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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/728/2018

ATA/847/2018 du 21.08.2018 ( TAXIS ) , REJETE

Descripteurs : CHAUFFEUR; TAXI ; INTERNATIONAL ; POLITESSE ; AMENDE
Normes : LTaxis.34.al1; RTaxis.45.al1; LTaxis.45.al1
Résumé : Décision infligeant une amende administrative de CHF 300.- à un chauffeur de taxis pour violation de son devoir de courtoisie confirmée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/728/2018-TAXIS ATA/847/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR


EN FAIT

1) Le 9 janvier 2016, la police est intervenue pour régler un conflit à la station de taxi de l’aéroport de Genève entre une agente de sécurité employée à régler le bon fonctionnement de la prise en charge des passagers et un chauffeur de taxi, Monsieur A______.

Selon le rapport de dénonciation du 15 janvier 2016, l’agente de sécurité avait expliqué aux policiers qu’un groupe de neuf passagers avait choisi deux grands véhicules pour les transporter dans les Alpes françaises, sans respecter l’ordre des taxis stationnés. M. A______, en tête de la station, avait alors chargé le groupe de passagers suivant, croyant qu’ils faisaient partie du même groupe. Lorsqu’il avait appris que ce groupe désirait se rendre à Ferney-Voltaire, il avait claqué la portière avec violence et mécontentement, de sorte que les passagers avaient quitté le véhicule pour en choisir un autre. Les policiers avaient ensuite pris langue avec M. A______. Il était toujours « remonté » par la perte d’une course attractive et plusieurs injonctions avaient été nécessaires afin de le calmer. Il avait manqué de courtoisie à l’égard de l’institution de par son comportement agressif lors du contrôle. La vérification des disques tachygraphes avait révélé une manipulation incorrecte de l’appareil et des inscriptions incomplètes sur le disque d’enregistrement.

2) Le 2 octobre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a transmis ce rapport à M. A______, lui a demandé de remplir le formulaire concernant sa situation personnelle et financière annexé et lui a imparti un délai pour exercer son droit d’être entendu.

3) Le 7 novembre 2017, l’intéressé a formulé ses observations, sans retourner le formulaire concernant sa situation personnelle et financière.

4) Par décision du 29 janvier 2018, le PCTN a infligé une amende administrative de CHF 300.- à M. A______.

Il avait adopté un comportement discourtois à l’égard d’un groupe de passagers. En dirigeant les voyageurs vers un véhicule répondant à leurs besoins, l’agente de sécurité n’avait fait qu’appliquer la réglementation en matière de taxis. Les agents de police avaient simplement effectué un contrôle d’usage. Il n’y avait pas eu d’abus d’autorité de la part de l’agente de sécurité, ni des agents de police. Rien ne permettait de s’écarter du constat établi par les services de police.

5) Par acte du 28 février 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’allocation d’une indemnité de CHF 120.- pour le temps consacré à la rédaction de son recours.

L’agente de sécurité l’avait ignoré alors qu’il était en première position, après deux heures d’attente, avec un taxi pouvant accueillir sept passagers. Elle avait déclaré avec agressivité que c’était elle qui commandait et lui avait indiqué un client seul. Il avait protesté contre le « comportement outrancier » de l’agente et le client était parti. Elle lui avait ordonné de recommencer la file de taxis, ce qu’il avait refusé, et avait appelé la police. Les quatre policiers ne lui avaient pas demandé sa version des faits et avaient un parti pris évident. Ils lui avaient demandé ses papiers et disques tachygraphes, lui avaient fait subir un contrôle humiliant pendant quarante-cinq minutes et lui avaient ordonné de refaire le tour. Il était rentré chez lui sans avoir généré de revenus. Il était en colère, à cause de l’« acte insensé » de l’agente, mais n’avait pas été discourtois. C’étaient les agents de police qui étaient « remontés » contre lui, parce qu’il protestait courtoisement contre l’acte de l’agente et contre leur façon de procéder. L’agente de sécurité avait développé une certaine antipathie à son égard, car il avait contesté sa pratique de confier les clients avec destinations lointaines à des chauffeurs avec lesquels elle avait des affinités. Il n’avait manqué à aucun moment de courtoisie envers quiconque et contestait le contenu du rapport de la police, dont le comportement était disproportionné et pouvait relever d’un cas d’abus d’autorité.

6) Le 30 avril 2018, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Il n’avait pas uniquement pris en considération les déclarations de l’agente de sécurité aux agents de police. L’intéressé avait également adopté un comportement discourtois à l’égard des policiers.

7) Le 29 mai 2018, M. A______ a versé à la procédure un rappel du 7 mai 2018 concernant le paiement de l’amende, ce qui démontrait un comportement irrespectueux du PCTN.

8) Le 30 mai 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée infligeant au recourant une amende de CHF 300.- pour violation du devoir de courtoisie.

3) a. Le 1er juillet 2017 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et le règlement d'exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01), abrogeant l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis) et son règlement d’exécution du 4 mai 2005 (aRTaxis ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

b. Aux termes des dispositions transitoires du RTVTC, les faits constatés avant l'entrée en vigueur de la LTVTC se poursuivent selon l'ancien droit et devant les autorités compétentes sous l'empire de ce droit. L’art. 48 LTaxis, concernant la commission de discipline, n’est toutefois pas applicable (al. 1). L’application du nouveau droit est réservée, si ce dernier est plus favorable à l’auteur de l’infraction (al. 2 ; art. 66 RTVTC).

c. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/629/2018 du 19 juin 2018 consid. 2c ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184).

d. En l’espèce, les faits retenus dans la décision attaquée se sont déroulés entièrement sous l’ancien droit. S’agissant de l’amende, la chambre administrative a déjà retenu que le nouveau droit (art. 38 al. 1 LTVTC), prévoyant en cas de violation de ses prescriptions ou de ses dispositions d’exécution une amende de CHF 200.- à CHF 20'000.-, n’était pas plus favorable que l’art. 45 al. 1 aLTaxis, punissant d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution (ATA/629/2018 précité consid. 2d et les références citées).

La présente cause est donc soumise à l’aLTaxis et au aRTaxis, ce que les parties ne contestent pas.

4) Le recourant conteste avoir violé son devoir de courtoisie.

a. L’aLTaxis a pour objet d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment, aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales, ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 al. 1 aLTaxis).

En particulier, les chauffeurs sont tenus par un devoir général de courtoisie tant à l’égard de leurs clients, du public, de leurs collègues que des autorités. Ils doivent avoir une conduite et une tenue correcte (art. 34 al. 1 aLTaxis et 45 al. 1 aRTaxis)

S’agissant de l’organisation des stations de taxis, ces derniers s’y rangent dans l’ordre de leur arrivée (art. 16 al. 1 aRTaxis). Ils veillent à permettre la progression de tous les taxis sur la station et la prise en charge des clients au meilleur confort de ceux-ci (art. 16 al. 2 2ème phr. aRTaxis). Le client dispose du libre choix du taxi sur la station. Les chauffeurs veillent à permettre au client d’exercer ce choix, sans qu’il soit l’objet de pressions ou de propositions incommodantes. Si le client n’exprime pas de lui-même et spontanément un choix, le taxi en tête de la station a l’obligation d’offrir ses services et ne peut refuser la course, sauf dans les cas prévus à l’art. 47 al. 4 RTaxis (art. 16 al. 4 aRTaxis).

b. De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3d), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/810/2016 précité consid. 3d). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/810/2016 précité consid. 3d).

c. En l’espèce, l’autorité intimée a retenu que le recourant avait violé son devoir de courtoisie, d’une part, à l’égard d’un groupe de passagers, qui avaient quitté son véhicule de ce fait et, d’autre part, vis-à-vis des agents de police.

Selon le rapport de dénonciation, l’agente de sécurité avait rapporté aux policiers que le recourant avait claqué la porte avec violence par mécontentement lorsqu’il avait appris que le groupe de passagers souhaitait aller à Ferney-Voltaire, de sorte que les passagers avaient quitté le véhicule pour choisir un autre taxi. Par ailleurs, il ressort du même rapport que le recourant était « remonté » par la perte d’une course de taxi attractive – soit celle pour les Alpes françaises –, que plusieurs injonctions avaient été nécessaires afin de le calmer et qu’il avait eu un comportement agressif pendant le contrôle, ayant ainsi violé son devoir de courtoisie.

Dans ses écritures, le recourant a reconnu avoir été en colère face au « comportement outrancier » et à l’« acte insensé » de l’agente de sécurité, admet qu’un client serait parti pendant son altercation avec l’agente et reproche aux policiers de lui avoir fait subir un contrôle « humiliant » et « sans rapport avec le litige en cours » car ils avaient procédé à une vérification de ses papiers et disques tachygraphes, s’étant rendus coupables d’ « abus d’autorité ».  Il affirme toutefois n’avoir manqué de courtoisie envers personne.

Dans sa description des faits, le recourant admet un litige tant avec l’agente de sécurité qu’avec les policiers. Il admet aussi le départ d’un client pendant ce litige. Ces éléments convergent ainsi, dans une large mesure, avec le rapport de police. De surcroît et pour le surplus, le recourant ne fait qu’opposer sa propre version des faits à celle des policiers. Ses seules allégations ne sauraient suffire à remettre en cause les constatations des agents de police assermentés figurant dans le rapport de dénonciation.

L’autorité intimée était par conséquent fondée à retenir que le recourant avait violé son obligation générale de courtoisie au sens des art. 34 al. 1 aLTaxis et 45 al. 1 aRTaxis. Le grief sera écarté.

5) a. Le département de la sécurité, soit pour lui le PCTN (art. 1 aRTaxis), peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 aLTaxis).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/319/2018 du 10 avril 2018 consid. 5a ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 160 n. 1.4.5.5 ; plus nuancé : Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1211).

c. En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 2 CP ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 consid. 4b). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (ATA/319/2018 précité consid. 5b ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, p. 331 n. 1493).

d. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/319/2018 précité consid. 11b).

e. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/553/2018 du 5 juin 2018 consid. 6).

f. En l’espèce, le recourant ayant violé son devoir de courtoisie, l’amende est fondée quant à son principe.

S’agissant de la quotité de la sanction, l’autorité intimée a demandé au recourant – qui, à teneur du dossier, n’a pas d’antécédents – des informations sur sa situation personnelle et financière, requête à laquelle l’intéressé n’a pas donné suite. Elle lui a ensuite infligé une amende de CHF 300.-. Ce faisant, l’autorité intimée a prononcé une amende située dans la fourchette inférieure de l’échelle de l’art. 45 al. 1 aLTaxis. Le recourant ne remet d’ailleurs pas en cause le montant de l’amende, contestant simplement tout manquement au devoir de courtoisie.

L’amende est par conséquent également fondée quant à sa quotité et l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en la fixant à CHF 300.-.

6) Dans ces circonstances, la décision de l’autorité intimée est conforme au droit et le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA)

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2018 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 29 janvier 2018 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :