Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1019/2021

ATA/816/2021 du 10.08.2021 sur JTAPI/419/2021 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.09.2021, rendu le 21.09.2021, IRRECEVABLE, 2D_36/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1019/2021-PE ATA/816/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 août 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jean Orso, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2021 (JTAPI/419/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1971, ressortissant indien, a épousé le 7 janvier 2008 Madame B______, née le ______ 1969, ressortissante suisse domiciliée à Genève. Le mariage a eu lieu au Koweït, où l'intéressé travaillait pour une entreprise horlogère suisse depuis 2003.

2) M. A______ est arrivé en Suisse le 4 août 2008 et il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial par l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

3) Le 15 décembre 2008, l'intéressé a été condamné par ordonnance du ministère public à une peine de quarante-cinq jours-amende avec sursis pendant trois ans pour lésions corporelles simples commises sur son épouse.

4) Par ordonnance sur mesures préprovisoires urgentes du 16 mars 2009, confirmées par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 28 juillet 2009, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a autorisé les conjoints à vivre séparés et a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à l’épouse.

5) Par décision du 17 novembre 2010, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M.  A______ et lui a imparti un délai au 17 février 2011 pour quitter la Suisse.

L'union conjugale avait duré moins de trois ans et il ne pouvait se prévaloir d'aucune raison personnelle majeure justifiant la poursuite de son séjour de brève durée en Suisse. Il n'avait pas d'attaches étroites avec son pays d'accueil, où il avait bénéficié de prestations d'aide sociale entre avril et novembre 2009 et travaillait désormais dans une entreprise de nettoyage. Le dossier ne faisait pas apparaître d'obstacle à son retour dans son pays d'origine ou au Koweït, pays où il résidait avant son arrivée en Suisse.

6) Le 7 février 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable, pour défaut de paiement de l'avance de frais, le recours interjeté contre la décision susmentionnée.

7) Le 8 juin 2011, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité auprès de l'OCPM.

Il a notamment allégué ne pas pouvoir retourner en Inde où il avait « subi avant son départ des menaces de réseaux mafieux ».

8) Le 24 février 2012, le TPI a prononcé le divorce des époux A______ et B______.

9) M. A______ a été entendu le 19 juin 2013 par un représentant de l’OCPM. Il a notamment précisé qu’il y avait eu une bagarre dans un cinéma entre ses amis et un groupe de mafieux qu’il n’avait jamais vu auparavant. Il avait été blessé au ventre par deux coups de couteau. Il avait été à la clinique pour ses blessures. Le groupe de mafieux l’avait par la suite cherché, ainsi que ses amis, pour le tuer.

10) Par décision du 25 avril 2014, l'OCPM a constaté que la demande d'autorisation de séjour déposée par M. A______ ne pouvait être examinée au regard des dispositions relatives au cas individuel d'une extrême gravité car l'intéressé était déjà exempté des mesures de limitation compte tenu de son mariage. Il avait dès lors considéré et traité la requête du 8 juin 2011 comme une demande de reconsidération de la décision du 17 novembre 2010. L'intéressé ayant allégué des éléments nouveaux, soit la menace d'un groupe mafieux, il y avait lieu d'entrer en matière sur la demande. Celle-ci devait toutefois être rejetée car il n'avait pas rendu cette menace vraisemblable. Cette décision était exécutoire nonobstant recours. Un nouveau délai au 25 mai 2014 lui était imparti pour quitter la Suisse.

11) Le recours interjeté par M. A______ contre cette décision a été rejeté par jugement du TAPI du 23 juin 2014.

12) La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a rejeté le recours formé par M. A______ contre ce jugement par arrêt du 4 novembre 2014.

Celui-ci écartait notamment les allégations de menaces par une argumentation détaillée qui sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

13) Par lettres des 16 janvier et 26 février 2015, l’OCPM a imparti de nouveaux délais à M. A______ pour quitter la Suisse.

14) Par courrier du 10 avril 2015, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM la reconsidération de sa « demande de régularisation ». Il avait subi des violences et des persécutions dans son pays d'origine, où la situation était devenue très dangereuse ces dernières années. La communauté hindoue contraignait et attaquait les musulmans dans le but de les convertir à sa religion ; il s'agissait d'une guerre « fratricide ». Outre cette « violence institutionnelle », il était également sous la menace de groupes qui l'avaient agressé et avaient mis en péril sa vie pendant les dernières années qu'il avait passées en Inde. Pour ces motifs, sa vie serait en danger en cas de retour. De plus, il suivait une formation spécialisée à Genève, qu'il entendait achever, étant précisé que la poursuite de ses études devait impérativement se faire en Suisse.

15) Par décision du 3 juin 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur cette demande de reconsidération, au motif qu'aucun fait nouveau susceptible de modifier sa position n'avait été apporté, et a ordonné à M. A______ de quitter sans délai le territoire.

16) Le 3 juillet 2015, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI. Il lui était impossible de retourner en Inde. De confession musulmane, il appartenait à une communauté qui faisait l'objet de nombreuses menaces et actes de violence. En outre, il souhaitait poursuivre une formation dans le domaine de l’horlogerie à Genève.

17) Par jugement du 16 juillet 2015, le TAPI a rejeté le recours au motif que les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable au sens de la loi pour justifier une entrée en matière sur la demande de reconsidération.

Il n’a pas été interjeté recours contre ce jugement.

18) Le 8 juillet 2020, M. A______ a été arrêté pour avoir séjourné et travaillé sans autorisation, en infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

19) Par courriel du 20 juillet 2020, M. A______ a informé l’OCPM qu’il allait déposer une demande de reconsidération à la fin août et lui a demandé de renoncer à entreprendre toute mesure d’exécution de renvoi de Suisse dans l’intervalle.

20) Par courriel du même jour, l’OCPM a notamment répondu qu’en raison de l’augmentation énorme de nouveaux cas de COVID-19 en Inde, il lui accordait un délai au 30 août 2020 pour déposer une demande de reconsidération et qu’aucune mesure ne serait prise dans l’intervalle à son encontre.

21) Le 31 août 2020, M. A______ a déposé une demande de reconsidération. Il a exposé son histoire familiale, personnelle et professionnelle, estimant que certains éléments, dont l’OCPM n’avait pas connaissance, constituaient des faits nouveaux. Passionné d’horlogerie, il souhaitait achever son CFC d’horloger. Grâce à ses compétences dans ce domaine, il avait été employé auprès de plusieurs entreprises de la branche et avait aidé bénévolement d’autres étudiants à préparer leurs examens d’horloger. Il avait par ailleurs reçu de son père un don de guérisseur, qui lui avait permis de soigner gracieusement de nombreuses personnes pour des douleurs articulaires ou musculaires. Ces faits tendaient à démontrer une contribution significative de sa part à la société, ainsi qu’une forte intégration en Suisse.

22) Par courrier du 6 octobre 2020, l’OCPM a informé le recourant de son intention de refuser d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération. Les faits décrits par l’intéressé ne pouvaient pas être considérés comme des faits nouveaux et importants au sens de la loi. Sa situation ne s’était pas modifiée de manière notable depuis les décisions des 17 novembre 2010, 25 avril 2014 et 3 juin 2015 et leur entrée en force. Un délai était accordé à M. A______ pour exercer par écrit son droit d’être entendu. Il était également rappelé qu’une demande de reconsidération n’avait pas d’effet suspensif.

23) Par courrier du 4 décembre 2020, M. A______ a informé l’OCPM avoir été victime d’un accident, le 2 septembre 2020, à bord d’un bus TPG, lequel avait dû freiner soudainement, ce qui avait violemment projeté ses passagers à l’intérieur. Blessé à la jambe, il avait dû subir une intervention chirurgicale et était depuis lors en incapacité de travail. En raison de sa convalescence, il était « totalement » injustifié d’exiger son départ de Suisse.

24) Par courrier du 17 décembre 2020 à l’OCPM, le recourant a notamment allégué que sa présence en Suisse avait été tolérée, puisqu’à aucun moment on ne l’avait contraint à quitter le territoire avant l’issue des procédures relatives à ses demandes d’autorisation de séjour et de reconsidération. Divers aspects de son histoire familiale, de sa vie et de sa personnalité, qui n’avaient pas été abordés dans ses précédentes demandes, devaient être considérés comme des faits nouveaux. En outre, étant donné qu’il avait été agressé et persécuté en tant que musulman à Hyderabad en 2002 par des membres du Bharatiya Janata Party, l’un des principaux partis politique du pays, son renvoi en Inde lui ferait courir des risques pour sa vie et son intégrité corporelle. Il a produit à cet effet des attestations rédigées en anglais par des citoyens indiens confirmant l’existence de ces violences à l’encontre des musulmans.

25) Par ordonnance pénale sur opposition et ordonnance de classement partiel (pour la période du 4 août 2010 au 16 avril 2015), M. A______ a été condamné à une peine pécuniaire de nonante-jours amende à CHF 50.-, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c LEI. Il a été mis au bénéfice du sursis, le délai d’épreuve étant de trois ans.

26) Par décision du 11 février 2021, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 31 août 2020. Les faits allégués par M. A______ ne pouvaient pas être considérés comme nouveaux et importants au sens de la loi. Ils avaient déjà fait l’objet d’un examen par l’OCPM, le TAPI et la chambre administrative lors des procédures antérieures. Sa situation ne s’était pas modifiée de manière notable depuis les précédentes décisions de l’OCPM entrées en force. L’intéressé était tenu de se conformer à la décision de renvoi et de quitter la Suisse sans délai.

27) Par acte du 15 mars 2021, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à enjoindre l’OCPM d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération. Préalablement et sur mesures superprovisionnelles, subsidiairement provisionnelles, il a conclu à ce qu’il soit autorisé à séjourner en Suisse jusqu’à droit jugé sur le présent recours. Il a également sollicité un délai pour fournir des pièces complémentaires permettant de prouver la poursuite de son séjour en Suisse et ses emplois dans des entreprises de nettoyage de 2016 à 2019.

28) Par décision incidente du 23 mars 2021, le TAPI a rejeté la demande de mesures superprovisionnelles au motif que la décision faisant l’objet du recours ne portait que sur le refus de l’OCPM d’entrer en matière sur la demande de reconsidération et non sur une décision de renvoi.

29) L’OCPM s’est opposé à l’octroi de mesures provisionnelles et a conclu au rejet du recours. Le recourant faisait l’objet de plusieurs décisions de refus et de renvoi, auxquelles il ne s’était sciemment pas conformé. Il existait un intérêt public prépondérant à la bonne application de ces décisions. Sa situation actuelle résultait exclusivement de son absence de respect des précédentes décisions dont il avait fait l’objet. Au vu de son comportement et du caractère itératif de ses demandes, sa nouvelle demande de reconsidération était abusive.

30) Dans sa réplique, le recourant a indiqué que sa demande était également justifiée d’un point de vue médical. Il a produit une attestation du 19 avril 2021 précisant qu’il avait été opéré le 7 septembre 2020 pour une « fracture du plateau tibial Schatzker II à droite ». Lors d’une consultation du 10 décembre 2020, il marchait sans boiterie et voulait reprendre le travail, ce qu’il avait fait à compter du 13 décembre 2020 à 100 %.

31) Par jugement du 29 avril 2021, le TAPI a rejeté le recours. Les faits allégués par le recourant ne constituaient pas des faits nouveaux. L’accident de bus dont il avait été victime ne constituait pas une modification notable des circonstances, l’intéressé semblant aujourd’hui rétabli.

32) Par acte du 3 juin 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité. Il a conclu à son annulation et à ce qu’il soit dit que la demande de reconsidération remplissait les conditions légales. Cela fait, l’OCPM devait être enjoint d’entrer en matière. Préalablement, l’effet suspensif devait être accordé et, sur mesures provisionnelles, il devait être autorisé à séjourner en Suisse durant la procédure de recours.

Le recourant a détaillé son histoire personnelle, familiale ainsi que professionnelle. L’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) avait été violé. L’OCPM n’avait pas eu connaissance de certains faits en relation avec sa famille, ce qui ne pouvait lui être reproché dès lors que, depuis 2009, il était assisté par divers mandataires auxquels il incombait de faire preuve de toute la diligence requise en enquêtant sur ces points auprès de leur mandant. L’écoulement du temps avait confirmé son intégration professionnelle en Suisse, mais ne l’avait ni favorisée ou créée. Ses compétences en horlogerie étaient un élément nouveau à l’instar des cours qu’il donnait à des étudiants et aux soins qu’il prodiguait de manière bénévole. Son intégration était ainsi exceptionnelle. Il avait enfin transmis des attestations de compatriotes confirmant les agressions, persécutions et menaces qu’il avait subies. Ces attestations avaient été considérées comme non suffisamment probantes sans aucune motivation. Par ailleurs, il ne voyait pas quelles autres preuves il aurait pu fournir dans ce contexte. Si le fait qu’il soit en danger pour sa vie et dans son intégrité corporelle dans l’hypothèse d’un retour dans son pays d’origine avait déjà été invoqué auparavant, les attestations transmises avaient un caractère nouveau puisqu’elles émanaient pas de lui, mais de tiers et ne se fondaient pas sur des informations générales qui pourraient concerner tout citoyen indien.

33) L’OCPM a conclu au rejet de la requête en mesures provisionnelles et du recours. Il s’est à nouveau interrogé sur le caractère abusif du recours.

34) Dans sa réplique sur mesures provisionnelles et au fond, le recourant a persisté dans ses conclusions.

35) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles et au fond.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

Il convient cependant de relever que le chef de conclusions visant à ce que le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) reconsidère sa décision est irrecevable, la chambre de céans n’étant pas compétente pour donner des instructions au SEM.

2) Le recourant fait valoir que les circonstances ont changé, ce qui justifierait une reconsidération de la décision de l’OCPM de lui refuser une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi.

a. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80
let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ;
ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1
let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

b. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

c. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

d. En principe, même si une autorisation de séjour a été refusée ou révoquée, l'octroi d'une nouvelle autorisation peut à tout moment être requis, à condition qu'au moment du prononcé, l'étranger qui en fait la requête remplisse les conditions posées à un tel octroi. Indépendamment du fait que cette demande s'intitule reconsidération ou nouvelle demande, elle ne saurait avoir pour conséquence de remettre continuellement en question des décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 ; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3 et les références citées).

e. En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

3) En l’espèce, le recourant se prévaut principalement des nouvelles attestations relatives aux menaces dont il dit faire l’objet en cas de retour en Inde. Il s’agit de sept lettres au contenu identique, signées par sept résidents de Hyderabad, produisant, à l’appui de leur signature, une copie de leur pièce d’identité. Selon une traduction libre, chacun confirmerait connaître le recourant et savoir qu’il a été persécuté et attaqué à Hyderabad depuis décembre 2002 en raison de sa confession musulmane. Ces actes de violence étaient conduits principalement par le Bharatiya Janata Party, un des deux partis politiques d’Inde, dans l’optique de forcer les musulmans à se convertir à l’hindouisme. L’attestation indique que tout citoyen résistant à ce mouvement et identifié comme tel est en danger pour son intégrité corporelle et sa vie.

Ces attestations relatent des événements de décembre 2002. Or, le recourant n’en a pas fait mention ni dans ses écritures du 29 septembre 2009, ni dans celles du 24 juin 2010. La décision de l’OCPM, définitive et exécutoire du 17 novembre 2011, n’évoque en conséquence pas ces faits, pourtant déjà connus du recourant.

L’intéressé les a allégués, pour la première fois, dans sa demande du 8 juin 2011. Considérant qu’il s’agissait de faits nouveaux, l’OCPM est entré en matière, mais a rejeté la requête de reconsidération par décision du 25 avril 2014, les faits en question n’étant pas suffisamment rendus vraisemblables. Cette décision a fait l’objet d’une procédure judiciaire, se terminant par un arrêt de la chambre de céans, retenant notamment : « le recourant ne fournit aucun indice probant de ces éléments, dont la relation est au demeurant très succincte puisqu'il ne fait état d'aucune date ou lieu précis, ne mentionne aucun nom de personne ou établissement, en particulier celui du cinéma où les faits se seraient produits ou de la clinique où il aurait été soigné. Il ne produit aucun document médical relatif aux blessures dont il aurait été victime, pas même un constat de cicatrices compatibles avec ses allégations établi par médecin genevois. Il n'indique pas de quelle manière il serait en mesure de savoir que ces menaces seraient toujours d'actualité onze ans après les faits. Il ne soutient pas non plus qu'il ne serait pas à même de recourir de manière effective aux services de police et à la justice locales en cas de problème ».

Moins d’une année après l’arrêt précité, le recourant a déposé une deuxième demande de reconsidération. Trois mois après, la décision de l’OCPM de ne pas entrer en matière a été confirmée par jugement du TAPI.

Arrêté en juillet 2020 pour séjour et travail illégal en Suisse, l’intéressé a déposé une troisième demande de reconsidération, fondée, au stade du recours, sur les attestations précitées. En tant toutefois que le recourant se prévaut de faits qui se seraient produits en 2002 selon les attestations, qu’il connaissait avant même la première procédure et dont il n’a pas fait état, ils ne remplissent pas la condition de faits nouveaux au sens de l’art. 48 LPA. De surcroît, ils ont été portés à la connaissance de l’OCPM en 2010 et traités tant par ladite autorité que par les juridictions administratives à la suite de la décision du 25 avril 2014. Ils ne constituent ainsi pas des faits nouveaux entraînant une modification notable des circonstances au sens de l’art. 48 let. b LPA. Enfin, ces attestations n’ont qu’une force probante minime, compte tenu de leur caractère identique et de l’absence de toute précision au sens des considérants de l’arrêt de la chambre de céans du 4 novembre 2014.

Pour le surplus, le recourant ne se prévaut plus, devant la chambre administrative, des conséquences de son accident dans le bus. Enfin, les aspects de son histoire familiale ou ayant trait à sa personne ne sont pas des faits nouveaux et importants, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente au sens de l’art. 48 LPA.

Au vu de ce qui précède, la décision de l’OCPM refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 31 août 2020 est conforme au droit et ne consacre aucun abus ou excès de son pouvoir d’appréciation, ce que le TAPI a confirmé à bon droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Le rejet du recours rend sans objet la requête en mesures provisionnelles.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant compte tenu de la requête en mesures provisionnelles (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juin 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met l’émolument de CHF 550.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean Orso, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 




 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.