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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2505/2023

ATA/733/2024 du 18.06.2024 sur JTAPI/112/2024 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : PÉRIODE D'ESSAI;PERMIS DE CONDUIRE;RETRAIT DU PERMIS À TITRE PRÉVENTIF;CONDUITE SANS AUTORISATION;PROPORTIONNALITÉ;SANCTION ADMINISTRATIVE;EXPERTISE MÉDICALE;EXPERTISE ORDONNÉE PAR L'ADMINISTRATION;EXPERTISE PSYCHOLOGIQUE
Normes : Cst.29.al1; LCR.15a.al4; LCR.15a.al5; LCR.15d.al1.leta; LCR.16.al1; LCR.16a; LCR.16b; LCR.16c; OAC.28a.al1; LPA.19; LPA.20; RCURML.1.leta; OAFTA.2
Résumé : Confirmation de la caducité d'un permis de conduire à l'essai prononcée par l'OCV, la recourante ayant conduit à deux reprises (en moins d'un mois) en état d'ébriété qualifiée et ayant donc commis, pendant sa période probatoire, deux infractions graves à la LCR entraînant chacune automatiquement le retrait de son permis. L'obligation qui a été faite à la recourante de se soumettre à une expertise en psychologie du trafic et en médecine du trafic respecte le principe de la proportionnalité compte tenu des circonstances. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2505/2023-LCR ATA/733/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2024

1e section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Blaise OBRIST, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 février 2024 (JTAPI/112/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1979, est titulaire d'un permis de conduire à l'essai toutes catégories, sous-catégories et catégories spéciales, délivré le 13 avril 2022 par l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV), avec validité au 12 avril 2025.

B. a. Le 31 mars 2023, à 4h09, elle a été interpellée par la police à Genève, au quai du Mont-Blanc, au volant de sa voiture. Un premier test à l'éthylotest a été effectué sur place et une prise de sang a été ordonnée. Le prélèvement sanguin a été réalisé à 8h10.

Selon le rapport d'interpellation établi le même jour par un gendarme, l'intéressée présentait à l'éthylotest une alcoolémie de 0.51 mg/l. Elle présentait dans le sang une alcoolémie comprise entre 1.49‰ et 2.37‰ au moment critique, d'après le rapport médical établi le 13 avril 2023 par le centre universitaire romand de médecine légale (ci‑après : CURML).

Son permis de conduire a immédiatement été saisi et une interdiction de circuler lui a été notifiée.

b. Par courrier du 5 avril 2023, l'OCV a informé A______ du fait que les autorités de police avaient porté à sa connaissance sa conduite en état d'ébriété qualifiée du 31 mars 2023. Les constatations des organes de police pouvaient aboutir à une mesure administrative, telle qu'un retrait du permis de conduire. Un délai de quinze jours ouvrables lui était octroyé pour transmettre ses observations.

c. Par courriel du 26 avril 2023 adressé à l'OCV, A______ a demandé la restitution de son permis, dans la mesure où, pour des raisons professionnelles, elle devait se déplacer en véhicule.

d. Par courrier du 28 avril 2023, l'OCV l'a informée qu'il avait décidé de lui restituer son permis à titre provisoire. Ainsi, dès le 1er mai 2023, elle était à nouveau en droit d'en faire usage.

C. a. Le 24 avril 2023, à 2h20, A______ a été interpellée par la police à Genève, sur le pont du Mont-Blanc, au volant de sa voiture. Un test à l'éthylomètre a été effectué dans les locaux de la police.

Selon l'ordre de prélèvement (résultat de l'éthylomètre) établi le même jour par un appointé et signé par l'intéressée, celle-ci présentait à l'éthylomètre une alcoolémie de 0.55 mg/l (1.10‰) et n'a pas exigé de prise de sang.

b. Par courrier du 15 mai 2023, l'OCV a informé A______ du fait que les autorités de police avaient porté à sa connaissance sa conduite en état d'ébriété qualifiée du 24 avril 2023. Les constatations des organes de police pouvaient aboutir à une mesure administrative, telle qu'un retrait du permis de conduire. Une seule mesure serait prononcée pour les faits des 31 mars et 24 avril 2023. Un délai de quinze jours lui était octroyé pour transmettre ses observations.

c. Celle-ci ne s'est pas manifestée.

d. Par décision du 29 juin 2023, l'OCV a retiré le permis de conduire à l'essai (à titre préventif) toutes catégories, sous-catégories et catégories spéciales de A______, lui a fait interdiction de conduire des cycles et véhicules pour lesquels un permis de conduire n'était pas nécessaire et a ordonné une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite réalisée par un médecin de niveau 4.

Étaient retenues à son endroit les conduites en état d'ébriété des 31 mars 2023 (taux d'alcool qualifié de 1.49 gr. ‰) et 24 avril 2023 (taux d'alcool qualifié dans l'air expiré de 0.55 mg/l à l'éthylomètre) ainsi que la conduite, le 24 avril 2023, malgré la saisie de son permis de conduire.

Il lui a été fait obligation de déposer celui-ci d'ici au 9 juillet 2023, ce qu'elle n'a pas fait.

e. Par constat médical du 7 juillet 2023, le docteur B______ a certifié que sur la base du bilan sanguin pratiqué sur A______, il n'y avait pas de trace de consommation d'alcool, ni récente, ni ancienne et ce de manière chronique.

D. a. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre la décision du 29 juin 2023.

b. Le 26 juillet 2023, l'OCV, constatant une « erreur dans le traitement juridique des faits », a annulé ladite décision et a rendu une décision de caducité du permis de conduire à l'essai toutes catégories, sous‑catégories et catégorie spéciale de A______, nonobstant recours. Il lui a fait interdiction de conduire des cycles et véhicules pour lesquels un permis de conduire n'était pas nécessaire. La demande d'un nouveau permis d'élève conducteur pourrait intervenir au plus tôt un an après l'infraction commise et sur présentation d'un rapport d'expertise favorable établi par un médecin de niveau 4 et un psychologue du trafic. Son permis de conduire devait être déposé au plus tard le 6 août 2023.

Les infractions retenues étaient les mêmes que celles considérées dans la décision du 29 juin 2023. Dès lors que son dossier soulevait des questions relevant à la fois de la médecine et de la psychologie du trafic, en raison de l'importance des taux d'alcool avec lesquels elle avait conduit, de la récidive rapprochée et de la conduite malgré une interdiction, une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite et qui serait réalisée par un médecin de niveau 4 et par un psychologue du trafic était ordonnée.

c. Après que A______ a retiré le recours formé contre la décision du 29 juin 2023, le TAPI a pris acte du retrait et rayé la cause du rôle.

E. a. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision du 26 juillet 2023 et a, le 23 août 2023, déposé une demande de restitution de l'effet suspensif.

b. Par décision du 3 octobre 2023, le TAPI a rejeté la requête de restitution de l'effet suspensif.

c. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision.

d. Par jugement du 12 février 2024, le TAPI a rejeté le recours interjeté contre la décision du 29 juin 2023.

La recourante avait commis deux infractions, dont l'une grave, lesquelles entraînaient automatiquement un retrait de permis, durant la période probatoire de son permis de conduire à l'essai. Le fait qu'aucune décision de retrait pour la deuxième infraction n'ait été formellement prononcée avant la décision de caducité du permis de conduire ne faisait pas obstacle à l'application de l'art. 15a al. 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l'OCV ne disposant à cet égard d'aucune marge d'appréciation.

e. Par décision du 29 février 2024, la chambre administrative a déclaré sans objet le recours contre le rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif, compte tenu du prononcé du jugement du TAPI du 12 février 2024.

F. a. Par acte remis à la poste le 15 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce qu'elle soit exemptée d'expertise en médecine du trafic et à ce que la durée de la période probatoire de son permis soit prolongée.

Elle contestait avoir présenté, le 31 mars 2023, une alcoolémie de 1.49 ‰, de même qu'une alcoolémie de 0.55 mg/l le 24 avril 2023. Son permis lui avait été rendu avant le 24 avril 2023, si bien qu'elle ne circulait pas sous interdiction de conduire ce jour-là.

La seconde infraction n'était pas un cas de réitération. Il s'agissait d'un concours d'infraction devant entraîner une décision de prolongation de son permis à l'essai. En outre, rien ne laissait penser qu'elle souffrait d'une dépendance à l'alcool justifiant la réalisation d'une expertise en médecine du trafic, ce d'autant plus que les taux permettant de l'ordonner n'avaient pas été atteints. Cette mesure était disproportionnée.

b. L'OCV a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler et s'en est remis à justice.

c. A______ a transmis un certificat médical établi par le docteur C______ le 11 avril 2024 qui confirmait qu'elle n'avait jamais été sujette à une consommation d'alcool à risque ces dernières années.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de caducité du permis de conduire à l'essai de la recourante et de l'obligation qui lui a été faite de se soumettre à une expertise de niveau 4.

3.             La recourante semble se plaindre de la constatation inexacte des faits pertinents, dans la mesure où elle conteste avoir présenté, le 31 mars 2023, une alcoolémie de 1.49 gr. ‰, de même qu'une alcoolémie de 0.55 mg/l le 24 avril 2023. En outre, son permis lui avait été rendu avant le 24 avril 2023.

3.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (al. 2).

3.2 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/560/2024 du 7 mai 2024 et l'arrêt cité).

3.3 La chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/574/2024 du 10 mai 2024 consid. 3.4 et l'arrêt cité).

3.4 En matière de circulation routière, la mesure effectuée à l'aide de l'éthylomètre a force probante, même pour établir un taux d'alcool qualifié, si le conducteur contrôlé ne demande pas une prise de sang (arrêt du Tribunal fédéral 6B_533/2020 du 16 septembre 2020 consid. 3.3.2).

3.5 En l'espèce, il ressort du rapport médical établi le 13 avril 2023 par le CURML que la recourante présentait dans le sang une alcoolémie de 1.49 gr. ‰ le 31 mars 2023. Ce rapport a force probante puisqu'il émane d'un centre médical institué par la loi, chargé de procéder à des interventions et expertises médico-légales (art. 1 let. a du règlement du Centre universitaire romand de médecine légale, site de Genève, du 25 septembre 2013 - K 1 55.04) et donc spécialisé dans ce domaine.

De même, il ressort de l'ordre de prélèvement établi le 24 avril 2023 par un appointé et de surcroît signé par la recourante que celle-ci présentait à l'éthylomètre une alcoolémie de 0.55 mg/l (1.10‰) ce jour-là. Ce rapport a également force probante, et ce à double titre, puisqu'il émane d'un agent de police assermenté et que la recourante n'a pas demandé de prise de sang après s'être soumis au test – positif – de l'éthylomètre.

La recourante se contente de contester de façon péremptoire ces résultats et ne présente aucun motif permettant de douter de leur exactitude. Dès lors, ces faits doivent être considérés comme établis.

Enfin, par courriel joint à la procédure, la recourante a demandé la restitution de son permis le 26 avril 2023 et l'intimé y a donné une suite favorable par courrier du 28 avril 2023. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intéressée, il apparaît impossible que son permis lui ait été restitué avant le 24 avril 2023. Elle l'affirme du reste de façon péremptoire, sans apporter le moindre élément en ce sens. Il sera donc constaté que son permis lui a été restitué après le 24 avril 2023 et donc qu'elle conduisait sans autorisation ce jour‑là, ce que l'intimé a correctement établi.

Le grief sera donc écarté.

4.             La recourante se plaint de la violation de l'art. 15a al. 4 LCR. La décision de retrait du permis relative à la première infraction n'avait été prise que le 29 juin 2023, soit « trois » mois après la commission de la seconde infraction. Au moment où la seconde infraction avait été commise, aucune décision de retrait n'avait ainsi été prise à son endroit. La seconde infraction n'était pas un cas de réitération. Il s'agissait d'un concours d'infraction devant donner lieu à une mesure globale et une prolongation de la période probatoire de son permis à l'essai.

4.1 Les permis et les autorisations seront retirés lorsque l’autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies; ils pourront être retirés lorsque les restrictions ou les obligations imposées dans un cas particulier, lors de la délivrance, n’auront pas été observées (art. 16 al. 1 LCR). Pour déterminer la durée du retrait d’admonestation, la loi distingue entre les infractions légères (art. 16a LCR), les infractions de gravité moyenne (art. 16b LCR) et les infractions graves (art. 16c LCR).

4.2 Selon l'art. 16c LCR, après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (al. 2 let. a). Commet une infraction grave celui qui conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié dans l'haleine ou dans le sang (al. 1 let. b).

Selon l'art. 2 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13), sont considérés comme qualifiés un taux d'alcool dans le sang de 0.8 gramme pour mille ou plus (let. a), ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0.4 mg ou plus par litre d'air expiré (let. b).

4.3 Selon l'art. 15a LCR, le permis de conduire obtenu pour la première fois pour un motocycle ou une voiture automobile est délivré à l’essai. La période probatoire est de trois ans (al. 1). En cas de retrait du permis à l'essai en raison d'une infraction moyennement grave ou grave, la période probatoire est prolongée d'un an (al. 3). Le permis de conduire à l'essai est caduc lorsque son titulaire commet une seconde infraction entraînant un retrait (al. 4).

4.4 Le fait que le permis de conduire ne soit d’abord délivré qu’à l’essai repose sur l’idée que les nouveaux conducteurs (les « nouveaux titulaires ») doivent démontrer leurs aptitudes pratiques en matière de conduite pendant une période probatoire de trois ans avant qu’un permis de conduire (de durée illimitée) ne leur soit définitivement octroyé. Au cours de la période probatoire, le nouveau conducteur doit faire la démonstration d’un comportement irréprochable dans la circulation. Les infractions aux règles de la circulation commises par les titulaires de permis de conduire de durée limitée ne déclenchent ainsi pas uniquement des sanctions pénales et des mesures administratives. Durant la période probatoire, elles rendent également plus difficile l’octroi du permis de conduire de durée illimitée. Si la mise à l’épreuve échoue, le nouveau conducteur pourra demander un nouveau permis d’élève conducteur (et, dès qu’il aura réussi l’examen de conduite, un nouveau permis à l’essai) au plus tôt un an après l’infraction commise (et sur la base d’une expertise psychologique attestant de son aptitude à conduire). Le nouvel instrument du droit des mesures administratives (en plus du durcissement des retraits d’admonestation) sert à réprimer plus sévèrement et à mieux prévenir les infractions à la LCR commises par les nouveaux conducteurs et, ainsi, à augmenter la sécurité du trafic (ATF 146 II 300 consid. 3.2 et les arrêts cités = JdT 2020 I p. 326 ss, 327).

4.5 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’annulation du permis de conduire à l’essai selon l’art. 15a al. 4 LCR n’est pas liée au fait que le précédent retrait de permis ait été exécuté ou que la décision y relative soit entrée en force. Le seul élément déterminant est qu’après une première infraction ayant entraîné un retrait de permis (et la prolongation de la période d’essai), une seconde infraction est commise, qui conduit également à un retrait de permis. Une seconde infraction conduit ainsi à l’annulation du permis de conduire à l’essai même si la décision sanctionnant la première infraction par un retrait du permis de conduire n’est pas encore entrée en force et/ou que ce retrait n’a pas encore été exécuté (ATF 136 II 447 consid. 5 = JdT 2010 I 518). De même, la seconde infraction conduit à la caducité du permis de conduire à l’essai même si la décision de sanctionner la première infraction n’a pas encore été prise et n’a donc pas pu être communiquée au conducteur (ATF 146 II 300 consid. 4 = JdT 2020 I p. 326 ss, 328).

Le Tribunal fédéral a écarté la possibilité, proposée par certains auteurs, d’appliquer par analogie l’art. 49 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et de prononcer une mesure d’ensemble dans cette dernière situation. En effet, comme la loi prévoit que le permis de conduire à l’essai doit obligatoirement être annulé en cas de deuxième infraction, même légère, entraînant un retrait, une application par analogie de l’art. 49 CP aurait pour effet de favoriser les conducteurs qui répondent de plusieurs motifs de retrait sur une courte période au détriment de ceux qui commettent de telles infractions dans des intervalles plus longs. Un tel privilège serait d’autant plus injustifié que les premiers présentent en principe un danger plus grand pour la sécurité routière que les seconds (ATF 146 II 300 consid. 4 = JdT 2020 I p. 326 ss, 329).

4.6 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est notamment réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

4.7 Selon l'art. 67 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (al. 1). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (al. 2).

4.8 En l'espèce, selon les constats médicaux et les rapports de police figurant au dossier, la recourante, titulaire d'un permis à l'essai valable jusqu'au 12 avril 2025 au moment des faits litigieux, a présenté dans le sang une alcoolémie de 1.49‰ le 31 mars 2023 alors qu'elle était au volant de sa voiture. Ce taux dépassant les 0.8‰, elle a conduit un véhicule automobile en état d'ébriété qualifiée et a donc commis une infraction grave entraînant automatiquement le retrait de son permis pour trois mois au minimum.

Toujours selon lesdits constats médicaux et rapports de police, l'intéressée a présenté à l'éthylomètre une alcoolémie de 0.55 mg/l le 24 avril 2023 alors qu'elle était au volant de sa voiture. Ce chiffre dépassant les 0.4 mg/l, elle a, une nouvelle fois, conduit un véhicule automobile en état d'ébriété qualifiée et a donc réitéré une infraction grave entraînant automatiquement le retrait de son permis pour trois mois au minimum.

En mois d'un mois, la recourante a ainsi commis deux infractions graves à la LCR entraînant automatiquement le retrait de son permis. L'intimé était donc fondé – et même obligé vu la teneur de l'art. 15a al. 4 LCR qui ne lui laisse aucun pouvoir d'appréciation – à prononcer la caducité de son permis à l'essai, ce qu'elle a fait le 26 juillet 2023 après avoir annulé la décision du retrait du permis prononcée le 29 juin 2023. La chambre de céans relève, en tant que de besoin, que c'est conformément à l'art. 67 al. 2 LPA que l'intimé, se rendant compte de son erreur, a procédé de la sorte.

Les arguments contraires de la recourante ne sont pas de nature à remettre en cause ce qui précède.

En effet, il est sans importance qu'au moment où la seconde infraction a été commise, aucune décision de retrait n'avait encore été prise à son endroit puisque, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-avant, la seconde infraction conduit à la caducité du permis de conduire à l’essai même si la décision de sanctionner la première infraction n’a pas encore été prise. La chambre de céans observe également que l'intimé a laissé à la recourante la possibilité de s'exprimer sur la première infraction qui lui a été reprochée le 31 mars 2023, dans le respect de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), en lui octroyant le 5 avril 2023 (soit rapidement après avoir pris connaissance de ladite infraction), un délai de quinze jours ouvrables pour transmettre ses observations écrites, ce qu'elle a fait le 26 avril 2023. Ainsi, au moment où la seconde infraction a été commise (le 24 avril 2023), soit moins d'un mois après la première, l'intimé, qui a fait preuve de célérité, était encore dans l'attente des déterminations de la recourante. Dès lors, celle-ci ne saurait encore moins se prévaloir de l'absence de décision de retrait de son permis au moment de sa seconde infraction.

Contrairement à ce que prétend l'intéressée, la seconde infraction qu'elle a commise constitue un cas de réitération au sens de l'art. 15a al. 4 LCR et non pas un cas de concours (49 CP) devant donner lieu à une mesure globale et une prolongation de la période probatoire. En effet, pour les motifs pertinents exposés ci-avant et sur lesquels il n'y a pas besoin de revenir, le Tribunal fédéral a exclu l'application par analogie de l’art. 49 CP et la possibilité de prononcer une mesure d’ensemble lorsque, comme en l'espèce, la décision de sanctionner la première infraction n’a pas encore été prise.

Au vu de ce qui précède, le grief sera écarté.

5.             La recourante se plaint de la violation du principe de proportionnalité en lien l'obligation qui lui a été faite de se soumettre à une expertise en médecine du trafic. Elle présentait un taux d'alcool de 1.1 gr. ‰ (0.55 mg/l x 2) lors de son dernier délit. Dès lors, ce taux était « nettement » inférieur au seuil de 1.6 gr. ‰ permettant de justifier qu'une expertise en médecine du trafic soit ordonnée en sus d'une expertise psychologique. Le développement du TAPI ne permettait pas de comprendre ce qu'une expertise en médecine du trafic apporterait de plus qu'une expertise psychologique. Les prétendus taux d'alcool qu'elle présentait lors des infractions des 31 mars et 24 avril 2023 (1.49 gr. ‰ et 1.10 gr. ‰) avaient été relevés tard dans la nuit, ce qui laissait apparaître qu'elle rentrait de soirées festives. Il ne s'agissait pas d'une consommation d'alcool en pleine journée. Rien ne laissait penser qu'elle souffrait d'une dépendance à l'alcool justifiant la réalisation d'une expertise en médecine du trafic. Le rapport du Dr B______ ainsi que le certificat médical établi par le Dr C______ permettaient de confirmer l'absence de soupçon sur l'existence d'une dépendance à l'alcool. L'injonction qui lui avait été faite de se soumettre à une telle expertise n'était ni apte ni nécessaire à atteindre le but visé, puisqu'une expertise en psychologie du trafic serait suffisante pour lever les doutes sur sa capacité de conduire. Une expertise en médecine du trafic ne permettait ni de mesurer son aptitude à dissocier l'alcool de la conduite ni celle à mesurer les risques qu'elle pouvait faire encourir à autrui et à elle-même.

5.1 Un nouveau permis d'élève conducteur peut être délivré à la personne concernée au plus tôt un an après l'infraction commise et uniquement sur la base d'une expertise psychologique attestant son aptitude à conduire, étant précisé que ce délai est prolongé d'un an si la personne concernée a conduit un motocycle ou une voiture automobile pendant cette période (art. 15a al. 5 LCR).

5.2 Selon l'art. 15d al. 1 let. a LCR, si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment après une conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool dans le sang de 1,6 gr. ‰ ou plus ou un taux d’alcool dans l’haleine de 0,8 mg/l ou plus. L'art. 15a al. 4 LCR définit une présomption d'inaptitude à la conduite en cas de seconde infraction entraînant un retrait pendant la période probatoire (arrêt du Tribunal fédéral 1C 526/2016 du 21 décembre 2016 consid. 7.1 et les références citées).

5.3 Selon l'art. 28a al. 1 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), si l’aptitude à la conduite d’une personne soulève des doutes, l’autorité cantonale ordonne, en cas de questions relevant de la médecine du trafic, un examen d’évaluation de l’aptitude à la conduite par un médecin selon l’art. 5abis (let. a) ; en cas de questions relevant de la psychologie du trafic, un examen d’évaluation de l’aptitude à la conduite par un psychologue du trafic selon l’art. 5c (let. b).

 

Selon le guide intitulé « Aptitude à la conduite » (ci-après : le guide) approuvé par l’assemblée générale des membres de l’association des services des automobiles (asa) le 27 novembre 2020 (disponible via l'adresse Internet https://www.astra.admin.ch/astra/fr/home/services/vollzug-strassenverkehrsrecht/
dokumente.html, page consultée le 12 juin 2024), le contenu de son chapitre 4, intitulé « indicateurs relatifs à la détermination de l’aptitude à la conduite », constitue une recommandation. Celle-ci ne saurait remplacer une évaluation au cas par cas. Il est possible de s'en écarter si la situation le justifie. En vue de déterminer l'aptitude à la conduite, une expertise de niveau 4 est recommandée lorsque le taux d'alcool dans le sang est de 1.6 gr. ‰ (p. 12).

La médecine du trafic est le domaine médical se concentrant sur l'application des connaissances médicales aux problèmes liés à la sécurité de la circulation. La psychologie du trafic est le domaine de la psychologie traitant du ressenti et du comportement humains au sein de la circulation routière (guide, p. 11).

5.4 Les directives, que l'administration peut adopter afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales en explicitant l'interprétation qu'elle leur donne, sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elles n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Le juge les prendra cependant en considération, surtout si elles concernent des questions d'ordre technique ; il s'en écartera s'il considère que l'interprétation qu'elles donnent n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3).

5.5 En l'espèce, l'intimé a assorti sa décision de caducité du retrait de permis d'une obligation pour la recourante de se soumettre à une expertise qui serait réalisée par un médecin de niveau 4 et par un psychologue du trafic. Il a justifié cette mesure par l'importance des taux d'alcool avec lesquels l'intéressée a conduit, par la récidive rapprochée et par la conduite malgré une interdiction.

La recourante ne conteste pas la nécessité de se soumettre au volet « psychologie du trafic », et ce à juste titre, compte tenu notamment de sa récidive sur un laps de temps court (moins d'un mois) et de sa conduite malgré une interdiction. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

La recourante a commis une seconde infraction entraînant un retrait pendant la période probatoire. Elle est donc présumée inapte à la conduite et doit être soumise à une expertise. Son alcoolémie la plus élevée retenue par l'intimé (1.49 gr. ‰ [valeur minimale] lors de la première infraction), laquelle est déterminante, n'a pas atteint les valeurs fixées dans le guide. Toutefois, ce dernier constitue une ordonnance administrative. Il ne lie donc ni l'intimé, ni le TAPI ni la chambre de céans, qui peuvent s'en écarter si les circonstances le justifient et qui doivent se prononcer sur les circonstances concrètes. Outre qu'une alcoolémie de 1.49 gr. ‰ est proche des valeurs fixées dans le guide, le prélèvement sanguin ordonné à la suite de la première infraction a été réalisée à 8h10, soit quatre heures après l'arrestation. Le rapport du CURML fait à ce titre état de ce que la quantité d'éthanol présente dans l'organisme au moment critique entraînait une concentration d'éthanol comprise entre 1.49 gr. ‰ et 2.37 gr. ‰. Dès lors, il n'est pas exclu, au vu de cette marge d'incertitude, qu'au moment critique, son alcoolémie dépassait les 1.6 gr. ‰ requis par le guide pour ordonner une expertise par un médecin de niveau 4.

En outre et surtout, les taux d'alcool avec lesquels la recourante a conduit à deux reprises dans un cours intervalle (moins d'un mois), et, la seconde fois, malgré une première arrestation et une interdiction de conduire, sont élevés et ne sauraient être ignorés. Ils justifient ainsi que le rapport à l'alcool de la recourante fasse l'objet d'une investigation, quand bien même l'intéressée « rentrait de soirées festives » et qu'il ne s'agissait pas « d'une consommation d'alcool en pleine journée ». Les certificats médicaux qu'elle a produits n'y changent rien, puisque l'absence de consommation d'alcool à risque, telle que constatée chez elle par lesdits certificats, n'empêche pas une consommation régulière ou, en particulier, accentuée les week‑ends, incompatible avec la conduite.

Sur le plan de la proportionnalité, le raisonnement du TAPI, que la recourante remet en cause sans toutefois étayer ses allégations, ne prête pas le flanc à la critique. En effet, l'exigence de l'expertise auprès d'un médecin de niveau 4 (associée à une expertise psychologique) est apte à atteindre le but qu'elle poursuit, à savoir de s'assurer que la recourante ne reprenne le volant que s'il est démontré qu'elle est apte à la conduite de véhicules à moteur, notamment après vérification qu'elle ne souffre pas d'une dépendance à l'alcool et, le cas échéant, après qu'elle ait pris conscience qu'elle ne doit pas conduire après avoir bu de l'alcool.

Aucune autre mesure moins incisive ne semble de nature à atteindre un tel but. À cet égard, et contrairement à ce que prétend la recourante, une expertise en psychologie du trafic est insuffisante a elle seule pour lever les doutes sur sa capacité de conduire, puisqu'une telle expertise ne couvre pas les aspects évalués dans l'expertise en médecine du trafic, en particulier l'application des connaissances médicales aux problèmes liés à la sécurité de la circulation.

Enfin, l'atteinte que la mesure porte aux intérêts privés de la recourante est légère et se justifie au regard du but d'intérêt public important qu'elle poursuit, soit la sécurité routière. Elle se justifie d'autant plus que le comportement de l'intéressée est grave et aurait pu avoir des conséquences dramatiques, celle-ci ayant conduit à deux reprises en état d'ébriété qualifiée, et ce à quelques semaines d'intervalle seulement. En outre, le fait qu'elle ait repris le volant malgré une interdiction de conduire, et de nouveau après avoir bu de l'alcool, est de nature à susciter des doutes sur sa capacité à respecter la loi et surtout à mesurer les risques qu'elle peut faire courir à elle-même et à autrui.

L'obligation qui a été faite à la recourante de se soumettre à une expertise en médecine du trafic est pleinement justifiée et ne viole pas le principe de proportionnalité.

Le grief sera ainsi écarté et le recours, mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 600.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mars 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 600.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Blaise OBRIST, avocat de la recourante, à l'office cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral des routes.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :