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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2657/2021

ATA/965/2022 du 27.09.2022 sur JTAPI/277/2022 ( LDTR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2657/2021-LDTR ATA/965/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2022

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par D______ SA

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2022 (JTAPI/277/2022)


EN FAIT

1) A______ SA (ci-après : A______ SA) est une société active dans l'immobilier dont Monsieur B______ est l'actionnaire unique et administrateur-président avec signature individuelle.

Elle est propriétaire de la parcelle no 4'404 de la commune de Genève-Cité, sise en zone 1 dans le périmètre protégé de la Vieille-Ville, sur laquelle est érigé un immeuble (R+5) essentiellement destiné à l’habitation, à ______/______.

2) a. Le 22 juillet 2015, le département, devenu depuis le département du territoire (ci-après : le département ou le DT), a délivré à A______ une autorisation de construire DD 1______/1 pour la « création d'un ascenseur, l'agrandissement du volume intérieur au 5e étage et la création d'un velux ».

b. Le préavis du service LDTR du 21 mai 2015 devait être respecté et faisait partie intégrante de la décision. Ce dernier mentionnait notamment que le loyer des appartements du 5e étage ne devait pas excéder, après travaux, « son niveau actuel soit CHF 141'000.-/an selon l’état locatif futur mentionné. Les loyers seraient appliqués pour une durée de trois ans dès la remise en location après la fin des travaux. Tous travaux supplémentaires devaient faire l’objet d’une demande complémentaire ».

Une note technique détaillant le coût des travaux, annoncé (CHF 889'000.-) et admis, le calcul des travaux en application de l’art. 11 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) et les loyers après travaux, en fonction du nombre de pièces et de l’étage, était jointe.

3) a. Le 27 juin 2017, le département a délivré une autorisation de construire complémentaire DD 1______/2-3. Les plans visés ne varietur indiquaient des travaux touchant le sous-sol, le rez ainsi que les étages 1 à 4.

b. Le préavis du service LDTR du 20 décembre 2016 devait être respecté et faisait partie intégrante de la décision. Ce dernier mentionnait notamment que le loyer des appartements du 5e étage ne devait pas excéder, après travaux, « son niveau actuel soit CHF 133'500.-/ an selon l’état locatif futur mentionné. Les loyers seraient appliqués pour une durée de cinq ans dès la remise en location après la fin des travaux. Tous travaux supplémentaires devaient faire l’objet d’une demande complémentaire ».

Une note technique détaillant le coût des travaux, annoncé
(CHF 3'500'000.-) et admis, le calcul des travaux en application de l’art. 11 LDTR et les loyers après travaux, en fonction du nombre de pièces et de l’étage, était jointe.

Par ailleurs, aux fins de contrôle, le requérant devait remettre au DT un état locatif nominatif de l’immeuble au jour précédent la sortie du contrôle.

c. L’autorisation était par ailleurs soumise au respect des préavis du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) du 15 mai 2017, de la police du feu du 27 mars 2017 et de la direction générale des eaux du 26 janvier 2017.

4) Le 7 mai 2018, lors d'une visite sur place, des collaborateurs du département ont constaté que les travaux en cours ne correspondaient pas aux deux autorisations de construire délivrées. Ils ont notamment relevé que l’appartement en duplex, situé aux 4e et 5e étages, ne correspondait pas aux plans visés ne varietur, tant quant à la typologie qu’au nombre de pièces.

Selon le procès-verbal, divers travaux étaient en cours pour l’appartement des 4e et 5e étages, notamment la plâtrerie, en cours de finition, la fourniture et la pose du parquet qui étaient à faire, à l’instar de l’appareillage des WC.

5) Un échange de courriels a suivi. Le DT relevait ainsi le 18 juin 2018 que des interventions étaient nécessaires avant la demande d’habitabilité et de conformité du bâtiment, notamment pour l’appartement du dernier étage, non conforme aux plans autorisés.

À réception des plans, le DT a relevé, le 9 juillet 2018, que l’architecte ne niait pas que le plan ne correspondait pas aux plans déposés et que l’exécution modifiait la typologie et le nombre de pièces autorisés. Ils en avaient pourtant parlé sur place. « Ce dossier [était] déjà caractérisé par de nombreuses complications sans ajouter ce changement qui sembl[ait] intentionnel ». Il ne devait plus être entrepris de travaux dans cette partie de l’immeuble.

6) Le 9 juillet 2018, Monsieur C______, architecte de profession et mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) d’A______, a expliqué que le 5e étage ne correspondait pas encore au plan visé ne varietur. Seules deux chambres au lieu de quatre étaient visibles pour le moment. Suite à un contrôle de l’amiante, le chantier avait été arrêté et l’immeuble assaini, ce qui avait nécessité la démolition de certaines parois et la mise en conformité de certains planchers. Depuis la visite du 7 mai 2018, rien n'avait été modifié, dans l’attente d’une visite de la propriétaire, laquelle avait eu lieu la semaine précédente. Cette dernière souhaitant modifier la typologie de l’appartement à la suite d'une « conséquence familiale privée ». Une autorisation de construire par voie de procédure accélérée (ci-après : APA) serait prochainement déposée.

La suspension des travaux au 5e étage était « maintenue en attendant l'APA en force » ; si celle-ci devait être définitivement refusée, les travaux seraient achevés tels que mentionnés sur le plan visé ne varietur.

7) a. Le 11 juillet 2018, A______ a déposé une requête en autorisation de construire pour la transformation et la rénovation d’un duplex aux 4e et 5e étages, enregistrée sous APA 3______. La surface de plancher était estimée à 245 m2 pour des coûts de travaux estimés à CHF 660'000.-.

b. Le 20 août 2018, le département a requis le dépôt d’une requête en autorisation de construire complémentaire par la voie de la procédure ordinaire.

c. M. C______ a déposé une telle demande le 31 août 2018, enregistrée sous DD 1______/3.

À l’appui de cette demande, il a relevé que la diminution du nombre de pièces du duplex, de sept à cinq, découlait de la constatation du faible volume des chambres mansardées situées du côté de la place par rapport à la taille de l’appartement. La diminution du nombre de chambres au dernier étage était justifiée par l’amélioration de la qualité d’isolation thermique et du « concept feu » par l’intérieur des murs mitoyens, les plafonds et la toiture de l’appartement, qui réduisaient intérieurement tant la surface que le volume utile. L’ascenseur créé avait également considérablement réduit la surface disponible au 4e étage, ce qui obligeait à revoir la typologie de l’appartement. Le 5e étage ne correspondant pas au standing d’un duplex en Vieille-Ville, sa qualité devait être améliorée.

d. Les préavis suivants ont été rassemblés : favorable sans condition pour l’office des autorisations de construire (ci-après : DAC) le 12 septembre 2018 et la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI), le 26 septembre 2018.

La police du feu a préavisé favorablement le 25 septembre 2018, posant comme condition que les mesures de protection incendie en matière de construction, d’équipement et d’utilisation, telles que éclairage de secours, extincteurs, détection incendie, alarmes internes, consignes, liaisons visuelles, etc. devraient être adaptées à la nouvelle configuration des locaux.

Les préavis LDTR des 27 septembre et 10 octobre 2018 étaient défavorables. Aucune des conditions de l’art. 9 LDTR n’était remplie. La motivation tenait en dix-sept lignes. Un autre projet ou un retour à l’autorisation précédente devait réaliser un logement de sept pièces.

Le préavis du SMS du 18 novembre 2019 était favorable sous conditions. S’agissant du duplex, un portail sécurisé avait été mis en place dans l’ancien escalier, au noyau en pierre de molasse taillée. L’installation n’était pas conforme aux directives de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) pour les bâtiments anciens et ne figurait pas dans le dossier de plans déposés. Il devait être supprimé.

8) Dans un courrier du 13 janvier 2019, A______ a informé M. C______ que l’actionnaire de la société propriétaire souhaitait habiter personnellement le duplex. Il ferait effectuer des travaux dans ledit logement, actuellement à l’état brut, par un tiers. Il était toutefois prié d’informer le département que le duplex serait personnellement occupé par M. B______ et sa compagne, comme pied-à-terre à Genève.

9) Le 19 septembre 2019, le SMS et le service LDTR ont sollicité de M. C______ de pouvoir effectuer une visite de l’appartement en duplex aux
4e et 5e étages « afin de pouvoir clore le dossier de la demande d’autorisation
DD 1______ et ses diverses mises à jour ».

10) Lors de la visite sur place le 10 octobre 2019, les collaborateurs du DT ont constaté que la typologie du duplex ne correspondait pas à celle du plan visé ne varietur et que les travaux intérieurs étaient achevés. L’appartement était meublé et habité.

11) Le 29 janvier 2020, le DT a informé A______ que, dans le cadre de l’instruction de la requête DD 1______/3 déposée le 31 août 2018, il avait été constaté par un inspecteur de l’OAC que la transformation soumise à l’examen du DT avait été réalisée sans autorisation. Cette situation constituait une infraction. Un dossier était ouvert sous les références I-2______.Un délai lui était imparti pour faire valoir ses observations.

12) Le 10 février 2020, A______, par l'intermédiaire de la régie, devenue depuis lors D______ (ci-après : la régie), a détaillé les lenteurs du traitement de ce dossier par le département.

Il s’agissait d’une transformation intérieure mineure d’un appartement existant en duplex. La CMNS avait mis quatre cent vingt-sept jours pour rendre son préavis et le service LDTR, trois cent soixante-cinq.

Or, la police du feu avait rendu son préavis en neuf jours, le SPI, dix et la Ville de Genève, vingt-cinq.

A______ a admis avoir entrepris les travaux d'aménagement intérieur sans autorisation de construire du fait des silences, nonobstant relances, de la part du département. Elle avait par ailleurs décidé de ne pas ériger les deux galandages initialement prévus, en raison d'une perte importante de surface après travaux de mise aux normes anti-feu.

M. B______ utilisait « cet appartement à titre personnel et privé ».

Elle n’avait pas commis d’infraction.

13) a. Par décision du 27 juillet 2020, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 1______/3. Les conditions permettant d’autoriser une transformation au sens de l’art. 9 LDTR n’étaient pas réalisées.

b. Le 14 septembre 2020, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Une procédure a été ouverte sous le numéro A/2795/2020.

c. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 11 mai 2021, dont la teneur sera reprise ci-après en lien avec le présent litige.

d. Le 7 septembre 2021, le TAPI a admis le recours, annulé la décision de refus d'autorisation et renvoyé le dossier au département pour délivrance de l'autorisation (JTAPI/908/2021), après fixation du montant du loyer admissible après travaux par le service LDTR. La question de savoir s’il s’agissait d’un trois-quatre pièces, comme estimé par le service LDTR, ou d’un cinq pièces, comme allégué par la requérante, et si les travaux exécutés étaient conformes aux plans versés au dossier, ils n’étaient pas l’objet du litige.

Ce jugement est entré en force en l'absence de recours formé à son encontre.

14) a. Dans une seconde décision du 27 juillet 2020, le département a infligé à A______ une amende de CHF 10'000.- et lui a ordonné de remettre en état le 4e étage et les combles conformément aux autorisations de construire DD 1______/1 ou DD 1______/2 dans un délai de cent vingt jours. Il lui était également demandé de fournir, dans un délai de trente jours, l'attestation globale de conformité partielle, accompagnée des plans conformes à l'exécution, concernant les étages allant du rez au 3e étage, le nom du nouveau MPQ qui superviserait les travaux de remise en état, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux de tous les étages.

b. A______ a interjeté recours contre cette décision le 14 septembre 2020.

Une procédure a été ouverte sous le numéro A/2797/2020.

c. Par jugement du 22 février 2022, le TAPI a partiellement admis le recours, annulé la décision du département en tant qu'elle ordonnait de remettre en état le 4étage et les combles, de fournir l'attestation globale de conformité partielle accompagnée des plans conformes à l'exécution concernant le rez et le 1er étage de l'immeuble, ainsi que les baux et dates d'occupation des locaux concernant ces deux mêmes étages (ch. 3 du dispositif). La décision était confirmée pour le surplus (ch. 4 du dispositif).

d. Par acte mis à la poste le 4 avril 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant principalement à l'annulation du ch. 4 du dispositif du jugement confirmant l'amende et l'ordre de produire une attestation de conformité et les baux des 2e au 5e étages.

e. Le 4 avril 2022, le département a également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant à l'annulation d'une partie du ch. 3 de son dispositif, en ce qu'il concernait notamment l'attestation globale de conformité partielle. Il convenait de rétablir la décision contestée sur ce point.

f. Par arrêt du 28 juin 2022, la chambre de céans a rejeté le recours d’A______ et admis celui du DT. L’obligation de fournir l’attestation globale de conformité partielle accompagnée des plans conformes à l’exécution concernant tous les étages ainsi que les baux et dates d’occupation des locaux étaient rétablies.

g. Un recours est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral.

15) Le présent litige porte sur une troisième procédure.

Parallèlement aux deux procédures précitées, le 30 avril 2021, le département a notamment transmis, dans le cadre des procédures susmentionnées, une photographie de l'interphone de l’immeuble et extrait de la base de données de l’office cantonal de la population et des migrations (Calvin), laissant à penser que le duplex querellé était loué à un certain Monsieur E______.

16) Lors de l’audience qui s’est tenue le 11 mai 2021 par-devant le TAPI dans le cadre de la cause A/2795/2021, M. B______ a précisé être résident monégasque depuis le 14 décembre 2010. Il passait volontiers plusieurs mois par an à Genève, raison pour laquelle il y avait un pied-à-terre. Il occupait depuis deux ans, à temps partiel, l’appartement litigieux, mais n’avait pas souhaité mettre son nom sur la boîte aux lettres « pour avoir une certaine tranquillité et pour éviter des sollicitations des autorités fiscales ». C’était le nom d’un ami qui y était mentionné. Il n’occupait pas d’autre logement à Genève. Il avait injecté près de dix millions de francs dans l’immeuble pour les travaux. L’attestation globale de conformité serait établie à la fin de la procédure. L’ancien loyer était de CHF 60'000.-/an. Le logement ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population.

Le département a contesté notamment ce dernier point. Il s’agissait, préalablement aux travaux, d’un appartement de huit pièces, réduit à sept. Après travaux, il s’agirait d’un appartement de luxe, qui sortirait du marché locatif.

17) Par décision du 30 juillet 2021, se référant aux propos précités, le département a interdit à A______ d’utiliser le duplex en cause avec effet immédiat et ce jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit. M. B______ occupait depuis deux ans l’appartement litigieux, ce qui constituait une infraction à l’art. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

18) a. Par courriel du 4 août 2021, M. B______ a demandé au département de modifier sa décision en ne prohibant que la location du duplex en cause, mais en l’autorisant à occuper lui-même ce logement. Il n’y logeait pas, étant domicilié à Monaco, mais l’occupait à titre gratuit, au lieu de payer un hôtel, lors de ses passages à Genève.

b. Par réponse du 6 août 2021, le département a refusé cette requête.

19) Par acte du 13 août 2021, A______ a interjeté recours contre la décision du 30 juillet 2021 auprès du TAPI, concluant à son annulation, subsidiairement à être autorisée à mettre l’appartement en cause à disposition de M. B______ uniquement, et ce tant que le litige relatif à sa transformation de sept en cinq pièces n’était pas définitivement réglé. Préalablement, elle a requis la comparution personnelle de M. B______, l’audition comme témoin de M. C______ et une inspection locale destinée à démontrer l’habitabilité du duplex.

20) Après un double échange d’écritures, le TAPI, par jugement du 22 mars 2022, a rejeté le recours précité.

a. La requérante n'indiquait pas sur quels éléments devraient porter l'audition de MM. C______ et B______, ce dernier ayant déjà eu l’occasion de s’exprimer. L’inspection locale n’était pas nécessaire, la décision querellée ne retenant pas que le duplex serait inhabitable.

Même à envisager une éventuelle violation du droit d’être entendu de la propriétaire, ladite violation aurait été réparée devant le TAPI. M. B______ n’était pas empêché de fonder son centre de vie et d’intérêts dans le duplex, puisque ce dernier n’était pas domicilié à Genève, où il ne faisait que passer de temps à autre. Autre serait éventuellement la situation si ce dernier était domicilié à Genève.

b. La teneur de l’art. 7 al. 1 LCI était claire. Une construction modifiée destinée à l’habitation – ce qui était à l’évidence le cas du duplex concerné – ne pouvait être occupée ou utilisée à un titre quelconque que suite au dépôt au département d’un dossier de plans conformes à l’exécution et d’une attestation de conformité établie par un MPQ. Or, ainsi qu’indiqué lors de l’audience du 11 mai 2021 par M. B______, il vivait dans le duplex en cause à temps partiel avec son épouse et une telle attestation n’avait pas été soumise au département. Il n’avait, par ailleurs, pas été allégué ni a fortiori démontré qu’une telle attestation aurait été remise au département postérieurement à ladite audience. Partant, le duplex en cause ne pouvait être occupé ou utilisé à un titre quelconque, et ce même à titre temporaire pendant les séjours de M. B______ à Genève.

Le fait que la propriétaire l’ait aménagé, puis permis à son actionnaire de l’occuper sans que le département n’intervienne afin de modifier cette situation dès qu’il en avait eu connaissance – à savoir en octobre 2019 puisqu’aucun élément au dossier ne permettait de retenir que M. C______ l’avait effectivement informé de cette situation suite au courrier de la propriétaire du 13 janvier 2019 – démontrait une inaction ou un retard dudit département, voire une tolérance de sa part à ce sujet. Cela ne signifiait toutefois pas que le département ait accepté cette situation et encore moins qu’il ait fourni une assurance qu’il n’allait pas intervenir pour faire respecter l’art. 7 LCI. Au surplus, la recourante n’avait pas pris des dispositions auxquelles elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice en se fondant sur le comportement du département, soit son silence quant à la violation de l’art. 7 LCI. En effet, elle mettait gratuitement à disposition de M. B______ le duplex, de sorte que si ni ce dernier ni un tiers ne pouvait plus l’occuper, elle n’en subissait aucun dommage.

Le fait que les procédures d’autorisation de construire concernant le duplex aient été longues, voire trop longues, n’était pas un élément qui permettrait à la recourante de passer outre les exigences légales formulées à l’art. 7 LCI.

c. Le département était en droit, voire, dans le cas présent, avait le devoir d’ordonner une mesure au sens de l’art. 129 LCI. Les exigences posées par l’art. 7 al. 1 LCI, soit l’attestation globale de conformité et les plans conformes à l'exécution, étaient nécessaires pour contrôler, entre autres, que la construction ou l’installation en cause avait été réalisée conformément au projet et qu’elle respectait ainsi les prescriptions relatives aux différentes politiques publiques, dont celles relatives à la sécurité. À défaut d’une telle attestation, le département ne pouvait s’assurer du respect des normes topiques, en particulier de celles liées à la sécurité. Il n’était par conséquent pas disproportionné qu’il applique le droit en ordonnant que le duplex ne puisse être occupé ou utilisé à un titre quelconque. Il n’existait pas d’autre mesure moins incisive que le département aurait pu appliquer, étant relevé que l’interdiction prononcée ne lésait pas les intérêts de la recourante, qui ne tirait aucun profit du duplex en le mettant gratuitement à la disposition de son actionnaire, ni ceux de ce dernier, non domicilié à Genève et qui n'y avait donc pas le centre de ses intérêts. En outre, le fait de permettre uniquement à l’actionnaire de la recourante d’occuper le duplex malgré l’absence d’attestation de conformité – comme le proposait la recourante – reviendrait sinon à violer, tout au moins à contourner l’art. 7 al. 1 LCI, ce qui ne pouvait être admis, de sorte qu'il n'existait pas de mesure moins incisive que celle querellée que le département aurait pu prononcer.

21) Par acte du 6 mai 2022, A______ a recouru devant la chambre administrative. Elle a conclu à l’annulation du jugement précité. Subsidiairement, elle devait être autorisée à mettre le duplex concerné à disposition de son actionnaire, à l’exclusion de toute autre personne ou de toute location avant l’octroi de l’autorisation de construire complémentaire DD 1______/3 et la dépose de l’attestation de conformité y relative.

Le TAPI avait établi les faits de manière incomplète. Elle détaillait les précisions manquantes.

La décision du DT consacrait un abus de droit et était arbitraire.

Le département avait adopté un comportement dilatoire. Le service LDTR avait pris plus de trois cent soixante-cinq jours pour rendre son préavis, le SMS plus de quatre cent vingt-sept pour dire qu’il fallait supprimer une porte et le DT plus de huit mois supplémentaires pour finaliser un refus. Sept cent quarante-sept jours s’étaient ainsi écoulés entre le dépôt de la requête et la décision, étant rappelé que l’art. 3 al. 3 LCI évoquait un délai de trente jours pour rendre les préavis et l’art. 4 al. 1 LCI un délai de soixante jours pour répondre à une requête.

Le département savait que M. B______ occupait le duplex bien avant la réception du procès-verbal du TAPI du 11 mai 2021. M. C______ le lui avait dit, ce que l’audition de ce dernier permettrait de prouver. Le DT en avait été informé en octobre 2019. La régie le lui avait écrit le 10 février 2020. Ce fait lui avait ainsi été communiqué à trois reprises. Le DT avait toléré la situation et avait pour seul objectif de nuire à M. B______, compte tenu d’un contentieux fourni et ancien entre eux.

Le département n’avait toujours pas fait suite au jugement du TAPI du 7 septembre 2021, en force depuis le 9 novembre 2021 et n’avait pas délivré la DD, malgré de multiples relances. La demande avait pourtant été formulée près de quatre ans auparavant, le 31 août 2018.

Le DT était en conséquence seul responsable du fait que les plans définitifs ne pouvaient pas lui être fournis puisqu’il n’avait pas délivré l’autorisation de construire imposée par le TAPI. Du fait de cette insoumission, il ne pouvait pas lui ordonner de ne pas utiliser le duplex.

22) Le département a conclu au rejet du recours.

Suite au jugement du TAPI, il avait dû reprendre l’instruction du dossier notamment sous les aspects LDTR. L’autorisation avait été délivrée le 2 juin 2022.

L’argumentation du recours était difficile à comprendre. Le duplex était habité avant que l'attestation globale de conformité soit transmise. L’éventuel retard dans le traitement du dossier ainsi que le fait que les préavis soient positifs étaient sans incidence sur l’application de l’art. 7 LCI. La recourante n’avait jamais mis en demeure le DT, en application de l’art. 4 al. 4 LCI pour se plaindre du retard. L'attestation globale de conformité devait être délivrée par un MPQ. Le seul fait que le DT détiendrait un dossier complet était sans incidence. Aucun élément du dossier ne démontrait que le DT aurait accepté la situation et encore moins qu’il aurait fourni une assurance qu’il n’allait pas faire respecter l’art. 7 LCI. Au contraire, la recourante avait pris le risque, tout à fait sciemment, de mettre à disposition de son administrateur le duplex alors qu’elle savait que l’autorisation de construire n’avait pas été délivrée et l'attestation globale de conformité non fournie au DT.

L’audition de M. C______ était sans pertinence, la recourante n’ayant jamais obtenu d’assurance du DT de pouvoir utiliser le logement avant la délivrance de l’autorisation de construire et le dépôt de l'attestation globale de conformité.

23) Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions. L’autorisation avait effectivement été enfin délivrée. Le service LDTR connaissait l’ancien loyer depuis quatre ans. Dans son préavis du 2 mars 2022, ledit service avait indiqué renoncer à fixer le loyer après travaux, celui-ci dépassant d’ores et déjà de plus de deux fois et demi les besoins prépondérants de la population. L’interdiction d’utiliser le duplex ne répondait pas à des impératifs de sécurité, mais se voulait chicanière.

24) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

25) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite l’audition de M. C______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a).

b. En l’espèce, la recourante souhaite prouver que le DT savait que l’administrateur de la société habitait dans le duplex depuis un certain temps, évoquant le délai de deux ans avant l’audience de comparution personnelle des parties du 11 mai 2021.

Il ressort du dossier que, lors de la visite des lieux par le département le 7 mai 2018, le duplex n’était pas habité. Il l’était toutefois le 18 novembre 2019 lors du passage des représentants du SMS et du service LDTR. Il est en conséquence prouvé que le DT était au courant que le logement était habité dès cette date, soit dix-huit mois avant la décision querellée.

L’audition du témoin n’est en conséquence pas nécessaire, ce fait étant pour le surplus sans pertinence sur l’issue du litige, compte tenu de ce qui suit.

Pour les mêmes motifs, le grief de violation du droit d’être entendu de la recourante par le TAPI sera écarté.

3) Le recourante se plaint d’un établissement des faits incomplet.

Or, les faits que la recourante reproche au TAPI d’avoir omis portent principalement sur les délais de traitement de ce dossier par le DT. Ceux-ci sont toutefois sans incidence sur l’issue du litige, à l’instar du nombre précis de jours écoulés entre le dépôt de la demande et la délivrance des préavis. De même, le contenu des échanges entre A______ SA et la régie ne sont pas opposables au département.

Le grief est infondé.

4) a. Les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées à l'habitation ou au travail ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2 al. 3 2ème ph. (art. 7 al. 1 let. a LCI). L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment d'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI). Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l'estime nécessaire, l'un ou l'autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l'attestation du propriétaire selon laquelle il n'a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (art. 7 al. 3 LCI).

Dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses les mesures suivantes : a) la suspension des travaux ; b) l’évacuation ; c) le retrait du permis d’occupation ; d) l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter ; e) la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 LCI).

Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

b. Dans un arrêt concernant des villas, le Tribunal fédéral a rappelé que le respect de la condition d'utilisation selon l'affectation annoncée dans les plans d'enquête doit être vérifié à l'issue des travaux par l'Office cantonal des autorisations de construire sur la base de l'attestation de conformité prévue à
l'art. 7 LCI et à l'occasion des contrôles auxquels le département est en droit de procéder en tout temps en vertu de l'art. 8 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2020 du 19 novembre 2020  consid. 2 et les références citées).

c. En l’espèce, il n’est pas contesté que le duplex remplit les conditions d’une construction modifiée, destinée à l’habitation et qu’il est utilisé par l’actionnaire et administrateur de la recourante, ce que A______ SA a autorisé.

Il est établi que l’intéressé y réside depuis 2019 et qu’à la date de son entrée dans le logement et même dans les années qui ont suivi, aucune attestation de conformité établie par un MPQ n’a été transmise au département. La recourante ne le conteste au demeurant pas.

Elle se prévaut du retard pris par l’administration dans le traitement du dossier allant jusqu’à considérer une volonté délibérée de lui nuire. Il ressort toutefois du dossier que celui-ci était délicat. L’immeuble étant sis dans une zone protégée, plusieurs préavis ont été nécessaires pour les trois demandes successives déposées par la société, portant sur le même immeuble et ayant des implications entre les demandes. Tous les préavis n’étaient pas favorables. Dans ces conditions, si certes, il aurait été souhaitable que certains services du département préavisent plus rapidement, notamment les services LDTR et SMS, aucun élément du dossier ne permet de retenir une animosité à l’encontre de la recourante ou de son actionnaire. La durée de traitement du dossier par lesdits services sont à l’évidence dus à la complexité du dossier, quoi qu’en dise la recourante.

Il a, par ailleurs, déjà été relevé dans le cadre de l’arrêt de la chambre de céans du 28 juin 2022, quant à la violation de l'art. 7 LCI, qu’elle est réalisée en l'espèce, le duplex ayant été occupé, non seulement avant l'octroi de l'autorisation de construire, mais également sans qu'un dossier de plans conformes à l'exécution et qu'une attestation de conformité établie par un MPQ aient été communiqués préalablement au département. L'art. 1 al. 7 LCI prévoit expressément qu'aucun travail ne doit être entrepris avant qu'une autorisation n'ait été délivrée. Quant à la prétendue lenteur du traitement de sa demande, la recourante aurait pu mettre en demeure le département de rendre une décision, selon la procédure prévue par l'art. 4 al. 4 LCI, ce qu'elle n'a pas fait. La prétendue lenteur du département ne permet ainsi pas de justifier avoir mis celui-ci devant le fait accompli (ATA/668/2022 du 28 juin 2022 consid. 8).

Comme également déjà relevé, il faut encore ajouter le fait que la recourante n'a déposé sa demande d'autorisation visant la régularisation des travaux que postérieurement à la visite du département. Ces travaux ont aussi été réalisés sans MPQ depuis le 12 janvier 2019, ce fait n'ayant toutefois été annoncé que le 11 octobre 2019 au département et les locaux occupés sans remise des pièces exigées par la loi pour ce faire. Il faut également tenir compte du fait que la propriétaire est une professionnelle de l'immobilier, à l’instar de son administrateur-président et unique actionnaire professionnellement actif depuis longtemps dans le milieu immobilier genevois. Il est d’ailleurs administrateur-président avec signature individuelle de la société représentant la société recourante. Ces derniers ne pouvaient ignorer les conséquences d’une entrée dans les locaux de l’administrateur et actionnaire avant le dépôt de l’attestation de conformité du MPQ.

À ce titre, la qualification de « modification intérieure minime» ne résiste pas à l’examen au vu des préavis détaillés, notamment celui du service du feu, lorsqu’il indique que «les mesures de protection incendie en matière de construction, d’équipement et d’utilisation, telles que éclairage de secours, extincteurs, détection incendie, alarmes internes, consignes, liaisons visuelles, etc. devraient être adaptées à la nouvelle configuration des locaux ». L’importance des documents requis est dès lors évidente et le fait que la recourante ait dû patienter avant d’obtenir la DD suite au jugement du TAPI ne l’autorisait en aucun cas à entrer dans les locaux sans la production préalable de toutes les pièces requises.

En l’absence de celles-ci, c’est à juste titre que le département a fait interdiction à toute personne d’occuper le logement en application de l’art. 129 let. d LCI.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2022 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2022 ;

au fond :

rejette le recours ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d'A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à D______ SA, mandataire d'A______ SA, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes  Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :