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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1074/2023

ATA/650/2024 du 28.05.2024 sur JTAPI/1232/2023 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1074/2023-TAXE ATA/650/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Per PROD'HOM, avocat

contre

B______ intimée
représentée par Me Xavier OBERSON, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 novembre 2023 (JTAPI/1232/2023)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______ SA), dont le siège se trouvait à C______ jusqu'au 28 novembre 2023 et se situe désormais à Genève, a pour but la détention et la location de biens immobiliers. Selon ses statuts, elle peut notamment fournir des services techniques et administratifs et participer à des entreprises industrielles et commerciales. Elle peut également exercer toutes activités se rattachant directement ou indirectement à son but.

Jusqu'en 2013 à tout le moins, elle détenait l'intégralité du capital‑actions d'D______ SA (ci-après : D______ SA), dont le siège se situe à Genève. Le but de celle-ci était, du 31 janvier 2003 (date de son inscription au registre du commerce de Genève) jusqu'au 15 avril 2012, le commerce, la construction, la promotion et la gérance de tous immeubles en Suisse. Du 16 avril 2012 au 21 janvier 2020, son but était l'administration et le financement de participations.

b. En 2011, D______ SA a vendu son unique immeuble à un prix de CHF 17'800'000.-. En 2013, elle a distribué à A______ SA un dividende de CHF 6'774'000.-.

B. a. En 2012, A______ SA a notamment réalisé des gains de change de CHF 13'511.‑, des intérêts sur valeurs mobilières de CHF 94'391.- et des produits sur titres de CHF 153'458.-.

b. En 2013, elle a enregistré un dividende de CHF 6'774'000.- (reçu d'D______ SA) et réalisé des gains de change de CHF 137'524.-, des intérêts sur valeurs mobilières de CHF 43'103.- et des produits sur titres de CHF 46'566.-.

c. Le 22 juillet 2014, le service de la taxe professionnelle communale de la B______ (ci-après : le service de la TPC) a taxé A______ SA pour les années 2012 à 2014 et, le 16 janvier 2015, pour l'année 2015.

Selon les bordereaux y relatifs, pour les années 2012 et 2013, un montant de CHF 261'359.-, imposé à un taux de 6‰, a été retenu à titre de chiffre des affaires dans la catégorie 15B. Pour les années 2014 et 2015, un montant moyen de CHF 3'562'514.-, représentant la moyenne de CHF 261'359.- et CHF 6'863'668.- (ce montant ne comprenant pas les gains de change réalisés en 2013), imposé également à un taux de 6‰, a été retenu à titre de chiffre des affaires dans la catégorie 15B.

d. A______ SA a formé réclamation contre ces taxations.

Son activité se limitait à louer des locaux non meublés. À ce titre, elle avait bénéficié jusque‑là d’une exonération de la TPC. L’exonération concernait son activité immobilière et devait s'étendre également aux recettes passives liées à ces opérations immobilières (gains de change, produits sur titres et intérêts liés à la gestion de la trésorerie). Le dividende enregistré en 2013 ne constituait pas une prestation, puisqu'il résultait de la simple détention des actions d'une société, et ne faisait donc pas partie de son chiffre des affaires.

Le service de la TPC l’avait donc imposée à tort sur un revenu qui n’était pas lié à des prestations (dividende) ainsi que sur des produits financiers (gain de change, intérêts sur valeurs mobilières et produits sur titres) directement liés à son activité immobilière.

e. Par décision du 7 mars 2023, le service de la TPC a rejeté les réclamations.

L’activité principale d'A______ SA, à savoir la location non meublée, n’était pas imposable. Cependant, les produits financiers constituaient un revenu secondaire soumis à la TPC.

C. a. A______ SA a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision. Elle a repris sa précédente argumentation et l'a développée.

b. La B______ a conclu au rejet du recours et à la reformatio in pejus des taxations 2014 et 2015, les gains de change réalisés en 2013, à hauteur de CHF 137'524.-, devant être inclus dans le chiffres des affaires 2013 de la contribuable, déterminant pour le calcul de la TPC 2014 et 2015.

c. A______ SA a persisté dans ses conclusions mais a admis la taxation des intérêts.

d. Le TAPI l'a avisée qu’il envisageait de procéder à la reformatio in pejus de sa taxation, en ce sens qu’il était susceptible d’ajouter le montant des gains de change, à hauteur de CHF 137'524.-, à son chiffre des affaires 2013, déterminant pour le calcul de la TPC 2014 et 2015. Un délai lui a été accordé pour se prononcer sur ce point.

e. A______ SA a relevé que les gains de change résultaient de la variation des cours sur des actifs détenus, mais non de l’exercice d’une activité lucrative. Pour une société ayant pour but la location d’immeubles, il n’existait pas d’activité ayant vocation à générer des gains en capitaux ou des gains de change. Ces revenus devaient dès lors être exonérés.

f. Par jugement du 7 novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours et a procédé à la reformatio in pejus de la taxation d'A______ SA, en ce sens que le montant des gains de change, soit CHF 137'524.-, était ajouté à son chiffre des affaires 2013, déterminant pour le calcul de la TPC 2014 et 2015.

L’activité exercée par A______ SA consistait en la location de biens immobiliers non meublés, dont le produit n’était pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu’il ressortît clairement de la comptabilité. Le dividende litigieux – qui lui avait été versé par sa filiale à la suite de la vente d’un immeuble – devait être qualifié de produit financier non lié à son activité principale. Puisqu’il excédait CHF 25'000.-, il était considéré comme un gain accessoire et, partant, soumis à la TPC.

Les produits sur titres et les gains de change entraient dans la catégorie des produits financiers. Le total des produits réalisés par A______ SA en 2012 et 2013 excédait CHF 25'000.- pour chacune des deux années. Dès lors, ces revenus devaient être qualifiés de gains accessoires soumis à la TPC. Le montant des gains de change, à hauteur de CHF 137'524.-, n’avait pas, à tort, été inclus dans le chiffre des affaires 2013. Le service de la TPC ayant sollicité la reformatio in pejus des taxations 2014 et 2015, ce montant était ainsi ajouté au chiffre des affaires 2013.

D. a. Par acte remis à la poste le 29 novembre 2023, A______ SA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la B______ pour qu'elle établisse des bordereaux révisés pour les années 2012 à 2015.

Il n'existait pas de base légale suffisante pour taxer les dividendes sans lien avec l'activité commerciale d'une société en matière de TPC. Le texte clair de la loi exigeait qu'il existe un lien entre le chiffre d'affaires (sic) et les prestations de l'entreprise. Il en allait de même des gains en capitaux sur titres et les gains de change, qui devaient ainsi être exonérés.

b. La B______ a conclu au rejet du recours.

c. A______ SA n'ayant pas répliqué dans le délai qui lui a été imparti, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Se pose la question du droit applicable, étant précisé que les dispositions relatives à la TPC ont été abrogées à partir du 1er janvier 2024.

2.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 et la référence citée).

2.2 En l'espèce, le litige porte sur la TPC réclamée à la recourante pour les périodes fiscales 2012 à 2015. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir en particulier par les dispositions pertinentes de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

3.             La recourante conteste la taxation des dividendes ainsi que des gains en capitaux sur titre et des gains de change sans lien avec son activité commerciale.

3.1 Les communes peuvent prélever une taxe annuelle, dénommée TPC, auprès de toutes les personnes physiques ou morales dès qu’elles remplissent les conditions d’assujettissement, soit pour ces dernières notamment avoir dans le canton leur siège ou un établissement stable (art. 301 al. 1 let. c aLCP). Ne sont notamment pas assujetties à la TPC les personnes physiques et morales qui possèdent des biens immobiliers et dont la seule activité est de les louer non meublés par contrat de bail à loyer (art. 301 al. 2 let. c aLCP).

La TPC est un véritable impôt et non une taxe ou une charge de préférence, mais elle est distincte de l’impôt sur le chiffre d’affaires (ATA/967/2023 du 5 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

3.2 La TPC est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels des affaires, aux loyers annuels des immeubles, locaux et terrains utilisés professionnellement et à l’effectif annuel du personnel employé (art. 302 aLCP). Selon l'art. 307 aLCP, les contribuables sont classés par l’autorité de taxation dans le groupe professionnel correspondant à leur activité principale ou auquel elle peut être rattachée par analogie (al. 1). Les coefficients prévus pour les groupes professionnels correspondant aux éventuelles activités accessoires des contribuables sont applicables au chiffre des affaires provenant de chacune de ces activités distinctes (al. 2). Les limites des coefficients applicables au chiffre des affaires ainsi que les principes de calcul desdits coefficients sont détaillés aux art. 307A et 307B aLCP, les modalités étant fixées par les anciens art. 12A à 13A du règlement d’application de diverses dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 30 décembre 1958 (RDLCP - D 3 05.04).

Dans sa teneur applicable pour les années en cause, l'art. 12A al. 1 RDLCP prévoyait que le coefficient sur le chiffre des affaires pour les banques, sociétés financières et gérants de fortunes était de 6‰ pour les commissions et autres produits (n° 15 let. b).

3.3 Le chiffre des affaires est la somme des prestations obtenues par le contribuable pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mises à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus (art. 304 al. 1 aLCP). Ne sont notamment pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu’ils ressortent clairement de la comptabilité, les bénéfices en capital, sauf s’ils constituent le produit d’une activité lucrative, même accessoire (art. 304 al. 3 let. e aLCP) ainsi que le produit de la location non meublée de biens immobiliers (art. 304 al. 3 let. j aLCP).

Le chiffre des affaires sert à évaluer la grandeur d'une entreprise sur la base du volume complet de ses rémunérations ou, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs de la novelle de 1985 (loi 5'561), du volume de ses affaires (MGC 1984 IV 4947 ; ATA/830/2021 du 10 août 2021 consid. 3b et les références citées).

3.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause (ATF 146 V 87 consid. 7.1). De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 147 V 242 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 8.1). L'interprétation littérale conduit à prendre en considération l'ensemble des dispositions légales applicables à la question traitée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2012 consid. 5.4 et les références citées).

Dans un arrêt de 2012, la chambre administrative s'est prononcée sur la question de savoir si des dividendes encaissés par une banque (la recourante) devaient être intégrés à son chiffres des affaires soumis à la TPC. Les dividendes obtenus par la recourante en 2006 et 2007 représentaient le produit des intérêts des dividendes des portefeuilles destinés au négoce, celui provenant des immobilisations financières, le résultat des aliénations d’immobilisations financières et enfin les produits extraordinaires. Tous ces postes qui avaient dégagé les dividendes litigieux résultaient de l’activité commerciale inhérente au but social de la recourante acquis dans le cadre de l’activité lucrative déployée par celle-ci. D’ailleurs, l’art. 304 al. 2 aLCP était exemplatif et les dividendes en question ne rentraient pas dans la liste des exceptions énoncées à l’art. 304 al. 3 aLCP. Il en résultait qu’en considérant que ces dividendes faisaient partie du chiffre des affaires, dès lors qu’ils étaient la contrepartie de fonds propres placés en dépôt fiduciaire, et étaient donc soumis à la TPC, le TAPI avait fait une application conforme à la loi et la jurisprudence (ATA/243/2012 du 24 avril 2012 consid. 4)

Le Tribunal fédéral a été saisi d'un recours contre cet arrêt et l'a rejeté par arrêt du 3 décembre 2012 (2C_552/2012). À teneur de ce dernier, isolément pris, l'art. 304 al. 1 aLCP, qui postule que le chiffre des affaires se compose des prestations brutes obtenues par le contribuable « en contrepartie » de la fourniture de biens ou de services, semble exclure les dividendes. En effet, l'actionnaire recevant un dividende n'obtient en principe rien qu'il ne possède déjà, dès lors que la distribution du dividende engendre une baisse corrélative de la valeur de la société et, par voie de conséquence, de celle de la quote-part de l'actionnaire. Par ailleurs, la cause de la distribution des dividendes réside non pas, stricto sensu, dans un rapport d'échange commercial, mais dans la participation de l'actionnaire au capital de la société. Toutefois, l'interprétation littérale commande de tenir compte de l'ensemble des alinéas de l'art. 304 aLCP. À ce titre, l'al. 2 de cette disposition contient une énumération exemplative (« notamment ») – et non pas exhaustive – des éléments entrant dans le chiffre des affaires. En outre et surtout, l'al. 3, qui énonce les éléments exclus du chiffre des affaires ainsi que certaines contre-exceptions, est formulé de manière à faire douter du caractère strict des termes « en contrepartie » employés à l'art. 304 al. 1 aLCP et, partant, de l'exclusion généralisée des dividendes de l'assiette de l'impôt. L'al. 3 let. e de l'article précité exclut en effet du chiffre des affaires « les bénéfices en capital, sauf s'ils constituent le produit d'une activité lucrative, même accessoire » ; la contre‑exception permet ainsi d'intégrer au chiffre des affaires les bénéfices en capital émanant d'une activité lucrative, dont les dividendes forment précisément une quote-part (arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2012 précité consid. 5.4.1 et les références citées).

L'interprétation historique de l'art. 304 aLCP et du régime de la taxe en cause tend du reste à confirmer cette approche. Il résulte en effet des travaux préparatoires relatifs à la TPC que le législateur cantonal a voulu conférer une portée très large à la notion de « chiffre des affaires » (MGC 1969 I 661 : « Cette notion est nettement plus large que celle de "chiffre d'affaires" »). Celle-ci doit englober « toutes sortes de revenus professionnels, tels que les ventes, les locations, les commissions ou les honoraires notamment ; elle peut même comprendre dans certains cas les remboursements de frais généraux lorsqu'ils conditionnent l'importance de l'entreprise du contribuable » (MGC 1969 I 661 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_151/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.2). L'art. 304 al. 1 aLCP comportait par ailleurs, préalablement à sa modification du 21 juin 1985, une seconde phrase précisant entre autres: « sont notamment considérés comme chiffre des affaires (...) et, en général, tous les produits acquis en relation avec l'activité lucrative ». Or, il ressort des travaux parlementaires que cette énumération des éléments faisant partie du chiffre des affaires a par la suite été supprimée à de pures fins de simplification, le législateur genevois ayant en effet estimé qu'ils étaient d'ores et déjà englobés par la nouvelle définition générale présentement en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2012 précité consid. 5.5 et les références citées).

3.5 Conformément aux principes de taxation, les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction (art. 310 al. 1 let. a aLCP). La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l'année suivante pour le même montant (art. 310 al. 1 let. b aLCP). La période de taxation, soit celle pendant laquelle la taxation est faite et la période fiscale, soit celle pour laquelle l’impôt est dû, coïncident, alors que la période de calcul, soit celle dont le revenu sert de base au calcul de l’impôt, les précède. L’imposition de la TPC se fait donc normalement selon le système praenumerando (ATA/967/2023 précité consid. 5.4 et l'arrêt cité).

3.6 Les revenus du placement du capital social d'une personne morale font partie du chiffre des affaires, pour autant qu'ils aient été acquis dans le cadre de l'activité lucrative du contribuable (ATA/329/1997 du 27 mai 1997 consid. 5b). Les produits non liés à l'activité principale du contribuable entrent également dans l'assiette de la TPC lorsqu'ils constituent des gains accessoires. À partir de CHF 25'000.-, les produits financiers des sociétés commerciales sont considérés à Genève comme accessoires et sont par conséquent soumis à la TPC. Les montants inférieurs sont qualifiés de produit extraordinaire et sont exonérés. Cette solution est admissible en matière d'impôt spécial complémentaire, dans la mesure où une solution moins schématique n'apparaît pas manifestement plus adéquate (ATA/329/1997 du 27 mai 1997 consid. 6 et 6a et les références citées).

3.7 Le principe de la légalité revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2). La base légale doit présenter une densité normative permettant de respecter les garanties de clarté et de transparence exigées par le droit constitutionnel (ATF 139 I 280 consid. 5.1 ; 136 I 1 consid. 5.3.1). Il importe en effet que l'autorité exécutive ne dispose pas d'une marge de manœuvre excessive et que les citoyens puissent cerner les contours de la contribution qui pourra être prélevée sur cette base (ATF 144 II 454 consid. 3.4 ; 143 I 227 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2020 du 15 octobre 2020 consid. 6.1).

3.8 La comptabilité constitue la base de l’établissement des comptes (art. 957a al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). Les comptes sont présentés dans le rapport de gestion. Ce dernier contient les comptes annuels individuels (comptes annuels) qui se composent du bilan, du compte de résultat et de l’annexe (art. 959b al. 2 CO).

L’art. 959b CO traite de la structure minimale du compte de résultat. Il y est précisé que le compte de résultat reflète les résultats de l’entreprise durant l’exercice. Le compte de résultats doit comporter au moins les postes qui sont énoncés aux al. 2 et 3 de cette disposition. Doivent notamment figurer les charges et produits financiers (al. 2 ch. 7 ; al. 3 ch. 4). Les produits sont les revenus dégagés par l'entreprise dans le cours de son activité. Un produit se traduit par un enrichissement de l'entreprise (obtention d'un avantage économique), soit un montant dégagé par l'activité de l'entreprise et en vertu duquel elle reçoit une contrepartie (Rémy BUCHELER, Abrégé de droit comptable, 2015, p. 85 n. 2).

4.             En l'espèce, l'intimée a taxé la recourante, pour les années 2012 et 2013, sur un montant de CHF 261'359.-, ce dernier comprenant les gains de change 2012 (CHF 13'511.-), les intérêts sur valeurs mobilières 2012 (CHF 94'391.-) et les produits sur titres 2012 (CHF 153'458.-).

Pour les années 2014 et 2015, elle l'a taxée sur un montant moyen de CHF 3'562'514.-, représentant la moyenne entre CHF 261'359.- (année 2012) et CHF 6'863'668.- (année 2013). Ce dernier montant comprend le dividende de CHF 6'774'000.- (2013), les intérêts sur valeurs mobilières 2013 (CHF 43'103.-) et les produits sur titres 2013 (CHF 46'566.-). Procédant à une reformatio in pejus de cette taxation, le TAPI a ajouté au chiffre des affaires 2013 de la recourante les gains de change 2013 (CHF 137'524.-).

4.1 Se pose en premier lieu la question de savoir si l'intégration du dividende de CHF 6'774'000.- dans le chiffres des affaires 2013 de la recourante est conforme au droit.

4.1.1 Celle-ci soutient que tel n'est pas le cas. Premièrement, il n'existait pas de base légale suffisante pour taxer les dividendes sans lien avec l'activité commerciale d'une société. L'art. 304 aLCP était suffisamment clair et n'avait pas besoin d'être interprété. Il exigeait un lien entre, d'un côté, le chiffres des affaires et, d'un autre côté, les livraisons de biens ainsi que les mises à disposition des biens ou de services.

Ce premier argument doit être écarté. En effet, d'abord, il ne tient à tort pas compte du fait que l'interprétation littérale conduit à prendre en considération l'ensemble des dispositions légales applicables à la question traitée, soit en l'occurrence l'ensemble des alinéas de l'art. 304 aLCP. Ensuite, comme le Tribunal fédéral l'a déjà tranché, l'art. 304 al. 3 aLCP, qui énonce les éléments exclus du chiffre des affaires ainsi que certaines contre-exceptions, est formulé de manière à faire douter du caractère strict des termes « en contrepartie » présents à l'art. 304 al. 1 aLCP, si bien qu'un lien entre, d'un côté, le chiffres des affaires et, d'un autre côté, les livraisons de biens ainsi que les mises à disposition des biens ou de services n'est pas nécessairement exigé. Enfin, la contre-exception de l'art. 304 al. 3 let. e aLCP permet d'intégrer au chiffre des affaires les bénéfices en capital émanant non seulement d'une activité lucrative, dont les dividendes forment précisément une quote-part, mais également d'une activité accessoire non liée à l'activité principale du contribuable. En ce sens, l'art. 304 al. 3 let. e aLCP constitue ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, une base légale suffisante pour taxer les dividendes sans lien avec l'activité commerciale d'une société, à tout le moins ceux qui dépassent, comme en l'espèce (cf. infra), CHF 25'000.-, puisqu'à partir de ce montant, les produits financiers des sociétés commerciales sont considérés à Genève comme accessoires à tout le moins.

Deuxièmement, la recourante allègue que, dans la mesure où elle avait reçu le dividende litigieux sur la base de la seule détention des actions dans D______ SA, il n'y avait eu aucun service, livraison ou autre prestation réalisée par elle-même.

Ce deuxième argument doit également être écarté. En effet, compte tenu des explications qui précédent, soit en particulier du fait que l'art. 304 al. 3 aLCP est formulé de manière à faire douter du caractère strict des termes « en contrepartie » présents à l'art. 304 al. 1 aLCP, il apparaît sans importance que l'intéressée ait reçu le dividende litigieux sans avoir fourni une contrepartie, pour autant toutefois que tel soit le cas, question qui pourra souffrir de demeurer indécise.

Enfin, la recourante reproche au TAPI d'avoir interprété l'art. 304 al. 3 let. e aLCP dans le sens qu'il serait possible de taxer les revenus accessoires sans lien avec une activité, alors que l'exception de cette disposition prévoyait le contraire.

Cet argument ne peut pas non plus être suivi, puisque la jurisprudence admet la taxation des revenus accessoires sans lien avec une activité pour autant que ces revenus dépassent, comme en l'espèce (cf. infra), CHF 25'000.-.

Le dividende litigieux, qui est un produit financier, dépasse CHF 25'000.-. Ainsi, même à considérer qu'il ne constitue pas le produit d'une activité lucrative principale, il constitue à tout le moins un gain accessoire et doit entrer dans l'assiette de la TPC. Son intégration dans le chiffre des affaires 2013 de la recourante est dès lors conforme au droit.

4.1.2 Malgré ce qui précède, l'intéressée soutient encore qu'il serait abusif que le produit issu d'un gain en capital sur la vente d'un actif soit exonéré de la TPC dans le chef de la société qui a vendu cet actif, alors même que cet élément de revenu puisse être taxé en cas de distribution à son actionnaire. Cet argument n'est toutefois pas pertinent, puisque la vente d'un actif et la distribution à l'actionnaire du produit issu de cette vente sont des opérations différentes.

4.2 Se pose en second lieu la question de savoir si l'intégration des gains de change et des produits sur titres dans le chiffres des affaires 2012 et 2013 de la recourante est conforme au droit.

La recourante allègue là encore que tel n'est pas le cas. Les gains en capitaux (produits sur titres) étaient réalisés sur des titres et il s'agissait de quelques revenus accessoires en lien avec la gestion de la trésorerie, mais sans aucun exercice d'une activité de sa part ni aucun lien avec les prestations de locations immobilières qu'elle exerçait. Il en allait de même pour les gains de change, qui résultaient uniquement de la variation des cours de change sur les actifs détenus.

Elle ne peut toutefois être suivie. Pour les motifs déjà exposés, le fait qu'elle ait comptabilisé les gains en capitaux et les gains de change litigieux sans avoir fourni une contrepartie au sens de l'art. 304 al. 1 aLCP n'empêche pas qu'ils soient compris dans son chiffres des affaires (art. 304 al. 3 let. e aLCP).

Il n'est pas contesté que les gains en capitaux litigieux sont des produits financiers, ni qu'ils constituent – à tout le moins – des gains accessoires ayant procuré un avantage économique à la recourante. Dans la mesure où ils dépassent le montant de CHF 25'000.- (CHF 153'458.- pour 2012 et CHF 46'566.- pour 2013), ils sont soumis à la TPC.

Il n'est pas non plus contesté que les gains de change sont des produits financiers. Dans sa réclamation, la recourante a expliqué qu'il s'agissait de recettes passives liées à des opérations immobilières. Il est dès lors possible, d'une part, de les considérer comme des revenus du placement de son capital social. D'autre part, les buts sociaux de la recourante ne se limitent pas à la détention et la location de biens immobiliers ; ils s'étendent non seulement à la fourniture de services techniques et administratifs et à la participation à des entreprises industrielles et commerciales, mais aussi et surtout à toutes activités se rattachant directement ou indirectement à la détention et la location des biens immobiliers. Son activité lucrative est ainsi plus large que la simple location d'immeubles ; elle inclut toutes opérations immobilières. Par conséquent, et dans la mesure où les gains de change découlent d'opérations immobilières, ces derniers doivent être considérés comme ayant été acquis dans le cadre de l'activité lucrative de la recourante. Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, ils font partie du chiffre des affaires de la recourante et sont soumis à la TPC, quel que soit leur montant.

L'intégration des gains de change et des produits sur titres dans le chiffre des affaires 2013 de la recourante est par conséquent conforme au droit. Pour le surplus, la recourante ne conteste ni le groupe professionnel qui lui a été attribué ni le coefficient qui a été appliqué. Il n'y sera dès lors pas revenu.

Le grief sera ainsi écarté et le recours, mal fondé, sera rejeté. Le jugement du TAPI sera confirmé, dans la mesure où il ordonne l'ajout au chiffre des affaires 2013 de la recourante le montant des gains de change 2013, soit CHF 137'524.-.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'intimée, à savoir une commune qui compte plus de 10'000 habitants, soit une taille suffisante pour disposer d'un service juridique, et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/167/2024 du 6 février 2024 et l'arrêt cité).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Per PROD'HOM, avocat de la recourante, à Me Xavier OBERSON, avocat de la B______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :