Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3209/2021

ATA/992/2022 du 04.10.2022 sur JTAPI/384/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3209/2021-PE ATA/992/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 (JTAPI/384/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1994, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 17 mai 2018, il a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative. Il a notamment produit un formulaire M, à teneur duquel il était arrivé pour la première fois en Suisse le 1er janvier 2012, un contrat de travail conclu avec la société B______ Services Sàrl, son curriculum vitae, indiquant qu’il avait suivi sa scolarité et des études au Kosovo de 1999 à 2011.

3) Par décision du 6 juin 2018, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui cette demande avait été transmise, a refusé d'y donner une suite favorable, l’admission ne servant pas les intérêts économiques de la Suisse selon l’art. 18 de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et l’ordre de priorité de l’art. 21 LEtr n’ayant pas été respecté.

4) Les 8 juin, 21 août et 30 novembre 2018, M. A______ a sollicité de l'OCPM la délivrance de visas de retour en vue de se rendre au Kosovo pendant un mois pour rendre visite à sa famille, notamment à sa mère, qui était malade.

5) Par décision du 16 mai 2019, fondée sur celle de l’OCIRT du 6 juin 2018, l'OCPM a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 30 septembre 2019 pour quitter le territoire.

6) Le 6 juin 2019, il a saisi l'OCPM d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, en produisant notamment un nouveau formulaire M, à teneur duquel il était arrivé pour la première fois en Suisse en date du 18 mars 2009, deux certificats de salaire établis par la société C______ Sàrl pour les années 2010 et 2011 [laquelle a été radiée du registre de commerce de Genève en date du 19 novembre 2015], six certificats de salaire établis par la société D______ Sàrl, en liquidation [radiée d’office du registre de commerce le 30 septembre 2019 suite à sa faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 22 novembre 2018] pour les années 2012 à 2017, un certificat de travail établi par B______ Services Sàrl pour l’année 2018, ainsi que les fiches de salaire pour les mois de janvier à mai 2019 émanant de cette société.

Dans la lettre d’accompagnement, il a notamment indiqué que sa demande d’autorisation de séjour initiale du 17 mai 2018 avait été déposée « par erreur », dès lors qu’au vu des circonstances, il aurait dû déposer une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il séjournait à Genève depuis le 18 mars 2009 et y avait travaillé depuis cette date. Il ne remplissait pas les conditions de l’opération « Papyrus », mais celles du cas de rigueur.

7) Par acte du 17 juin 2019, il a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre de la décision de renvoi prise à son égard par l'OCPM le 16 mai 2019, enregistré sous le n° de cause A/1______/2019.

8) Le 30 juillet et 29 août 2019, il a sollicité de l'OCPM la délivrance de visas de retour en vue de se rendre au Kosovo pendant un mois pour rendre visite à sa famille, notamment à ses parents.

9) Le 20 août 2019, il a transmis à l'OCPM un extrait de son compte individuel auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation, à teneur duquel des cotisations avaient été versées pour les mois de juin 2015 à décembre 2016 par D______ Sàrl et de janvier à décembre 2018 par B______ Services Sàrl.

10) Le 22 août 2019, l’OCPM a dénoncé M. A______ au Ministère public, l’authenticité des documents établis au nom de l’entreprise C______ Sàrl pouvant être mise en doute, notamment du fait que les activités ne ressortaient pas de l’extrait de compte individuel AVS de l’intéressé. Soit l’intéressé avait produit des faux en vue de tirer un avantage permettant d’illustrer la durée de son séjour en Suisse et son intégration professionnelle, soit son employeur avait soustrait indûment des cotisations sociales en indiquant qu’elles étaient versées aux organismes concernés.

11) Par décisions du 24 septembre 2019 puis du 14 octobre 2020, le TAPI a suspendu l’instruction du recours sur demande conjointe des parties.

12) Le 6 décembre 2019, M. A______ a sollicité de l'OCPM la délivrance d’un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo pendant un mois pour rendre visite à ses parents.

13) Le 1er juillet 2020, E______ SA a déposé une demande d’autorisation de séjour et/ou de travail, par le biais d’une formulaire M, concernant M. A______, indiquant notamment comme date d’arrivée à Genève le 18 mars 2009.

14) Le 9 février puis le 20 mars 2021, M. A______ a sollicité de l'OCPM la délivrance d’un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo pour soutenir son père dans sa maladie.

15) Entendu par la police le 18 mai 2021, il a notamment déclaré (assisté par un interprète) que ses parents et sa sœur vivaient au Kosovo et qu’il était arrivé en Suisse en 2011, mais n’avait pas pu y travailler « au début », parce qu’il était encore mineur, et était par la suite retourné au Kosovo pour y passer son permis de conduire, puis était revenu en Suisse en 2013 et avait commencé à y travailler au cours de cette année. Il s’était procuré des fiches de salaire pour les années 2009 à 2011, contre une rémunération de son fournisseur s’il obtenait un permis. Il n’avait jamais vu ni signé le permis de séjour B à son nom trouvé lors de la perquisition du domicile de son oncle.

16) Par ordonnance pénale du 19 mai 2021, le Ministère public l’a déclaré coupable de faux dans les titres, d'infraction aux art. 115 al. 1 let. a et c LEI et 92 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI, le condamnant à une peine pécuniaire de 150 jours-amende.

Il lui était notamment reproché d’avoir, dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour, produit des documents « non-authentiques », à savoir des fiches de salaire et des certificats de travail pour des activités au sein de diverses sociétés à Genève, dont C______ Sàrl, dans le but d'obtenir une autorisation de séjour et d’avoir tenté d'induire en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur l'entreprise qui l'employait, dans le but d'obtenir frauduleusement ladite autorisation.

Le Ministère public a notamment relevé que, lors de son audition par la police le 18 mai 2021, il avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés.

17) Par courrier adressé au TAPI le 25 mai 2021, M. A______ a déclaré retirer son recours dans la cause n° A/1______/2019.

Par décision du 27 mai 2021, le TAPI a pris acte de ce retrait et rayé la cause du rôle.

18) Par courrier du 11 juin 2021, l'OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était imparti pour exercer par écrit son droit d'être entendu.

Il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse, en commettant des infractions à la LEI et en reconnaissant avoir eu un comportement frauduleux à l’égard des autorités. Il avait produit des faux titres, n’avait pas souscrit une assurance maladie obligatoire et avait été en possession d'une contrefaçon d'une autorisation de séjour à son nom.

Il n'avait en outre pas démontré une intégration socio-culturelle particulièrement remarquable, n'avait pas fourni une attestation de réussite à l’examen de français, n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n'avait pas non plus démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Ainsi, il ne remplissait pas les critères relatifs au cas individuel d'extrême gravité.

19) Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

20) Par décision du 19 août 2021, reprenant les motifs de sa lettre d’intention du 11 juin 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A______ au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif en vue de la délivrance d'un titre de séjour et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 19 octobre 2021 pour quitter le territoire.

21) Par acte du 20 septembre 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, sous suite des frais et dépens. À titre subsidiaire, il a implicitement sollicité son audition personnelle, afin de prouver ses allégations.

Il était arrivé en Suisse pour la première fois en 2013 et, depuis lors, avait participé à la vie économique du canton de Genève. Il y avait travaillé pour de nombreuses sociétés et était ainsi parvenu à se former rapidement. Il travaillait pour la société F______ SA et percevait un salaire mensuel d’environ CHF 4'000.-, lequel lui permettait de subvenir amplement à ses besoins et de jouir d'une indépendance financière totale.

Il était parfaitement intégré en Suisse et y avait toujours eu un comportement exemplaire. Depuis son arrivée, il avait su nouer d'excellentes relations de travail, d'amitié et de voisinage. Il possédait un niveau B1 en langue française, soit un niveau supérieur à celui exigé par l'OCPM. Il n’avait jamais fait l'objet de poursuites et n'avait jamais sollicité l'aide sociale.

Toutes ses condamnations pénales étaient liées directement ou indirectement à des infractions à la LEI et à son désir de pouvoir vivre en Suisse avec sa famille. Le risque de récidive était nul. S'agissant de la contrefaçon du permis de séjour B à son nom, l'instruction avait, selon lui, permis de constater qu’il ne connaissait même pas l'existence de ce document.

Après une aussi longue absence de son pays d’origine, sa réintégration paraissait tout simplement impossible. Il avait créé de véritables liens d'amitié et des relations de travail solides en Suisse. En cas de retour dans son pays, il se retrouverait dans une situation précaire, sans logement et sans emploi, et ses conditions de subsistance seraient menacées.

22) Dans ses observations du 18 novembre 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours, estimant que les arguments invoqués par le recourant n’étaient pas de nature à modifier sa position.

23) Par réplique du 7 février 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il séjournait en Suisse depuis 2013, soit depuis neuf ans, soit une durée de séjour qui ne pouvait pas être considérée comme courte.

24) Par courrier du 21 février 2022, l'OCPM a indiqué qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

25) Par jugement du 14 avril 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années, même légalement, n’était pas suffisant pour répondre aux conditions strictes requises d’une reconnaissance d’un cas de rigueur, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, qui faisaient manifestement défaut. La durée réelle du séjour du recourant ne pouvait pas être établie et devait en outre être très fortement relativisée puisqu’il s’était toujours déroulé sans autorisation.

Sa condamnation du 19 mai 2021 pour faux dans les titres et tentatives d’infraction à l’art. 118 al.1 LEI permettaient en soi d’exclure la délivrance d’une autorisation de séjour. Son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle et ne justifiait pas une ascension professionnelle remarquable susceptible de justifier la délivrance d’un permis humanitaire. Il avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Kosovo, où il avait dû conserver de fortes attaches, notamment des membres de sa famille, dont ses parents et sa sœur, et où il s’était rendu à plusieurs reprises au bénéfice de visas de retour.

Son absence de dépendance à l’aide sociale et son apprentissage de la langue nationale constituaient un comportement ordinaire et ne permettaient pas à eux seuls de retenir l’existence d’une intégration particulièrement marquée. De par sa condamnation pénale et son comportement frauduleux à l’égard des autorités, ce dernier n’était de loin pas irréprochable.

Il ne démontrait pas qu’il rencontrerait des difficultés de réadaptation dans son pays d’origine plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire et ne pouvait tirer avantage du fait accompli devant lequel il mettait les autorités. Rien n’indiquait que l’expérience professionnelle acquise en Suisse ne pouvait être exploitée pour favoriser sa réintégration sur le marché de l’emploi de son pays.

Dès lors qu’il ne pouvait se prévaloir ni d’un séjour légal en Suisse ni d’une intégration exceptionnelle en Suisse, il ne pouvait pas non plus tirer bénéfice de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

26) Par acte expédié le 23 mai 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, principalement, à ce que l’OCPM préavise favorablement son dossier auprès du SEM, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Il a repris les arguments déjà exposés, insistant sur la durée de son séjour en Suisse et sur le fait qu’il avait toujours travaillé ce qui démontrait une intégration professionnelle remarquable puisqu’il n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour. Sa réintégration sociale dans son pays d’origine était fortement compromise puisqu’il avait toutes ses attaches en Suisse. Ses condamnations pénales étaient liées directement ou indirectement à des infractions à la LEI et à son désir de pouvoir se vivre en Suisse avec sa famille, de sorte que le risque de récidive était nul. Il avait créé des liens particuliers avec des membres de sa famille vivant en Suisse, et s’était créé un réseau social. Il était intégré en Suisse et connaissait les us et coutumes locaux. En cas de retour dans son pays d’origine, il risquait de se retrouver dans une situation financière et personnelle inextricable dans un pays avec lequel il n’avait plus d’attaches, se sentirait déraciné alors que sa mentalité avait évolué en vivant en Suisse où il avait établi le centre de ses intérêts.

Le TAPI avait donc commis un abus de son pouvoir d’appréciation.

27) Dans sa réponse du 21 juin 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours, relevant que les condamnations pénales prononcées à l’encontre du recourant étaient non seulement liées à des infractions à la LEI, mais également à des faux dans les certificats à la suite de la production de faux documents visant à induire l’OCPM en erreur dans le cadre de l’instruction de sa demande d’autorisation de séjour, ce qui aurait pu entraîner la révocation d’une autorisation de séjour si elle avait été déjà délivrée, a fortiori s’opposait à sa délivrance. Par son comportement le recourant avait démontré que son intégration faisait défaut.

28) Par courrier du 22 août 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

29) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour du recourant et le renvoi de celui-ci.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

e. Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3) En l’espèce, à retenir que le recourant soit arrivé en Suisse en 2013, il totalisait, lors du dépôt de sa demande de régularisation en 2018, un séjour d’au mieux cinq ans. Au moment où l’OCPM a statué sur sa demande de séjour, il résidait au mieux depuis 8 ans en Suisse et ne remplissait donc pas la durée de séjour continu de dix ans requise pour bénéficier de l’« opération Papyrus ».

Il ne remplit pas non plus les conditions d’un cas de rigueur. Son intégration socio-professionnelle ne saurait être qualifiée de particulièrement marquée. S’il semble certes avoir acquis les connaissances de la langue française requises (niveau B1 soit un niveau supérieur au niveau exigé), ne fait l’objet d’aucune poursuite, ni n’a recouru à l’aide sociale, il a été condamné pénalement, en lien avec des infractions à la LEI, des attestations de salaires et des certificats de travail falsifiés, qui avaient été produites pour démontrer son séjour en Suisse, et à l’obligation de s’assurer pour le risque maladie.

Il n’apparaît pas qu’il ait tissé en Suisse des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts qu’il ne pourrait continuer à entretenir par le biais des moyens de télécommunication modernes et ne démontre pas qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève.

Par ailleurs, il n'a, à teneur du dossier, pas acquis de compétences professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait pas les mettre en œuvre au Kosovo ni ne fait état d'une réussite professionnelle remarquable. Ayant travaillé dans le secteur du bâtiment, ses compétences sont exploitables dans son pays d'origine, même s'il est reconnu que les perspectives professionnelles du recourant seront probablement moins bonnes qu’en Suisse.

Arrivé en Suisse à 19 ans - à considérer les allégations du recourant sur une arrivée en Suisse en 2013 -, le recourant a vécu son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, soit les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Il connaît les us et coutumes de son pays, dont il maîtrise la langue. Il y est retourné pour raisons familiales à plusieurs reprises ces dernières années, ce que les visas de retour qu’il a obtenus démontrent. Sa réintégration sociale ne devrait ainsi pas poser de problèmes particuliers, étant rappelé qu’à tout le moins ses parents et sa sœur vivent au Kosovo.

Dans ces conditions, la réintégration socio-professionnelle du recourant ne paraît pas fortement compromise. S’il traversera une nécessaire phase de réadaptation à son retour, aucun élément ne permet de retenir qu’il se confrontera à d’importantes difficultés de réintégration, ce d’autant que sa famille pourra le soutenir dans cette démarche.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions d’un cas de rigueur.

Le recourant, âgé de 28 ans, n’allègue pas une quelconque maladie ni un autre problème de santé l'empêchant de retourner au Kosovo.

Il ressort ainsi des éléments ci-dessus qu’il ne remplit pas les critères d'un cas d'extrême gravité, ce que le TAPI a confirmé à juste titre.

4) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Aucun motif ne permet donc de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory et Mme Michon Rieben, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.