Décisions | Chambre civile
ACJC/1152/2025 du 29.08.2025 ( IUS ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/6471/2025 ACJC/1152/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 29 AOÛT 2025 | ||
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], requérante sur mesures provisionnelles, représentée par Me Romanos SKANDAMIS, avocat, SKANDAMIS AVOCATS SA, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,
et
B______, sise ______ [ZH], intimée, représentée par Me Louis BURRUS, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1.
A. a. A______ SA (anciennement C______ SA) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but toute activité en rapport avec l'ingénierie patrimoniale, fiscale et financière ainsi que toute activité de fiducie en particulier la création et l'administration de trusts de droit étranger.
Elle est un établissement financier au sens de la LEFin, autorisé par la FINMA par décision du 17 juillet 2024, assujetti à la surveillance de l'Organisme de surveillance des intermédiaires financiers de la FINMA.
Elle allègue employer 21 collaborateurs et réaliser un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 4'900'000 fr.
b. B______ (ci-après B______) est une société anonyme, inscrite au Registre du commerce zurichois, qui a pour but l'exploitation d'une banque.
Elle est autorisée en tant que banque par la FINMA; elle fait partie du groupe B______. A compter du 1er juillet 2024, elle a fusionné avec D______.
c. A______ SA a allégué, dans sa requête, avoir noué, à une date non spécifiée, une relation bancaire 1______ (comportant des comptes en francs suisses, euros, dollars américains et livres sterling) avec une succursale genevoise de D______, la relation bancaire étant "encore tenue par des conseillers sis dans les établissements genevois de B______". Elle n'a pas produit de pièce en lien avec cette ouverture de compte. Elle a allégué que le compte était destiné à la perception de ses honoraires et au paiement de salaires entre autres paiements.
Dans sa réponse, B______ a admis l'existence de ladite relation bancaire. Elle a contesté que celle-ci ait été nouée avec une succursale genevoise de D______, alléguant que cela s'était produit avec une agence de D______ à E______ (Berne), laquelle avait poursuivi la gestion. Elle a offert en preuve de son allégué un courrier, daté à Berne du 12 avril 2018, portant l'entête du "Business Center" de D______ à [code postal] Berne, adressé à C______ SA, portant sur les "documents nécessaires lors de l'ouverture d'une relation bancaire", et transmettant notamment le "contrat de base" à faire signer "par les organes suprêmes de la société, conformément à l'inscription au registre du commerce".
Elle a produit les conditions générales de D______ (version 2023), qui comprennent notamment la clause suivante (art. 18): "Toutes les relations juridiques du client avec la Banque sont soumises au droit suisse. Le for exclusif pour toute procédure est à Zurich ou au lieu de la succursale suisse avec laquelle la relation contractuelle a été établie, ou au siège ou domicile de la partie défenderesse. Sont réservés les fors obligatoires".
Dans ses déterminations subséquentes, A______ SA n'a pas contesté avoir été en contact, avant l'ouverture du compte, avec un collaborateur de D______ à Berne. Elle a allégué, au titre de faits nouveaux, que le contrat qu'elle avait signé mentionnait une succursale genevoise de D______, et que la vérification de signatures des personnes autorisées s'était faite à Genève. Elle a nouvellement produit ce "contrat de base pour la clientèle entreprises" (signé le 16 avril 2018) lequel porte l'entête "D______ rue 2______ no. ______, [code postal] Genève", et comporte une clause ainsi rédigée (art. X): "Le for exclusif pour toute procédure est à Zurich ou au lieu de la succursale suisse avec laquelle la relation contractuelle a été établie, ou au siège ou domicile de la partie défenderesse. Sont réservés les fors obligatoires". Elle a aussi nouvellement versé un contrat cadre "demande de paquet business easy", portant le même entête, qu'elle avait signé le 16 avril 2018, lequel comprend une clause (art. 9) ainsi rédigée: "Le client entreprise reconnaît que le for exclusif de toute procédure qui découle de la présente convention est Zurich ou – en dérogation à ce principe – le lieu mentionné dans l'adresse de la Banque […]".
d. Par courrier, établi à Berne le 19 février 2025 et adressé à C______ SA, B______ a dénoncé la relation d'affaires 1______ pour le 19 mars 2025, et requis de la précitée qu'elle lui communique des instructions jusqu'au 18 mars 2025 pour le virement, auprès d'un autre établissement, du solde des fonds, après déduction de ses frais. Au 18 février 2025, les soldes des comptes étaient de 15'150 fr., 3'000 dollars américains, 50 livres sterling, le solde du compte en euros étant nul.
A______ SA affirme qu'elle n'est en rien concernée par des "problématiques juridiques et/ou réputationnelles telles que ses sanctions". Elle allègue que B______ prendrait pour cible le groupe A______ auquel elle appartient, ce qui se serait manifesté par la résiliation de la relation d'affaires, en 2020, d'une autre entité dudit groupe, et, en janvier 2025 d'une entité tierce avec laquelle elle entretient des liens d'affaires (et dont la direction comprend certains de ses propres organes), d'un refus d'octroi de procuration de son administratrice et directrice générale sur un compte personnel d'un client, ainsi que du refus de l'ouverture d'un compte pour une structure de l'un de ses clients (ledit client lui ayant rapporté que la banque la considérait comme "unwanted business relationship").
B______ conteste ces allégués.
Elle allègue que les recherches qu'elle a menées lui ont permis de constater que le groupe A______ était mentionné dans plusieurs articles relatifs aux Panama Papers, et que des entités du groupe semblaient apparaître dans des investigations de la Financial Services Commission de l'île Maurice et dans l'administration de sociétés liées à un ancien président du Yémen faisant l'objet de sanctions internationales ou liées à des membres de la famille dudit, pièces à l'appui.
A______ SA conteste ce qui précède, qui serait notamment relatif selon elle à des entités n'appartenant pas au groupe A______.
e. A______ SA allègue ne pas être partie à une autre relation bancaire, de telle sorte qu'elle serait dépendante de B______ pour ses opérations bancaires, étant une entreprise ayant des besoins spécifiques en particulier pour les services du trafic de paiements internationaux. Elle serait ainsi fréquemment amenée à recevoir et effectuer des virements internationaux du fait de son activité (trusts étrangers dont elle est trustee et sociétés offshore qu'elle constitue et administre pour le compte de ses clients).
Elle allègue être titulaire d'autres relations bancaires dans cet établissement en sa qualité de trustee de trusts (avoirs déposés s'élevant à environ 400'000'000 fr., un montant supplémentaire de l'ordre de 300'000'000 fr. étant déposé auprès d'entités du groupe B______ au Royaume-Uni).
Elle allègue avoir tenté d'ouvrir un compte auprès d'autres entités (F______, G______, H______, I______, J______, K______ notamment), en vain.
Elle a produit à cet égard des demandes d'ouverture(s) de compte commercial formées au nom de l'un des membres de sa direction, auprès des établissements précités (à l'exception du dernier), effectuées entre octobre 2022 et le 20 février 2025.
Les pièces offertes en preuve à l'appui de l'allégué ne portent que sur des démarches préliminaires, étant précisé que seule J______ a évoqué ne pas ouvrir de compte d'entreprise pour un simple trafic de paiements.
Dans ses déterminations subséquentes, A______ SA a encore allégué avoir tenté d'ouvrir un compte auprès de L______ le 7 février 2025, et avoir contacté M______ et N______ le 19 mai 2025. Les précitées avaient exprimé un refus en raison de l'activité de A______ SA.
B. a. Le 18 mars 2025, A______ SA a saisi la Cour de justice d'une requête de mesures provisionnelles par laquelle elle a conclu à ce que B______ soit condamnée à maintenir (subsidiairement à rétablir) son contrat avec elle portant sur la relation d'affaires 1______ jusqu'à droit connu au fond, et à ce qu'il soit dit que B______ l'autorise à opérer ladite relation d'affaires sans aucun obstacle jusqu'à droit connu sur le fond, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, sous suite de frais et dépens.
Elle a fondé ses conclusions sur la LCart ainsi que sur l'art. 28 CC, reprochant à B______ de refuser de façon illicite d'entretenir des relations d'affaires avec elle, sans indication de motifs objectivement justifiés pour expliquer son refus. Elle soutient que la précitée occuperait une position dominante, depuis l'acquisition de D______, comme retenu, selon elle, dans un rapport de la Commission de la concurrence (COMCO) du 25 septembre 2023, s'agissant du trafic des paiements internationaux.
Elle a formé les mêmes conclusions à titre superprovisionnel, lesquelles ont été rejetées par arrêt de la Cour du 19 mars 2025.
b. B______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement au rejet de celle-ci, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elle a notamment fait valoir que les instances judiciaires genevoises ne seraient pas compétentes ratione loci pour connaître de la requête. Elle a réfuté la lecture avancée par A______ SA du rapport de la COMCO du 25 septembre 2023, soutenant que, dans le marché des services bancaires généraux aux entreprises, la COMCO avait considéré que la concurrence efficace n'était pas supprimée (parts de marché de 37%), et que, dans le marché du corporate banking relatif aux grandes entreprises et entreprises ayant des besoins spécifiques, il y avait un risque de position puissante (parts de marché de 34% en 2023). Elle s'est en outre référée à une décision du 21 mai 2024 de la FINMA.
Dans cette décision, le marché du corporate banking en général n'a pas été abordé. Il a notamment été retenu que en, ce qui concerne le corporate banking pour les grandes entreprises et les entreprises ayant des besoins spécifiques, aucune circonstance particulière ne justifiait de retenir une position dominante de B______ au vu de la faible part de marché de 34%. Il n'y avait pas de création ou de renforcement d'une position dominante de B______ dans les paiements internationaux.
Le communiqué de presse de la FINMA, daté du 19 juin 2024, résume la décision précitée notamment en ces termes: "Dans sa procédure d'examen, la FINMA conclut que le regroupement de B______ avec D______ ne supprime une concurrence efficace dans aucun segment du marché, même si B______ a pu renforcer sa position de marché dans certains segments partiels. Par conséquent, les conditions légales de l'examen des fusions pour une intervention ne sont pas remplies et la FINMA a clos la procédure sans conditions, charges ou autres examens".
c. Le 24 avril 2025, la Cour a fait parvenir la réponse de B______ à A______ SA en lui impartissant un délai de dix jours pour déposer d'éventuelles déterminations, en application de l'art. 53 al. 3 CPC.
Le 29 avril 2025, A______ SA a requis que soit ordonné un second échange d'écritures, subsidiairement la convocation d'une audience, en raison des "arguments et des faits qui ne pouvaient pas être anticipés" contenus dans la réponse de B______, puis, le 7 mai 2025, la prolongation du délai pour se déterminer.
Le 8 mai 2025, la Cour a prolongé ledit délai (prolongé derechef le 13 mai 2025) et informé A______ SA qu'elle ne donnerait pour le surplus pas suite à sa requête, compte tenu du caractère sommaire de la procédure.
d. A______ SA a déposé des "déterminations et novas", persistant dans ses conclusions. Elle a formulé des allégués nouveaux (96 à 111 liés au lieu d'établissement du compte; 112 à 157 consacrés aux motifs de résiliation évoqués par B______, à la décision de la FINMA du 21 mai 2024 et au trafic de paiement international; 158 à 161 consacrés aux relevés de comptes; 162 à 172 consacrés au dommage réputationnel; 173 à 174 à la requête de sûretés; 171 à 177 [numérotation à double pour les chiffres 171 à 174]) et déposé des pièces nouvelles (notamment 64, correspondant à la pièce 32 initiale, mais caviardée différemment, et 73, soit un courriel daté du 5 février 2025 qu'elle avait reçu de l'adresse noreply@L______.ch sous l'objet "confirmation de rendez-vous sur le thème de "Paiements et épargne"). Elle a en particulier soutenu que la décision de la FINMA précitée ne mettait pas en cause "les éléments factuels mis en avant par la COMCO plaidant pour l'existence d'une position dominante".
B______ a conclu à l'irrecevabilité des déterminations précitées, subsidiairement à l'irrecevabilité des allégués 158 à 161, 173 et 174 [première numérotation] desdites déterminations, ainsi que des pièces 64 et 73, et persisté dans ses conclusions.
e. Par avis du 25 juillet 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1. Le juge examine d'office sa compétence à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC).
1.1.1 Selon l'art. 13 CPC, sauf disposition contraire de la loi, est impérativement compétent pour ordonner des mesures provisionnelles: a. le tribunal compétent pour statuer sur l'action principale, b. le tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée.
L'art. 36 CPC prévoit que le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite.
Des mesures provisionnelles fondées sur une restriction illicite de la concurrence peuvent être requises tant aux fors prévus par l'art. 36 CPC qu'au lieu d'exécution des mesures provisionnelles (reymond, in Commentaire romand - Droit de la concurrence, tercier/bovet [éd.], 2ème éd. Bâle 2013, n. 241, 242 ad rem. liminaires à l'art. 12 LCart).
L'art. 17 al. 1 CPC prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d'un for pour le règlement d'un différend présent ou à venir résultant d'un rapport de droit déterminé. Sauf disposition conventionnelle contraire, l'action ne peut être intentée que devant le for élu.
Une clause de prorogation de for (art. 17 CPC) doit se référer à un rapport de droit déterminé. Lorsqu'une telle clause désigne tous les litiges afférents au contrat dans lequel elle se trouve, elle vise en premier lieu les prétentions fondées sur ce contrat, mais également les prétentions résultant d'actes illicites, lorsque ces actes constituent simultanément une violation du contrat ou qu'il existe un rapport entre eux et l'objet de ce dernier (ATF 147 III 153 consid. 5.1).
1.1.2 Selon l'art. 5 CPC, le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relevant du droit des cartels (art. 5 al. 1 let. b CPC).
Conformément à l'art. 120 al. 1 let. a LOJ, la chambre civile de la Cour de justice connaît en instance cantonale unique des affaires civiles ressortissant à l'art. 5 CPC.
1.2 Selon la jurisprudence, même lorsque le procès au fond est régi par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité de la demande est soumis à la maxime inquisitoire simple en vertu de l'art. 60 CPC (ATF 139 III 278 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_95/2023 du 12 décembre 2023 consid. 4.1.1; 4A_165/2021 du 22 janvier 2022 consid. 3.2.3; 4A_100/2016 consid. 2.1). Selon cette dernière maxime, le tribunal doit admettre les faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations, conformément à l'art. 229 al. 3 CPC. Doivent ainsi être admis les faits et moyens de preuve nouveaux - qu'il s'agisse de faux faits nouveaux ou de vrais faits nouveaux - en tout temps et sans condition jusqu'au début des délibérations de première instance (ATF 138 III 788 consid. 4.2). La règle de l'art. 229 al. 1 et 2 CPC qui ne donne aux parties le droit de s'exprimer librement que deux fois (ATF 146 III 55 consid. 2.3; 144 III 117 consid. 2.2) n'est pas applicable aux conditions de recevabilité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_165/2021 précité consid. 3.2.3). L'obligation faite au tribunal d'examiner d'office les conditions de recevabilité ne signifie toutefois pas qu'il doive rechercher lui-même les faits justifiant la recevabilité de la demande. L'examen d'office ne dispense pas les parties de collaborer à l'établissement des faits, en alléguant ceux qui sont pertinents et en indiquant les moyens de preuve propres à les établir (ATF 144 III 552 consid. 4.1.3; 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_95/2023 précité consid. 4.1.1; 4A_165/2021 précité consid. 3.2.2).
Le devoir du tribunal de rechercher les faits ou d'en tenir compte d'office ne concerne que les circonstances qui font obstacle à la recevabilité de la demande et peuvent justifier une non-entrée en matière, ceci afin d'éviter qu'un jugement au fond n'intervienne alors que la demande était irrecevable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_94/2020 du 12 décembre 2020 consid. 4.3; 4A_427/2018 du 14 septembre 2018 consid. 4; 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4.2). Le juge n'est toutefois pas tenu de procéder à des investigations étendues (ATF 139 III 278 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4.2; 4A_100/2016 du 13 juillet 2016 consid. 2.1.1, non publié dans l'ATF 142 III 515). L'examen d'office ne doit donc intervenir que dans ces circonstances. Il n'y a ainsi pas lieu en appel, sous réserve de l'art. 317 al. 1 CPC, de prendre en compte des faits ou des preuves qui servent à affirmer une condition de recevabilité, qui n'ont pas été déposés en première instance par un demandeur négligent. Permettre au demandeur d'attendre jusqu'au stade d'une éventuelle procédure de recours pour alléguer et prouver les faits qui sous-tendent la recevabilité de sa demande contredirait le principe selon lequel l'examen de toutes les conditions de recevabilité doit intervenir aussitôt que possible
(ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2017 précité consid. 3.4.3).
Le nouvel art. 317 al. 1bis CPC entré en vigueur le 1er janvier 2025 n'y change rien. Celui-ci s'applique lorsque le tribunal examine les faits d'office, soit lorsque la maxime inquisitoire illimitée s'applique et non la maxime inquisitoire simple (dite parfois atténuée ou sociale), applicable à l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité de la demande (Message du 26 février 2020 relatif à la modification du code de procédure civile suisse, FF 2020 p. 2680) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2024 du 7 mai 2025 consid. 3.1.2., destiné à la publication).
1.3 En l'espèce, les faits nouveaux et les pièces nouvelles qui ont trait à la détermination de la compétence à raison du lieu sont recevables.
La requête est fondée sur des dispositions de la LCart, et avance une valeur litigieuse de 100'000 fr., laquelle n'est pas contestée par la citée, de sorte que la cause serait de la compétence de la Cour à la condition que le for soit à Genève.
La requérante se prévaut d'un tel for, en faisant valoir qu'elle aurait conclu sa relation avec la citée auprès d'une succursale genevoise de D______, ce qui y créerait un for par élection au vu des conditions générales de la banque.
La citée soutient que la relation se serait nouée avec une succursale du canton de Berne, si bien que les conditions générales, prévoyant une élection de for s'appliquant également en cas d'acte illicite, conduiraient à désigner un for bernois; le for du lieu où la mesure devrait être exécutée serait à Zurich, compte tenu de son siège. En tout état, il n'y aurait donc pas de for à Genève.
Dans ses déterminations subséquentes, la requérante persiste à affirmer avoir traité avec une succursale genevoise.
Il apparaît que tant le contrat de base que le contrat-cadre liant les parties portent l'entête de la succursale genevoise de la banque, et comportent chacun une clause d'élection de for, "au lieu de la succursale suisse avec laquelle la relation contractuelle a été établie", et "au lieu mentionné dans l'adresse de la banque" respectivement. Dans ces circonstances, même si les contacts précontractuels et la gestion de la relation ont apparemment eu lieu avec et par une entité sise dans le canton de Berne, l'établissement de la relation contractuelle s'est produit à Genève, la citée devant se laisser opposer la documentation qu'elle a elle-même établie pour la soumettre à la requérante.
Cela observé, il y a lieu de retenir que les clauses susmentionnées sont rédigées de manière générale, et que la requérante ne fait pas valoir que les actes illicites dénoncés constitueraient simultanément une violation du contrat. Dès lors, contrairement à ce que soutient la citée, le for spécial prévu par l'art. 36 CPC est ouvert.
Au vu de ce qui précède, les tribunaux genevois sont compétents à raison du lieu pour connaître de la requête.
2. Outre les faits nouveaux relatifs à la recevabilité de la requête, la requérante a articulé d'autres faits nouveaux.
Ceux qui relèvent des motifs de la résiliation (que la requérante ne pouvait anticiper), et les faits qui se sont produits après le dépôt de la requête sont recevables (cf art. 229 al. 1 et 2 CPC). En revanche, sont irrecevables les compléments liés aux relevés bancaires produits initialement et la pièce 64 (correspondant à la pièce 32 initiale, mais caviardée différemment).
3. La requérante affirme que la citée occupe une position dominante dans le marché qui concerne son activité, que cette dernière refuse illicitement d'entretenir une relation d'affaires avec elle, qu'elle subit ainsi une atteinte à ses droits et risque un préjudice difficilement réparable.
3.1 Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). Il peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite (art. 262 let. a et b CPC).
L'autorité judiciaire qui se prononce sur des mesures provisionnelles peut se limiter à la simple vraisemblance des faits après une administration limitée des preuves, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3).
Les conditions au prononcé de mesures provisionnelles sont : l'existence d'une prétention relevant du droit civil, une menace d'un danger imminent contre cette prétention, qui causerait un préjudice difficilement réparable, l'urgence et la proportionnalité (Sprecher, Basler Kommentar - ZPO, 4ème éd. 2024, n. 10ad art. 261 CPC).
L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4; 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, Commentaire romand, 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC). Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1). Il suffit que la partie requérante risque un préjudice difficilement réparable; il n'est pas nécessaire que ce préjudice soit plus important ou plus vraisemblable que celui qu'encourrait la partie adverse au cas où les mesures requises seraient ordonnées (ATF 139 III 86, consid. 5).
La mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, par quoi on entend qu'elle doit être adaptée aux circonstances de l'espèce et ne pas aller au-delà de ce qu'exige le but poursuivi. Les mesures les moins incisives doivent avoir la préférence. La mesure doit également se révéler nécessaire, soit indispensable pour atteindre le but recherché, toute autre mesure ou action judiciaire ne permettant pas de sauvegarder les droits du requérant (Message du Conseil fédéral, FF 2006 p. 6962; arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
3.2 Selon les art. 12 al. 1 let. a et 13 let. b LCart, celui qu'une pratique illicite entrave dans l'accès à la concurrence peut demander en justice la suppression ou la cessation de l'entrave (art. 12 let. a); il peut notamment réclamer que l'adverse partie soit condamnée à conclure avec lui des contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche (art. 13 let. b).
Pour assurer la suppression ou la cessation de l'entrave, le juge peut, à la requête du demandeur, prononcer notamment la nullité des contrats en tout ou en partie (art. 13 let. a LCart), ou condamner celui qui est à l'origine de l'entrave à la concurrence de conclure avec celui qui la subit, des contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche (art. 13 let. b LCart).
En présence d'un refus d'entretenir des relations, de discriminations de partenaires commerciaux ou de conditions contractuelles inéquitables, le juge peut ordonner de conclure (ou de continuer à exécuter) un contrat à des prix et à des conditions commerciales équitables ou respectant l'égalité entre ses différents cocontractants (reymond, op. cit., n. 36 ad art. 13 LCart).
3.3 Selon l'art. 7 al. 1 LCart, les pratiques d'entreprises ayant une position dominante sont réputées illicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l'accès d'autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent les partenaires commerciaux.
Les pratiques visées à l'art. 7 al. 1 LCart ne sont interdites par cette disposition qu'aux entreprises occupant une position dominante.
D'après la définition consacrée par l'art. 4 al. 2 LCart, il y a position dominante lorsqu'une entreprise est à même, en matière d'offre ou de demande, de se comporter de manière essentiellement indépendante par rapport aux autres participants au marché - concurrents, fournisseurs ou acheteurs.
L'aptitude d'une entreprise à se comporter de manière essentiellement indépendante s'apprécie par rapport au marché matériellement et géographiquement déterminant (ATF 139 I 72 consid. 9; 129 II 497 consid. 6.3.1), de sorte qu'il est nécessaire de délimiter ce marché (ATF 139 II 316 consid. 5).
Une entreprise occupe une position dominante, parmi d'autres hypothèses, lorsqu'elle détient la totalité du marché déterminant et qu'elle n'est exposée à aucune concurrence parce que des circonstances de fait ou de droit rendent improbable l'irruption d'une autre entreprise sur ce marché; que conformément à la théorie de l'"essential facility" désormais consacrée aussi en droit suisse, la position dominante peut résulter de ce que l'entreprise dispose de droits exclusifs sur une installation, une infrastructure ou un équipement indispensable et qu'il n'existe pas de substitut réel ni potentiel (ATF 139 II 316 consid. 6.1 et références citées).
Selon l'art. 7 al. 2 let. a et let. b LCart, le refus d'entretenir des relations commerciales et la discrimination de partenaires commerciaux en matière de prix ou d'autres conditions commerciales s'inscrivent dans les pratiques éventuellement abusives visées par l'art. 7 al. 1 LCart.
L'entreprise en position dominante se comporte de manière abusive lorsqu'elle dispose seule des équipements ou installations indispensables à la fourniture d'une prestation, qu'il n'existe pas de concurrence sur le marché de cette prestation, que l'entreprise refuse sans raison objective de mettre l'infrastructure aussi à la disposition d'un concurrent potentiel et que celui-ci n'a aucune solution de remplacement (ATF 139 II 316 consid. 7; 129 II 497 consid. 6.5.1 et 6.5.3);
La preuve d'une intention de l'entreprise dominante d'exploiter ses partenaires commerciaux ou d'écarter ses concurrents actuels ou potentiels facilite à l'évidence la preuve du comportement abusif (clerc, Commentaire romand – Droit de la concurrence, op. cit., n. 66 ad art. 7 LCart).
Une telle preuve peut résulter des indices et circonstances du cas d'espèce (clerc, op. cit., ibidem);
Un refus d'entrer en relations commerciales n'est pas abusif, et échappe ainsi à la censure de l'art. 7 al. 1 LCart, s'il répond à une justification objective
(ATF 139 II 316 consid. 8).
3.4 En l'espèce, la requérante se fonde sur le rapport de la COMCO pour soutenir que la citée occuperait une position dominante dans le marché des paiements internationaux. La citée objecte que le marché pertinent, peu précisément caractérisé par la requérante, ne serait en tout état pas l'objet d'une position dominante de sa part, s'agissant de services ordinaires offerts aux entreprises n'ayant pas de besoins spécifiques, ledit rapport retenant que les limites en termes de part de marché ne seraient pas acquises. Elle se réfère aux conclusions de la FINMA.
Au vu des actes des deux autorités susmentionnées, singulièrement de la décision de la FINMA, sous l'angle de la vraisemblance, il n'apparaît pas que la citée occuperait une position dominante. La conclusion exprimée dans le communiqué de presse publié par cette dernière autorité est particulièrement claire à cet égard, en ce sens qu'il n'est résulté aucune suppression de concurrence efficace dans aucun segment de marché, du fait de la reprise par la citée de D______.
La requérante ne rend au demeurant pas non plus vraisemblable qu'elle appartiendrait au marché des entreprises ayant des besoins spécifiques, soit dépassant les services relevant du corporate banking ordinaire. A cet égard, les soldes des comptes ouverts auprès de la citée, tels qu'arrêtés au 18 février 2025, ne semblent guère en adéquation avec l'activité alléguée, en tant qu'ils révèlent l'encaissement d'honoraires, le versement de salaires et le règlement de charges, y compris avec des paiements internationaux.
Par ailleurs, les développements de la citée sur les raisons de la décision de mettre fin aux relations contractuelles rendent vraisemblable qu'en tout état, des motifs justificatifs existeraient, quelles que soient les dénégations de la requérante, et qu'en conséquence l'art. 7 al. 1 let. a LCart trouverait application. Le corollaire de ce qui précède est qu'il n'est pas non plus rendu vraisemblable de droit dérivant de l'obligation de contracter. Pour le surplus, il n'appartient pas à la Cour d'examiner, dans le cadre de la présente procédure, l'opportunité de la décision de la citée à l'égard de la requérante.
Ainsi, la requérante ne rend pas vraisemblable qu'elle disposerait de prétentions relevant de la LCart, pas plus que de l'art. 28 CC.
Enfin, elle a eu connaissance par le courrier du 19 février 2025 de ce que la citée mettrait fin aux relations contractuelles au 19 mars suivant; elle a attendu la veille de cette échéance pour déposer sa requête, alors qu'elle n'a pas rendu vraisemblable dans celle-ci qu'elle aurait effectué des démarches depuis le 20 février 2025 ni n'a requis de prolongation des rapports avec sa contractante. La condition de l'urgence, qui sous-tend toutes conclusions prises à titre provisionnel, n'était ainsi pas réalisée dès le dépôt de la requête, étant relevé que le principe de la résiliation n'a pas fait l'objet d'un revirement de la citée, seule la prise d'effet de cette décision étant repoussée à une date ultérieure.
Compte tenu de ce qui précède, la requérante aurait eu le temps de prendre les mesures utiles à la sauvegarde de ses intérêts, notamment, le cas échéant, par l'introduction d'une procédure ordinaire au fond. En outre, il apparaît, au vu des pièces produites à l'appui de sa réplique, que ses démarches en vue de trouver de nouveaux partenaires bancaires, sont, pour certaines, postérieures au prononcé de l'ordonnance de mesures superprovisionnelles. Enfin, sous l'angle de la proportionnalité, la balance des intérêts en présence penche en faveur de la citée, dont l'intérêt à mener ses relations d'affaires conformément aux prescriptions légales en vigueur doit primer.
En définitive, au vu de ce qui précède, la requête sera rejetée.
4. La requérante, qui succombe, supportera les frais judiciaires de la procédure (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'500 fr. (art. 17, 26 RTFMC), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève.
Elle versera en outre à la citée 2'000 fr. à titre de dépens (art. 84, 85 RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable la requête de mesures provisionnelles formées par A______ SA contre B______.
Au fond :
La rejette.
Déboute les parties de toute autre conclusion.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______ SA.
Condamne A______ SA à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens.
Siégeant :
Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Pauline ERARD, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
| La présidente : Sylvie DROIN |
| La greffière : Sophie MARTINEZ |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.