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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2632/2021

ATA/872/2021 du 27.08.2021 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2632/2021-FORMA ATA/872/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 août 2021

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, représentée par ses parents Madame B______ et Monsieur C______
représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



Vu le recours interjeté le 9 août 2021 par A______, enfant mineure, représentée par ses parents Madame B______ et Monsieur C______, avec demande de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles, contre la décision du 7 juillet 2021 du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département), indiquant que les examens des tests effectués par ladite enfant montrait que son admission dans une année de scolarité supérieure à celle de sa classe d’âge ne pouvait pas être accordée et qu’elle poursuivrait sa scolarité dans l’année de scolarité correspondant à son âge, soit en 2ème primaire (2P) ;

vu la réponse du DIP du 19 août 2021 sur mesures provisionnelles, concluant au rejet de la demande de mesures provisionnelles ;

vu l’audience de comparution personnelle du 26 août 2021 ;

qu’il ressort du dossier que A______ est née le ______ 2015 ; qu’elle a une sœur jumelle, prénommée D______ ; qu’elles ont toutes deux effectué leur première et deuxième années primaires à______ ; que vers décembre 2020 ou janvier 2021, leurs parents leur ont annoncé que la famille allait déménager ; que les parents ont alors formulé une demande d’ « orientation scolaire » en 3P auprès de la direction de l’établissement primaire ______ (ci-après : l’établissement), sis près du lieu où ils allaient s’établir ;

que les bulletins scolaires d’évaluation jusqu’en fin d’année 2020 (1P et deux premières périodes de 2P) de A______ étaient globalement très bons ; que les troisième et quatrième périodes ont été qualifiées par son enseignante de « plutôt mitigées », l’écriture cursive lui posant « énormément de problèmes » et l’enfant « refusant de faire ses pages d’écriture » ; qu’en dernière période, l’enseignante mentionnait toutefois ne se faire aucun souci pour la suite car l’enfant disposait du potentiel nécessaire ; que le département admet que l’évaluation globale pour l’année 2020-2021 était « plutôt positive », un certain nombre de difficultés étant cependant mises en avant ;

que la recourante et sa sœur jumelle ont été soumises non seulement aux tests scolaires, mais aussi aux tests psychopédagogique et psychologique, tous deux effectués par une psychologue, en l’espèce Madame E______ pour A______ et F______ pour D______ ; qu’à l’issue de cette procédure, le département a considéré que D______ avait les compétences nécessaires pour suivre le programme de 3P à la rentrée scolaire 2021-2022, alors que A______ devait intégrer une classe de 2P ; que cette décision a été prise par le directeur de l’établissement sur la base du bulletin scolaire de l’élève des années précédentes, du résultat des tests scolaires standardisés et de l’évaluation psychologique complémentaire de l’élève ; que cette décision a été confirmée sur recours par la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 21 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2) ;

qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif – ou purement
négative –, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation, étant donné que si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, 1’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il ne bénéficiait pas (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/693/2018 du 5 juillet 2018 consid. 1c et les références citées),

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis
(ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3), et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités), de sorte que, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’aux termes de l'art. 55 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), la scolarité est obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet (al. 1). Le Conseil d'État définit dans un règlement les conditions auxquelles une dispense d'âge peut être accordée à des enfants qui, ayant accompli au moins la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés (al. 4) ;

que conformément à l'art. 57 al. 3 LIP, lorsqu'un élève venant d'une école privée, arrive dans un établissement en cours de scolarité obligatoire, il est admis en principe dans le degré et le type de classe qui correspondent à son âge. Un examen et un temps d'essai peuvent lui être imposés ;

que l'art. 5 al. 1 du règlement relatif aux dispenses d'âge du 21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18) réserve, s'agissant des conditions d'octroi de la dispense d'âge, les cas prévus à l'article 21A du règlement de l’enseignement primaire (REP - C 1 10.21), lequel s'applique dès lors à titre de lex specialis lorsque que, comme en l'occurrence, l'élève intéressé vient d'une école privée ;

que selon l’art. 21A REP, les élèves qui intègrent l'école primaire publique en cours de scolarité obligatoire sont en principe placés dans l'année de scolarité et le type de classe qui correspondent à leur âge (al. 1). En cas de doute sur la capacité de l'élève à suivre l'enseignement, la direction de l'établissement concerné peut lui imposer un examen et un temps d'essai d'une durée maximum d'un trimestre. S'il apparaît que l'élève n'a pas acquis les objectifs d'apprentissage requis pour l'année de scolarité correspondant à sa classe d'âge, la direction de l'établissement concerné inscrit l'élève dans l'année immédiatement inférieure à celle qu'il devrait suivre (al. 2).

que les al. 3 et 4 de l’art. 21A REP traite de la demande d'admission dans une année de scolarité supérieure à celle de la classe d'âge de l'élève ; qu’ainsi sous réserve de l'al. 5, non pertinent en l’espèce, les directions d'établissement primaire peuvent autoriser l'admission d'un enfant dans une année de scolarité supérieure à celle de sa classe d'âge, sur demande écrite et motivée des parents (al. 3). L'autorisation est fondée sur : a) le bulletin scolaire de l'élève des années précédentes ; b) le résultat des tests scolaires standardisés ; c) si nécessaire, une évaluation psychologique complémentaire de l'élève (al. 4) ;

qu’en l’espèce, selon les parents, un début de scolarité de la recourante en 2P alors que sa sœur serait en 3P risquerait de créer, dès lundi, une éventuelle perte d’estime d’elle-même qui pourrait être un dommage irréparable compte tenu de la problématique particulière de la gémellité ; que ce point n’est toutefois pas démontré en l’état, les parents ayant de surcroît indiqué en audience que l’enfant s’était mise en retrait depuis quelques mois déjà ;

que la question de l’existence d’un dommage irréparable souffrira en tous les cas de rester indécise, compte tenu de ce qui suit ;

qu’une restitution de l’effet suspensif ne peut pas entrer en ligne de compte, vu l’absence de statut préalable de l’enfant au sein de l’enseignement public genevois ;

qu’en application des dispositions qui précèdent, les deux sœurs, nées le ______ 2015, souhaitant intégrer l’école publique en provenance d’une école privée, devaient être affectées à la rentrée 2021 dans des classes de 2P ;

qu’une intégration en 3P relève de l’exception, soumise à des conditions strictes par le REP ;

qu’il ressort prima facie du dossier que, si la sœur jumelle a réussi les tests pour sauter un degré et être intégrée directement en 3P, tel n’est pas le cas de la recourante ;

que le département justifie sa décision en se fondant sur les critères retenus par l’art. 21A REP comprenant notamment une évaluation faite par une psychologue ; qu’il ressort prima facie du dossier que le test de français de A______ est largement insuffisant
(1 sur 3, représentant 8 points sur 36) ; qu’il ressort pour le surplus qu’un étayage important de la part de l’adulte aurait été nécessaire au cours de l’évaluation psychologique et que A______ aurait montré des difficultés dans la compréhension de certaines consignes ; que par rapport aux enfants de son âge, son profil cognitif se situe, globalement, dans la moyenne faible ;

que si la demande de mesures provisionnelles était admise, la recourante obtiendrait, d’ores et déjà, l’entier de ce qu’elle sollicite au fond, ce qui ne peut pas être admis ;

qu’au surplus, il ne peut pas être en l’état considéré, sur la base d’un examen sommaire du cas, que le recours serait d’emblée bien-fondé, compte tenu des résultats de la recourante aux tests idoines ;

qu’il sera aussi relevé que, à première vue, il sera plus efficient d’intégrer A______ en 3P si le recours devait être admis que de la faire redescendre en 2P dans l’hypothèse de l’octroi de mesures provisionnelles suivi d’un rejet du recours ;

que vu ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif et des mesures provisionnelles seront refusées, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours et d’ordonner des mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat des recourants, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :