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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4024/2022

ATA/128/2023 du 07.02.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4024/2022-FORMA ATA/128/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. Par décision du 23 septembre 2022, le Doyen de la faculté des sciences a prononcé l’élimination du baccalauréat en biologie de Madame A______, au motif qu’elle n’avait pas rempli la condition posée à son admission à ce cycle d’études, à savoir d’avoir réussi au plus tard à la session d’août-septembre 2022 tous les examens de première année, sans possibilité de redoublement.

b. Dans son opposition, l’étudiante n’a pas contesté ne pas avoir rempli les conditions qui lui avaient été fixées. En revanche, elle a fait valoir que des problèmes de santé l’avaient empêchée de réussir ses examens et sollicitait la possibilité de pouvoir redoubler.

c. Considérant que l’étudiante ne remplissait pas les critères des circonstances exceptionnelles visées par l’art. 58 al. 4 du statut de l’Université (ci-après : statut), le Doyen précité a rejeté l’opposition le 21 octobre 2022.

B. a. Par acte expédié le 24 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre cette décision.

Lors de la session d’examen de janvier 2022, elle vomissait quotidiennement du sang sans en connaître les raisons. Le médecin qu’elle avait consulté lui avait suggéré une psychothérapie qu’elle avait commencée le 24 février 2022. Pour différents motifs, elle n’avait pas pu poursuivre sa thérapie ni rencontrer le psychiatre en charge de son suivi. Lors de la session de juin 2022, elle avait échoué à certains examens. Lors de la session de rattrapage d’août-septembre 2022, elle avait d’importantes nausées, et l’anémie dont elle souffrait avait accentué sa fatigue.

Alors qu’elle n’était pas en mesure de se présenter aux examens « dans des conditions normales », elle avait décidé de le faire, considérant qu’il s’agissait de sa dernière chance. Les symptômes dont elle souffrait allaient au-delà des circonstances ordinaires. Elle allait produire des certificats médicaux.

b. Elle a produit un certificat médical établi le 23 novembre 2022 par le Docteur B______, spécialiste en médecine interne, faisant état de l’anémie dont souffrait sa patiente depuis juin 2019, pour laquelle elle était régulièrement traitée.

c. L’Université de Genève a conclu au rejet du recours.

d. Mme A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieuse la question de savoir si la recourante peut se prévaloir de circonstances exceptionnelles justifiant qu’elle soit admise à se représenter aux examens de première année de bachelor en biologie.

2.1 À teneur de l'art. 58 al. 3 du statut de l'Université du 22 juin 2011 (ci-après : statut), l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d'examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d'études est éliminé (let. a). La décision d'élimination est prise par le doyen de l'unité principale d'enseignement et de recherche, lequel tient compte des situations exceptionnelles (art. 58 al. 4 du statut).

2.2 Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020).

2.2.1 Ont ainsi été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/281/2021 précité ; ATA/459/2020 du 7 mai 2020 consid. 5b ; ATA/250/2020 précité consid. 4b et les références citées

2.2.2 Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus. Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (ATA/345/2020 du 7 avril 2020 consid. 7b ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4c ; ATA/192/2020 du 18 février 2020).

2.2.3 Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après l'examen ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n'apparaît qu'au moment de l'examen, sans qu'il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l'examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient ne saurait justifier après coup l'annulation des résultats d'examens ; aucun symptôme n'est visible durant l'examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l'examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l'absence de symptômes visibles, permet à l'évidence de conclure à l'existence d'un rapport de causalité avec l'échec à l'examen ; l'échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d'examens dans son ensemble (ATA/192/2020 du 18 février 2020 consid. 15c et les références citées).

2.3 En l’espèce, la recourante savait son état de santé déficient lorsqu’elle s’est présentée aux examens. Contrairement à ce qu’elle avance, la condition posée à son admission dans le cursus de baccalauréat en biologie, à savoir d’avoir réussi ses examens de première année, n’empêchait pas de bénéficier, si son état de santé le justifiait, de la possibilité de se représenter aux examens. Elle ne se trouvait ainsi pas dans une situation où, quel qu’ait été son état de santé, elle devait se présenter aux examens.

La recourante se savait affaiblie dans sa santé lorsqu’elle s’est présentée aux examens. L’attestation médicale fournie par ses soins n’indique pas qu’elle n’avait pas le discernement nécessaire pour renoncer à participer à l’examen en raison de sa maladie, mais uniquement que l’anémie dont elle souffrait engendrait une importante fatigue. Or, selon la jurisprudence, il appartient au candidat qui ne se sent pas apte, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen de l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient, qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus.

Par conséquent, l’intimée n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation en niant l'existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut permettant de déroger à la réglementation applicable et d’accorder la possibilité à la recourante de se représenter aux examens de première année de baccalauréat en biologie.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 novembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l’Université de Genève du 21 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :