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Décisions | Assistance juridique

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AC/711/2024

DAAJ/102/2024 du 24.09.2024 sur AJC/3178/2024 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/711/2024 DAAJ/102/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 24 SEPTEMBRE 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ (États-Unis), représenté par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 14 juin 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), ressortissant américain né en 1979, a étudié auprès de l'Institut C______ à Genève depuis septembre 2021.

A compter du mois d'octobre 2021, le recourant a été en conflit avec une autre étudiante de l'école, D______, laquelle l'a notamment accusé de violences verbales et de l'avoir menacée avec une canne.

Le 25 janvier 2022, le recourant a déposé plainte pénale à l'encontre de D______ pour calomnie, subsidiairement, diffamation ou injure.

b. En novembre 2022, un groupe Instagram nommé E______, ayant 484 abonnés, s'est mis à publier de manière anonyme des contenus faisant référence aux faits survenus entre le recourant et D______.

Les publications mentionnent notamment qu'ils avaient hâte de "révéler la misère" que le recourant avait fait subir à certains étudiants, qu'il harcelait ses camarades de classe, qu'il avait fait l'objet d'une enquête de l'école et qu'il avait été reconnu coupable de harcèlement au terme de cette enquête. Un autre message, indiquant qu'il provient de la victime de harcèlement, mentionne: "je pense que c'est parce que je suis une femme noire".

c. Statuant sur la requête de mesures provisionnelles formée par le recourant le 29 novembre 2022, le Tribunal de première instance a, par ordonnance du 13 février 2023, notamment ordonné à D______ de supprimer toutes publications sur le compte Instagram E______ citant nommément le recourant et fait interdiction d'en publier de nouvelles concernant le précité.

Il a notamment été retenu que les contenus publiés sur le groupe Instagram susmentionné portaient atteinte à la personnalité sociale du recourant, en tant qu'ils accusaient celui-ci de harceler ses camarades de classe, de déposer de fausses plaintes pénales, de mentir et qu’ils affirmaient qu'il avait été reconnu coupable de harcèlement par l'école. Même si les publications étaient anonymes, plusieurs éléments du dossier rendaient l'auteur de l'atteinte identifiable.

d.a Par acte déposé en conciliation le 2 mai 2023 puis introduit le 15 novembre 2023, le recourant a saisi le Tribunal d'une demande en paiement à l'encontre de D______, réclamant les sommes de 4'000 fr. à titre de réparation de son tort moral, 5'703 fr. 61 à titre de dommages et intérêts (pour les honoraires d'avocat avant procès) et 635 fr. 45 à titre de remboursement de frais d'huissier judiciaire (cause C/1______/2023).

En novembre 2023, le Tribunal a requis une avance de frais de 2'000 fr. Le délai de paiement de cette avance a été suspendu, sur demande du recourant.

d.b Toujours le 2 mai 2023, le recourant a formé une requête en validation des mesures provisionnelles ordonnées par le Tribunal le 13 février 2023 (cause C/2______/2023), cette procédure n'étant pas soumise à la tentative obligatoire de conciliation.

En juin 2023, le recourant s'est acquitté d'une avance de frais de 500 fr. pour cette procédure.

d.c Le recourant a d'emblée sollicité la jonction des deux causes.

e. Entre-temps, en juillet 2023, le recourant est retourné vivre aux Etats-Unis, pour y effectuer un doctorat.

f. Par décision du 30 août 2024, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance juridique dans la cause C/2______/2023.

B.            a. Auparavant, le 13 mars 2024, le recourant avait également sollicité l'assistance juridique pour la cause C/1______/2023.

b. Invité, par courrier du greffe de l'Assistance juridique du 7 mai 2024, à indiquer si la partie adverse était solvable, le recourant a répondu que D______ était en l'état insolvable, dès lors qu'il détenait à son encontre un acte de défaut de biens.

Cela ne rendait toutefois pas la procédure vaine, ni inopportune, dès lors que la loi lui impartissait un certain délai pour agir afin que ses droits ne soient pas périmés. Il serait tout à fait dépourvu de pertinence de différer la cause pécuniaire dans l'attente d'un retour à meilleure fortune de la partie adverse, alors même que l'instruction de la cause pécuniaire et de l'action en protection de la personnalité reposaient sur le même complexe de faits. En tout état de cause, les parties étaient sur le point de parvenir à un accord, ce qui justifiait l'introduction de l'action.

Le recourant a par ailleurs produit la copie d'un courrier qu'il avait adressé au Tribunal en mai 2024 afin de solliciter l'annulation de l'audience prévue le 8 du même mois dans la cause C/1______/2023, dans la mesure où les parties étaient entrées en négociation.

C.           Par décision du 14 juin 2024, notifiée le 20 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif qu'un justiciable raisonnable plaidant à ses propres frais n'engagerait pas des frais judiciaires et des honoraires d'avocat pour une procédure sans avoir la certitude de pouvoir rentrer dans ses frais. Or, au vu de l'insolvabilité notoire de la partie adverse, le recourant n'avait aucune chance de pouvoir recouvrer son éventuelle créance. Par ailleurs, le délai imparti au recourant pour valider les mesures provisionnelles ne concernait pas une éventuelle action en paiement, laquelle pouvait être introduite ultérieurement et engendrerait moins de frais une fois que la cause en protection de la personnalité serait jugée au fond. Enfin, il apparaissait que les négociations avec la partie adverse ne concernaient que la cause C/2______/2023 et pas l'action en paiement.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 1er juillet 2024 à la présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la cause C/1______/2023.

Le recourant s'est prévalu de faits non portés à la connaissance de l'autorité de première instance.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

c. Le recourant s'est déterminé spontanément les 28 août et 3 septembre 2024, faisant en substance valoir que dans la mesure où le bénéfice de l'assistance juridique lui avait été accordé pour la cause C/2______/2023 et qu'il avait sollicité la jonction de cette dernière avec la cause C/1______/2023, l'enjeu de la présente procédure de recours était limité à la dispense de l'avance de frais requise dans la seconde cause.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance ne seront pas pris en considération.

3.             3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

3.1.1 Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêts du Tribunal fédéral 5A_261/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.1; 5A_405/2023 du 17 août 2023 consid. 3.2.2). En revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

3.1.2 Le fait d'obtenir un jugement condamnatoire contre une personne, sans espoir d'obtenir le recouvrement de la créance de ce débiteur, n'est pas une démarche judiciaire raisonnable (DAAJ/122/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.2). Aussi, l'examen des chances de succès porte également sur l'évaluation des perspectives de recouvrement de la créance (DAAJ/83/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.2).

A titre d'exemple, il a notamment été retenu que le fait d'agir à l'encontre d'une personne sans titre de séjour qui se trouvait vraisemblablement en prison n'était pas une démarche judiciaire raisonnable, puisqu'il y avait peu d'espoir d'obtenir le recouvrement d'une éventuelle créance résultant d'un jugement condamnatoire prononcé contre cette personne, qui était vraisemblablement sans ressources financières. Dans cette affaire, la personne contre laquelle une action en paiement était envisagée avait été condamnée à une peine privative de liberté et son expulsion du territoire suisse avait été prononcée pour une durée de cinq ans par les autorités pénales (DAAJ/122/2023).

Par ailleurs, le bénéfice de l'aide étatique a été refusé à une justiciable qui souhaitait recourir contre le montant de l'indemnité équitable (art. 124e al. 1 CC) qui lui avait été allouée dans le cadre du divorce, au motif que le recouvrement de la créance en paiement de l'indemnité se heurterait à l'endettement important de l'ex-époux, compte tenu des actes de défaut de biens qui lui avaient déjà été délivrés, à hauteur de 67'000 fr., augmentés de 22'000 fr. d'impôts impayés (DAAJ/24/2024).

En revanche, l'assistance juridique a été accordée pour le recouvrement d'une créance de quelques 8'000 fr. à l'encontre d'un débiteur a priori insolvable (un extrait du registre des poursuites de la partie adverse du requérant faisait état de poursuites – en sus de celles requises par la personne demandant l'aide étatique – totalisant 791 fr. 65 et des actes de défaut de biens pour 881 fr. 20), même si les possibilités de recouvrement de la somme en jeu paraissaient limitées (DAAJ/83/2022).

3.2. En l'espèce, les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'examiner si la décision de l'autorité de première instance est fondée. En effet, aucun extrait du Registre des poursuites n'a été fourni, de sorte que la situation financière de D______ ne peut pas être examinée. La seule circonstance que le recourant ait mentionné qu'il détenait un acte de défaut de biens à son encontre, pour un montant indéterminé, ne suffit pas pour statuer sur les chances de recouvrement d'une éventuelle créance contre la précitée. Au demeurant, il résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'un extrait du registre des poursuites ne renseigne que sur les dettes et non sur les revenus (arrêt du Tribunal fédéral 5D_114/2012 du 4 octobre 2012 consid. 2.3.2), et que l'existence d'actes de défaut de biens après saisie ne signifie pas pour autant qu'un débiteur est dans le besoin (arrêt du Tribunal fédéral 5A_181/2019 du 27 mai 2019 consid. 3.4).

Dans la mesure où aucun élément concret ne permet de retenir qu'un justiciable raisonnable renoncerait à entreprendre des démarches à l'encontre de la précitée s'il devait les financer de ses propres deniers, la décision entreprise sera annulée et la cause renvoyée à l'autorité de première instance pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur la question des chances de succès. Le recourant devra également être invité à indiquer l'état de ses discussions amiables avec sa partie adverse, puisqu'il avait précédemment annoncé que celles-ci étaient "à bout touchant".

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, l'État de Genève sera condamné à verser au recourant 400 fr. à titre de dépens (ATF 140 III 501 consid. 4).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er juillet 2024 par A______ contre la décision rendue le 14 juin 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/711/2024.

Au fond :

Annule la décision entreprise et cela fait:

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.