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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1377/2006

ATA/352/2006 du 20.06.2006 ( CE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1377/2006-CE ATA/352/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 juin 2006

dans la cause

 

 

 

Monsieur A______
représenté par Me Yves Bertossa, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ÉTAT


 


1. Monsieur A______, né le _____ 1945, a travaillé pour la Fondation des foyers "X______" (ci-après  : la Fondation "X______") dès le 1er septembre 1977. Il a été directeur de l'établissement de détention "Y______", de 1992 à 1999, puis de la "Maison de Z______" (ci-après  : Z______), destiné à accueillir des hommes en régime de fin de peine.

2. Suite au transfert de la Fondation "X______" à l’Etat, M. A______ a été engagé par le département de justice, police et sécurité, devenu depuis lors le département des institutions (ci-après : le département), à compter du 1er janvier 2001, en qualité de directeur responsable de Z______, à 100 %. Ce poste était rattaché à l’office pénitentiaire, service des établissements de détention (ci-après : SED).

3. M. A______ a été nommé fonctionnaire dès le 1er janvier 2002.

4. L'évaluation des prestations effectuée en juin 2005, était bonne, voire très bonne. La collaboration avec M. A______ était agréable grâce à sa transparence, son franc-parler et sa conscience professionnelle.

5. Le 22 août 2005, Monsieur M______, directeur du SED, a rencontré Monsieur K______, directeur adjoint de Z______, qui l’a informé avoir constaté, en reprenant la gestion de la caisse des avoirs des détenus en l’absence de M. A______, une différence entre les montants retirés, en juillet, auprès de la banque et ceux déposés sur la caisse des détenus.

6. M. K______ et M. M______ ont rencontré M. A______, le 29 août 2005, à son retour de vacances. M. A______ a reconnu avoir soustrait des montants pour assouvir sa passion du jeu et l'avoir déjà fait en fin d’année 2004.

7. Une première estimation de la somme manquante a été effectuée le 31 août 2005.

Suite à des vérifications plus approfondies réalisées par Madame B______, adjointe administrative du SED entre le 5 et le 18 septembre 2005, il s'est avéré que le préjudice s'élevait à CHF 33’399.- et que les détournements avaient débuté en 2003.

8. Entre-temps, soit le 1er septembre 2005, M. A______ a remboursé un montant de CHF 10'000.-.

9. Le 21 septembre 2005, M. M______ a reçu M. A______. Il lui a annoncé qu’une information serait transmise à la direction de l’office pénitentiaire.

10. Au terme d'un entretien du 22 septembre 2005, en présence de M. M______, de Mme B______ et de Monsieur W______, directeur de l’office pénitentiaire, M. A______ a été suspendu avec effet immédiat et l'ouverture d'une enquête administrative a été requise.

Cette décision a été confirmée par écrit à M. A______ le lendemain.

11. Le 23 septembre 2005, l’office pénitentiaire a informé la direction du département et a dénoncé les faits auprès du procureur général. Il a également proposé au Conseil d’Etat l’ouverture d’une enquête administrative et demandé au service de santé du personnel de l’Etat de recevoir M. A______ pour un entretien.

12. M. A______ a effectué un versement de CHF 10’000.- et un autre de CHF 13’399.-, respectivement le 26 septembre 2005 et le 3 octobre 2005.

13. Par arrêté du 23 novembre 2005, le Conseil d’Etat a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______ et a prononcé la suspension provisoire de celui-ci ainsi que la suppression de toute prestation à charge de l’Etat.

La conduite de l’enquête a été confiée à Monsieur R______, ancien remplaçant du chef de la police de sûreté.

14. Entendu par l'enquêteur, le 15 décembre 2005, M. A______ a expliqué que la gestion du pécule des détenus lui incombait. En règle générale, lorsqu’un détenu arrivait à Z______ son pécule était versé sur le compte bancaire. Il avait retiré diverses sommes pour alimenter le fonds de caisse de Z______ et avait pris de l’argent de ce fonds de caisse pour son usage personnel entre 2003 et juillet 2005. Au début, il était arrivé à se remettre à flot mais, par la suite, il n’avait plus pu restituer l’argent indûment utilisé. Sans pouvoir chiffrer le nombre des retraits, il pensait avoir soustrait des montants, qui allaient de CHF 100.- à CHF 300.-, une centaine de fois.

Le 28 août 2005, il avait immédiatement admis les faits et avait reconnu des retraits pour environ CHF 20’000.- sous réserve de contrôles plus approfondis. Il voulait régler la totalité du montant détourné et avait remboursé CHF 10'000.- le 1er septembre 2005. La semaine suivante, il était reparti en vacances et les comptes avaient été vérifiés. La somme finale des retraits indus avait été arrêtée à CHF 33’399.-.

Il avait effectué ces retraits pour assouvir sa passion du jeu qu’il n’avait pas su maîtriser. Aujourd’hui, il avait entrepris un suivi au centre du jeu excessif à Lausanne et il n’avait plus d'attirance pour le jeu.

Lorsqu'il était absent, M. K______, qui possédait également une signature individuelle auprès de la banque, gérait la caisse des avoirs des détenus placés à Z______.

Enfin, M. A______ a déclaré avoir reçu un "coup de massue" en apprenant sa suspension avec effet immédiat. Il avait été très affecté. Depuis 1977, il avait toujours accompli sa tâche correctement et il souhaitait pouvoir reprendre une activité professionnelle au sein de l'Etat. Il regrettait profondément ses actes ; il s'agissait de la seule et unique grosse erreur qu’il avait commise.

15. Le 22 décembre 2005, l'enquêteur a procédé à l'audition de diverses personnes  :

a. Mme C______, juge au Tribunal de la jeunesse, a déclaré connaître M. A______ depuis 1984 et avoir travaillé avec lui jusqu’en 1999. M. A______ était un collaborateur compétent, correct et respectueux des autorités et des personnes avec lesquelles il était amené à collaborer. Pour elle, il était un homme honnête et elle expliquait les faits reprochés par un accident de parcours. Si elle devait travailler avec lui aujourd’hui, elle lui renouvellerait sa confiance.

b. Mme B______ connaissait M. A______ depuis 1999. A la fin du mois d'août 2005, M. M______ était venu la trouver et lui avait appris la présence d’irrégularités dans la caisse des détenus. Elle lui avait suggéré d’attendre le retour de M. A______, responsable de la caisse, car il pouvait peut-être avoir des explications. Dans le courant de la première semaine de septembre 2005, elle s’était rendue à Z______, à la demande de M. M______, pour évaluer l’ampleur des sommes retirées. Le montant s'élevait à plus de CHF 40’000.-. Par la suite, M. A______ avait signalé avoir effectué des versements en faveur des détenus, ce qui s’était avéré exact. La somme détournée avait ainsi été ramenée à CHF 33’399.-. Lors de la réunion du 22 septembre 2005, M. A______ avait collaboré sans difficultés. Enfin, des dispositions avaient été prises, en particulier un système informatisé avait été mis en place pour mieux contrôler les mouvements des caisses.

Sur question de M. A______, Mme B______ a indiqué que celui-ci était une personne respectable, compétente et performante et qu'il était encore, à ce jour, apprécié.

c. M. M______ était le supérieur hiérarchique de M. A______ depuis 2001. Formellement, il visitait une fois par mois chaque établissement et rencontrait le directeur ainsi que son adjoint. Le 22 août 2005, M. K______ lui avait montré des documents comportant des différences entre les relevés bancaires et la caisse des détenus. Il lui avait dit d’en parler à M. A______ à son retour de vacances et de l’aviser pour qu’il puisse être présent, ce qui avait été fait le lundi 29 août 2005. M. A______ avait immédiatement reconnu avoir commis des dérapages, dus au jeu. Étant donné que les montants détournés étaient relativement bas et vu les bonnes dispositions de M. A______, il avait proposé de rencontrer Mme B______ pour déterminer quelle somme manquait. Ainsi, le 31 août 2005, le montant était de l'ordre de CHF 20'000.--. Par la suite, durant les vacances de M. A______ et de lui-même, il avait chargé Mme B______ de tirer un bilan précis avec M. K______ afin de pouvoir savoir quelle somme avait véritablement été indûment utilisée. Le mercredi 21 septembre 2005, M. A______ avait reconnu l'intégralité des détournements qui se chiffrait finalement à CHF 33’399.- et lui avait parlé de ses problèmes de jeu. A la fin de l’entretien, il l’avait averti qu’il informerait le directeur de l’office pénitentiaire le lendemain matin. Le 22 septembre 2005, M. A______ avait été convoqué chez M. W______. Après s’être assuré que les faits reprochés étaient exacts, M. W______ avait demandé à M. A______ de ne plus se rendre sur le lieu de son travail.

M. M______ a précisé, sur demande de M. A______, que celui-ci était une personne sérieuse et rigoureuse qui menait l’institution de manière satisfaisante. Il lui faisait entièrement confiance.

d. M. K______ était sous-directeur de Z______ depuis fin 1999 début 2000. Il s’occupait du fonctionnement des ateliers et remplaçait le directeur lorsqu'il était absent.

Durant les vacances de M. A______, il avait dû s’occuper du livre des comptes de la caisse des avoirs de détenus. En comparant les sorties de la banque et les rentrées de la caisse, il avait constaté une différence. Il était resté quelques jours sans rien dire à personne, car il pensait ne pas avoir peut-être tout compris. Lors de la visite mensuelle de M. M______, le 22 août 2005, il avait informé ce dernier. A ce moment, il semblait manquer une dizaine de milliers de francs. Ce premier contrôle remontait jusqu’au début 2005. En accord avec M. M______, il avait fait une recherche plus approfondie en collaboration avec Mme B______. Le manco s’était élevé finalement à une trentaine de milliers de francs.

Des dispositions étaient actuellement prises par le service financier du département pour éviter que des situations semblables puissent se renouveler.

Sur question de M. A______, M. K______ a indiqué que, pour lui, celui-ci était une personne de confiance, et que, jamais, il n’avait pensé qu’il était capable de malversations.

e. M. J______, éducateur à Z______, travaillait avec M. A______ depuis l’an 2000. M. A______ était un excellent professionnel. Toute l’équipe était très abattue par cette situation. Jamais il n’aurait imaginé une chose pareille.

Sur question de M. A______, M. J______ a dit être prêt, lui et toute l’équipe, à travailler à nouveau avec M. A______.

16. M. A______ a transmis à l’enquêteur des observations, le 27 décembre 2005. Il concluait au prononcé d’une sanction à son encontre autre que le licenciement. Depuis 28 ans il travaillait pour la collectivité publique. Ses compétences étaient reconnues et il était apprécié de tous. Il avait commis une erreur qu’il avait immédiatement admise et intégralement réparée. Conscient que sa faute méritait une sanction, il sollicitait toutefois son maintien dans la fonction publique.

17. L’enquêteur a rendu son rapport d’enquête le 3 janvier 2006.

18. Le 1er février 2006, M. A______ a persisté intégralement dans ses précédentes observations.

19. Par arrêté du 15 mars 2006, le Conseil d’Etat a licencié avec effet immédiat M. A______. La résiliation des rapports de service agissait rétroactivement au jour de l’arrêté ordonnant la suspension provisoire et la suppression de toute prestation à charge de l’Etat, soit au 23 novembre 2005.

M. A______ avait violé ses devoirs de service au sens des articles 20, 21 lettre C et 22 alinéa 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publiques médicaux du 24 février 1999 (RaLPAC - B 5 05.01). Ses fonctions de directeur de Z______ ainsi que son statut de cadre constituaient des circonstances aggravantes. Les manquements étaient graves et répétés. Ils avaient irrémédiablement rompus la relation de confiance et justifiaient une cessation immédiate des rapports de service.

20. M. A______ a interjeté recours contre cette décision le 18 avril 2006 auprès du Tribunal administratif. Il conclut à l’annulation de son licenciement et à sa réintégration, le cas échéant, dans un autre service ainsi que le versement de son traitement avec effet au 23 novembre 2005. Subsidiairement, il réclame une indemnité équivalent à 12 mois de traitement brut, soit la somme de CHF 118’899.- avec intérêt à 5 % dès le 23 novembre 2005 ainsi que l’équivalent de trois mois de traitement brut correspondant au délai de congé légal, soit CHF 29’724,75.

Le droit public devait assurer de manière plus étendue la protection des travailleurs que ne le faisait le droit privé. Or, selon le code des obligations, le congé immédiat d’un travailleur devait être donné au terme d’un bref délai de réflexion à partir de la connaissance du juste motif de licenciement. Il en résultait que les articles 20 alinéa 4 et 28 alinéa 4 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) étaient conformes uniquement si l’enquête administrative avait pour but de déterminer s'il existait ou non un juste motif de résiliation immédiate des rapports de service. Dans l’hypothèse où les faits à l’origine du licenciement étaient intégralement connus dès la suspension du fonctionnaire, un licenciement immédiat intervenant plusieurs mois plus tard devait être considéré comme tardif et, partant, illicite. Dans le cas particulier, les faits à l’origine du licenciement avaient été découverts durant le mois d’août 2005, seul le montant exact des sommes détournées était ignoré. Le montant précis de CHF 33’399.- avait été arrêté le 22 septembre 2005. Ainsi, lors de l’ouverture de l’enquête administrative les faits étaient parfaitement connus et reconnus. Il en résultait que le licenciement immédiat, prononcé près de six mois et demi après la découverte de l’intégralité des faits était manifestement tardif. Il était d’autant plus tardif qu'il avait pu poursuivre son activité en qualité de directeur de Z______ jusqu’au 22 septembre 2005. Ainsi, en le laissant poursuivre son activité alors que les faits étaient connus et en ne décidant de son licenciement immédiat que six mois et demi après que tous les détails du motif invoqué à l’appui de la résiliation des rapports de travail soient connus, le département avait manifestement renoncé à se prévaloir des faits dont il s’agissait. Le licenciement devait dès lors être annulé.

Les faits reprochés étaient graves. Toutefois, il ressortait de la procédure que, depuis 1977, il avait travaillé pour le compte de la collectivité. Il avait toujours rempli ses obligations à satisfaction de tous et ses compétences étaient unanimement saluées. Depuis la connaissance des faits à l’origine de son licenciement, il avait remboursé l’intégralité des montants détournés et entrepris une thérapie liée à ses pulsions du jeu. Ses collègues de travail avaient non seulement mis en exergue ses compétences professionnelles mais également indiqué qu’ils étaient disposés à continuer à travailler avec lui. Depuis 28 ans, il était un excellent professionnel, reconnu et apprécié de tous qui avait fait le choix, dès le début de sa carrière, de la fonction publique pour venir en aide aux personnes en difficulté. Il avait commis une erreur, qu’il avait immédiatement admise et intégralement réparée. Les détournements commis représentaient ainsi un unique accident de parcours. Seul un changement d’affectation était adéquat et proportionné. Son licenciement immédiat était dès lors disproportionné.

21. Le Conseil d’Etat s’est opposé au recours le 2 juin 2006.

Il avait respecté la loi en ordonnant l’ouverture d’une enquête administrative qui avait, en particulier, permis de mettre en lumière le mode opératoire ainsi que la fréquence des retraits. Les faits découverts pendant les vacances de M. A______, en août 2005, avaient nécessité des vérifications complémentaires qui avaient été effectuées pendant la première quinzaine de septembre 2005. M. A______ ne pouvait, de bonne foi, reprocher à sa hiérarchie d’avoir attendu son retour de vacances et le résultat des vérifications complémentaires pour le libérer de l’obligation de travailler.

M. A______ occupait, depuis 2001, le poste de directeur de Z______ et exerçait une fonction de cadre. La confiance et l’autorité qu’impliquait la fonction permettait d’exiger du titulaire un degré de confiance particulièrement élevé, un sens accru des responsabilités et un comportement sans faille. La confiance du public et des autorités ainsi que la crédibilité des institutions auprès des détenus en dépendaient. Entre début 2003 et juillet 2005, M. A______ avait procédé une centaine de fois à des prélèvements indus, totalisant quelques CHF 33’399.-, sur les avoirs des détenus placés dans la caisse dont il avait la gestion. Il était exact qu’il avait admis les faits lorsque ceux-ci avaient été mis à jour. Toutefois, il avait eu ces agissements pendant deux ans et demi. Le remboursement de l’intégralité des montants soustraits et le suivi d’une thérapie ne sauraient rétablir le rapport de confiance que la gravité particulière des faits reprochés avait irrémédiablement rompu. Compte tenu de la fonction et des responsabilités du recourant, de la nature des agissements reprochés ainsi que de la gravité et de la répétition de ses manquements, la cessation immédiate des relations de service se justifiait pleinement.

22. Il ressort encore des pièces remises par les parties que, entre octobre 2005 et janvier 2006, M. A______ est venu en consultation, à huit reprises, au centre du jeu excessif du service de psychiatrie du centre hospitalier universitaire vaudois,

23. Les parties ont été informées, le 15 juin 2006, que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 31 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux - LPAC - B 5 05 ; art. 56B al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l'article 21 alinéa 2 lettre b LPAC, le Conseil d'Etat peut, pour un motif objectivement fondé, mettre fin aux rapports de service du fonctionnaire en respectant le délai de résiliation. Le licenciement est objectivement fondé s'il est motivé par l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), le manquement grave ou répété aux devoirs de service (art. 22 let. b LPAC) ou l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. c LPAC).

Le Conseil d'Etat dispose, dans l'application de cette disposition, d'un certain pouvoir d'appréciation : en présence d'un motif objectivement fondé, il peut, mais ne doit pas, résilier les rapports de service (Mémorial du Grand Conseil, 1996/VI, p. 6355 ss.).

b. Les rapports de service sont régis par des dispositions statutaires (art. 3 al. 4 LPAC) et le Code des obligations ne s'applique plus à titre de droit public supplétif à la question de la fin des rapports de service (Mémorial des séances du Grand-Conseil, 1996, VI p. 6360). Le licenciement d'un employé est donc uniquement soumis au droit public et doit respecter les droits et principes constitutionnels, tels que le droit d'être entendu, l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire et la proportionnalité (eodem loco p. 6351 et les réf. cit. ; ATA/1516/2004 du 23 novembre 2004 et les réf. cit.).

3. a. Lorsqu’il envisage de résilier des rapports de service pour un motif objectivement fondé, le Conseil d’Etat doit ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à un ou plusieurs magistrats ou fonctionnaires, en fonction ou retraités (art. 27 al. 2 LPAC). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture. Il peut se faire assister par un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). Les dispositions de la LPA sont applicables, en particulier celles relatives à l’établissement des faits (art. 27 al. 1 LPAC). Une fois l’enquête achevée, l’intéressé peut s’exprimer par écrit dans les 30 jours qui suivent la communication du rapport d’enquête (art. 27 al. 5 LPAC).

b. Dans l'attente du résultat de l'enquête administrative, le Conseil d'Etat ou le conseil d'administration peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement le membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction (art. 28 al. 1 LPAC). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l'Etat (art. 28 al. 3 LPAC).

A l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que l'intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de résiliation des rapports de service avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 LPAC).

4. Le supérieur hiérarchique du recourant a eu connaissance des faits lors de sa visite mensuelle de l'établissement le 22 août 2005. D'entente avec le directeur adjoint, il a décidé d'attendre le retour du recourant, le 29 août 2005, pour éclaircir les faits. Par la suite, le recourant est reparti en vacances du 5 au 18 septembre 2005. Pendant cette période, des vérifications plus approfondies on été effectuées afin de déterminer le montant exact des sommes détournées. Dès le retour du recourant, celui-ci a été entendu par son supérieur puis également par le directeur de l'office pénitentiaire. Il a été suspendu de ses fonctions le 22 septembre 2005. Une enquête administrative a été ouverte le 23 novembre 2005 et s'est clôturée le 3 janvier 2006 par la remise du rapport d'enquête.

Il ressort de la chronologie des faits que la procédure a été correctement appliquée et que le Conseil d'Etat a, à juste titre, ordonné une enquête administrative. Le recourant ne peut dès lors invoquer le caractère tardif de la décision de licenciement.

5. Il n'est pas contestable que les agissements du recourant ne sont pas compatibles avec la loyauté et la fidélité que tout employeur est en droit d'attendre de ses collaborateurs. Encore faut-il examiner si l'autorité n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant un licenciement plutôt qu'une sanction disciplinaire.

6. Une décision de licenciement doit respecter le principe de la proportionnalité. L'autorité doit apprécier les actes ou les manquements reprochés à l'intéressé en les situant dans leur contexte, c'est-à-dire en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Il convient de veiller à ce que la mesure soit proportionnée à la faute, c'est-à-dire que celle-ci apparaisse comme plus grave que les manquements faisant habituellement l'objet de mesures disciplinaires moins incisives, comme le retour au statut d'employé en période probatoire. Cette exigence se recoupe avec le principe d'égalité de traitement, tant il est vrai qu'il apparaîtrait choquant que deux fonctionnaires soient, pour des fautes similaires, sanctionnés pour l'un et licencié pour l'autre (ATA/53/2005 du 1er février 2005 ; ATA/228/2004 du 16 mars 2004 et les réf. citées).

Le principe de la proportionnalité suppose également que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; ATA/9/2004 du 6 janvier 2004).

7. En l'espèce, le montant détourné a finalement été arrêté à CHF 33'399.-. Il s'agissait de sommes mises sous la responsabilité du recourant et qui appartenaient à des personnes détenues dont il avait la charge. Le recourant a soustrait des montants allant de CHF 100.- à CHF 300.-. Il a donc procédé à des retraits indus plus d'une centaine de fois, ce qui témoigne de la persistance et de la répétition de ses agissements. De plus, il s'est avéré que ses prélèvements ont débuté au début 2003 déjà. Le comportement du recourant a ainsi persisté pendant plus de deux ans et n'a pris fin que parce qu'il a été découvert.

Il est exact que le recourant a reconnu immédiatement les faits et a remboursé l'intégralité des montants. Toutefois, il ne s'est nullement dénoncé lui-même mais a admis avoir détourné certains montants après que les faits aient été découverts. S'agissant de sa longue expérience pour le compte de la collectivité, elle ne saurait pallier les manquements constatés et effacer la gravité de ses actes. Chargé de s'occuper de personnes condamnées, de surcroît en phase de réinsertion dans la société, son comportement est d'ailleurs d'autant moins excusable.

La direction d'un établissement pénitentiaire de fin de peine doit être assurée par des personnes intègres, au-dessus de tout soupçon. Il en va de la crédibilité de l'établissement mais également de celle du système pénitentiaire, face à la population et aux détenus.

Le Conseil d'Etat n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que les agissements du recourant avaient irrémédiablement rompus la relation de confiance et justifiaient une cessation immédiate des rapports de service.

8. La décision litigieuse sera ainsi confirmée. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2006 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil d'Etat du 15 mars 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

communique le présent arrêt à Me Yves Bertossa, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :