Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/524/2011 du 30.08.2011 ( MARPU ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2021/2011-MARPU ATA/524/2011 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 30 août 2011
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dans la cause
HOFSTETTER SPORTS S.A.
contre
CENTRALE COMMUNE D'ACHATS
1. Par un contrat échéant le 30 juin 2011, la société Hofstetter Sports S.A. (ci-après : la société) a été chargée de l’entretien des engins des salles de gymnastique de l’Etat de Genève.
2. Le 24 mars 2011, le département des finances, soit pour lui la centrale commune d’achats (ci-après : CCA) a informé l’intéressée que l’entretien des salles de gymnastique des établissements secondaires de l’Etat de Genève allait faire l’objet d’un appel d’offres qui serait prochainement publié dans la Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).
Elle résiliait, en conséquence, le contrat précité pour sa prochaine échéance.
La procédure d’appel d’offres ne pouvant toutefois pas être terminée avant la fin du mois d’août 2011, elle souhaitait prolonger ledit contrat pour les mois de juillet et août 2011.
3. Le 18 avril 2011, l’appel d’offres précité a été publié dans la FAO.
Le marché était divisé en quatre lots et soumis à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994, entré en vigueur à Genève le 9 décembre 1997 (AIMP - L 6 05).
Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 30 mai 2011 à 16h00. Les offres arrivées après ce délai seraient exclues de l’adjudication.
4. Un dossier d’appel d’offres a été communiqué à la société.
Sous le chapitre 3 intitulé « Conditions générales », il était précisé, en caractère gras, que les offres devraient être en possession de l’adjudicateur le lundi 30 mai 2011 à 16h00 au plus tard et qu’aucun délai supplémentaire ne serait accordé.
5. Le 6 mai 2011, la CCA a adressé à tous les soumissionnaires la liste des questions qu’elle avait reçues de ces derniers avec la réponse correspondante.
Il était rappelé aux intéressés que la date de clôture pour le dépôt des offres était fixée au 30 mai 2011 à 16h00.
6. Par un avenant daté du 22 juillet 2011, le contrat d’entretien susmentionné a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2011.
7. Le 15 juin 2011, la société a remis son offre à la CCA.
8. Le 21 juin 2011, la CCA a informé la société de l’élimination de son offre pour cause de tardiveté.
9. La société a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 29 juin 2011, en concluant à son annulation.
La société était adjudicataire de travaux pour la CCA depuis plusieurs dizaines d’années.
En février 2011, la gestion des contrats de maintenance avait été confiée à un nouveau collaborateur qui s’était entretenu téléphoniquement à plusieurs reprises, au sujet de cet appel d’offres et notamment des délais, avec deux interlocutrices de la CCA, Mesdames Armelle Brand Dähler et Delphine Schiavo. L’une de ces interlocutrices, que ce collaborateur ne pouvait désigner avec certitude, lui avait parlé d’un délai à fin juin qu’il avait compris comme représentant la date d’échéance du dépôt des offres.
La CCA s’était montrée peu rigide avec les délais qu’elle avait prescrits par écrit, ainsi qu’en attestait la prolongation de son contrat, initialement prévue au 31 août 2011, finalement fixée au 31 décembre de la même année.
Le report du délai pour le dépôt des offres n’avait ainsi pas surpris le collaborateur concerné.
La cause d’un dépôt tardif se trouvait dans les promesses qui lui avaient été données par la CCA.
La décision d’élimination entraînait un grave préjudice économique pour la société.
10. La CCA a déposé ses observations le 29 juillet 2011 et conclu au rejet du recours.
La recourante ne contestait pas que le dépôt de son offre était tardif.
Elle ne pouvait se prévaloir du principe de la bonne foi, car les conditions n’en étaient pas remplies. En effet, ni Mme Schiavo, ni Mme Brand Dähler n’avait donné de renseignements à la société dans le cadre de l’appel d’offres concerné. Les communications téléphoniques avaient porté sur des demandes de prix ponctuelles indépendantes de la procédure précitée.
Quant à la prolongation du contrat de maintenance, elle n’impliquait aucune prolongation du délai de soumission.
11. Le 4 août 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 131 et 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 AIMP, dont la recourante ne conteste pas l'applicabilité en l'espèce ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - LAIMP - L 6 05.0).
2. La qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu'il s'agisse d'intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/221/2011 du 5 avril 2011 et les références citées).
En tant que soumissionnaire exclu, la société dispose de la qualité pour recourir (art. 15 al. 1bis let. d AIMP ; art. 55 let. c du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).
3. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés ainsi qu’à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment 11 let. a et b AIMP).
4. Aux termes de l’art. 39 RMP, l’autorité adjudicatrice examine la conformité des offres au cahier des charges et contrôle leur chiffrage (al. 1), cas échéant, corrige les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d’écriture (al. 2). L’art. 40 RMP stipule que l’autorité adjudicatrice peut demander au soumissionnaire des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (al. 1). Les explications sont en principe fournies par écrit (al. 2).
5. L’offre d’un soumissionnaire est écartée d’office par une décision d’exclusion lorsque son offre est tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences du cahier des charges(art. 42 al. 1 let. a RMP).
6. Le droit des marchés publics est formaliste, comme la chambre de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises (ATA/457/2011 du 26 juillet 2011 et les références citées) et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation.
7. L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires implique de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (J.-B. ZUFFEREY/C. MAILLARD/N. MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; O. RODONDI La gestion de la procédure de soumission, cité ci-après : La gestion in ZUFFEREY, STOECKLI Droit des marchés publics 2008 p. 185 no 63, p. 186).
8. En l'espèce, la recourante ne conteste pas que l'offre déposée était tardive. La date d'échéance pour le dépôt des offres ayant figuré dans la FAO du 18 avril 2011, puis rappelée en caractère gras aux soumissionnaires dans le dossier d'appel d'offres qui leur a ensuite été communiqué, était connue de la recourante. Elle a été signifiée une fois encore dans le courrier du 6 mai 2011, que la société ne conteste pas avoir reçu. Enfin, aucune des conditions d'application du principe de la bonne foi n'est réalisée (ATF131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430, n. 5.3.2.1).
Le recours ne peut ainsi qu'être rejeté.
9. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la société qui succombe (art. 87 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2011 par Hofstetter Sports S.A. contre la décision du 21 juin 2011 de la centrale commune d'achats ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de Hofstetter Sports S.A. un émolument de CHF 1'000.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;
dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Hofstetter Sports S.A. ainsi qu'à la centrale commune d'achats.
Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière de juridiction :
M. Tonossi |
| la présidente siégeant :
E. Hurni
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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