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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4384/2020

ATA/399/2021 du 13.04.2021 ( DIV ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4384/2020-DIV ATA/399/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 avril 2021

 

dans la cause

 

M. A______

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me Steve Alder, avocat



EN FAIT

1) L'association de la crèche « C______ » (ci-après : la crèche), ayant son adresse chemin D______ ______ au E______, a, depuis 2007, pour but d'assurer la gestion de la crèche ouverte aux enfants de ses membres, garantir l'atmosphère familiale au sein de la crèche, constituer un espace d'échange et de réflexion entre les représentants légaux des enfants et le personnel de la crèche.

2) M. F______ et Mme G______ ont conclu avec la crèche, le 2 avril 2019, un « contrat d'accueil 2019-2020 » en faveur de leur fille H______, née le ______ 2016, par lequel ils se sont engagés à payer mensuellement d'avance, au plus tard le 10 du mois en cours, la pension selon le tarif en vigueur établi par la crèche, et à adhérer au règlement des crèches de B______ et au règlement annexé de la crèche.

3) Le 11 juillet 2020, M. F______ et Mme G______ ont transmis à la crèche leurs certificats de salaire pour l'année 2019.

Un « versement en capital remplaçant des prestations périodiques » pour un montant cumulé de CHF 9'772.78 figurait sur ceux-ci. Il avait donné lieu à un traitement fiscal particulier afin d'éviter une hausse du taux d'imposition, et la crèche était invitée à appliquer le même traitement que l'administration fiscale.

4) Le 13 juillet 2020, la crèche a communiqué à M. F______ et Mme G______ le décompte des ajustements des pensions 2019-2020 calculés sur la base des documents remis, ainsi que la facture y relative.

La commune de B______ (ci-après : la commune) avait décidé, courant mars 2020, de prendre en compte le salaire annuel net total, tel qu'indiqué sur le certificat de salaire annuel, pour le calcul rétroactif du personnel de l'État. La crèche n'avait aucun lien avec l'administration fiscale et un traitement fiscal particulier ne s'appliquait pas à ses calculs.

Le règlement général des crèches de B______ disposait que la pension était calculée sur la base du revenu net des parents, et le calcul définitif était effectué après la remise des attestations annuelles de salaire. Les annuités perçues faisaient partie intégrante des revenus et figuraient sur les certificats annuels. Elles étaient prises en considération pour le calcul.

Un supplément de CHF 1'092.- était réclamé.

5) Le 14 août 2020, la crèche a indiqué à M. F______ et Mme G______ que la facture de CHF 1'092.- n'avait pas été réglée dans le délai imparti.

6) Le 24 août 2020, M. F______ et Mme G______ ont indiqué à la crèche être en désaccord avec son interprétation conduisant à l'ajustement du prix de la pension.

Ils avaient signé un contrat avec la crèche, et non la commune. L'annexe n° 2 du règlement de la crèche ne mentionnait pas le versement d'un capital remplaçant des prestations ou indemnités périodiques parmi les revenus à prendre en considération.

C'était une question de principe. La crèche était invitée à produire tous les procès-verbaux depuis janvier 2020 ainsi que la copie de la décision administrative de la commune demandant aux crèches la prise en compte du salaire annuel pour le calcul rétroactif 2019 du personnel de l'État.

Ils engageraient en réponse une action en libération de dette auprès du Tribunal civil et le litige serait traité « sous le regard » du code des obligations.

Il était aberrant de prendre en compte un capital remplaçant des prestations périodiques correspondant à des périodes antérieures au contrat pour augmenter « de manière artificielle et trompeuse » le prix de la pension, et ce sur une base réglementaire inexistante. Ils montreraient la différence de traitement pour les parents dont les enfants avaient quitté la crèche en juillet 2019.

7) Le 26 août 2020, M. F______ et Mme G______ ont adressé à la commune copie de leur courrier du 24 août 2020 à la crèche.

L'interprétation du règlement général des espaces de vie enfantine et des crèches de B______ et de ses annexes nos 2 et 3 révélait sur plusieurs points des éléments non conformes à la « hiérarchie du droit » et au principe de l'égalité de traitement. À titre d'exemple, la prise en compte du subside d'assurance-maladie comme revenu paraissait doublement erronée, celui-ci étant une réduction de prime et ne pouvant être considéré comme revenu surtout lorsque les subsides pris en compte pour le calcul de la pension incluaient ceux des enfants.

Si la crèche persistait à réclamer un solde de pension, ils transmettraient à la Cour des comptes les autres dysfonctionnements rencontrés et vécus dans la gestion et l'organisation des crèches de la commune par cette dernière.

8) Le 28 octobre 2020, M. F______ a été reçu par deux responsables de la commune.

9) Le 30 octobre 2020, la crèche a adressé à M. F______ et Mme G______ un deuxième rappel concernant la facture de CHF 1'092.-.

Une interruption de la procédure avait été appliquée et le délai de paiement « provisoirement mis en attente » afin qu'ils puissent, comme ils le souhaitaient, s'entretenir avec la commune. La rencontre avait eu lieu et ils étaient invités à s'acquitter de la somme au 20 novembre 2020.

10) Le 24 novembre 2020, M. F______ s'est plaint à la commune du déroulement de l'entretien du 28 octobre 2020. Celui-ci devait lui permettre d'exprimer ses doléances. Or, il avait assisté à un « long festival de justifications à sens unique » ne lui laissant que peu de temps pour s'exprimer.

Il allait transmettre à la Cour des comptes les problèmes de légalité et de politique de gouvernance de la commune concernant l'organisation et la gestion des crèches, parmi lesquels la délégation d'obligations communales à des organismes privés subventionnés majoritairement avec les impôts communaux. Les associations privées comme la crèche n'étaient pas des autorités administratives et ne pouvaient pas créer un règlement communal de droit public. Le règlement de la crèche, en ce qu'il modifiait et interprétait divers points du règlement communal, n'avait aucune valeur légale en l'absence d'approbation par les élus de la commune. La présidente du comité de la crèche s'était octroyée le droit de vérifier et d'indiquer à la directrice de la crèche comment appliquer le règlement communal, demandant par exemple de facturer les revenus de la famille en lieu et place de ceux des parents.

11) Le 26 novembre 2020, la crèche a adressé à l'office des poursuites
(ci-après : OP) une réquisition de poursuites à l'encontre de M. F______ pour un montant de CHF 1'092.-.

12) Le 4 décembre 2020, la commune a écrit à M. F______.

À la suite de son premier courrier adressé à la mairie le 26 août 2020 et concernant son opposition à l'ajustement de pension, le service des affaires sociales et du logement, en charge de la petite enfance, lui avait proposé un entretien le 28 octobre 2020, dans l'attente duquel la facture du rétroactif avait été suspendue.

Le calcul de la pension et du rétroactif était identique pour toutes les familles accueillies au sein d'une structure de la petite enfance subventionnée par la commune. Le service des affaires sociales et du logement se tenait volontiers à disposition des familles lorsqu'il ne pouvait y avoir de réponse de la direction, respectivement du comité qui gérait l'association.

Lors de l'entretien du 28 octobre 2020, il était apparu que son objectif était d'obtenir l'annulation du rétroactif. Il lui avait été maintes fois expliqué que cela n'était pas possible. Il s'était alors montré agressif et menaçant.

L'annuité rétroactive versée par l'État de Genève en 2019 faisait partie intégrante des revenus 2019. Ceci était entièrement pris en compte pour le calcul de la pension définitive 2019, au même titre que l'administration fiscale cantonale les intégrait complètement au calcul de la taxation. La facture restait due et en cas de difficultés, un échelonnement de payement pouvait être accordé ou un entretien avec une assistante sociale sollicité.

Des réflexions étaient en cours concernant la création d'un guichet unique d'inscription pour la petite enfance et un changement profond de gouvernance.

L'avantage accordé à un tiers qu'il évoquait concernait une réduction du délai de résiliation sous condition expresse que la place de crèche soit repourvue sans perte.

13) Le 16 décembre 2020, M. F______ a fait « opposition » au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'ajustement du prix de pension de la crèche.

La crèche devait être considérée comme investie légalement de prérogatives de droit public au regard de l'art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En l'absence de décision, les factures imposant à leur destinataire une obligation de nature pécuniaire devaient être considérées subsidiairement comme des décisions. Tel était le cas du deuxième rappel du 30 octobre 2020, dépourvu d'indication des voies de droit.

La relation entre les parents et les organes de l'association et la signature d'un contrat faisaient croire aux parents que leurs enfants se trouvaient dans une association de droit privé alors qu'en réalité les crèches étaient subventionnées majoritairement par les impôts de la commune et soumises majoritairement dans leur prise de décision à une réglementation communale, de sorte qu'elles dépendaient du droit administratif.

La décision était dépourvue de description des faits, de motivation, de dispositif clair, de signature manuscrite et d'indication des voies de droit.

Les organes de l'association ne faisaient pas de différence entre les décisions concernant uniquement la vie et l'organisation de la crèche et découlant du droit privé, et celles qui découlaient d'obligations administratives au regard du règlement communal et qui dépendait du droit administratif.

Un rattrapage d'annuité leur avait été versé pour la période d'avril 2016 à décembre 2018, en une seule fois en décembre 2019.

La commune avait approuvé dans l'annexe n° 2 de son règlement une définition exhaustive des éléments à prendre en considération. Prendre en compte un capital provenant d'années antérieures pour augmenter le prix de la pension ressemblait à de la surfacturation.

Le principe d'égalité de traitement avait été violé, car les parents d'élèves de quatrième année qui avaient quitté l'association en juillet 2019 ne s'étaient pas vus adresser l'année suivante une demande de documents de mise à jour, ni une rectification.

En cas de doute, les pratiques de l'administration fiscale faisaient référence en dernier ressort.

Par ailleurs, la crèche était officiellement fermée six semaines, soit 1,5 mois par année. Le tarif annuel devait donc être divisé par 10.5. Or, il était divisé par 11. En outre, le règlement indiquait que la facturation se faisait selon onze mensualités et non pas que le tarif annuel devait être divisé par 11. Il réclamait donc la restitution rétroactive du prix de pension surfacturé pour toutes les années.

Le TAPI devait ordonner immédiatement l'annulation des poursuites engagées à son encontre auprès de l'OP, ainsi que l'annulation de la facture portant sur l'ajustement de la pension et il devait ordonner la restitution rétroactive de la surfacturation du prix de la pension au minimum pour les années de pension 2019 et 2020, voire pour les années antérieures.

14) Par jugement du 21 décembre 2020, le TAPI a déclaré irrecevable le « recours » formé par M. F______.

La crèche était constituée sous forme d'une association. La facture litigieuse se fondait sur le règlement communal des espaces de vie enfantine et des crèches du 17 août 2018. Celui-ci prévoyait un droit de recours auprès du comité de la crèche en cas de situation particulière et ne donnait ainsi aucune compétence au TAPI pour se saisir d'un recours dirigé contre une décision de l'association.

Le recours était transmis d'office à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), qui pouvait prima facie se déclarer compétente pour connaître de la contestation.

15) Le 8 février 2021, la commune a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Les activités de l'association qui gérait la crèche étaient régies par un règlement général qui s'appliquait indistinctement à toutes les structures d'accueil à prestations élargies subventionnées par la commune.

Le règlement, édicté par les structures en question, avait été soumis pour approbation à la commune. Il ne s'agissait cependant pas d'un règlement communal qui aurait été adopté soit par le conseil municipal soit par le conseil administratif dans leurs domaines de compétences respectifs. Il ressortissait uniquement au droit privé.

Le règlement fixait entre autres le montant des pensions ainsi que la méthode et la base de leur calcul. Pour les personnes salariées, la pension était basée sur le revenu net annuel des parents, lequel comprenait les primes de fidélité ou d'ancienneté ainsi que toutes prestations fixes ou régulières.

Le recourant et l'association avaient conclu un contrat d'accueil. Les prétentions élevées par le recourant dérivaient de celui-ci. Quand bien même il avait été conclu entre deux sujets de droit privé, il s'agissait d'un contrat de droit public, car il portait sur l'exécution d'une tâche publique. Les prétentions pouvant être formulées sur la base de ce contrat n'étaient pas susceptibles de faire l'objet d'une décision administrative, seule la voie de l'action étant ouverte.

La facture émise par l'association ne constituait pas une décision. L'association n'était pas une autorité administrative et ne pouvait rendre de décision administrative. Le règlement communal était purement privé. Le fait qu'il avait été « approuvé » par la commune ne lui conférait ni caractère public ni caractère contraignant pour tout administré. Il n'avait été adopté ni par le conseil municipal ni par le conseil administratif. La commune n'avait aucune relation juridique avec le recourant. Elle n'était pas à l'origine de la facture litigieuse et ne disposait pas de la légitimation passive.

En toute hypothèse, c'était à bon droit que la crèche avait tenu compte du montant correspondant au rattrapage des annuités pour le calcul rétroactif de la pension. L'annuité était un élément du traitement de base du fonctionnaire, même lorsqu'elle était versée rétroactivement. La prise en compte pour l'année de son versement était conforme au règlement.

La conclusion du remboursement n'était pas chiffrée et était également irrecevable, subsidiairement infondée.

16) Le 11 mars 2021, M. F______ a répliqué.

Le « recours » ne s'opposait pas seulement à la facture mais aussi et surtout au non-respect des obligations légales que les autorités de la commune avaient la responsabilité de faire appliquer et respecter, soit la surveillance, le contrôle et le respect des tâches étatiques qu'elle déléguait à des organismes extérieurs au domaine public.

Les crèches étaient subventionnées de manière prépondérante par la commune et permettaient à celle-ci d'accomplir une tâche étatique définie légalement et constitutionnellement. La commune était responsable des décisions qu'elle imposait aux associations de la petite enfance. La chambre administrative devait aussi examiner l'illégalité du statut juridique des crèches de la commune et du règlement communal. La relation entre la crèche et les parents d'enfants étaient de droit public, et non de droit privé.

17) Le 22 mars 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. La chambre administrative examine d'office la recevabilité d'un recours ou d'une demande portée devant elle (art. 76 et 11 al. 2 LPA ; ATA/986/2018 du
25 septembre 2018 consid. 1 et les références citées).

2) Le recourant conclut à l'annulation de la poursuite requise contre lui par la crèche et de la facture qui les fonde, et à « la restitution rétroactive de la surfacturation du prix de pension au minimum pour les années de pension 2019 & 2020, voire plus antérieurement ». Il mentionne en tête de ses écritures « Recours facture n° 10365 de l'association de la crèche "C______" ». Il ne vise pas le courrier de la commune du 4 décembre 2020, mais reproche à celle-ci d'avoir violé ses obligations légales de surveillance, de contrôle et de respect des tâches étatiques déléguées. Il n'indique pas s'il a reçu un commandement de payer, s'il y a fait opposition et si cette opposition a fait l'objet d'une mainlevée provisoire ou d'une demande en paiement.

En ce qu'elles se fondent sur un contrat et réclament l'annulation d'une dette et la condamnation à payer une somme, les conclusions du recourant ressortissent à l'action contractuelle (ancienne action pécuniaire). Le contenu exact de cette action - constatation, libération de dette, condamnation - souffrira de rester indécis en l'espèce, vu la réponse apportée à la question de la recevabilité.

3) a. La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, correspondant à l'art. 56A al. 1 de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010). Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ, correspondant à l'art. 56A al. 2 aLOJ). La chambre administrative connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'art. 132 al. 2 LOJ et qui découlent d'un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s'appliquent par analogie à ces actions (art. 132 al. 3 LOJ, correspondant à l'art. 56G aLOJ).

b. L'art. 56G aLOJ réglementait l'ancienne action pécuniaire largement utilisée pour régler le contentieux financier de la fonction publique. Tout d'abord intitulée « action contractuelle » depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2009 de la modification législative du 18 septembre 2008, et réservé aux prétentions fondées sur le droit public qui ne pouvaient pas faire l'objet d'une décision et qui découlaient d'un contrat de droit public, il est devenu depuis le 1er janvier 2011 l'art. 132 al. 3 LOJ.

c. L'action contractuelle de l'art. 132 al. 3 LOJ est une voie de droit réservée au contentieux découlant des contrats de droit public (ATA/1301/2015 du 8 décembre 2015 consid. 2b et les références citées).

Pour que l'action soit recevable, il faut ainsi que les conclusions prises par la personne concernée ne puissent faire l'objet d'une décision (ATA/1139/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b ; ATA/119/2013 du 26 février 2013 consid. 2).

d. Selon la doctrine, le contrat de droit administratif est un acte régi par le droit public qui résulte de la concordance de deux ou plusieurs manifestations de volonté concrétisant la loi dans un cas d'espèce, ayant pour objet l'exécution d'une tâche publique et visant à produire des effets bilatéraux obligatoires. Le contrat de droit administratif est ainsi une forme de contrat de droit public. Le contrat de droit administratif se caractérise, d'une part, par sa nature bilatérale, ce qui le distingue de la décision, et, d'autre part, par son inscription dans l'exécution d'une tâche publique prévue par la loi, ce qui le distingue du contrat de droit privé (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018, n. 970 et 971).

Une fois établi qu'une relation avec l'administration est de nature bilatérale, donc contractuelle, il faut encore déterminer si elle relève du droit public ou du droit privé. Le critère privilégié par la jurisprudence est celui de l'objet du contrat, considéré sous l'angle des intérêts en présence, et de sa fonction. Il s'agit d'un contrat de droit public lorsque l'intérêt public est directement en jeu, à savoir lorsque le contrat a pour objet direct l'exécution d'une tâche publique ou qu'il concerne un objet réglementé par le droit public (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 978 et 981).

4) a. La constitution genevoise du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) dispose que l'offre de places d'accueil de jour pour les enfants en âge préscolaire est adaptée aux besoins (art. 200). Le canton et les communes organisent l'accueil préscolaire, évaluent les besoins, planifient, coordonnent et favorisent la création de places d'accueil, le canton étant responsable de la surveillance (art. 201). Les communes financent la construction et l'entretien des structures d'accueil, le canton et les communes financent leur exploitation après déduction de la participation des parents (art. 202). Le canton et les communes encouragent la création et l'exploitation de structures d'accueil de jour privées, en particulier les crèches d'entreprise, et ils favorisent le partenariat entre acteurs publics et privés
(art. 203).

La loi sur l'accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28) s'applique à toutes les structures d'accueil soumises à surveillance (art. 1 al. 1). Elle règle essentiellement l'autorisation, la surveillance et le subventionnement des institutions. Elle dispose que les communes, ou groupements de communes, offrent des places dans les différents modes d'accueil pour les enfants en âge préscolaire ; à cette fin, elles peuvent collaborer entre elles, confier à une association ou à une fondation à but non lucratif la mise à disposition de places d'accueil préscolaire ; les modalités de cette collaboration sont définies statutairement, par voie réglementaire ou contractuelle (art. 6 al. 1).

Le règlement sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour du 21 décembre 2005 (RSAPE - J 6 29.01) exige la production, avec la requête d'autorisation d'exploitation d'une structure d'accueil, d'un exemplaire du statut du personnel ou de la convention collective de travail applicable (art. 4 let. f), ainsi que l'indication de la raison sociale, du statut juridique et du projet de budget.

b. Le règlement général des espaces de vie enfantine et des crèches de B______ du 17 août 2018 (ci-après : le règlement communal - LC 28 551) « est utilisé par toutes les espaces de vie enfantine et les crèches de la commune, soit la crèche I______, la crèche C______, l'J______ et l'K______ » (art. 1 al. 1), « il dicte les grandes lignes du fonctionnement des crèches ; un document annexe détaille les particularités de chacune des institutions » (art. 1 al. 2) et « il a été approuvé par les autorités de B______, qui subventionnent le fonctionnement de ces institutions » (art. 1 al. 3). Il « fait partie intégrante du contrat qui lie les parents avec l'une des institutions subventionnées par la commune » (art. 16 al. 7). Il est signé par les parents avec le contrat d'accueil (art. 15 al. 3).

Trois annexes le complètent, consacrées aux barèmes, aux éléments du revenus pris en compte et aux pièces à fournir.

Le règlement communal prévoit que ce sont les « institutions » qui accueillent les enfants (art. 2 al. 1), organisent l'entrée de l'enfant à la crèche
(art. 6), reçoivent les annonces de modification du revenu (art. 7 § 17) et de situation des parents (art 11 al. 1) ainsi que les informations sur l'état de santé de l'enfant (art. 13 al. 5), organisent des réunions de parents ainsi que des fêtes (art. 16 al. 1) et peuvent décider l'exclusion d'un enfant (art. 16 al. 6). Il évoque un « contrat », qui peut être à temps partiel (art. 12 al. 6), et peut être résilié moyennant le respect d'un délai (art. 4, 5, 11 al. 1 § 4). Lorsqu'un « droit de recours est réservé », il « relève de la compétence du comité » (art. 11 al. 2).

Selon la commune, le règlement communal a été rédigé par les crèches qu'il mentionne puis « approuvé » par la commune, sans toutefois de délibération du conseil administratif ni du conseil municipal, et sa publication ne produirait pas les effets d'un règlement communal.

La commune n'y est mentionnée que comme pourvoyeuse de subventions (art. 7).

Par comparaison, le règlement des restaurants scolaires de la commune du 30 avril 2019 (LC 28 561) mentionne que la commune propose un service de restaurants scolaires complétant l'offre du groupement intercommunal pour l'animation parascolaire (préambule al. 1), dont la gestion est attribuée au service des affaires sociales (art. 1).

c. La crèche est exploitée par une association de droit privé, régie par les art. 60 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). La gestion de la crèche figure expressément dans les buts de l'association, et le prospectus remis aux parents indique que la crèche est « une institution à but non lucratif, gérée par une association [...] et subventionnée par [la] commune depuis 1998 ».

Selon les statuts de l'association adoptés le 28 mai 2019 (accessibles sur le site internet de celle-ci à l'adresse https://C______.ch/wp/wp-content/ uploads/2019/09/StatutsCrecheCDM.pdf) les parents des enfants accueillis deviennent membres avec l'inscription et cessent de l'être au départ de l'enfant (art. 2.1 et 2.3).

Le site de la crèche, consulté le 6 avril 2021, renvoie au site de la commune pour l'inscription (https://www.B______.ch/prestations/inscription-en-structure-daccueil-petite-enfance-creches-garderies-accueil-familial-de). Le site de la commune indique que les inscriptions en structure d'accueil sont centralisées auprès du bureau d'accueil petite enfance et propose un formulaire d'inscription portant l'en-tête de la commune. Une fiche d'informations importantes également accessible en ligne indique qu'il est tenu compte dans la mesure du possible de la proximité du domicile lors des attributions.

5) a. En l'espèce, le recourant fonde ses prétentions sur le contrat d'accueil de sa fille.

Le « contrat d'accueil » du 2 avril 2019 a été passé par le recourant et sa compagne avec la crèche elle-même. Par ce contrat, ceux-ci se sont engagés à payer les pensions et à adhérer au règlement communal ainsi qu'à celui de la crèche.

Le recourant et sa compagne ont correspondu avec la crèche et ses organes, et c'est à elle qu'ils ont remis les documents relatifs à leurs revenus. C'est la crèche qui leur a notifié un supplément de pension, puis a requis une poursuite pour dette à leur encontre.

Hormis l'acheminement de l'inscription, un échange de correspondance et un entretien après la survenance du litige, ils n'ont eu aucun contact avec la commune. En particulier, ils n'ont conclu aucun contrat avec elle, et celle-ci n'a pris aucune décision concernant l'accueil ou la pension de leur fille.

Il ressort des éléments qui précèdent que l'accueil de la fille du recourant était l'objet d'une relation contractuelle entre ses parents et la crèche exclusivement. Le fait que la commune subventionnait par ailleurs la crèche, et même assumait l'essentiel du coût de l'accueil des enfants, comme le fait qu'elle centralisait et répartissait les inscriptions, ne change rien au fait que le recourant n'avait pas de relation contractuelle ou administrative avec celle-ci.

Le recourant n'attaque par ailleurs aucune décision de la commune, pas plus qu'il n'élève contre elle de prétentions pécuniaires.

b. Le recourant soutient que la crèche serait une entité de droit public et qu'il serait lié à elle, voire à la commune, par un contrat de droit public.

Il ne résulte ni de ses statuts ni de la réglementation communale que la crèche serait délégataire de tâches publiques. La réglementation communale n'attribue pas à la commune la tâche d'accueillir ou d'assurer l'accueil des enfants en âge préscolaire, pas plus qu'elle ne détermine les modalités selon lesquelles la commune accomplirait ou déléguerait cette tâche. Les modalités envisagées à l'art. 6 al. 1 LAPr ne paraissent pas exclure qu'une structure privée assume l'accueil de jour sans délégation de tâches publiques. L'art. 203 Cst-GE le prévoit même expressément, puisqu'il dispose que canton et communes « encouragent » la création de crèches privées et « favorisent » les partenariats. Le subventionnement des crèches peut certes être vu comme une modalité de l'accomplissement par la commune d'une tâche publique, mais il ne comporte pas pour autant la délégation de cette tâche à la crèche. Enfin, le fait que la crèche soit soumise à autorisation et surveillance administrative de l'État est sans effet sur son statut de droit privé.

Il ressort de la procédure que la crèche est exploitée par une association, soit une entité de droit privé, jouissant de la personnalité juridique, dotée d'organes et bénéficiant d'une complète autonomie financière et organisationnelle. Elle n'est pas contrôlée par l'État ni par la commune. Le fait qu'elle soit subventionnée par la commune, fût-ce au terme d'un contrat ou d'une convention de subventionnement, n'en fait pas une entité publique.

Selon la commune, le règlement communal a été adopté par les crèches et approuvé par les autorités communales mais n'a pas fait l'objet d'une adoption formelle par celles-ci. Il correspond ainsi à des conditions générales de droit privé assortissant les contrats individuels, et auxquelles les parents doivent adhérer. Il attribue sans équivoque aux crèches l'accueil des enfants et la relation contractuelle avec leurs parents, sans mentionner la commune, sinon pour rappeler qu'elle subventionne les crèches. Il règle dans le détail les droits et obligations des parties, soit en particulier les prestations caractéristiques du contrat - l'accueil de l'enfant et le paiement de la pension - mais également les horaires, la résiliation, la fourniture des couches.

La LAPr, si elle détermine les conditions de l'obtention d'une autorisation, ne règle pas et ne prétend pas régler les relations entre parents et crèches, qui sont laissées à l'autonomie contractuelle des parties, et soumises par défaut au droit privé.

Le contrat liant la crèche au recourant est ainsi régi par le droit privé.

Il résulte de ce qui précède que la chambre de céans n'est pas compétente pour connaître des prétentions pécuniaires du recourant. Il appartiendra à ce dernier de les faire valoir en temps voulu et sous la forme requise dans la procédure de poursuite initiée par la crèche, étant observé qu'il a d'ailleurs annoncé dans ses écritures qu'il procéderait ainsi.

Le TAPI a évoqué un précédent récent (ATA/844/2019 du 20 avril 2019). Il s'agissait toutefois d'un cas différent sur un point essentiel : les institutions de la petite enfance y étaient gérées par la commune elle-même, et c'était le service des finances de la commune qui facturait les prestations (règlement du Conseil administratif de la Ville de Vernier relatif aux institutions de la petite enfance du 11 août 2015 - RIPE - 540.0 ; cf. le nouveau règlement communal relatif aux structures d'accueil de la petite enfance de la ville de Vernier du 23 août 2019 - LC 43 551). C'était ainsi une autorité publique qui passait le contrat avec les parents, alors qu'en l'espèce la crèche est un acteur de droit privé.

L'action contractuelle formée par le recourant sera déclaré irrecevable.

C'est à juste titre que la commune a conclu au défaut de légitimation passive la concernant. Il ne sera toutefois pas nécessaire de la mettre hors de cause, ni d'ailleurs d'appeler en cause la crèche, vu l'issue du litige.

6) La chambre de céans prend note que la commune reconnaît que la publication du règlement des crèches dans le recueil systématique du droit communal peut prêter à confusion.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, aucune indemnité de procédure ne sera accordée à la commune, qui compte plus de dix mille habitants (ATA/1260/2018 du 27 novembre 2018 et les références citées), et n'y a par ailleurs pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable l'acte formé le 16 décembre 2020 par M. F______ ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de M. F______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. F______ ainsi qu'à Me Steve Alder, avocat de la commune de B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory et Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :