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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3926/2006

ATA/280/2007 du 05.06.2007 ( DT ) , REJETE

Parties : EP ELAGAGES & PAYSAGE S.A. / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3926/2006-DT ATA/280/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 juin 2007

 

dans la cause

 

 

 

 

EP éLAGAGES ET PAYSAGE S.A.
représentée par Me Jacques Berta, avocat

contre

COMMISSION FONCIèRE AGRICOLE


 


1. Monsieur Alain Martignoni était administrateur et actionnaire unique de la SI 41, chemin de l'Abérieu, propriétaire de la parcelle 5749, feuille 30 de la commune de Plan-les-Ouates, située en zone agricole, d'une surface de 16'151 m2 comportant une maison d'habitation, des serres, un hangar et un jardin. M. Martignoni a exploité pendant plusieurs années ce fonds. Madame Elena Fornaro-Torelli est locataire du jardin, du hangar et de la maison, qu'elle habite avec M. Martignoni et leur enfant commun.

2. a. En 1997, la Banque cantonale de Genève (ci-après : la BCG) a introduit une poursuite en réalisation de gage contre la SI et M. Martignoni, débiteur personnel de prêts garantis par deux cédules hypothécaires au porteur de CHF 1'300'000.- et CHF 700'000.-.

b. En 2001, les cédules ont été cédées à la Fondation de valorisation des actifs de la BCG (ci-après : Fondation) puis, le 10 mai 2001, à la société EP Elagages et Paysage S.A. (ci-après : EP S.A.), administrée par Monsieur Jean-François Sevaz, avec signature individuelle. Selon l'extrait du registre du commerce, cette société a pour but l'élagage, l'entretien de jardins et tous travaux se rapportant à l'entretien des forêts ainsi que toutes activités floricoles, horticoles et agricoles.

Les cédules ont été acquises par convention de cession de créances conclue avec la Fondation le 10 mai 2001 pour la somme de CHF 650'000.-.

La convention prévoyait notamment que :

- "le but exclusif de la cession est de mettre la cessionnaire qui entend acquérir la parcelle en position de créancière gagiste" (art. 1) ;

- "la cession de créances prendra effet dès encaissement par la Fondation du prix de CHF 650'000.-" (art. 5) ;

- "dès encaissement par la cédante du prix de la cession, la cessionnaire deviendra titulaire des créances cédées, telles que produites à l'état des charges" (art. 6).

L'article 7.1 lettre e prévoyait que EP S.A. rétrocéderait ensuite à la Fondation, à titre gratuit, le solde des créances cédées.

c. Le 10 mai 2001 également, EP S.A. a donné procuration à Monsieur Dominique Orlandini, horticulteur, afin d'acquérir la parcelle susmentionnée et de signer tous actes et pièces à cet effet, selon la pièce figurant au dossier.

3. L'immeuble a été mis aux enchères publiques par l'office des poursuites et faillites le 11 mai 2001. Son prix était estimé à CHF 880'000.-.

Il a été adjugé pour CHF 650'000.- à EP S.A. sous réserve que celle-ci obtienne de la commission foncière agricole (ci-après : CFA) l'autorisation d'acquérir le bien-fonds.

4. Par décision du 5 juin 2001, la CFA a autorisé la vente de la parcelle 5749, feuille 30 de la commune de Plan-les-Ouates à EP S.A. Dans sa requête adressée à la CFA, EP S.A. avait mentionné pouvoir justifier de la qualité d'agriculteur par un CFC d'horticulteur.

5. Par acte du 19 décembre 2003, M. Martignoni et Mme Fornaro-Torelli ont formé recours auprès du Tribunal administratif contre la décision du 5 juin 2001 de la CFA en concluant à son annulation. L'acquéreur avait obtenu l'autorisation en donnant à l'autorité de fausses indications sur sa qualité d'exploitant agricole.

Le recours a été jugé irrecevable pour défaut de qualité pour agir (ATA/332/2005 du 10 mai 2005).

6. Par une demande parallèle, déposée le 22 décembre 2003, M. Martignoni et Mme Fornaro-Torelli ont requis de la CFA la révocation de la décision du 5 juin 2001.

Dans le cadre de l'instruction de la demande, la CFA a rendu une décision sur incident le 25 août 2004 dans laquelle elle déniait la qualité de parties à M. Martignoni et Mme Fornaro-Torelli. La demande en révocation valait simple dénonciation. Cette décision sur incident a été confirmée par le Tribunal administratif le 10 mai 2005 (ATA/332/2005) puis par le Tribunal fédéral le 17 novembre 2005 (5A.21/2005).

Dans sa décision du 25 août 2004, la CFA relevait que la question de savoir si la convention du 10 mai 2001 ne constituait pas un acte élusif pourrait se poser, compte tenu de la mention expresse du but de la cession qui était de mettre le cessionnaire dans la position de créancier gagiste. Vu l'ancienneté de l'acte, elle renonçait à instruire le dossier sous cet angle.

Sur le fond, la décision ordonnait un certain nombre d'actes d'instruction dont la production de l'extrait bancaire attestant de l'encaissement du chèque et l'audition de MM. Sevaz, Orlandini, Martignoni et de Mme Fornaro-Torelli.

7. Toujours dans le cadre de l'instruction, EP S.A. a produit une attestation du 8 septembre 2004 de la Fondation. Le prix de la cession avait été acquitté par le paiement de CHF 450'000.- en liquide et par la remise d'un chèque bancaire certifié de l'Union Bancaire Privée, tiré sur elle-même, de CHF 200'000.-.

EP S.A. a produit l'extrait bancaire attestant l'encaissement du chèque de CHF 200'000.- le 14 mai 2001 par la Fondation.

8. Par décision du 29 août 2006, la CFA a révoqué sa décision du 5 juin 2001, autorisant la vente de la parcelle 5749 de Plan-les-Ouates à EP S.A.

Le chèque de CHF 200'000.- avait été remis en vue du paiement le 10 mai 2001. Le paiement effectif n'étant intervenu que le 14 mai 2001, EP S.A. n'était pas titulaire des créances cédées le 11 mai 2001, date des enchères publiques. De ce fait, EP S.A. n'étant pas créancière gagiste, elle ne pouvait être autorisée à acquérir la parcelle sur la base de l'article 64 g de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11). La décision devait être révoquée, car l'acquéreur l'avait obtenue en fournissant de fausses indications.

9. Le 26 octobre 2006, EP S.A. a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la CFA, communiquée le 1er octobre 2006, en concluant à son annulation et à l'octroi de dépens.

La CFA avait outrepassé sa compétence en estimant qu'EP S.A. n'était pas créancière-gagiste le 11 mai 2001, nonobstant le fait qu'elle était porteuse des cédules. Cette question relevait du juge civil et la Fondation, seule en droit de se plaindre d'une éventuelle irrégularité formelle dans l'exécution de la cession, ne l'avait pas fait. Elle a attesté au contraire avoir reçu l'intégralité du prix de la cession.

A supposer que la CFA ait été compétente pour trancher la question de nature civile, elle avait erré dans la solution retenue. La remise d'un chèque bancaire valait paiement comptant et n'intervenait pas seulement "en vue du paiement". En outre, en ne s'opposant pas à la remise d'un chèque bancaire pour paiement, la Fondation avait accepté, par acte concluant, de modifier les modalités d'exécution de la convention de cession de créances.

Quand bien même l'autorisation délivrée par la CFA le 5 juin 2001 ne serait pas conforme au droit en vigueur, les exigences de la sécurité devaient l'emporter. Le rétablissement de l'état antérieur aurait pour conséquence de restituer le droit de propriété à la SI 41 chemin de l'Abérieu qui n'était en rien concernée par l'agriculture. La décision allait à l'encontre du but poursuivi par la LDFR.

Un deuxième motif permettait de fonder l'autorisation d'acquérir, soit la qualité d'exploitant à titre personnel de M. Orlandini. Cette qualité avait été reconnue par la CFA dans une autorisation antérieure délivrée le 12 octobre 1999 pour l'acquisition d'une parcelle située en zone agricole à Avusy, adjugée à EP S.A. dans le cadre d'une vente aux enchères. Ce fait n'ayant pas été remis en cause par la CFA, il subsistait et suffisait à motiver, si besoin était, l'autorisation litigieuse.

Son droit d'être entendue avait été violé par la CFA qui n'avait pas entendu MM. Orlandini et Sevaz.

10. Le 30 novembre 2006, la CFA s'est déterminée sur le recours en concluant à son rejet.

Elle devait vérifier qu'EP S.A. était bien créancière gagiste pour lui délivrer l'autorisation d'acquérir ; il s'agissait d'une décision préjudicielle pour laquelle elle était compétente.

Selon des déclarations faites à la police judiciaire le 11 février 2004, figurant au dossier et sur laquelle il sera revenu ci-après, M. Orlandini, détenteur d'un CFC d'horticulteur, avait déclaré ne pas être propriétaire de la société EP S.A. qui appartenait à M. Roberto Nespolo. M. Orlandini était bénéficiaire d'une rente AI avec une incapacité de travail 100% dans son métier d'agriculteur. C'était également sur la base de fausses déclarations que l'autorisation d'acquérir l'autre parcelle à Avusy avait été délivrée à la requérante le 12 octobre 1999.

La décision d'acquérir n'était plus révocable lorsque dix ans s'étaient écoulés aux termes de l'article 71 alinéa 2 LDFR. In casu, seuls cinq ans s'étaient écoulés.

11. Le 8 décembre 2006, EP S.A. a indiqué qu'en 1999, contrairement à ce qu'affirmait la CFA, M. Orlandini était propriétaire économique d'EP S.A. Suite à un accident survenu en 1996, ce dernier n'était plus en mesure de déployer toute l'activité qu'il exerçait jusqu'alors tout en étant à même de diriger des employés.

12. Le 10 janvier 2007, la CFA a observé qu'en règle générale, les personnes invalides ne pouvaient pas être considérées comme exploitantes à titre personnel.

13. Le 11 janvier 2007, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

14. Plusieurs pièces figurent au dossier de la CFA :

- une déclaration de M. Orlandini, datant du 11 février 2004, enregistrée par la police judiciaire dans le cadre d'une plainte déposée le 20 décembre 2003 par M. Martignoni. M. Orlandini indiquait exploiter, sous la raison sociale Dominique Orlandini S.A., une entreprise d'élagage. Lui-même ne pouvait plus travailler physiquement mais fonctionnait comme décideur. La société EP S.A. appartenait à M. Roberto Nespolo qui était gérant de fortune. Ce dernier était le seul ayant droit économique. Lui-même ne travaillait pas directement pour la société mais effectuait des travaux de sous-traitance. Il avait repéré dans la Feuille d'Avis, la parcelle en question qui était à vendre aux enchères et en avait fait part à M. Nespolo, lequel lui avait donné le feu vert pour traiter cette affaire. Il avait pris contact avec la Fondation et après négociation du prix, la convention de cession avait été établie. La Fondation lui avait demandé si EP S.A. avait le droit d'acquérir un terrain agricole ce qu'il avait confirmé. Il ne se souvenait pas s'il avait donné le nom de l'ayant droit à la Fondation. M. Nespolo avait payé une partie des fonds par chèque bancaire et le solde avait été avancé par sa société. Ces montants étaient remboursés par M. Nespolo.

- une déclaration de Monsieur Jean-François Sévaz, datant du 11 février 2004, entendu par la police judiciaire dans le cadre de la même procédure. Il était comptable et administrateur d'EP S.A. depuis la constitution de cette dernière, en avril 1996. Il confirmait que l'ayant droit économique de la société était M. Nespolo, gérant de fortune.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 88 LDFR ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985- LPA - E 5 10 ; art. 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural - LALDFR - M 1 10).

2. La recourante allègue une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche à la CFA d'avoir renoncé à l'audition de son administrateur et de M. Orlandini.

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 consid. 2). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 125 I 209 consid. 9b ; 122 II 464 consid. 4c), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.118/2003 du 13 juillet 2004, consid. 2.1 et les arrêts cités ATA/490/2005 du 19 juillet 2005).

En l'espèce, le dossier constitué par la CFA avant de prendre sa décision contient des déclarations de l'administrateur de la recourante ainsi que celles de M. Orlandini, faites à la police judiciaire dans le cadre de l'instruction d'une plainte pénale portant également sur l'acquisition de la parcelle litigieuse. Il comporte également de nombreuses pièces remises par la recourante ou par les dénonciateurs. La recourante a eu, à plusieurs reprises, l'opportunité, de se prononcer et de présenter ses arguments, dans le cadre de l'instruction devant la CFA et de la procédure de recours sur incident. Dès lors, aucune violation de son droit d'être entendue ne peut être retenue.

3. Celui qui entend acquérir un immeuble agricole doit obtenir une autorisation qui est accordée lorsqu'il n'existe aucun motif de refus (art. 61 al. 1 et 2 LDFR).

L'acquisition est refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 61 LDFR).

4. a. L'article 9 LDFR définit les notions d'exploitant à titre personnel (al. 1) et de capacité d'exploiter à titre personnel (al. 2). Selon cette disposition, est exploitant à titre personnel quiconque cultive lui-même les terres agricoles et, s'il s'agit d'une entreprise agricole, dirige personnellement celle-ci (al. 1) ; est capable d'exploiter à titre personnel quiconque a les aptitudes usuellement requises dans l'agriculture de notre pays pour cultiver lui-même les terres agricoles et diriger personnellement une entreprise agricole (al. 2).

Pour répondre à la notion d'exploitant à titre personnel, le requérant doit remplir les conditions posées par les deux alinéas de l'article 9 LDFR (ATA/192/2006 du 4 avril 2006 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 5A.17/2006 du 21 décembre 2006 ; ATA/30/2006 du 24 janvier 2006 ; ATA/450/2005 du 21 juin 2005 ; E. HOFER, in Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, n. 8 i.f. ad art. 9 LDFR ; P. RICHLI, Landwirtschaftliches Gewerbe und Selbstbewirtschaftung, zwei zentrale Begriffe des Bundesgesetzes über das bäuerliche Bodenrecht, PJA 1993 1063, p. 1067 in fine).

La qualité d'exploitant exige l'exécution personnelle, dans une mesure substantielle, des travaux inhérents à une exploitation agricole, en plus de la direction de l'entreprise (ATF 115 II 181 consid. 2a ; 107 II 30 consid. 2 p. 33 ; 94 II 254 consid. 3b p. 259 ; E. HOFER, op. cit., n. 17 ad art. 9 LDFR). Par exemple, dans une entreprise exploitée à plein temps avec 400 jours de travail et plus, l'exploitant à titre personnel doit travailler pour l'essentiel dans l'exploitation agricole. Il doit être prêt à abandonner une activité principale extérieure à l'agriculture. Une activité accessoire à l'extérieur n'est pas exclue (E. HOFER, op. cit., n. 18 i. f. et 20 ad art. 9 LDFR). L'exploitant ne doit pas souffrir d'un handicap l'empêchant de travailler la terre ou avoir un âge qui ne le lui permet plus (ATA/288/2006 du 23 mai 2006 ; P. TERCIER, La jurisprudence récente et les grandes nouveautés, in Journée suisses du droit de la construction, Fribourg 2005, p. 251)

b. La LDFR a pour but, notamment, de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris, celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles. Elle cherche, dans cette mesure, à exclure du marché foncier toux ceux qui cherchent à acquérir les entreprises et les immeubles agricoles principalement à titre de placement de capitaux ou dans un but de spéculation (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.20/2004 du 2 novembre 2004 et les références citées).

c. Néanmoins, selon la doctrine et la jurisprudence, les personnes morales peuvent aussi, à des conditions restrictives, entrer en considération en tant qu'exploitant à titre personnel au sens de l'article 9 alinéa 1 LDFR. La condition étant que les personnes qui sont membres ou associés de la personne juridique et qui disposent d'une participation majoritaire, remplissent les conditions de l'exploitation à titre personnel ou au moins que la majorité des associés collaborent à l'exploitation (ATF 115 II 181, consid 2b ; Y. DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, tome 2, Berne 2006, p. 632 ; E. HOFER, op. cit., p. 215 ; P. TERCIER, op. cit. p. 276).

En l'espèce, au vu des faits établis par la CFA, la recourante n'est manifestement pas une personne morale pouvant entrer en considération comme exploitante à titre personnel, au sens de la LDFR. Quant à M. Orlandini, possesseur d'un CFC d'horticulteur, seule personne qui pourrait être susceptible d'avoir la qualité d'exploitant à titre personnel, il a été mandaté par EP S.A. uniquement dans le but d'acquérir la parcelle convoitée lors de la vente aux enchères. Il n'est nullement actionnaire de la société. De plus, M. Orlandini, lui-même, du fait de son incapacité durable de travail à 100%, ne répond pas aux exigences décrites ci-dessus. Quant à l'unique actionnaire, M. Nespolo, il est gérant de fortune.

La recourante objecte qu'une autre autorisation délivrée par la CFA pour l'acquisition en 1999 d'un terrain agricole situé à Avusy avait été obtenue. A cette occasion, elle avait été considérée comme exploitante à titre personnel en raison du CFC de M. Orlandini qui était alors actionnaire de la S.A.

A cet égard, il suffit de relever que cette décision ne fait pas l'objet de la présente procédure et que la CFA a indiqué dans ses écritures qu'elle considérait que cette autorisation avait aussi été obtenue sur la base de fausses déclarations. En outre, selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d'une inégalité de traitement au sens de l'article 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d'autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n'aurait pas été appliquée du tout (ATF 123 II 248 consid. 3c p. 253-254 et arrêts cités ; ATA/194/2004 du 9 mars 2004 ; M.-M. du 5 juin 1991 ; W.-S du 24 janvier 1990 ; T. du 13 avril 1988 ; E. du 23 mars 1988 ; A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, Berne 2000, p. 502-503 n. 1025-1027 ; A. AUER, L'égalité dans l'illégalité, ZBl. 1978, pp. 281-302). Pour toutes ces raisons, l'objection ne saurait être retenue.

Au vu de ce qui précède, l'acquisition ne pouvait être autorisée sur la base de l'article 61 LDFR, en raison du défaut de qualité d'exploitante à titre personnel de la recourante.

5. Toutefois, la loi prévoit un certain nombre d'exceptions au principe de l'obligation d'être exploitant à titre personnel pour obtenir l'autorisation d'acquisition d'un immeuble agricole, dont notamment celle du créancier qui détient un droit de gage sur l'immeuble et acquiert ce dernier dans une procédure d'exécution forcée (art. 64 al. 1 let.g LDFR). C'est à ce titre que l'autorisation d'acquérir la parcelle a dans un premier temps été accordée à la recourante par la CFA.

6. a. Dans les considérants de sa décision incidente du 25 août 2004, la CFA a renoncé à instruire la cause sous l'angle de l'acte élusif pour des motifs de sécurité du droit. N'étant pas liée par les considérants de cette décision, le tribunal de céans constate que les pièces figurant au dossier, dont notamment les déclarations concordantes de l'administrateur de la recourante et de M. Orlandini, ne permettent pas de se dispenser d’analyser la décision sous cet angle. Bien plus, compte tenu des conséquences de la réponse à cette question, il convient d'examiner en premier lieu si l'acquisition de la qualité de créancière-gagiste par la recourante n'est pas constitutive d'un abus de droit, voire d'une fraude à la loi.

b. Celui qui, au vu de la situation juridique objective, n'a pas de droit à l'octroi d'une autorisation mais l'obtient sur la base d'indications sciemment fausses, ne doit pouvoir retirer aucun bénéfice de son comportement illicite. La fraude à la loi consiste à violer une interdiction légale en recourant à un moyen apparemment légitime pour atteindre un résultat qui, lui, est prohibé (P. MOOR, Droit administratif, 2e éd, Berne 1994, p. 435 ; consid. 4 et les références citées).

c. Celui qui, en vue d'acquérir une parcelle agricole, se met dans la situation de créancier gagiste, précisément dans le but d'acheter aux enchères forcées, au bénéfice de l'article 64 alinéa 1 lettre g LDFR, un immeuble agricole qu'il n'aurait sans cela pu être autorisé à acquérir, commet une fraude à la loi (ATA/122/2005 du 8 mars 2005 confirmé par l'Arrêt du Tribunal fédéral 5A.14/2005 du 3 février 2006 et ATA/123/2005 confirmé par l'Arrêt du Tribunal fédéral 5A.16/2005 du 15 décembre 2005).

En octroyant au créancier gagiste un droit à obtenir l'autorisation d'acquérir, dans le cadre de la réalisation forcée, l'immeuble agricole sur lequel il détient un droit de gage, la loi vise à lui permettre de sauvegarder ses intérêts en tant que titulaire d'un droit de gage. Le but de la réalisation forcée est, en outre, d'obtenir le produit de réalisation le plus élevé possible. Le créancier gagiste auquel une autorisation est accordée sur la base de l'article 64 alinéa 1 lettre g LDFR ne pourra lui-même aliéner l'objet qu'à un prix qui ne soit pas surfait et à une personne qui l'exploite à titre personnel, sous réserve des exceptions découlant de la loi. En effet, sa situation diffère de celle d'un créancier gagiste agissant aux seules fins de protéger sa créance - parce qu'aucune offre acceptable pour lui n'est faite au cours de la réalisation forcée - acquerra l'immeuble pour le revendre à plus ou moins bref délai à un exploitant à titre personnel. L'acquisition n'est alors pas une fin en soi et l'exception au principe de l'exploitation à titre personnel apparaît d'emblée temporaire (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.16/2005 du 5 décembre 2005 consid. 3.1 et 3.2).

En l'espèce, en devenant cessionnaire de la Fondation le jour précédent la vente aux enchères, la recourante a acquis un terrain agricole au mépris des buts de la LDFR. Elle n'a pas agi comme l'aurait fait un créancier gagiste agissant aux seules fins de protéger sa créance et qui se voit pour ainsi dire contraint de se porter acquéreur parce que seul un prix inacceptable pour lui est offert dans la réalisation forcée.

A cela s'ajoute le fait d'avoir donné procuration à un horticulteur, titulaire d'un CFC, n'ayant aucun lien avec la société anonyme mais pouvant donner l'apparence d'être exploitant au sens de la LDFR, dans le seul but d'acquérir la parcelle. Ce dernier s'est d'ailleurs présenté comme tel à la Fondation. Ceci démontre également le caractère abusif du montage utilisé par la recourante pour parvenir à ses fins.

d. Il résulte de ce qui précède que la question d'une éventuelle application dans le cas d'espèce de l'article 64 alinéa 1 lettre f LDFR peut rester ouverte, la seule fraude à la loi ayant pour effet que la recourante sera déboutée sur ce point. Il n’est pas davantage nécessaire d'examiner plus avant si elle remplissait effectivement la qualité de créancière-gagiste au sens de l'article 61 alinéa 1 lettre g LDFR.

7. L'autorité compétente en matière d'autorisation révoque sa décision lorsque l'acquéreur l'a obtenue en fournissant de fausses indications (art. 71 al. 1 LDFR). Elle ordonne la rectification du registre foncier après avoir révoqué l'autorisation, si l'inscription au registre foncier repose sur un acte nul (art. 72 al. 1 LDFR). La rectification du registre foncier est exclue lorsque dix ans se sont écoulés depuis l'inscription (art. 72 al. 2 LDFR). Ladite rectification est en outre exclue lorsqu'elle léserait les droits de tiers de bonne foi. Avant de prendre sa décision, l'autorité compétente en matière d'autorisation se renseigne auprès du conservateur pour savoir s'il existe de tels droits (art. 72 al. 4 LDFR).

Dans ce cas, la LDFR permet expressément ce qui ne serait a priori pas possible conformément aux principes généraux du droit administratif au regard des particularités de la décision administrative formatrice de droit privé (B. STALDER, in Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998 p. 673).

Il s'agit dans ce cas d'une captation d'autorisation au moyen de fausses indications. Si les conditions en sont réalisées, l'autorité compétente est tenue de révoquer l'autorisation sous réserve de la conformité de la décision aux principes de proportionnalité et de bonne foi et du respect du délai de dix ans de l'article 71 alinéa 2 LDFR (B. STALDER, op. cit., p. 677-678). La révocation se justifie lorsque le destinataire de l'acte a trompé l'administration par dol ou par négligence. Toutefois, en principe, l'autorité qui révoque ne saurait arguer de l'ignorance de faits qu'elle aurait dû constater d'office (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 435 et les références citées).

La révocation implique que l'acquéreur ait donné de fausses indications sur des faits juridiquement déterminants pour l'octroi de l'autorisation. Ces fausses indications doivent en outre avoir été causales et l'autorisation aurait dû être refusée si l'autorité compétente avait connu la situation objectivement exacte (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.19/2003 du 17 octobre 2003 ; B. STALDER, op. cit, p. 674).

En l'espèce, la CFA n'avait pas connaissance, au moment de la délivrance de l'autorisation d'acquérir, des faits cachés par la recourante. Ce n'est que suite à la dénonciation faite par l'ancien propriétaire et grâce aux pièces fournies par celui-ci, dont notamment les déclarations faites par l'administrateur de la recourante et M. Orlandini auprès de la police judiciaire, que le montage utilisé pour obtenir l'autorisation a été découvert.

En conséquence, la révocation prononcée par la CFA est conforme aux conditions posées ci-dessus.

8. Reste à examiner la décision prise sous l'angle des principes de proportionnalité et de la bonne foi.

L'article 71 alinéa 2 LDFR, au titre de loi spéciale, prime les principes généraux du droit administratif en fixant un délai de dix ans permettant la révocation en cas de décision obtenue suite à de fausses indications (B. STALDER, op. cit, p. 673). En l'espèce, la révocation intervient cinq ans après le prononcé de la décision, soit à la moitié de la période fixée par le législateur pour des motifs de sécurité juridique.

Quant à la bonne foi, elle ne saurait être invoquée par la recourante qui a donné de fausses indications, même si elle se trouve déjà au bénéfice d'une autre autorisation d'acquérir, rendue antérieurement par la CFA. En effet, selon ses propres déclarations, la situation du possesseur de CFC par rapport à la société était différente à l'époque et la CFA conteste la validité de cette première autorisation.

Il découle de ce qui précède que c'est à bon droit que la CFA a révoqué l'autorisation d'acquérir qu'elle avait délivrée le 5 juin 2001. Par contre, elle n'a pas statué en exécution de cette révocation sur la rectification du registre foncier, en application de l'article 72 alinéa 4 LDFR, ni n'a pris les renseignements exigés pour déterminer notamment s'il existe des tiers de bonne foi. En conséquence, elle devra statuer après avoir pris les renseignements exigés par la LDFR et interpellé l'office des poursuites pour déterminer notamment s'il existe des tiers de bonne foi. La cause sera ainsi renvoyée à la CFA.

9. Le recours sera donc rejeté et un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2006 par EP Elagages et Paysage S.A. contre la décision de la commission foncière agricole du 29 août 2006 ;

au fond :

le rejette ;

renvoie le dossier à la commission foncière agricole dans le sens des considérants ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Berta, avocat de la recourante ainsi qu'à la commission foncière agricole et à l'office fédéral de la justice.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :