective de l’activité de la société fondait son assujettissement créait des distorsions et engendrait des inégalités de traitement. L’inscription au RC fondait effectivement pour une société anonyme (ci-après : SA) son assujettissement à la taxe communale, tout comme la demande de radiation déterminait la fin de son assujettissement. Une SA cessait d’être imposée selon le système praenumerando bisannuel dès la fin effective de son activité et ce quand bien même elle restait assujettie à la TPC et continuait d’établir des comptes annuels. Suivre le raisonnement du TAPI impliquait qu’une personne morale inscrite au RC le 1er février 2023 mais ayant débuté son activité effective seulement le 1er janvier 2024, ferait l’objet d’une taxation pour la période allant du 1er février au 31 décembre 2023 sur la base d’une activité déployée après l’abolition de la TPC, dès lors que le bouclement du premier exercice comptable serait intervenu après le 31 décembre 2023, ce qui ne correspondait pas à l’objectif du législateur. En appliquant les principes de taxation admis par le TAPI dans le jugement attaqué, une SA créée le 1.1 de l’année N, qui débutait son activité de manière effective le 1.1 de l’année N+2, puis cessait son activité le 31.12 de l’année N+3 après deux années d’activité effective avant sa dissolution et sa radiation du RC au 31.12 de l’année N+5, n’aurait à payer aucune TPC durant son existence, puisque celle des années N+2 et N+3, durant lesquelles elle avait eu une activité effective, était calculée sur la base des années N et N+1, durant lesquelles elle n’avait encore aucune activité. Puis, l’application de l’art. 310A LPC impliquait que la SA n’était pas taxée pour les années N+4 et N+5 sur la base des années N+2 et N+3, durant lesquelles elle avait eu une activité affective. Cette situation n’était pas celle voulue par le législateur. En exposant à l’art. 310A al. 1 LCP que la TPC était établie sur la base du premier exercice comptable, le législateur avait implicitement sous‑entendu que le contribuable devait avoir eu une activité durant le premier exercice comptable et, partant, que la durée dudit exercice devait être déterminée à partir du moment où l’activité avait débuté.

b. La société s’en est rapportée à justice quant à la recevabilité et au bien-fondé du recours.

c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le calcul de la TPC due par de la recourante, en lien avec la date du début de ses activités, pour les années 2017 et 2018. À ce stade, les bordereaux TPC 2019 et 2020 ne sont plus contestés.

2.1 Les communes du canton de Genève peuvent prélever la TPC, notamment auprès des sociétés anonymes qui ont dans le canton leur siège ou un établissement stable (art. 301 al. 1 let. c LCP).

Selon la jurisprudence et la doctrine dominante, il s'agit d'un impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2P.9/1994 du 6 juin 1995 consid. 2b, in SJ 1996 p. 100 confirmé in 2P.241/2003 du 3 novembre 2004 consid. 2.3, in RF 60/2005 p. 359 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd. 2021, n. 83, p. 373) qui frappe l'entreprise en fonction de son importance économique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_199/2015 du 31 mai 2016 consid. 3 ; 2C_552/2012 du 3 décembre 2012 consid. 5.6). Il est perçu sur le revenu probable de l'activité déployée, calculé sur la base de coefficients applicables aux chiffres annuels des affaires du contribuable concerné, aux loyers annuels de tous les immeubles qu'il occupe professionnellement et à l'effectif annuel des personnes travaillant dans son entreprise (art. 302 LCP). Dans le système de la TPC, l'importance économique de l'entreprise est mesurée à l'aune de plusieurs critères qui permettent ensemble d'affiner et de pondérer la réelle capacité contributive de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2019 du 25 février 2019 consid. 7.2).

Selon les travaux préparatoires de la novelle de 1969 (loi 3'362), la TPC est une contribution aux dépenses de la collectivité qui est exigée de toute personne qui exerce une activité lucrative indépendante ou exploite une entreprise commerciale sur le territoire de la commune, quel que soit le bénéfice réalisé, et même en l'absence de tout bénéfice. Ne visant pas à imposer le revenu net, la taxe professionnelle doit toutefois être proportionnée à la dimension des entreprises assujetties. C'est pourquoi il a fallu mettre sur pied tout un système permettant de déterminer l'importance relative des entreprises entre elles (MGC 1969 I 658).

2.2 Le rôle des contribuables est établi et mis à jour par l’autorité communale de taxation (art. 309 al. 1 LCP). Tous les contribuables assujettis à la TPC sont tenus de s’annoncer spontanément auprès de cette autorité (art. 309 al. 2 LCP).

L’existence d’une activité effective n’est pas une condition à l’assujettissement des sociétés anonymes, en commandite par action, à responsabilité limitée et coopérative. Ce type de contribuables doit donc s’annoncer spontanément à l’autorité communale de taxation, dès son inscription au RC et sans attendre le début de son activité effective (MGC 1984 IV 4966).

2.3 Conformément aux principes de taxation, les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction (art. 310 al. 1 let. a CP). La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l'année suivante pour le même montant (art. 310 al. 1 let. b LCP).

La période de taxation, soit celle pendant laquelle la taxation est faite et la période fiscale, soit celle pour laquelle l’impôt est dû, coïncident, alors que la période de calcul, soit celle dont le revenu sert de base au calcul de l’impôt, les précède. L’imposition de la TPC se fait donc normalement selon le système praenumerando (ATA/604/2005 du 13 septembre 2005 ; ATA N. du 21 juin 1994 et les références citées).

La volonté du législateur de prendre en compte la capacité contributive des contribuables a motivé l’adoption de l’art. 310 al. 1 LCP : « Depuis longtemps les commissions taxatrices de certaines communes ont constaté que le classement des contribuables devait être révisé périodiquement pour éviter des inégalités entre eux. C'est pourquoi les autorités de taxation de plusieurs communes envoient aux personnes assujetties à la taxe, tous les trois ou quatre ans, des formules de déclaration afin de pouvoir tenir compte des modifications qui surviennent dans la vie des entreprises. Ce système n'est toutefois pas sans inconvénient. En effet, bien souvent, l'autorité de taxation est amenée à fixer des taxes en se basant sur un exercice qui peut être exceptionnellement favorable ou défavorable. Ainsi, le contribuable se trouve soit avantagé, soit désavantagé jusqu'à la prochaine révision. En vue de corriger cet état de choses, les contribuables seront taxés tous les deux ans sur la base de la moyenne des éléments des deux années précédentes. Il résulte de cette décision que le nom même de la taxe doit être modifié et que dorénavant elle s'intitulera "taxe professionnelle" et non plus "taxe professionnelle fixe" » (MGC 1969/I 663 ; ATA/782/2020 du 18 août 2020 consid. 7).

Pour atténuer les inconvénients découlant d’une application trop stricte du principe de la taxation praenumerando dans des cas particuliers, le législateur a adopté l’art. 310A LCP.

2.4 Selon l’art. 310A LCP, qui traite des « cas particuliers », lorsque la période de calcul ne comprend pas encore deux années complètes d’assujettissement au sens de l’art. 301 al. 1 LCP, la taxe professionnelle communale est établie sur la base du premier exercice comptable. Si cet exercice est de moins de douze mois, la taxe ne peut être reconduite l’année suivante (al. 1). L’autorité de taxation peut établir une taxe provisoire pour l’année lorsque les éléments nécessaires au calcul de la taxe définitive font encore défaut et qu’une taxe d’office n’est pas justifiée. Cette taxe ne devient définitive que dans l’année qui suit la mise à disposition de ces éléments de calcul (al. 2). En cas de changement total du type d’activité, la taxe professionnelle communale est établie comme en début d’assujettissement (al. 3).  En cas de cessation d’activité, la taxation est la suivante : les contribuables qui mettent fin à leur activité lucrative principale sont taxés normalement, sur les bases définies à l’art. 310 al. 1 LCP, mais en proportion du temps pendant lequel ils l’ont exercée (let. a) ; cependant, les effets de la let. a sont annulés pour les contribuables visés à l’art. 301 al. 1 let. c LCP, s’ils reprennent cette activité dans l’année même de sa cessation ou au cours des cinq ans qui suivent (let. b. al. 4).

De jurisprudence constante, cette disposition permet au contribuable de n’être imposé, selon le système de taxation praenumerando, qu’en proportion du temps pendant lequel il a exercé son activité lucrative principale (ATA/604/2005 du 13 septembre 2005 consid. 7 ; ATA VdG du 16 octobre 1991 ; ATA VdG du 28 juin 1989).

Cependant, même si elles mettent fin à leur activité lucrative principale, les sociétés visées à l’art. 301 al. 1 let. c LCP, notamment les sociétés anonymes, restent assujetties à la TPC jusqu’à la radiation du registre du commerce (MGC 1984 42/IV 4967).

Pour répondre à l’objectif d’équité poursuivi par la loi, l’assiette de l’impôt doit être revue, afin de n’y englober que les activités résiduelles effectivement déployées en Ville de Genève (ATA/135/2015 du 3 février 2015 consid. 10 et les références citées), la taxation s’opérant, selon le système postnumerando, sur les éléments qui demeurent en fonction des éléments de l’année de taxation.

2.5 En tant qu'impôt, la TPC doit respecter les principes régissant l'imposition, notamment les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). En vertu de l'art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. En matière fiscale, le principe de l'égalité de traitement est repris à l'art. 127 al. 2 Cst. précité.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (ATF 138 V 176 consid. 8.2 ; 134 I 23 consid. 9.1 ; 131 I 1 consid. 4.2). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; 138 I 265 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 129 I 346 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_200/2011 du 14 novembre 2011 consid. 5.1).

2.6  

2.6.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard, notamment la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

2.6.2 Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

2.7 En l’espèce, les parties admettent que la société a débuté son activité effective le 12 mai 2016, bien qu’elle eût été inscrite au RC le 22 juillet 2015.

Dans le jugement attaqué, le TAPI a retenu que la première période de calcul correspond aux années 2015-2016, de sorte que la TPC devait être établie sur la base du premier exercice comptable de la société de 18 mois et soldé par un chiffre des affaires nul. En revanche, la recourante a considéré que la première période de calcul débutait le 12 mai 2016, soit à la date à laquelle l’intimée avait concrètement déployé son activité effective. Elle a ainsi fondé le calcul de la TPC 2017 sur la base du chiffre des affaires 2016 nul et de celui de l’année 2017.

À cet égard, la recourante soutient que l’approche du TAPI serait contraire à la volonté du législateur, car elle engendrerait des inégalités de traitement entre les contribuables, en particulier au regard de l’abolition de la TPC à partir du 1er janvier 2024.

Or, d’une part, il ressort de l’art. 309 LCP et des travaux législatifs y relatifs que l’inscription au RC conditionne le début de l’assujettissement d’une SA à la TPC, et non pas le début de son activité effective. In casu, dès lors que l’intimée a été inscrite au RC le 22 juillet 2015, elle était assujettie à la TPC dès cette date.

D’autre part, contrairement aux allégations de la recourante, il ressort des travaux législatifs susrappelés en lien avec l’art. 310 al. 1 LCP, que le législateur a précisément voulu l’imposition de la TPC selon le système praenumerando afin de tenir compte de la capacité contributive du contribuable. Ledit système implique que tant qu’une SA est inscrite au RC, elle demeure soumise à la TPC si celle‑ci exerce une activité effective. Tandis que le législateur a envisagé expressément comme cas particulier d’application du système postnumerando, celui dans lequel une SA mettrait un terme à son activité effective avant sa radiation, il n’a pas prévu la même hypothèse en cas de début différé de l’activité effective par rapport à l’inscription au RC. En revanche, le législateur a expressément prévu que si le premier exercice est de moins de douze mois lors de la première période de calcul (laquelle se réfère aux années d’assujettissement et non pas d’activité effective), la TPC ne peut être reconduite l’année suivante. Cela implique clairement a contrario que lorsque l’exercice comptable est de plus de douze mois, la TPC peut être reconduite l’année suivante.

En l’occurrence, l’intimée a été assujettie à la TPC dès le 22 juillet 2015, date fixant le début de la période de calcul, et son premier exercice porte sur la période du 1er août 2015 au 31 décembre 2016, soit 18 mois. Dès lors que le premier exercice de l’intimée était supérieur à douze mois, le TAPI ne pouvait, contrairement au souhait de la recourante, lui appliquer l’art. 310A al. 1 LCP. En outre, étant donné que l’intimée a commencé son activité qu’elle a ensuite poursuivie, le système praenumerando lui est applicable tel que prévu par la LCP au sens de l’art. 310 al. 1 LCP. À teneur des faits, aucune cessation d’activité justifiant une application du système postnumerando n’est intervenue.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le TAPI a retenu qu’au même titre que la TPC 2015-2016, la TPC 2017 devait être fixée à CHF 0.- et la TPC 2018 devait être fondée sur la moyenne des chiffres des affaires 2015-2016 et 2017.

Partant, le recours sera rejeté.

3.             Aucun émolument ne sera mis à la charge de la commune en application de l’art. 87 al. 1 LPA. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimée n’y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2024 par la Ville de Genève - taxe professionnelle communale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

 

communique le présent arrêt à la Ville de Genève - taxe professionnelle communale, à Me Christian CHILLA, avocat de A______ SA, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :