Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1124/2024 du 24.09.2024 ( FORMA ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/242/2024-FORMA ATA/1124/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 septembre 2024 2ème section |
| ||
dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Stéphane GRODECKI, avocat
contre
UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée
A. a. A______ (ci-après : l’étudiant) est né le ______ 2001.
Le 6 juillet 2019, alors qu’il pratiquait le wakeboard équipé d’un casque, il a chuté contre un tremplin et subi un traumatisme crânien. À l’issue d’une hospitalisation de quatre jours, il présentait des signes de lésions axonales diffuses, nécessitant un suivi neuropsychologique et une neurorééducation.
b. Selon un certificat médical du 22 septembre 2023 de son médecin, des séquelles persistaient sous forme de perturbations de la capacité de concentration, pouvant s’accentuer lors de périodes de stress, par exemple lors d’examens. Il était donc souhaitable qu’il bénéficiât d’un temps additionnel pour rendre ses travaux et d’une certaine tolérance de ses examinateurs.
c. Selon un certificat médical du 12 janvier 2024 de son médecin, les lésions subies à la suite de l’accident étaient la cause d’une fatigabilité ainsi que de troubles attentionnels, exécutifs et mnésiques. Il en résultait une fragilité au niveau de la mémoire de travail et un ralentissement de la capacité d’apprentissage. L’étudiant avait donc besoin d’un temps additionnel dans certaines circonstances, notamment lors d’examens. Il résultait également de son traumatisme et de ses lésions une mauvaise perception de ses capacités d’apprentissage, qu’il surestimait. Cela l’incitait à ne pas utiliser les mesures de soutien devant lui être octroyées et à cacher son état.
d. Une évaluation neuropsychologique du 27 février 2024, réalisée par l’unité de neuropsychologie de l’enfant et adolescent de l’université de Genève (ci-après : l’université), confirme un déficit attentionnel d’intensité modérée affectant l’attention soutenue, des difficultés exécutives sévères affectant les situations de doubles tâches, ainsi que de légères difficultés mnésiques dans les situations où l’information devait être manipulée en mémoire. Les performances de l’étudiant étaient fluctuantes et il rencontrait des difficultés linguistiques discursives dans les moments de stress. Ces éléments, compatibles avec le traumatisme crânien subi en 2019, justifiaient des mesures d’aménagement telles l’octroi d’un tiers-temps supplémentaire dans le cadre d’examens.
B. a. En automne 2021, l’étudiant s’est immatriculé à l’université pour suivre un baccalauréat universitaire au sein de la faculté d’économie et management (ci‑après : bachelor).
b. Le 12 novembre 2021, il a sollicité un tiers-temps supplémentaire pour passer un examen de mathématique. Il a produit un certificat médical du 11 novembre 2021 certifiant qu’il avait besoin d’un tel aménagement à la suite de l’accident du 6 juillet 2019. L’université lui a répondu que sa demande était tardive et l’a invité à la renouveler, moyennant la transmission des documents requis, pour les prochaines sessions d’examens de mai/juin et août/septembre 2022.
À l’issue de cette dernière session, l’étudiant a réussi la première partie du bachelor, sans requérir d’aménagement des conditions d’examen.
c. Durant la session ordinaire de janvier/février 2023 puis la session extraordinaire d’août/septembre 2023, il a passé plusieurs examens avec succès, après une ou deux tentatives, ce qui lui a permis d’obtenir 51 crédits sur les 120 requis pour la deuxième partie du bachelor. Il a toutefois échoué à l’examen d’« Asset Pricing and Corporate Finance I » (ci-après : l’examen), obtenant deux fois la note de 2.5.
En raison de ce double échec, il a été éliminé de la formation par décision de l’université du 15 septembre 2023.
d. Selon un certificat médical établi à la même date, l’étudiant avait présenté une affection médicale dès le 13 janvier 2023, ayant nécessité un traitement médicamenteux. La combinaison de l’affection et du traitement avait entraîné des vertiges, des troubles de la vision et un déficit de concentration. L’étudiant avait nonobstant tenté de passer l’examen le 17 janvier, sans succès. Cet échec étant lié à ses soucis médicaux, il était raisonnable de lui accorder une nouvelle chance.
e. Le 29 septembre 2023, l’étudiant a formé opposition contre son élimination du bachelor.
Il n’avait pas persisté à requérir un aménagement des conditions d’examen après sa demande tardive de novembre 2021, car il craignait de péjorer son dossier académique et par conséquent ses perspectives professionnelles.
Le 17 janvier 2023, il avait passé l’examen alors qu’il était très malade et sous traitement depuis deux jours. Il avait dû abandonner après 40 minutes à cause de vertiges, troubles de la vision et maux de tête. En raison de son accident passé, les périodes de haute activité intellectuelle lui étaient très éprouvantes. Il s’était renseigné auprès du service des étudiants sur la meilleure démarche à effectuer à la suite de l’examen. On lui avait conseillé de se concentrer sur ceux à venir et de faire valoir un certificat médical si son état ne lui permettait pas de les passer. Son attention n’avait pas été attirée sur l’impossibilité de se présenter à une troisième tentative en cas de note inférieure à 3 ou d’échec définitif.
f. Le 22 décembre 2023, l’université a rejeté l’opposition.
En passant l’examen tout en se sachant malade et sous traitement, l'étudiant avait pris le risque de se présenter dans un état déficient, ce qui excluait l’annulation de ses résultats. Il n’avait pas non plus consulté de médecin immédiatement après la survenance du problème de santé allégué. Son certificat médical du 15 septembre 2023 était tardif et celui du 22 septembre 2023 impropre à démontrer un lien de causalité entre sa pathologie et son échec.
g. En automne 2023, l’étudiant s’est inscrit à la faculté de droit de l’université.
Le 6 janvier 2024, il a fait une demande d’aménagement pour ses examens du printemps 2024, qu’il a été invité à compléter par l’université les 25 et 26 janvier suivants, un bilan neurologique faisant défaut.
C. a. Par acte du 22 janvier 2024, l’étudiant a recouru contre la décision sur opposition de l’université du 22 décembre 2023, concluant à son annulation, à ce qu’une nouvelle tentative de passer l’examen lui soit accordée, et à la mise en place de mesures d’aménagement liées au handicap pour tout son parcours universitaire. Il a préalablement requis, outre la production de son dossier académique et son audition personnelle, la mise en œuvre d’un bilan neuropsychologique, l’audition de son médecin et une expertise médicale.
La décision de l’université ne permettait pas d’apprécier dans quelle mesure elle avait tenu compte des séquelles consécutives à l’accident, dont elle avait été informée à la rentrée 2021 ainsi que dans le cadre de l’opposition. La décision ne faisait en outre nullement mention des informations qui avaient été transmises au recourant par le secrétariat des étudiants, lesquelles ne lui avaient pas permis de se déterminer utilement sur « la suite à donner ». Cela violait son droit d’être entendu.
Il souffrait encore de troubles affectant de manière significative ses capacités d’apprentissage, ainsi que d’une forme d’anosognosie, ne lui permettant pas d’appréhender la portée de ses limitations. Il en avait informé l’université à la rentrée 2021 afin de bénéficier des adaptations dont il avait besoin. La réponse reçue, laconique et formaliste, n’avait nullement pris en compte sa problématique médicale. L’accès à ces mesures était trop complexe pour des personnes souffrant de son handicap. En maintenant sa décision nonobstant les explications données et les certificats produits, l’université avait pris une mesure discriminatoire, entachée d’arbitraire.
Contrairement à l’opinion de cette dernière, le lien de causalité entre sa condition médicale et son élimination de la formation était établi. Ses problèmes de santé étaient de nature à affecter ses capacités scolaires durant l’intégralité de son cursus, mais plus spécifiquement durant l’examen. L’intensité de ses symptômes étant extrêmement variables, il avait pu réussir d’autres épreuves. Il avait bien tenté de faire part de ses difficultés le jour suivant au secrétariat des étudiants, qui ne lui avait cependant pas indiqué la nécessité de produire un certificat médical immédiatement. L’université ne pouvait en tous les cas pas se prévaloir de la tardiveté de la production de ses certificats médicaux pour éluder l’examen de la situation dans sa globalité.
Elle n’avait pas non plus procédé à une pesée complète des intérêts en présence, en tenant compte de la situation particulière de l’étudiant, annoncée en début de cursus et explicitée dans l’opposition. Rien ne permettait en particulier de conclure qu’il ne disposait pas des capacités requises pour réussir le bachelor. Lui donner la possibilité de se présenter une dernière fois à l’examen en bénéficiant de mesures palliant son handicap ne mettait en péril aucun intérêt public prépondérant. La décision querellée contrevenait ainsi au principe de proportionnalité.
b. L’université a conclu au rejet du recours, considérant pour le surplus que les mesures d’instruction sollicitée n’étaient pas utiles.
Elle soutenait l’inclusion des étudiants ayant des besoins particuliers et mettait en place des mesures de compensation pour atténuer les désavantages consécutifs à leurs troubles. Les démarches à accomplir pour bénéficier d’un aménagement des conditions d’examen figuraient sur son site Internet et étaient détaillées dans une directive. Elles consistaient en l’envoi d’un formulaire dans les délais fixés, avec les documents médicaux requis. Le recourant n’avait pas entrepris ces démarches, alors que le calendrier et la procédure à suivre lui avaient été rappelés le 12 novembre 2021.
Il s’était présenté à l’examen du 17 janvier 2023 en connaissant son état déficient, étant sous traitement médical depuis le 13 janvier précédent et les symptômes de son affection médicale étant visibles. Il n’avait consulté un médecin et produit un certificat médical qu’après avoir pris connaissance de ses résultats, à l’issue de la session extraordinaire, ce qui excédait de loin le délai règlementaire de trois jours. Il ne remplissait ainsi pas les conditions jurisprudentielles permettant de tenir compte d’un certificat médical postérieur à l’examen. Sa démarche n’était en outre pas compatible avec le principe de la bonne foi. Sa situation n’était ainsi pas exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l'Université du 22 juin 2011 (ci‑après : le statut).
c. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.
L’étudiant a exposé avoir renoncé à former d’autres demandes d’aménagement après sa première requête tardive en novembre 2021 à cause de la procédure, trop complexe, et des délais, trop courts. Outre d'avoir à joindre de nombreuses pièces médicales, il avait dû consulter un neuropsychologue, ce qui lui avait pris plusieurs mois. Il avait aussi eu peur que le statut associé à cette démarche ne nuise à son intégration au sein de l’université et à sa future carrière. Pour la même raison, il n’avait pas consulté de conseillère académique. Sa réussite dépendait de nombreux facteurs, notamment de la matière à étudier et du temps entre les examens.
La représentante de l’université a expliqué que la procédure à suivre pour bénéficier d’un aménagement aux conditions d’examen existait depuis 2020 et n’était pas si compliquée. Une quinzaine d’étudiants en programme de bachelor en bénéficiaient lors de l'année académique en cours. Il s’agissait de déposer un dossier avec notamment quelques pièces médicales. Il y avait différents types d’aménagement, parmi lesquels un surcroît d’un tiers du temps pour passer les examens. Leur mise en place ne figurait pas sur le relevé de notes ni sur les diplômes.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger avec l'accord des parties.
1. 1.1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 43 al. 2 de la loi sur l’Université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 91 al. 1 du statut de l'université ; art. 20 al. 2 du règlement d'études du baccalauréat universitaire en économie et management du 19 septembre 2022 - ci‑après : RE).
1.2 La décision querellée a pour objet l’élimination du recourant de la formation à la suite d’un double échec à l’examen. Elle ne concerne par contre pas une quelconque demande d’aménagement des conditions de cet examen ou d’examens ultérieurs du bachelor, durant la deuxième partie duquel le recourant n’a sollicité aucune aide. Pour ce qui est de la suite de son cursus, il n’appartient pas à la chambre administrative, autorité supérieure de recours, de prendre une décision sur ce plan avant que l’intimée, saisie d’une demande en janvier 2024, ne statue.
Aussi, le chef des conclusions du recourant visant la mise en place de mesures d’aménagement liés au handicap pour tout son parcours universitaire est exorbitant au présent litige et sera déclaré irrecevable.
2. Outre son audition, déjà effectuée, et son dossier académique, dont les éléments pertinents ont été produits, le recourant requiert la mise en œuvre d’un bilan neuropsychologique, l’audition de son médecin et une expertise médicale. Il reproche par ailleurs à l’intimée de ne pas avoir suffisamment explicité comment elle avait tenu compte des séquelles de son accident ainsi que des conséquences des informations qui lui avaient été transmises par le secrétariat des étudiants après l’examen du 17 janvier 2023.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).
Le droit d’être entendu comprend aussi le droit pour la personne intéressée de produire ou obtenir la production des preuves pertinentes. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
2.2 En l’espèce, les pièces au dossier, incluant une évaluation neuropsychologique du 27 février 2024, permettent de comprendre la situation médicale du recourant. Ni l’audition de son médecin, ni une plus ample expertise médicale ne sont utiles à l’examen de la cause pour les motifs développés plus bas. Aucune de ces mesures ne serait en outre propre à établir plus précisément l’état du recourant durant l’examen du 17 janvier 2023, celui-ci s’étant tenu il y a plus d’une année. Il ne sera dès lors pas donné suite à sa demande d’actes d’instruction complémentaires.
2.3 Il résulte de la décision querellée que l’intimée a fondé le rejet de son opposition sur la tardiveté, postérieurement à l’examen du 17 janvier 2023, de la consultation d’un médecin et de l’établissement d’un certificat médical, soit seulement le 15 septembre 2023. L’intimée a également considéré que le certificat médical du 22 septembre 2023 ne comportait pas d’informations propres à démontrer un lien entre la pathologie du recourant et son échec.
Le recourant a pu comprendre et critiquer utilement cette motivation, dont il résulte également suffisamment clairement que l’intimée n’a tiré aucune conséquence des informations qu’il aurait reçues du secrétariat des étudiants après l’examen. Son droit d’être entendu a ainsi été respecté.
3. Le présent litige a pour objet la conformité au droit de l’élimination du recourant du bachelor.
Il n’est pas contesté qu’il a échoué deux fois à l’examen et que cela entraîne en principe l’élimination de l'étudiant concerné, conformément aux art. 58 al. 3 let. a du statut et 19 al. 1 let. a RE.
Le recourant considère toutefois que la décision querellée, en ce qu’elle lui refuse la possibilité de repasser l’examen du 17 janvier 2023, est discriminatoire, fondée sur une appréciation de la situation insuffisamment globale et disproportionnée.
3.1 Selon l’art. 13 ch. 2 RE, l’étudiant qui ne se présente pas à un examen et qui peut se prévaloir d’un cas de force majeure adresse immédiatement au Comité scientifique une requête écrite, accompagnée des pièces justificatives. En cas de maladie ou d’accident, un certificat médical pertinent doit être produit dans les trois jours après l’examen. Si le motif est accepté, l’absence justifiée est enregistrée comme telle, et les modalités de poursuite des études sont précisées par le Comité scientifique.
Aux termes de l’art. 58 al. 4 du statut, la décision d’élimination est prise par la doyenne ou le doyen de l’unité principale d’enseignement et de recherche ou la directrice ou le directeur du centre ou de l’institut interfacultaire, lesquels tiennent compte des situations exceptionnelles.
Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle au sens de cette disposition doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; ATA/185/2023 du 28 février 2023 consid. 4.1 ; ATA/128/2023 du 7 février 2023 consid. 2.2).
Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l'annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l'étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l'annulation des résultats obtenus. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/185/2023 précité consid. 4.2 ; ATA/128/2023 précité consid. 2.2.2).
Des exceptions permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l'examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n'apparaît qu'au moment de l'examen, sans qu'il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l'examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l'annulation des résultats d'examens ; aucun symptôme n'est visible durant l'examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l'examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l'absence de symptômes visibles, permet à l'évidence de conclure à l'existence d'un rapport de causalité avec l'échec à l'examen ; l'échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d'examens dans son ensemble (ATA/128/2023 précité consid. 2.2.2).
3.2 Aux termes de l’art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (al. 2). Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1).
3.3 Dans l'exercice de ses compétences, toute autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, que ce respect soit imposé par l'art. 36 al. 3 Cst. ou, de manière plus générale, par l'art. 5 al. 2 Cst., dans ses trois composantes, à savoir l'aptitude, la nécessité et la proportionnalité au sens étroit. Ainsi, une mesure étatique doit être apte à atteindre le but d'intérêt public visé, être nécessaire pour que ce but puisse être réalisé, et enfin être dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits des particuliers qu'elle entraîne (ATF 136 I 87 consid. 3.2 ; 135 I 176 consid. 8.1).
3.4 En l’espèce, le recourant s’est présenté à l’examen une première fois le 17 janvier 2023, et une seconde fois durant la session extraordinaire d’août/septembre 2023. Aux termes de son certificat médical du 15 septembre 2023 et conformément aux explications données dans son opposition, il était sous traitement médical depuis le 13 janvier 2023, ce qui avait entraîné vertiges, troubles de la vision et déficit de concentration.
Comme le souligne l’intimée, le recourant a dès lors pris le risque de passer l’examen en connaissant son état médical et les troubles précités. Conformément aux règles de l’université ainsi qu’à la jurisprudence susmentionnée, il ne peut plus dans ces circonstances faire annuler l’examen pour des motifs médicaux, qu’il aurait dû faire valoir avant ou pendant celui-ci, pièces à l’appui. Ces motifs suffisent à exclure une situation exceptionnelle.
Le recourant n’a en outre pas consulté un médecin immédiatement après l’examen 17 janvier 2023, mais seulement, à teneur du dossier, le 15 septembre 2023. Il a autrement dit réalisé cette démarche non en réaction à son état lors de cette épreuve, mais en apprenant son élimination du bachelor. Outre que cela n’est pas compatible avec les réquisits de la jurisprudence pour admettre une situation exceptionnelle, ce long délai pose des problèmes de preuve. Il apparaît, sinon impossible, du moins très difficile à établir, huit mois plus tard, que les troubles susmentionnés sont la cause de l’échec à l’examen, ce d’autant plus que le recourant a passé, durant la même session, d’autres examens avec succès, et qu’il a de nouveau échoué à l’examen en cause durant la session extraordinaire, en relation avec laquelle il n’a pas allégué avoir souffert de troubles médicaux. Le certificat du 15 septembre 2023, qui mentionne de manière lapidaire un lien entre les « soucis médicaux » du recourant et son échec, ne constitue en tous les cas pas une telle preuve. L’intimée considère pour le surplus à juste titre que le certificat médical du 22 septembre 2023 ne renseigne pas sur l’état du recourant durant l’examen ni sur le lien entre cet état et son échec.
L’intimée a ainsi suivi les normes réglementaires et jurisprudentielles applicables en refusant d’autoriser le recourant à repasser exceptionnellement l’examen, bien qu’il s’y soit présenté sans invoquer un problème médical rédhibitoire ni produire un certificat médical immédiatement après.
3.5 Le recourant se prévaut vainement de sa demande tardive d’aménagement de ses conditions d’examen en novembre 2021.
Premièrement, l’intimée l’a invité à la renouveler pour la prochaine session. Aucun élément du dossier ne réfute les affirmations de cette dernière, selon lesquelles plusieurs étudiants du bachelor avaient recours à de telles mesures et que la procédure était à la portée de tous. La directive ad hoc versée au dossier évoque une requête à effectuer en ligne sur le site du Pôle Santé et la communication de l’ensemble des documents requis dans les délais prescrits. Durant son audition, le recourant a mentionné la difficulté de consulter un neuropsychologue. Mais l’évaluation neuropsychologique du 27 février 2024, réalisée postérieurement à sa demande d’aménagement des conditions d’examen du 6 janvier 2024 et aux rappels de l’intimée des 25 et 26 janvier suivants qu’une telle évaluation était nécessaire, démontre que cette démarche est réalisable sans difficulté particulière et dans un délai d’environ un mois. Le recourant aurait dès lors pu requérir un aménagement de ses conditions d’examen pour la session de janvier/février 2023. Il résulte de son opposition, ce qu’il a aussi confirmé durant son audition, qu’il y a renoncé surtout par crainte de péjorer son dossier universitaire.
Deuxièmement, sa demande aurait visé à obtenir un tiers-temps supplémentaire. Or, selon ses explications, il n’a pas manqué de temps pour terminer l’examen le 17 janvier 2023, mais a dû renoncer à le poursuivre après 40 minutes à cause de divers troubles. L’aménagement requis ne lui aurait dès lors été d’aucun secours.
Le recourant ne peut rien tirer non plus des informations qu’il aurait reçues du secrétariat des étudiants. Aucune pièce du dossier ne démontre qu’on l’aurait dissuadé de présenter un certificat médical après qu’il aurait expliqué la situation. On ignore même à quel moment le recourant aurait consulté ledit secrétariat. Le fait que, par ailleurs, personne n’eût attiré son attention sur l’impossibilité de se présenter à une troisième tentative est sans pertinence. Cela était en outre très certainement su de tous les étudiants, dont on imagine mal qu’ils passent leurs examens dans l’ignorance du nombre de tentatives à leur disposition.
3.6 La décision querellée n’emporte pour le surplus aucune violation des principes de l’égalité de traitement et de la proportionnalité.
Il n’apparaît pas que le recourant ait reçu un traitement différent et moins favorable qu’un autre étudiant dans la même situation que lui. Pour pallier son handicap ainsi que son éventuelle incapacité médicale à passer l’examen le 17 janvier 2023, il aurait pu demander, en respectant la procédure applicable et moyennant la production des pièces requises, comme tout autre étudiant dans sa situation : un aménagement de ses conditions d’examen ; une dispense de passer l’examen ; ou encore l’annulation de celui-ci au motif qu’il n’avait pris conscience de son indisposition que durant l’épreuve.
Les règles susrappelées, interdisant de faire invalider un examen pour des raisons médicales a posteriori, sauf cas exceptionnels et sous strictes conditions, respectent le principe de la proportionnalité. Elles apparaissent en effet adéquates et nécessaires pour assurer l’égalité de traitement entre tous les étudiants. En aménageant la possibilité pour celui indisposé de passer l’examen à une session ultérieure et, exceptionnellement, de le faire invalider a posteriori, elles respectent un rapport raisonnable entre la nécessité de tester les connaissances des étudiants de manière égale pour tous et de tenir compte, de cas en cas, de leur incapacité médicale de passer les examens, sans que cela revienne à les favoriser.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, n’indique pas être exonéré des taxes universitaires et n'a pas sollicité l'assistance juridique dans le cadre de cette procédure (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 et 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Pour le même motif, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 22 janvier 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 22 décembre 2023 ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
|
| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|