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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3341/2020

ATA/608/2021 du 08.06.2021 sur JTAPI/204/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3341/2020-PE ATA/608/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juin 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2021 (JTAPI/204/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 2 mai 2019, il a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une « demande de régularisation ».

Sans le moindre avenir au Kosovo, il était venu s'installer à Genève alors qu'il était encore un jeune adulte ; il n'avait plus quitté la Suisse depuis lors. Il avait toujours travaillé, était financièrement indépendant et bien intégré. Célibataire et sans enfant, il parlait le français, n'avait jamais fait l'objet d'une condamnation pénale, n'avait jamais émargé à l'aide sociale et n'avait pas de dettes.

À l'appui de sa demande, il a produit divers documents, notamment un contrat de travail avec la société B______, signé le 7 janvier 2019, le formulaire M complété par son employeur mentionnant 2012 comme date d'arrivée à Genève, des fiches de salaires pour les mois de mai 2018 à mars 2019, une attestation des Transports publics genevois mentionnant l'achat d'abonnements pour les périodes du 24 novembre 2016 au 24 février 2017 et du 7 octobre 2017 au 9 août 2019, une attestation de suivi de cours de français niveau A1, un extrait de casier judiciaire vierge, un extrait de registre des poursuites démontrant qu'il n'avait pas de dettes et plusieurs lettres de recommandations.

3) Le 7 mai 2019, M. A______ a sollicité un visa de retour d'une durée d'un mois afin de rendre visite à sa famille au Kosovo.

4) Par courrier du 30 juillet 2020, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation et de prononcer son renvoi de Suisse.

Dans le cas où sa demande devait être interprétée comme une demande d'autorisation de séjour en vue d'exercer une activité lucrative salariée, il appartenait à son employeur d'introduire une demande en sa faveur auprès de leur office. Sans démarche dans ce sens dans un délai de trente jours, sa requête serait traitée exclusivement sous l'angle d'une situation de cas de rigueur. En l'occurrence, les critères d'intégration n'étaient pas remplis, notamment la durée de séjour en Suisse, qui n'était prouvé que pour les années 2017 et 2020.

5) Invité à se déterminer, M. A______ a précisé être arrivé en Suisse en 2012 et n'avoir jamais cessé de travailler. Depuis le 21 août 2019, il travaillait pour l'entreprise C______ active dans le bâtiment, en qualité de manoeuvre de chantier pour un salaire mensuel brut de CHF 4'540.-. Il avait quitté son pays d'origine huit ans auparavant et les contacts qu'ils entretenaient avec les membres de sa famille vivant au Kosovo, à savoir son père et son frère, étaient sporadiques depuis le décès de sa mère. S'il devait y retourner, ses conditions de subsistance seraient menacées.

6) Par décision du 23 septembre 2020, l'OCPM a refusé la demande d'autorisation de M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), prononçant son renvoi de Suisse et lui impartissant un délai au 23 novembre 2020 pour quitter le territoire.

La situation de l'intéressé ne répondait pas aux critères du cas de rigueur, notamment la durée de séjour continu de dix ans pour une personne célibataire et sans enfant, son séjour en Suisse n'étant démontré que pour les années 2017 et 2020.

Il n'invoquait pas l'existence d'obstacles à son retour au Kosovo et le dossier ne laissait pas apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

7) Par acte du 20 octobre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée à l'OCPM pour nouvelle décision avec l'instruction de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM.

Après avoir rappelé son parcours et reprenant les arguments avancés dans sa demande et ses observations, il a exposé ne disposer d'aucun logement au Kosovo. Après une aussi longue absence, sa réintégration paraissait tout simplement impossible. Ses liens avec son pays d'origine étaient quasiment inexistants et en cas de retour dans son pays d'origine, il se retrouverait dans une situation précaire, sans logement et sans emploi.

8) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Sous l'angle de l'opération « Papyrus », l'intéressé admettait ne pas satisfaire à la condition de la durée du séjour de dix ans.

9) M. A______ n'a pas répliqué dans le délai imparti par le TAPI.

10) Le 11 janvier 2021, M. A______ a, « au chantier sur une échelle, glissé et s'est fait mal au genou », selon la déclaration de sinistre de l'assurance accident de l'entreprise qui l'employait. Sous blessure, il est mentionné « contusion ». Les premiers soins ont été donné par le Docteur D______, médecin du sport, à l'hôpital de la Tour à Meyrin.

La déclaration de sinistre, remplie le 8 février 2021, fait mention d'une interruption du travail à la suite de l'accident dès le 22 janvier 2021.

Les certificats médicaux attestant de l'incapacité de travail confirment que celle-ci a commencé le 22 janvier 2021.

11) Le 2 février 2021, M. A______ a sollicité un visa de retour d'une durée de deux mois afin de rendre visite à sa famille au Kosovo.

12) Par jugement du 2 mars 2021, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Le recourant séjournait en Suisse depuis quatre ans tout au plus, ce dernier n'apportant aucune preuve d'un séjour antérieur à novembre 2016. Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. Il était venu en Suisse pour des raisons d'ordre économique. Ce motif, certes compréhensible, n'était cependant pas pertinent dans le cadre de l'évaluation d'un cas de rigueur. Il avait placé l'autorité devant le fait accompli et devait s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlaient pour lui. Au vu de son statut précaire en Suisse, il ne pouvait ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine. Dépourvu d'une quelconque autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse, c'était à juste titre que l'autorité intimée, qui ne disposait d'aucune latitude de jugement à cet égard, avait prononcé son renvoi. Le recourant était encore jeune et en bonne santé. Un effort pouvait être exigé de lui afin qu'il trouve un logement et un emploi permettant de subvenir à ses besoins à son retour au Kosovo.

13) Par acte du 14 avril 2021, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation du jugement précité et de la décision du 23 septembre 2020, et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour. Subsidiairement, il devait être ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement sa demande. Plus subsidiairement, il devait être dit que son renvoi n'était pas raisonnablement exigible.

Le 11 janvier 2021, il avait été victime d'un accident sur son lieu de travail et était en incapacité de travailler. Il percevait des indemnités journalières de l'assurance-accident (ci-après : LAA).

Le TAPI avait violé les art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) en ne se penchant pas suffisamment sur sa situation. M. A______ avait « pris racine » en Suisse depuis près de huit ans et y avait maintenant toutes ses attaches. Une telle durée ne pouvait pas être considérée comme courte. Il reprenait l'argumentation développée devant le TAPI. Au Kosovo, il ne serait pas en mesure de subvenir à ses besoins, le marché du travail souffrant d'un taux de chômage endémique de près de 50 %, ce que la pandémie du Covid-19 n'avait pas amélioré dès lors que la quasi intégralité de la population avait été mise en quarantaine pendant plusieurs mois.

Son renvoi était par ailleurs inexigible compte tenu de l'accident de travail dont il avait été victime. En cas de départ, la caisse nationale suisse en cas d'accident (ci-après : SUVA) ne verserait plus les indemnités journalières. Compte tenu de son état de santé, il n'était plus en mesure de travailler, ce qui le mettrait inévitablement en danger au Kosovo. Enfin, ce pays venait d'entamer sa campagne de vaccination et n'avait que vingt-cinq milles vaccins. La campagne risquait donc d'être longue et le pays confronté à une situation sanitaire compliquée pendant encore plusieurs années. Ce dernier se trouvait d'ailleurs sur la liste des pays à risque de l'office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP).

14) L'OCPM a conclu au rejet du recours en l'absence d'éléments ou moyens de preuve nouveaux.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant, d'une part, le refus d'octroi d'une autorisation de séjour au recourant, et, d'autre part, son renvoi de Suisse.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée la LEI, et de l'OASA.

b. En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour du recourant a été déposée après le 1er janvier 2019, de sorte que c'est le nouveau droit qui s'applique.

5) La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

6) a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

7) a. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019 prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er novembre 2019, ch. 5.6.10 ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

b. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

d. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, volume 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

8) En l'espèce, le recourant ne conteste pas ne pas réaliser la condition du séjour continu de dix ans minimum de l'opération « Papyrus », de sorte que c'est à juste titre que l'autorité intimée et le TAPI ont examiné sa situation au regard des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

Le recourant allègue être arrivé en Suisse en 2012. Les documents produits ne permettent toutefois pas de considérer cette date comme prouvée. Les attestations de soutien qu'il a produites font mention de liens d'amitié en Suisse depuis 2015. Les abonnements des Transports publics genevois mentionnent novembre 2016 comme date la plus ancienne. La durée du séjour, établie à satisfaction de droit, est de moins de six ans, ce que le TAPI a, à juste titre retenu. De surcroît, cette durée doit être relativisée, puisque le recourant a vécu illégalement sur le territoire helvétique jusqu'à sa demande d'autorisation de séjour, puis n'a été qu'au bénéfice de la tolérance des autorités cantonales pendant l'instruction de sa demande.

Par ailleurs, s'il est louable que le recourant n'ait cessé de travailler depuis son arrivée de manière à ne jamais émarger à l'aide sociale, ni faire l'objet de poursuites, cette activité n'est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'emploi exercé par le recourant en Suisse, principalement peintre dans le bâtiment, ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence, stricte, précitée ou développée en détail dans le jugement du TAPI.

Le recourant met en avant le fait qu'il ne figure pas au casier judiciaire suisse, parle couramment français, a de nombreux amis et connaissances en Suisse et y a aujourd'hui ses racines. Cependant, ces seuls faits ne suffisent pas à consacrer l'existence d'une intégration sociale particulièrement poussée justifiant une exception aux mesures de limitation.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant, actuellement âgé de 34 ans, est né au Kosovo, pays dont il parle la langue et où il a vécu son enfance, son adolescence et une partie non négligeable de sa vie d'adulte, soit jusqu'à 29 ans environ. Il a donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Il y a en outre encore sa famille à qui il rend régulièrement visite, notamment son père et son frère, ayant demandé, en 2019 puis, récemment, en février 2021, un visa de retour pour raisons familiales. Finalement, de retour dans son pays d'origine, il pourra faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse.

Dans ces circonstances, il ne ressort pas du dossier que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants du Kosovo retournant dans leur pays, étant encore précisé qu'il est jeune et en bonne santé et sera apte à travailler dès qu'il sera rétabli des suites de son accident, si tel n'est pas déjà le cas, comme développé dans le considérant qui suit.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés, sa situation n'est pas remise en cause de manière accrue et il ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus. Le grief sera par conséquent écarté.

9) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

b. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. De jurisprudence constante, l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical ne devient inexigible que dans la mesure où, à leur retour dans le pays d'origine ou de provenance, elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (ATAF 2011/50 du 2 mai 2011 consid. 8.3 et les références citées).

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, le cas est grave lorsque les troubles sont tels que, en l'absence de possibilité de traitement adéquat, l'état de santé de la personne concernée se dégraderait très rapidement au point de conduire, d'une manière certaine, à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique. En ce qui concerne l'accès à des soins essentiels, celui-ci est assuré dans le pays de destination s'il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats. Hormis le critère qualitatif des soins, ceux-ci doivent de plus -, en conformité avec le modèle vu auparavant et développé en matière de droits (sociaux et économiques) de l'homme -, être accessibles géographiquement ainsi qu'économiquement et sans discrimination dans l'État de destination. Quoiqu'il en soit, lorsque l'état de santé de la personne concernée n'est pas suffisamment grave pour s'opposer, en tant que tel, au renvoi sous l'angle de l'inexigibilité, il demeure toutefois un élément à prendre en considération dans l'appréciation globale des obstacles à l'exécution du renvoi (Gregor T. CHATTON, Jérôme SIEBER, Le droit à la santé et à la couverture des soins des étrangers en Suisse, Annuaire du droit de la migration 2019/2020, p. 155 et les références citées).

En tant que l'art. 83 al. 4 LEI est une disposition exceptionnelle, tenant en échec une décision d'exécution du renvoi, il ne saurait être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que les structures de soins et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé que l'on trouve en Suisse (ibid.).

d. En l'espèce, les pièces médicales versées au dossier attestent d'un accident en date du 11 janvier 2021, dont les suites sont décrites comme étant une contusion.

Il est fait mention d'une incapacité de travail ultérieure, à compter du 22 janvier 2021. Il n'est pas donné d'explications sur le lien entre le « mal au genou droit en tombant », la capacité de travail entre le 11 et le 22 janvier 2021, et la survenance d'une incapacité de travail dix jours plus tard, soit dès le 22 janvier 2021. Par ailleurs, l'incapacité de travail est attestée jusqu'au 2 avril 2021 seulement. Il n'est pas établi qu'elle persiste à ce jour. Elle mériterait pour le surplus des explications s'agissant de suites d'une seule « contusion ». Or, le recourant ne fournit aucun détail sur ce qui précède.

De même, le versement d'indemnités journalières par l'assurance-accident, allégué par le recourant, n'est pas prouvé.

En conséquence, le recourant n'a pas été en mesure de se prévaloir d'un faisceau d'indices objectifs et concrets permettant de renverser la présomption selon laquelle l'exécution du renvoi vers le Kosovo est raisonnablement exigible (art. 83 al. 4 et 5 LEI ; arrêt du Tribunal administratif fédéral D-1282/2020 du 25 mars 2020 consid. 5.3.4 ).

e. Le recourant invoque le contexte de la pandémie de Covid-19.

Selon la jurisprudence, la propagation dans le monde de la pandémie de Covid-19 n'est, de par son caractère temporaire, pas de nature à remettre en cause l'exécution d'un renvoi. S'il devait retarder momentanément l'exécution du renvoi, celle-ci interviendrait nécessairement plus tard, en temps approprié (arrêt du TAF D-1233/2018 du 29 avril 2020 ; ATA/199/2021 du 23 février 2021 consid. 13c ; ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 9b).

Par ailleurs, le recourant n'allègue pas - et il ne ressort pas du dossier - que le renvoi serait impossible, illicite ou inexigible.

C'est par conséquent à bon droit que l'autorité intimée a prononcé le renvoi et ordonné son exécution.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 avril 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mars 2021 ;


au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.




 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.