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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3277/2020

ATA/228/2022 du 01.03.2022 sur JTAPI/432/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3277/2020-PE ATA/228/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Enis Daci, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mai 2021 (JTAPI/432/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1994, est ressortissant du Kosovo.

2) Il est arrivé en Suisse en 2014, lorsqu'il avait 19 ans, et n'a pas quitté la Suisse depuis.

3) Le 25 avril 2016, M. A______ a été condamné par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois à Yverdon-les-Bains pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Une décision de renvoi a été prononcée avec effet au 10 mars 2016, mais le départ de la Suisse de M. A______ n'a pas été vérifié.

4) Le 16 juin 2017, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Fribourg pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

5) Le 6 juin 2018, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d'entrée en Suisse et au Liechtenstein d'une durée de quatre ans, valable jusqu'au 5 juin 2022 dont les effets s'étendent à l'ensemble de l'espace Schengen et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours.

6) M. A______ a interjeté recours contre cette décision le 4 septembre 2019 auprès du Tribunal administratif fédéral.

7) Par arrêt du 12 septembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours irrecevable.

8) M. A______ a signé une procuration en faveur de B______, laquelle a été transmise à l'OCPM le 25 octobre 2019. Elle a transmis des documents à l'OCPM et demandé pour son mandant une régularisation de ses conditions de séjour.

9) Le 24 février 2020, l'OCPM a informé M. A______ que B______ n'était pas reconnue en tant que mandataire professionnellement qualifié et lui a imparti un délai au 21 mars 2020 pour lui démontrer ses compétences en droit administratif et en droit des étrangers.

10) Ce courrier est resté sans réponse de la part de M. A______. Le 9 mars 2020, l'OCPM a informé M. A______ que la prochaine correspondance lui serait directement adressée puisque B______ n'était pas une mandataire reconnue.

11) Suite au courrier du l'OCPM du 25 juin 2020 l'invitant à faire valoir son droit d'être entendu, M. A______ a fait part de ses observations le 7 juillet 2020.

Il avait étudié au Kosovo de 2010 à 2014, auprès d'une institution d'enseignement du Ministère de l'éducation scientifique et technologique. Il a accompagné son courrier d'une copie de son diplôme délivré le 4 janvier 2013.

12) Le 11 septembre 2020, M. A______ a transmis un nouveau formulaire M à l'OCPM en l'informant qu'il travaillait pour la société C______ Sàrl, et en transmettant un extrait de casier judiciaire daté du 8 août 2019 ainsi qu'une attestation de sa logeuse actuelle, Madame D______.

13) Par décision du 16 septembre 2020, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif, et a prononcé son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, lui impartissant un délai au 16 novembre 2020 pour quitter le territoire suisse et l'ensemble de l'espace Schengen.

À teneur des pièces produites, le séjour de M. A______ était démontré à satisfaction pour les années 2014 à 2020. Lors des auditions de la police du canton de Vaud du 25 avril 2016 et de Fribourg du 25 février 2017, il avait indiqué être arrivé en Suisse en 2014.

Il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse, ayant été condamné à deux reprises pour des infractions à la LEI en 2016 et 2017. M. A______ avait également démontré un mépris des décisions administratives en refusant de quitter la Suisse suite à la décision de renvoi avec départ volontaire avant le 10 mars 2016.

Il ne remplissait ainsi pas les critères relatifs au cas individuel d'extrême gravité envisagé par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'administration, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA – RS 142.201), et ne pouvait pas démontrer qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Enfin, le dossier ne laissait pas apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

14) Par acte du 16 octobre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Il était arrivé en Suisse en 2014. Il y était venu pour avoir les moyens financiers pour aider sa mère, qui souffrait de graves problèmes de santé nécessitant un suivi approfondi et des hospitalisations régulières. Le traitement de sa mère était très coûteux, et elle n'avait pas les moyens de le prendre en charge seule. La vie de sa mère dépendait d'une opération très coûteuse qui avait dû être repoussée en raison de l'épidémie de Covid-19.

Depuis son arrivée en Suisse, il avait travaillé pour les entreprises E______ Sàrl de 2014 à 2016 et F______ Sàrl de 2016 à 2018 en qualité de déménageur. Il travaillait depuis 2018 auprès de l'entreprise C______ Sàrl en qualité de manœuvre et aide-peintre. Son premier employeur, E______ Sàrl lui avait indiqué qu'il s'occuperait de toutes les démarches liées à son statut de droit des étrangers, mais il avait constaté que ce n'était pas le cas lorsqu'il avait été contrôlé par la police.

Il s'était fait beaucoup d'amis, avait appris le français et était très bien intégré en Suisse. Il n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale. Il avait toujours respecté l'ordre juridique suisse sauf en ce qui concernait son séjour illégal.

De plus, il n'entretenait pas de contacts réguliers avec sa famille restée au Kosovo, mis à part sa mère malade. Son entourage proche se trouvait en Suisse. Il avait de bonnes relations avec ses collègues de travail et tous ses employeurs étaient contents de son travail et de son comportement.

Il avait beaucoup évolué depuis son arrivée en Suisse six ans auparavant et se sentait intégré à la mentalité et à la culture suisses. S'il retournait au Kosovo, il ne pourrait pas trouver de travail et aurait de grandes difficultés financières au point qu'il ne pourrait pas survivre et ne serait pas en mesure d'aider sa mère, ce qui aurait de graves conséquences pour la santé de cette dernière.

Il estimait remplir les conditions d'un cas d'extrême gravité. Lui refuser une autorisation de séjour reviendrait à ignorer tous les efforts qu'il avait fournis pour s'intégrer en Suisse. Son renvoi au Kosovo, pays dans lequel il n'avait aucun avenir économique, constituait une violation du principe de proportionnalité.

15) Le 9 décembre 2020, par l'intermédiaire de son conseil, le recourant a transmis au service juridique de l'OCPM une demande de visa urgente afin d'aller rendre visite à sa mère malade qui avait besoin d’une opération. Il a annexé à ce courrier la version originale et traduite du rapport médical attestant que sa mère devait urgemment faire l'objet d'une opération

16) Le 15 décembre 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours, considérant que les arguments invoqués par le recourant n'étaient pas de nature à modifier sa position.

Comme précisé dans la décision querellée, l'intéressé ne satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l'octroi d'un permis humanitaire au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA. En particulier, M. A______ était en Suisse depuis 2014, soit six ans, et n'avait jamais bénéficié d'une autorisation de séjour et de travail. La durée de son séjour ne pouvait donc être qualifiée de longue. Par ailleurs, s'il était intégré sur le marché de l'emploi et n'avait pas recouru à l'aide sociale, son intégration était sans particularité, et il n'avait pas démontré avoir développé des attaches significatives avec la Suisse.

Sa réintégration au Kosovo ne paraissait pas insurmontable, ce d'autant moins qu'il y avait vécu l'essentiel de sa vie et y avait conservé des attaches. En outre, il avait ignoré les décisions de renvoi et d'interdiction d'entrée en Suisse.

17) Par jugement du 4 mai 2021, le TAPI a rejeté le recours.

M. A______ indiquait lui-même être arrivé en Suisse en 2014, si bien que la condition d'un séjour de longue durée sur le territoire suisse n'était manifestement pas remplie au sens de la jurisprudence rappelée plus haut. Cette condition n'était pas la seule déterminante et pouvait être outrepassée si l'intégration de la personne revêtait un caractère exceptionnel.

Il n'apparaissait cependant pas que M. A______ eût noué des liens avec la Suisse qui dépasseraient en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu de tout étranger au terme d'un séjour d'une durée comparable. Il s'était intégré en Suisse, avait créé de nombreux liens d'amitié et de relations de travail, et avait appris le français. Toutefois, cette intégration ne pouvait être qualifiée de remarquable.

Son intégration professionnelle auprès de différentes entreprises genevoises ne revêtait pas non plus un caractère exceptionnel. En effet, le recourant indiquait avoir travaillé en qualité de déménageur et manœuvre et aide-peintre, et n'avait pas acquis pendant son séjour des connaissances et qualifications professionnelles particulières qu'il ne pourrait mettre à profit en retournant au Kosovo. Étant âgé de 26 ans, il ne pouvait être retenu qu'il ne pourrait pas s'insérer sur le marché du travail en retournant dans son pays. Au contraire, puisqu'il y avait passé une grande partie de sa vie, il devrait être à même de s'y réintégrer, quand bien même il faudrait pour cela passer par une période de réadaptation.

Aucun élément du dossier n'attestait que les difficultés auxquelles M. A______ devrait faire face en cas de retour seraient plus lourdes que celles que rencontraient d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour régulier en Suisse. Il n'apportait aucun élément permettant de retenir que son retour au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa vie. Quant à l'état de santé de sa mère, aussi compréhensible que soit le souhait de M. A______ d’apporter son soutien à sa mère, l’aide qu’un ressortissant étranger en Suisse cherchait à apporter à une personne proche dans son pays d’origine n’était pas une circonstance que la LEI permettait de prendre en considération au titre du cas individuel d’extrême gravité.

Enfin, M. A______ ne pouvait invoquer un comportement irréprochable en Suisse, dans la mesure où son casier judiciaire faisait état de plusieurs condamnations, notamment pour infractions à la LEI, et où il avait fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse qu'il avait ignorée.

18) Par acte posté le 7 juin 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à son audition ainsi qu'à celle de cinq témoins, et principalement à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'OCPM pour que ce dernier lui octroie une autorisation de séjour.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendu en refusant l'audition des témoins qu'il avait sollicitée. Ces personnes l'avaient côtoyé quotidiennement depuis 2014, et pouvaient attester de son comportement à l'égard de la communauté citoyenne, de son désir de participer à la vie économique du pays, de son souhait d'acquérir des formations et de se perfectionner et de confirmer sa présence en Suisse. Leur audition permettrait d'établir son intégration en Suisse, sa situation financière, sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, et la durée de sa présence en Suisse.

Sur le fond, les dispositions applicables avaient été violées. Il était parfaitement intégré en Suisse, parlait et comprenait bien le français, ayant suivi des cours de français débutant auprès de l'université populaire albanaise à Genève. Il avait noué des relations solides et stables depuis son arrivée. Son intégration était donc d'un degré bien plus important que celle d'un ressortissant étranger ordinaire après sept ans en Suisse. Il avait travaillé depuis son arrivée pour trois employeurs et avait donc participé à la vie économique. La durée de sa présence en Suisse était considérable. Il avait eu un comportement irréprochable, ses condamnations pénales étant toutes directement liées à son statut administratif.

19) Le 21 juillet 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes d'un cas d'extrême gravité. La durée de son séjour n'était que de sept ans. Son intégration était ordinaire et non exceptionnelle, et son comportement n'était pas exempt de tout reproche puisqu'il continuait d'ignorer une interdiction d'entrée prononcée à son encontre. Sa réintégration apparaissait possible et aucun élément dans son dossier ne faisait obstacle à son renvoi. M. A______ était jeune et en bonne santé.

20) Le 3 août 2021, M. A______ a adressé diverses pièces à l'OCPM, soit un formulaire M, une attestation de logement et une photo passeport.

21) Le 6 août 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 10 septembre 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

22) Le 7 septembre 2021, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations à formuler.

23) M. A______ ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant demande sa comparution personnelle et l'audition de cinq témoins, se plaignant également d'une violation du droit d'être entendu par le TAPI pour ne pas les avoir convoqués.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1), laquelle n'est par ailleurs prévue en procédure administrative genevoise que si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent (art. 18 LPA).

b. En l'espèce, le recourant a pu s'expliquer dans son écriture de recours et produire les pièces qu'il estimait pertinentes. Il a renoncé à répliquer, et surtout il n'indique pas en quoi son audition pourrait apporter des éléments supplémentaires susceptibles d'influer sur l'issue du litige.

S'agissant de la demande d'audition des cinq témoins demandés, il ne précise pas pour chacun d'eux qui ils sont par rapport à lui. Quoi qu'il en soit, les éléments qu'il dit vouloir prouver au moyen de ces témoignages ne sont pas contestés (durée du séjour, situation financière, sa volonté de prendre part à la vie économique), ou bien n'influeraient pas sur l'issue du litige (volonté d'acquérir des formations), son degré d'intégration étant largement prouvé par les éléments déjà présents au dossier.

Partant, ses demandes seront rejetées. Pour les mêmes motifs, on ne peut retenir que le TAPI aurait violé son droit d'être entendu en ne procédant pas à l'audition des témoins concernés.

3) Le recours porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et de prononcer son renvoi de Suisse.

a. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

Le grief d'arbitraire soulevé par le recourant se confond ainsi en l'espèce avec celui de mauvaise application de la LEI et de sa législation d'application.

b. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

c. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

d. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

e. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

f. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4) a. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

b. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

5) En l'espèce, le recourant est entré en Suisse, sans titre de séjour, en 2014. Ainsi, au moment du dépôt de sa demande de délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative le 25 octobre 2019, le recourant séjournait en Suisse tout au plus depuis un peu moins de six ans. Partant, il ne remplit pas la condition d'un séjour régulier d'au moins dix ans.

C'est ainsi à bon droit que le TAPI a retenu que les conditions de l'« opération Papyrus » n'étaient pas réunies, étant rappelé que l’opération a pris fin le 31 décembre 2018.

Comme relevé ci-avant, le séjour en Suisse du recourant ne peut pas être considéré comme très long, dès lors qu'il est inférieur à dix ans. De plus, l'entier de ce séjour a été effectué dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance, ce qui le relativise encore.

Il n'apparaît en outre pas que l'intéressé se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. En effet, il n'est arrivé en Suisse qu'à l'âge de 19 ans, et a donc vécu toute son enfance et son adolescence au Kosovo, de sorte que la chambre de céans ne saurait admettre que les années passées en Suisse soient déterminantes pour la formation de sa personnalité et, partant, pour son intégration socio-culturelle.

Le recourant parle le français de manière élémentaire, ne démontrant pas être parvenu au niveau A2. Il s'est certes créé un cercle d'amis et de collègues en Suisse. Toutefois, les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du TAF F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Par ailleurs, il ne s'est pas investi personnellement, que ce soit dans la vie associative ou dans la culture genevoise. Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

Sur le plan professionnel et financier, il faut reconnaître que le recourant est indépendant financièrement depuis son arrivée en Suisse et qu'il n'a jamais bénéficié de l'aide sociale. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément pourrait être favorable au recourant, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Par ailleurs, les activités du recourant, qui a œuvré dans le domaine du déménagement et du bâtiment, ne sont pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse, qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant est né au Kosovo, dont il parle la langue et où il a vécu son enfance et son adolescence. Il est en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, dans lequel il s'est rendu au moins une fois depuis qu'il séjourne en Suisse, pour des raisons familiales, le recourant pourra faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse, notamment dans le domaine du bâtiment. Le taux de chômage élevé au Kosovo, en particulier chez les jeunes, n'y change rien.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. S'y ajoute encore que le recourant n'a pas respecté une interdiction d'entrée à son encontre, dès lors qu'il est revenu en Suisse après être parti s'occuper de sa mère au Kosovo.

Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

6) a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d
al. 1 LEI).

b. Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83
al. 1 LEI).

L’exécution du renvoi d’un étranger n’est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83
al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. En l'espèce, le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que le renvoi du recourant serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.